Le musée des Arts décoratifs propose l’exposition « Mon ours en peluche ». De la Préhistoire à nos jours, l'histoire artistique de la représentation et de l'image de l'ours, "animal féroce et sauvage", devenu un jouet récent - créé au début du XXe siècle aux Etats-Unis (teddy bear conçu et fabriqué par Morris Michtom, juif américain) et en Allemagne (marque Steiff) -, populaire, un symbole de douceur ainsi que de réconfort, un personnage de livres pour enfants (Paddington, Winnie l'Ourson), un compagnon aux rôles multiples, notamment psychologiques (objet transitionnel théorisé par le pédopsychiatre Donald Woods Winnicott).
« La naissance des grands magasins. Mode, design, jouets, publicité 1852-1925 »
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« Roi incontesté des jouets, l’ours en peluche s’installe au musée des Arts décoratifs pour raconter son incroyable histoire, de la préhistoire à nos jours. 130 ours en peluche issus des 15 000 jouets de la collection du musée, sont exposés, offrant un regard fascinant sur l’évolution d’un objet devenu emblématique et qui joue également un rôle important dans le cinéma, la publicité ou encore la littérature, devenant un véritable symbole culturel et social. « Mon ours en peluche » propose une immersion dans l’univers de ce compagnon qui inspire tant les artistes que les créateurs de mode. »
« Les visiteurs sont accueillis avant même l’entrée dans l’exposition par une scénographie immersive dans une mise en forme graphique et sonore innovante. Des grognements d’ours sous la forme d’onomatopées dessinées, de plus en plus grandes, invitent le visiteur à rejoindre l’exposition. De la férocité à la douceur, du sauvage à la fiction, l’exposition transporte le public au cœur d’une « forêt », offrant un voyage inédit dans la tanière de ces mammifères. »
« Vénéré ou craint des la préhistoire, l’ours n’est pas un animal mystérieux et inconnu des humains. L’exposition s’ouvre sur les toutes premières représentations de l’animal à l’instar des dessins des grottes de Lascaux mais aussi avec les premières dents d’ours percées qui déjà, forgent le mythe d’un animal fort et puissant, dont la représentation évolue au Moyen-âge. C’est à partir de cette époque qu’il devient progressivement, dans la littérature, stupide et gourmand avec Le Roman de Renart ou les célèbres Fables de La Fontaine. Des photographies de montreurs d’ours dans les cirques démontrent également la déchéance de l’animal ».
« Cet étonnant voyage se poursuit avec la naissance de l’ours en peluche, au début du XXe siècle. C’est en 1902, à la suite d’une chasse à l’ours à laquelle participait le président américain Theodore Roosevelt, que nait le célèbre Teddy Bear. Refusant de tirer sur un ourson sans défense, Roosevelt voit son geste rapporte dans la presse, inspirant à Morris Michtom la création d’un jouet en forme d’ourson, qui devient un succès commercial immédiat. Outre-Atlantique, Margarete Steiff et son neveu Richard inventent en 1902 le premier ours en peluche articule, et contribuent également à populariser ce jouet en Allemagne. Cet ours en peluche devient rapidement un best-seller, faisant de l’Allemagne son premier producteur mondial. L’animal féroce, transforme en une réplique douce et attendrissante, s’impose alors comme le doudou par excellence. Symbole de douceur et de tendresse, il devient une star auprès des enfants. »
Le musée des Arts décoratifs omet d'indiquer que Morris Michtom était juif. "La famille Michtom fut un exemple de réussite juive américaine. Morris et Rose Michtom, tous deux immigrants russes à la fin du XIXe siècle, étaient fiers d'être juifs. Ils s'installèrent à Brooklyn, dans l'État de New York, et ouvrirent leur boutique de bonbons et de pièces de monnaie pour gagner leur vie. Ils inventèrent l'ours en peluche, du nom du 26e Président des États-Unis, Theodore Roosevelt. En 1902, Roosevelt se rendit en Louisiane et au Mississippi. Il y ajouta une excursion de chasse de cinq jours à l'ours noir. Le président fut déçu de ne pas avoir réussi à abattre un ours à la fin de l'excursion". Ou aurait refusé de tuer un ours blessé proposé par l'organisateur de la chasse.
"Quelques jours après, le caricaturiste politique Clifford Berryman publia un croquis dans le Washington Post. De retour à Brooklyn, Morris Michtom découvrit le dessin de Berryman et demanda à sa femme, Rose, de broder et de rembourrer un petit ourson ressemblant à celui du dessin. Il le baptisa "Teddy Bear" (« ours de Teddy »), du nom du Président. