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jeudi 19 juin 2025

« Les nouveaux musées d'Afrique »

Arte diffuse sur son site Internet dans la série documentaire « Les nouveaux musées d'Afrique », « L’art spolié à Benin City » de Jean-Alexander Ntivyihabwa, 
« Une escale au Cap » de Katrin Hensel-Ovenden, « L’héritage colonial à Dakar » de Lutz Gregor, et « Les perles du Cameroun - Un héritage colonial allemand » de Grit Lederer.


La série « Les nouveaux musées d'Afrique » visite « les grandes métropoles d'Afrique, présente leurs nouveaux musées, leurs scènes artistiques émergentes et leur environnement culturel. La série montre les pièces les plus importantes, rencontre les esprits décisifs et permet de comprendre les interactions globales qui relient le boom des musées en Afrique à la crise des musées en Europe. »

Nigéria
« L’art spolié à Benin City » est réalisé par Jean-Alexander Ntivyihabwa.
« Depuis des décennies, le Nigeria se bat pour la restitution d'œuvres dérobées lors de l’expédition punitive britannique en 1897. Leur retour est désormais prévu à brève échéance. Mais où exactement entreposer ces trésors ? Où construire le musée qui leur sera dédié ? »

« En 1897, des milliers d’artefacts d’ivoire, de bois et de bronze plusieurs fois centenaires ont été dérobés à Benin City, dans le sud du Nigeria, lors de l’expédition punitive britannique menée par Harry Rawson. »

« Ils ont ensuite été vendus, en particulier par le biais d’intermédiaires allemands, à divers musées et collections du Nord – à Hambourg notamment. »

« Une rafle qui a amputé le peuple Edo d’une part majeure de son identité culturelle. »

