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mercredi 25 juin 2025

« La Collection Nahmad. De Monet à Picasso »

Le musée des impressionnismes Giverny présente l’exposition « La Collection Nahmad. De Monet à Picasso ». 
« Une sélection d’une des collections privées les plus prestigieuses au monde », celle de la famille juive monégasque Nahmad originaire d'Alep (Syrie). « De Monet à Picasso, de Degas à Renoir, une soixantaine d’œuvres des plus grands noms de l’histoire de l’art de la fin du XIXe et du début du XXe siècle ». 

« L’atelier en plein air. Les Impressionnistes en Normandie
Le monde d'Albert Kahn. La fin d'une époque
Paul Rosenberg (1881-1959)
« Une élite parisienne. Les familles de la grande bourgeoisie juive (1870-1939) » par Cyril Grange

Les Nahmad, une famille de collectionneurs 
La famille juive Nahmad est originaire d'Alep (Syrie). La patriarche, Hillel Nahmad, était un banquier sépharade. A la suite du pogrom en 1947, il se réfugie, avec sa famille à Beyrouth (Liban).

De nouveau, quand la situation des juifs devient délicate, Hillel Nahmad et ses trois fils, Joseph (Giuseppe), Ezra et David, s'installent au début des années 1960 à Milan (Italie). Ils s'intéressent à l'art et ouvrent la galerie Helly Nahmad, sur l'avenue Madison, près d'un palace pour attirer la clientèle huppée, amateure d'art. Curieusement, la judéité de ces collectionneurs est occultée dans le dossier de presse.

« Parfois présenté comme « l’homme aux milliers de tableaux », le marchand d’art David Nahmad est l’un des plus grands collectionneurs au monde. »

« En 1959, Joseph Nahmad, dit « Joe », l’un des frères de David Nahmad, achète un premier tableau de René Magritte, La Légende des siècles. Sa collection, qui a commencé à se constituer dans les années 1950, regroupe déjà des tableaux, des meubles anciens et des antiquités. Elle comptera aussi des œuvres d’artistes italiens comme Lucio Fontana et Giorgio de Chirico, mais aussi Paul Gauguin. »

« Dans les années 1960, David Nahmad commence à assister son frère au cours de ventes aux enchères à Paris et à Londres. Tous deux ouvrent avec leur frère Ezra une galerie d’art à Milan, la Galleria Internazionale. »

« Lors d’un voyage à Paris, en 1969, les frères Nahmad rencontrent le marchand Daniel-Henry Kahnweiler, qui se montre admiratif de leur enthousiasme et de leur audace. Une relation commerciale et amicale s’établit alors entre le marchand parisien et les frères Nahmad, qui proposeront désormais à la vente dans leur galerie des œuvres cubistes, en particulier de Picasso, Braque, Léger et Gris. À la même époque, ils font la connaissance du collectionneur et marchand Aimé Maeght, auprès de qui ils achèteront des œuvres de Giacometti, Chagall, Miró et Kandinsky. Leur collection se développera au fil des années grâce à des ventes et à des achats successifs. »

« David Nahmad est bien plus qu’un collectionneur : il est un passeur de beauté. Depuis les années 1960, il a constitué avec son frère Ezra un ensemble d’œuvres unique, porté par une passion sincère et un respect profond pour les artistes qu’il admire. Contrairement à bien des collectionneurs, souvent jaloux de leurs trésors, David Nahmad et sa famille ouvrent généreusement les portes de leur univers. Leurs chefs-d’œuvre voyagent à travers le monde, et les institutions françaises ont souvent eu le privilège de les accueillir. »

« Au cœur de cette collection foisonnante bat une passion indéfectible pour l’art moderne, avec Pablo Picasso comme figure tutélaire. Le maître espagnol, avec sa liberté d’esprit et son génie renouvelé, inspire David Nahmad dans sa quête des œuvres les plus rares et les plus puissantes. »

« Mais d’autres grands noms résonnent dans cet ensemble, tels que ceux d’Henri Matisse ou de Claude Monet. »

