Education physique, musculation, bodybuilding, stretchning, pilates... Toutes ces activités attirent un public, souvent vingtenaire ou trentenaire, soucieux de son apparence physique, de son bien-être, de sa santé dans une société exaltant l'individu, le narcissisme. Le Dr Max Nordau a prôné à la fin du XIXe siècle, dans une vision sioniste, le « judaïsme du muscle ». Arte diffusera le 12 juin 2025 à 11 h 50 « Haltère ego, une histoire de la musculation » de Bärbel Merseburger-Sill.
La musculation
« Alfred Nakache, le nageur d’Auschwitz » de Christian Meunier
Victor Younki, dit « Young » Perez (1911-1945)
Victor Younki, dit « Young » Perez (1911-1945)
Education physique, musculation, bodybuilding, fitness, stretchning, pilates... Toutes ces activités attirent un public, souvent vingtenaire ou trentenaire, soucieux de son apparence physique, de son bien-être, de sa santé dans une société exaltant l'individu, le narcissisme, et véhiculant des idées contradictoires sur la masculinité.
« Judaïsme du muscle »
Des siècles durant, le stéréotype antisémite a décrit un juif malingre, faible. Un aspect physique révélateur, selon ceux véhiculant ce cliché, de maladies.
Une fois acquise l'émancipation des juifs européens, et en réaction à cette image négative des judéités européennes et dhimmies, le sionisme a exhorté à l'avènement de « l’homme juif nouveau ».

« Nous devons aspirer à créer de nouveau un « judaïsme du muscle », nous devons devenir de nouveau des hommes aux torses saillants, avec des corps d'athlète et au regard hardi et nous devons élever une jeunesse agile, souple et musclée qui doit se développer à l’image de nos ancêtres, les Hasmonéens, les Maccabées et Bar Kokhba. Elle doit parfaitement être à la hauteur des combats héroïques de toutes les nations. »
Ce « judaïsme du muscle » (Muskeljudentum) fait "référence au muscular christianism que les headmasters protestants ont conçu pour moraliser la jeunesse des écoles publique britanniques et il s'inscrit dans une tradition juive de la force qui s'est exprimée au fil du temps dans des disciplines aussi variées que les arts du cirque et l’haltérophilie, la lutte et la boxe, l’escrime et le jiu-jitsu.
"Depuis le Moyen-Âge, et jusqu'à la période de l 'entre-deux-guerres, nombreux sont les artistes juifs présents dans les cirques allemands, polonais ou russes : funambules et acrobates, contorsionnistes et « fakirs », avaleurs et cracheurs de grenouilles et de souris vivantes, devins et magiciens. Ainsi, le tout jeune trapéziste américain d'origine hongroise Ehrich Weiss (1874-1926) devient un prestidigitateur mondialement connu sous le nom de Houdini. Présenté par le cirque Busch de Berlin des deux côtés de l’Atlantique, Zishe Breitbart (1883-1925) appartient à une autre catégorie, celle des « hommes les plus forts du monde ». Ce Juif de Varsovie se prend pour le nouveau Samson et rêve de se produire en Palestine sous mandat britannique".
En quelques décennies, malgré les discriminations, les athlètes juifs ont excellé, et gagné des titres de champions. C'est aussi l'image qu'ont les juifs d'eux-mêmes qui a changé profondément. Une image valorisante, renforçant l'estime de soi.
Le 17 mars 2024, à la Mairie du IXe arr. de Paris, la Société d’histoire des Juifs de Tunisie (SHJT), avec la Commission française des archives juives (CFAJ), a consacré une "journée d'étude", avec des tables-rondes passionnantes présentant des travaux récents sur un sujet souvent ignoré par des historiens : « Les Juifs et le sport en Tunisie ».
Valérie Hassan, présidente de la CFAJ, a décrit l’essor fulgurant du sport dès la fin du XIXe siècle. Induite par l’émancipation, le rôle des écoles publiques et la démocratisation des loisirs, favorisée par l’hygiénisme et la recherche d’une bonne santé physique, incluse dans le service militaire, la pratique sportive a été liée aussi à la puissance coloniale qui a amené ses sports dans son empire. Elle a constitué un facteur d’intégration, inculquant l’amour de la patrie.
Président de la SHJT, Claude Nataf, a évoqué la pratique du sport par les Juifs de Tunisie sous le protectorat français (1881-1956). Contre des fléaux sociaux, dont la tuberculose, dans la 'Hara, quartier juif de Tunis aux taudis crasseux vestiges de la dhimmitude, cette pratique visait aussi à créer un « Juif nouveau » rompant le stéréotype antisémite du Juif malingre, difforme, et était perçue comme facteur de régénération physique (Muskeljudentum ou « judaïsme du muscle », Max Nordau, 1898). Encouragée par des structures communautaires, vecteur d’intégration dans la cité, cette pratique a bénéficié de clubs dynamiques (Alliance sportive, Union sportive tunisienne), parfois sionistes (Maccabi), et a contribué à l’éducation de la jeunesse juive tunisienne.
Abdelhamid Largèche, Professeur émérite à l’Université de Manouba (Tunisie), a traité de « l’approche comparée du sport par les communautés juive et musulmane en Tunisie : sociabilité et concurrence ».
Au XXe, c'est Joseph Pilates (1883-1967), immigrant juif américain d'origine allemande dont le père était un ouvrier passionné par la gymnastique. Enfant chétif, souffrant de maladies (asthme, rhumatisme, rachitisme), il est initié à divers sports - gymnastique, musculation, arts martiaux (jiu-jitsu, boxe). Cette pratique intensive assure la mue en un adolescent musclé, en meilleure santé. De gymnaste et culturiste, il devient, pour gagner sa vie en Angleterre en 1912, boxeur professionnel, artiste de cirque et entraîneur d'autodéfense dans les écoles de police et à Scotland Yard. C'est surtout durant la Première Guerre mondiale, durant son internement dans des camps britanniques, qu'il conçoit « controlologie » et la pratique avec les autres allemands internés. Sa méthode se concentre sur la posture de la colonne vertébrale, le renforcement des muscles profonds du torse et les abdominaux, et le travail sur la respiration. De retour en Allemagne, il collabore notamment avec le chorégraphe Rudolf Laban.
Vers 1925, Joseph Pilates immigre aux Etats-Unis et ouvre, avec sa femme, un studio à New York. Là, il enseigne sa méthode notamment aux danseurs envoyés, souvent pour leur rééducation après blessure, par les chorégraphes George Balanchine et Martha Graham.
« Haltère ego, une histoire de la musculation »

« Culture physique, bodybuilding, pilates... : d’où viennent ces pratiques sportives à visée esthétique ? Retour tout en muscles sur l’art du culturisme et son absorption progressive par le consumérisme. »
« Si Arnold Schwarzenegger a popularisé le bodybuilding dans le monde, l’histoire de cette discipline spectaculaire commence bien avant ses films. »
« Dès le XIXe siècle, des hommes et des femmes à la force surhumaine impressionnent le public des cirques itinérants. »
« Mais au tournant du siècle suivant, les performances de culturistes comme Eugen Sandow changent la donne : leurs corps deviennent source d’inspiration et bientôt, certains y voient un modèle très lucratif. »
« Pour qui peut se l’offrir, des maîtres culturistes comme Jack LaLanne ou Joseph Pilates développent des cours, fabriquent des machines et ouvrent des studios pour partager – et monnayer – leur savoir. Le corps musclé devient un idéal censément atteignable par tous… »
« Haltère ego, une histoire de la musculation » de Bärbel Merseburger-Sill
Allemagne, 2025, 43 mn
Production : ImagePool, ZDF, en association avec ARTE
Sur Arte les 12 juin 2025 à 11 h 50, 28 juin 2025 à 6 h 25
Sur arte.tv du 12/06/2025 au 09/09/2025
Visuels :
© Michael Ochs Archives/Getty Images
© DR
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Les citations sur le film proviennent d'Arte.
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