Rappel historique et analyses de Julien Volper, conservateur au Musée royal de l’Afrique centrale (Tervuren, Belgique) et Maître de conférences en Histoire de l’art de l’Afrique à L’Université Libre de Bruxelles (Tribune de l'Art, 10 décembre 2019) :
"Pendant l’occupation de la ville, des objets en alliage de cuivre, mais aussi d’autres en corail ou en ivoire (notamment de nombreuses défenses sculptées), venant essentiellement du palais de l’oba, furent réunis et confisqués. Une partie du « butin » contribua par sa vente à payer les frais de l’expédition et à pensionner les soldats blessés ainsi que les veuves de ceux qui furent tués [4]. Le reste fut réparti entre les différents officiers au titre de trophées ou de souvenirs. Précisons ici que, à cette époque, ces pratiques susmentionnées, de même que la saisie d’objets dans un but stratégique (affaiblir la puissance politico-religieuse du vaincu), étaient considérées comme légitimes aussi bien par les armées européennes que par les armées africaines.
Actuellement, certains objets de la campagne de 1897 sont dans les collections muséales de différents pays (Allemagne, France, Autriche, Royaume-Uni, Etats-Unis, Pays-Bas…), d’autres passent parfois sur le marché de l’art via des maisons de vente comme Sotheby’s ou Christies qui, depuis les années 2000 [5], ont proposé plusieurs dizaines de bronzes de Benin. D’autres pièces encore sont en galerie. On évoquera ici la très belle plaque à haut relief qui fut vendue par le marchand Didier Claes.
A notre connaissance, aucun de ces objets récemment mis sur le marché n’a été acquis pour ses musées par le Nigéria, pays pourtant premier producteur de pétrole en Afrique ; et aucune de ces œuvres ne fut non plus acquise par de généreux donateurs nigérians pour le compte de ces mêmes musées. Soit dit en passant, le pays compte plus de 15.000 millionnaires en dollars et aussi une vingtaine de milliardaires [6].
Cela pourrait s’expliquer par le fait que le Nigéria possède déjà de solides collections qui ne collent pas vraiment avec l’image misérabiliste que l’on donne parfois des musées africains. Serait-ce en réalité du paternalisme déplacé que de justifier ici des restitutions de pièces au prétexte que « nous avons tout et ils n’ont rien » ? Ainsi, les collections du Nigerian National Museum de Lagos tournent autour de 45.000 pièces en réserves. Par ailleurs, le catalogue de l’exposition Kingdom of Ife qui s’est tenue au British Museum en 2010 atteste de la qualité des pièces prêtées par le Nigéria, preuve éclatante des magnifiques collections muséales de ce pays.
Il faut cependant reconnaître que cette richesse des collections nigérianes doit beaucoup à des africanistes anglais présents dans ce pays dans les années 1930-1950. Des chercheurs comme Bernard Fagg (encore un ancien de Cambridge) et Kenneth Murray se consacrèrent à la création de musées et à la protection du patrimoine nigérian. L’action de l’Antiquities Services, fondé en 1943, qui avait notamment entrepris de lutter contre le pillage culturel, doit-elle être passée sous le boisseau parce qu’il s’agit d’une administration « pré-indépendance » ? En plus d’empêcher la sortie d’œuvres africaine de leur territoire, ce service récupéra des pièces importantes exportées illégalement et qui se trouvaient notamment aux Etats-Unis. On notera d’ailleurs que c’est également durant la période coloniale, en 1952 pour être précis, que deux léopards en bronze pris en 1897 à Benin-City intégrèrent les collections muséales du Nigéria par voie d’achat. Ces deux félins avaient fait partie, comme le coq de Cambridge, de la collection de George W. Neville.
Inversement on peut noter que l’actuelle National Commission for Museums and Monuments, héritière de l’Antiquities Services, n’a pas toujours été d’une grande efficacité pour ce qui concerne la protection des biens culturels du Nigéria comme en témoignent les monolithes endommagés de la Cross-River
On peut décemment supposer que la complexité du fait colonial britannique, de même que les problématiques patrimoniales du Nigéria actuel, n’ont pas été prises en compte par ceux qui ont mis sur pied un tribunal arbitraire pour l’okukor du Jesus College.
Il est vrai qu’en ce qui concerne la question des restitutions, l’époque est à la moraline. L’important est de ne surtout pas créer un scénario trop compliqué afin que l’on puisse avoir, comme dans un très mauvais film hollywoodien, des méchants et des gentils bien identifiables… quitte à s’arranger avec l’histoire et le droit".
Cet historien a précisé :
"Ce royaume de Benin n’a strictement rien à voir avec l’actuel Bénin. Cette précision apparaît utile lorsque l’on constate la fréquence de cet amalgame sous la plume de journalistes et de critiques d’art français pour lesquels le royaume d’Abomey (situé dans l’actuelle République du Bénin) et le royaume de Benin (situé dans l’actuel Nigéria) sont synonymes".

« Depuis des décennies, le Nigeria se bat pour la restitution de ces œuvres emblématiques ». 

« Leur retour est désormais prévu à brève échéance. Mais où exactement entreposer ces trésors ? Où construire le musée qui leur sera dédié ? En parallèle de ces questionnements, le documentaire nous montre comment ces bronzes sont encore fabriqués aujourd’hui, selon le procédé traditionnel de la cire perdue. »

Afrique du Sud
« Une escale au Cap » est réalisé par Katrin Hensel-Ovenden.
« Plus grand musée d’art contemporain au monde, le Zeitz Museum of Contemporary Art Africa du Cap, avec sa surface d’exposition de plus de 6 000 mètres carrés, permet aux artistes africains de bénéficier d’une plate-forme autonome d’envergure mondiale. Quelles sont les visions des commissaires d’exposition ? Quel message les artistes veulent-ils faire passer ? »

« Cet ancien complexe de silos de béton, construit dans les années 1920, a été métamorphosé en musée par l'architecte Thomas Heatherwick, qui en a conservé les vestiges. »

« Comparé, avant même son ouverture en 2017, au MoMA de New York, au Centre Georges-Pompidou à Paris ou même au musée Guggenheim de Bilbao, le Zeitz Mocaa, plus qu’un simple objet de prestige, n’entend pas se mesurer aux autres institutions internationales, mais plutôt faire valoir l’art africain et ses perspectives dans le monde entier. »

Sénégal
« L’héritage colonial à Dakar » est réalisé par Lutz Gregor
« Le musée Théodore-Monod de Dakar a été fondé en 1938 alors que le Sénégal était une colonie française. Ses collections ethnologiques, constituées d'objets du quotidien, d'objets rituels ou d'enregistrements sonores et visuels, devaient à l'origine assouvir la "curiosité blanche" pour les réalisations artistiques et culturelles des habitants d'Afrique de l'Ouest ».