Parcours de l'exposition
« Pour cette exposition au musée des impressionnismes Giverny, un parcours inédit a été imaginé autour du mouvement impressionniste, mêlant chefs-d’œuvre connus et d’autres plus surprenants. »

« Après une introduction autour des précurseurs Eugène Delacroix et Jean-Baptiste-Camille Corot, c’est Alfred Sisley, figure trop souvent reléguée au second plan, qui occupe ici une place de choix. Ses paysages lumineux de la Seine et du Loing témoignent de l’importance de son rôle dans les débuts de l’impressionnisme. »

« Camille Pissarro, peintre des humbles, dévoile quant à lui des scènes empreintes de poésie où paysans et travailleurs prennent vie ».

« Edgar Degas, de son côté, invite à contempler danseuses et baigneuses dans des pastels vibrants, tandis que ses sculptures de chevaux révèlent une autre facette de son talent. »

« Pierre-Auguste Renoir, maître des tendres portraits féminins, séduit par la chaleur et l’humanité qui émanent de ses toiles. Une rare série de portraits de son neveu Edmond, exposée ici, témoigne de son goût pour les liens familiaux. »

« Claude Monet, figure centrale de l’exposition, incarne l’âme de l’impressionnisme et son évolution vers la modernité. Des paysages d’Argenteuil aux mythiques Nymphéas, en passant par ses voyages dans le .ord norvégien, ses toiles capturent une lumière et une émotion qui transcendent leur époque. »

« Les racines italiennes des Nahmad s’expriment dans des œuvres fascinantes du XIXe siècle italien, comme les portraits élégants de Giovanni Boldini, les scènes militaires peintes par le macchiaioli Giovanni Fattori ou encore la touche impressionniste de Federico Zandomeneghi. Mais la collection sait aussi surprendre, dévoilant un intérêt marqué pour le symbolisme, avec les œuvres oniriques de Gustave Moreau ou d’Odilon Redon. Ces toiles, entre rêve et mystère, annoncent à leur manière les révolutions esthétiques du siècle suivant. »

« L’exposition s’achève par les figures emblématiques d’Amedeo Modigliani, d’Henri Matisse et bien sûr de Pablo Picasso. »

« À travers cette sélection rare et précieuse, la collection Nahmad et le musée des impressionnismes Giverny nous invitent à une célébration de l’art, où chaque oeuvre est une fenêtre ouverte sur l’histoire et l’émotion. Un voyage qui promet d’émerveiller tous les amateurs de la beauté. »

Le commissariat est assuré par Cyrille Sciama, Directeur général du musée des impressionnismes Giverny, conservateur en chef du patrimoine.

Curieusement, le dossier de presse n’indique pas que la famille Nahmad est juive.

L’impressionnisme 
« La sélection de peintures impressionnistes de la collection Nahmad présentées à Giverny permet de donner un aperçu des enjeux de la représentation du paysage au sein du groupe impressionniste des années 1870 jusqu’à la fin de la décennie 1890, à travers des œuvres d’Alfred Sisley, de Camille Pissarro et de Claude Monet. »

« Ami de jeunesse de Monet, Sisley accompagne le mouvement impressionniste depuis ses débuts, et partage avec ses amis un goût pour la nature et pour le travail sur la lumière, qu’il développe à travers des vues du Loing et de la Seine. Cinq de ses paysages sont exposés à Giverny, aux côtés de deux œuvres de Camille Pissarro. S’il exalte le travail des champs et la vie rurale, ce dernier aime également voyager, notamment à Londres où il rend visite à son fils Lucien. Présentée à Giverny, l’une des œuvres qu’il exécute à Londres est représentative de sa technique dans les années 1890, qui oscille entre le pointillisme et les leçons de l’impressionnisme des années 1870. Il n’est par ailleurs guère étonnant d’admirer autant de peintures majeures de Monet dans la collection Nahmad. Le père de l’impressionnisme a tant inspiré le XXe siècle que le lien avec la modernité paraît naturel. L’ensemble exposé à Giverny permet d’appréhender les aspects essentiels de sa carrière, depuis les années 1870 avec des vues d’Argenteuil, jusqu’à la fin de la décennie 1890 à travers une toile spectaculaire consacrée aux célèbres Nymphéas, en passant par des paysages de neige et de la côte Normande. » 

« La collection Nahmad réunit également des chefs d’oeuvre impressionnistes consacrés aux figures et portraits, et permet de comparer les oeuvres d’Edgar Degas dans les années 1880-1890 et de Pierre-Auguste Renoir autour de 1890-1900, à un moment pour l’un comme pour l’autre où leur art est reconnu, tout en montrant comment un artiste de la génération suivante, Henri de Toulouse-Lautrec, prolonge et revisite les innovations impressionnistes. L’ensemble d’oeuvres de Degas présenté à Giverny rend compte de sa riche production consacrée aux femmes à leur toilette, tout en témoignant aussi de son goût pour les thèmes de la danse, des courses de chevaux et du portrait. On y retrouve aussi un ensemble exceptionnel de portraits de Renoir, illustrant la prédilection de l’artiste pour les figures féminines et les effigies enfantines, desquelles se dégage un profond sentiment d’humanité. » 

Le XIXe siècle italien
« En découvrant la collection Nahmad, peu d’amateurs auraient deviné une présence aussi importante d’œuvres d’artistes italiens du XIXe siècle. »

« La sélection proposée à Giverny permet d’avoir un petit aperçu de la créativité de la Péninsule autour des Macchiaioli (les « tachistes ») dans les années 1870, jusqu’au début du XXe siècle avec Giovanni Boldini, star de son vivant et peintre révéré de l’Europe mondaine. Dans les années 1860, à Florence, un groupe d’artistes adopte le surnom « Macchialioli » comme un emblème – le terme péjoratif devenant symbole de fierté et d’identité, comme le revendiqueront les impressionnistes dix ans plus tard. Leurs touches sont apparentes, conçues comme des taches de couleurs. Ils s’intéressent aux sujets de la vie paysanne, aux scènes de genre, mais aussi aux paysages de Toscane. Leur traitement de la lumière est particulier, lui donnant un éclat spécifique. Surtout, ils sont tous de fervents combattants pour l’unité italienne, inscrits dans le mouvement du Risorgimento qui voit l’affirmation d’une identité nationale. Giovanni Fattori est l’un des plus importants représentants du groupe. À la fin des années 1850, il expérimente ses premières œuvres de macchia, en peignant des soldats français mobilisés le long de l’Arno. Les trois peintures de l’artiste présentées à Giverny sont représentatives de ses recherches formelles, et de sa touche vibrante qui fait merveille pour rendre les éclats de lumière sur le sol ou le ciel. »

« Les liens des artistes italiens avec la France sont nombreux, et bien d’entre eux sont venus rencontrer des peintres français à Paris, devenant leurs amis. C’est le cas de Federico Zandomeneghi, très proche d’Edgar Degas. Son goût le porte vers des sujets féminins, des figures vues dans leur intimité, plongées dans un monde intérieur inaccessible. À cet égard, La Corbeille de géraniums est caractéristique de ses recherches artistiques. La sélection d’œuvres présente aussi un tableau de Giovanni Boldini, immense portraitiste de la fin du XIXe siècle, qui témoigne de son style vibrant et de sa touche virtuose. Ami de Degas, il se détache des Macchiaioli pour présenter un style plus libre, dissolvant le sujet dans des touches diluées. Son extraordinaire Portrait de Signora Diaz Albertini témoigne admirablement de son style tardif. »

Le symbolisme 
« À la fin du XIXe siècle, alors que les peintres impressionnistes imposent sur la scène artistique leur perception de la nature et du monde, émerge un nouveau mouvement pictural, plus attaché à la représentation des idées que de la réalité sensible, plus intéressé par l’imagination et le rêve que par le matérialisme de la société moderne. »

« Au sein de ces deux camps, on connaît le goût de la famille Nahmad pour la peinture impressionniste. »