« Aujourd’hui, cet héritage colonial représente un énorme défi pour l'actuel conservateur du musée, le docteur El Hadji Malick Ndiaye. Comment compte-t-il "décoloniser" le patrimoine africain ? »

« En Europe se pose de manière plus brûlante encore la question du traitement des collections ethnologiques dans les musées nationaux. Hartmut Dorgerloh, directeur du Humboldt Forum à Berlin, et Bénédicte Savoy, historienne de l’art française, se sont rendus à Dakar pour approfondir la démarche d'El Hadji Malick Ndiaye. »

Arte diffuse sur son site Internet « Le musée des civilisations noires à Dakar ».

« Le musée des civilisations noires à Dakar est le premier de ce genre en Afrique. Des objets d'art d'anciennes époques et de l'ère moderne mettent en lumière la créativité des civilisations noires. Le musée se montre prêt à acquérir des objets restitués en provenance de l'Europe. »

La Chine a financé ce projet muséal dont le coût de construction s'élève à 30 millions d'euros. Sept ans ont été nécessaires pour sa construction. Ce musée pourrait héberger 18000 œuvres. Il a été inauguré par Macky Sall, alors Président, en présence de Jean-Marc Ayrault, ancien Premier ministre socialiste et nommé par le Président Emmanuel Macron Président de la Fondation pour la mémoire de l'esclavage.

Cameroun
« Les perles du Cameroun - Un héritage colonial allemand » est réalisé par Grit Lederer.
« Alors que l’Allemagne détient toujours la plus importante collection d’objets camerounais au monde, que faire de cet héritage colonial ? » 

« Cadres de portes sculptés, statues, masques, lances... : avec quelque 40 000 pièces, l’Allemagne détient la plus vaste collection d’objets issus du patrimoine camerounais. »

« Arrachés à leur culture et envoyés dans des musées à l’époque où le pays était encore un protectorat allemand, ces artefacts ont, pour la plupart, perdu leur signification originelle. »

« Parmi eux, le "Mandu Yenu", le trône des Bamouns, a été offert par le roi Njoya à l’empereur Guillaume II à l’occasion de son anniversaire, en 1908. Orné de milliers de perles de verre, ce chef-d'œuvre de l’art camerounais est exposé à Berlin depuis plus d’un siècle. Mais quel sens donner à ce "cadeau", octroyé à une époque où l’Allemagne menait de violentes conquêtes territoriales ? »

« Quel regard peut-on poser aujourd’hui sur cet héritage colonial ? »

« Aux côtés de chercheurs camerounais, l’historienne de l’art Bénédicte Savoy se penche sur ces enjeux muséographiques et historiographiques d’une grande complexité. » 


4 x 26 mn
Sur arte.tv du 28/03/2025 au 25/06/2025

« L’art spolié à Benin City » de Jean-Alexander Ntivyihabwa
Allemagne, France, Nigéria, 2022, 27 min
Production : Signed Media Produktion, Gmbh, Co.Kg
Visuels :
© MARKK/Foto Paul Schimweg
© Ole Jürgens
© MARKK/Foto Paul Schimweg
© MARKK

« Une escale au Cap » de Katrin Hensel-Ovenden
Allemagne, 2022, 27 min
Production : Signed Media/NDR, RBB, SR, en association avec ARTE
Visuels : © Hufton+Crow

« L’héritage colonial à Dakar » de Lutz Gregor
Allemagne, 2020, 26mn
Production : Signed Media/NDR, RBB, SR, en association avec ARTE

2 min
Disponible jusqu'au 05/01/2039

Allemagne, 2024, 53 min
Auteurs : Jochen von Grumbkow, Johannes Fellmann, Grit Lederer


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