« Mais il est plus étonnant de trouver, dans la collection, des trésors de la peinture symboliste, un corpus cohérent et choisi d’oeuvres de Gustave Moreau et d’Odilon Redon. Plusieurs oeuvres de Moreau sont réunies au sein de la collection Nahmad, dont neuf sont exposées à Giverny. Elles témoignent aussi bien de son intérêt pour les thèmes mythologiques que de son attrait pour les scènes religieuses. Ses compositions permettent au paysage de se déployer dans des jeux de couleurs et de lumières irréelles, qui confinent au domaine du rêve et de l’imaginaire. La Douleur d’Orphée pousse encore plus loin la liberté dans le traitement de la couleur, caractéristique des aquarelles de Moreau qui annoncent les voies de la peinture moderne, au tournant du XXe siècle. Professeur à l’école des Beaux-Arts dès 1892, il aura pour élèves les futurs fauves Henri Matisse ou Albert Marquet, à qui il transmettra le goût de la liberté et des expérimentations chromatiques. »

« La collection Nahmad possède plusieurs œuvres de Redon, autre artiste majeur du mouvement symboliste. L’ensemble présente des compositions lumineuses aux couleurs éclatantes, qui contrastent avec les Noirs de sa première période. Ses premières œuvres sont en effet des dessins ou des gravures teintées de noir, peuplées de créatures hybrides nées des cauchemars et de l’inconscient. À partir des années 1890, avec la naissance de son fils Arï en 1889 et la multiplication des expositions et des critiques favorables, le monde de Redon se pare de mille couleurs, quitte le cauchemar pour emprunter la voie du rêve. C’est à cette deuxième période qu’appartiennent les créations de l’artiste réunies dans la collection Nahmad et exposées à Giverny. Par sa palette délicate et son caractère méditatif, son art inspirera les périodes bleue et rose du jeune Pablo Picasso, avant d’être redécouvert par les surréalistes. » 

Vers la modernité 
« Entre octobre 2011 et janvier 2012, la Kunsthaus de Zurich présentait la première exposition entièrement consacrée à la collection Nahmad, une sélection d’environ 110 œuvres couvrant la période allant de 1870 à 1970. Au sein du parcours, le nombre important de toiles du XXe siècle soulignait l’orientation résolument moderne de la collection ».

« À Giverny, la sélection d’œuvres se concentre davantage sur l’art du XIXe siècle, autour du mouvement impressionniste et de ses suites. À la fin du parcours, un choix de trois œuvres phare du début du XXe siècle vient rappeler ce qui constitue le cœur de la collection Nahmad, en même temps qu’il apporte une conclusion, ou une ouverture, à cette histoire de la modernité qui va d’Eugène Delacroix à Pablo Picasso, en passant par l’impressionnisme. »

« La Jeune fille à la chemise rayée est un chef-d'œuvre d’Amedeo Modigliani, et incarne la quête inlassable de l’artiste pour la représentation d’une beauté universelle et atemporelle. Elle est représentative de son style unique, basé sur des formes allongées, sur des compositions planes, sur des visages mélancoliques et des regards empreints de silences. »

« La collection Nahmad compte de nombreux chefs-d'œuvre d’Henri Matisse, des nus, paysages, intérieurs et portraits qui témoignent de la diversité de sa production, et de la liberté dans ses recherches sur l’usage de la couleur. Sa Leçon de piano présentée à Giverny, aux harmonies chromatiques audacieuses, est placée sous l’influence de Pierre-Auguste Renoir, dont les différentes versions de Jeunes filles au piano constituent des icônes de l’art de la fin du XIXe siècle. Les recherches de Renoir, notamment ses études sur l’intégration entre les figures et le décor, eurent également un impact sur les réflexions de Picasso. »

« Son Petit Pierrot aux fleurs exposé à Giverny conclut le parcours de visite et évoque irrésistiblement les tendres portraits d’enfants de Renoir, si nombreux dans la collection Nahmad. »

« Un dialogue constant s’instaure ainsi entre les toiles de Delacroix, Sisley, Pissarro, Degas, Monet, Renoir, Boldini, Moreau, Redon, Matisse ou Picasso… réunies au sein de cette collection exceptionnelle, elles semblent toutes nous raconter une même histoire, celle de la libération de la couleur et des formes, celle des différentes voies empruntées par la modernité en peinture, à l’aube du XXe siècle. » 


Les œuvres emblématiques décryptées 

Claude MONET (1840-1926) Canotiers à Argenteuil, 1874 Huile sur toile, 61,9 x 80 cm © Collection Nahmad 
« Cette image des rives d’Argenteuil, dans la banlieue parisienne, renvoie aux plus heureuses de l’impressionnisme. Installé dans cette petite ville tranquille en 1872, Claude Monet y résidera jusqu’en 1878, avant de s’installer à Vétheuil. Alors qu’il souffre de nombreuses difficultés financières, et bien que soutenu par son marchand Paul-Durand Ruel, l’artiste choisit de développer un ensemble de vues de la Seine près de sa maison. Il espère séduire les amateurs avec ces œuvres colorées aux motifs pittoresques. Attiré par l’animation du quai, Monet s’intéresse aux variations lumineuses créées par les régates. Comme son ami Gustave Caillebotte, grand navigateur, le peintre représente ici un canot près d’un ponton, toutes voiles dehors. Fasciné par les mouvements du bateau qui donnent un aspect irisé à la Seine, Monet construit sa peinture selon de grands triangles (les voiles), des droites marquées (le ponton, les avirons), avec une ligne d’horizon assez haute. Tout ceci reflète son intérêt pour l’estampe japonaise qu’il collectionne avec passion ». 

Federico ZANDOMENEGHI (1841-1917) La Corbeille de géraniums, vers 1901, Huile sur toile, 91 x 60 cm © Collection Nahmad
 
« En 1862, Federico Zandomeneghi quitte sa ville natale de Venise pour s’installer à Florence. Il s’y lie d’amitié avec le groupe des Macchiaioli, et adopte leur approche picturale basée sur des « taches » de couleurs et sur un intérêt marqué pour la représentation de la lumière. En 1874, le peintre arrive à Paris, où il devient un membre actif du groupe impressionniste avec qui il exposera à partir de 1879. Il est particulièrement proche d’Edgar Degas, de Camille Pissarro et de Pierre-Auguste Renoir. Ses œuvres, parmi lesquelles cette Corbeille de géraniums, sont au croisement de ces influences multiples. L’artiste partage ainsi avec Degas un attrait pour la représentation de figures féminines plongées dans leur univers ; avec Pissarro l’intérêt pour le plein air et le travail par petites touches hachurées ; avec Renoir enfin, le goût pour les harmonies chromatiques lumineuses et chatoyantes. Zandomeneghi donne à cette oeuvre la fraîcheur d’un pastel, technique qu’il maîtrise particulièrement, au même titre que son ami Degas. Les petites touches de couleurs vives ne sont également pas sans rappeler les liens de l’artiste avec les recherches des Macchiaioli. Il représente ici une femme à l’ombrelle, thème récurrent dans la peinture impressionniste et néo-impressionniste – que l’on pense à celle de Claude Monet (1886, Paris, musée d’Orsay) ou à celle de Paul Signac (1893, Paris, musée d’Orsay). Comme chez Signac, l’ombrelle rouge est ici le point central de la composition. Zandomeneghi s’intéresse à l’accord entre la figure et son environnement, à travers des harmonies qui font dialoguer le massif de fleurs rouges et l’ombrelle ; des éléments végétaux qui encadrent la composition de part et d’autre ; et des jeux d’ombre et de lumière qui font contraster de petites touches de violet et de jaune ». 

Odilon REDON (1840-1916) Figure portant une tête ailée (La Chute d’Icare), vers 1876, Pastel sur papier marouflé sur panneau, 42,8 x 44,8 cm © Collection Nahmad
« Qu’elles soient identifiées – tête du géant Goliath présentée par David, du dieu ailé Mercure ou de Saint Jean-Baptiste – ou anonymes, les têtes coupées, posées sur une surface ou flottant dans les airs, constituent l’un des motifs obsessionnels qui parcourent l’oeuvre d’Odilon Redon. Dans les années 1870, elles sont exclusivement traitées en noir, au sein de dessins ou de gravures qui témoignent de leur dimension inquiétante. Cette oeuvre colorée a appartenu à Émile Bernard, et constitue un exemple très précoce des recherches de Redon dans le domaine du pastel. Car, traditionnellement, on considère que la couleur fait irruption dans son art à partir des années 1890, après la naissance de son fils Arï. Mais ce pastel aux couleurs éclatantes a été rapproché de plusieurs dessins noirs datés des années 1876-1878, et qui reprennent aussi bien le dessin de la tête que de la pose du personnage qui la retient. Les dimensions de l’oeuvre, ainsi que le cercle parfait de l’arrière-plan, peuvent par ailleurs être rapprochés d’une autre composition de l’artiste, Mélancolie (1876, The Art Institute of Chicago). Dotée de deux yeux bleus grand ouverts, cette tête coupée pourrait être un symbole d’intelligence supérieure et de clairvoyance. Pourtant, la juxtaposition des ailes et du cercle doré évoque également le motif de la chute d’Icare, symbole de démesure et d’arrogance, traité à plusieurs reprises par l’artiste au fil de sa carrière. » 

Henri MATISSE (1869-1954) La Leçon de piano, 1923 Huile sur toile, 65 x 81 cm © Collection Nahmad 
« Acquise auprès de l’artiste par le marchand Georges Bernheim en 1924, cette peinture d’Henri Matisse est représentative de ses « années niçoises ». Installé à Nice en 1921 dans un appartement et un atelier 1 place Charles-Félix, Matisse développe un ensemble d’œuvres très colorées prenant son entourage pour modèle. L’oeuvre dresse le portrait au piano d’Henriette Darricarrère et ses deux jeunes frères, Paul et Jean. Henriette, que Matisse rencontra en 1920 quand elle avait 19 ans, était danseuse, mais pratiquait aussi la peinture, jouait au piano et au violon, talents encouragés par le peintre. Alors que Matisse aimait à représenter la mer, souvent depuis le balcon et la fenêtre de son appartement, il se concentre ici sur l’intimité d’un intérieur. Les protagonistes sont perçus avec tendresse et proximité. Henriette, au profil régulier, bien droite, joue ; l’un de ses frères derrière elle l’écoute et l’autre lit. Les motifs décoratifs sont complémentaires : au rose rayé de blanc du fauteuil répond le rouge vif du paravent. La perspective est habilement rendue par le piano vu légèrement en plongée, alors que la porte fermée et le tapis complètent la composition. Henriette fut le modèle préféré de Matisse pendant sept ans, jusqu’en 1927, durant sa période niçoise. L’influence de Pierre-Auguste Renoir est perceptible dans le traitement de la figure et des couleurs, peintre que Matisse admirait et qu’il rencontra en 1917 à Cagnes, non loin de Nice. Une franche amitié naquit entre les deux artistes jusqu’au décès de Renoir en 1919. »


Du 28 mars au 29 juin
99, rue Claude Monet 27620 Giverny France 
Tél. : 33 (0)2 32 51 94 65
Tous les jours, de 10h à 18h (dernière admission 17h30).
Visuels : 
En couverture Claude MONET (1840-1926), Canotiers à Argenteuil (détail), 1874 Huile sur toile, 61,9 x 80 cm © Collection Nahmad

Eugène DELACROIX (1798-1863) Juive de Tanger en costume d’apparat, 1835 Huile sur toile, 35 x 26 cm Collection Nahmad © Collection Nahmad-

Pierre-Auguste RENOIR (1841-1919) Jeune fille se peignant, vers 1891-1892 Huile sur toile, 46,4 x 37,5 cm Collection Nahmad © Collection Nahmad 

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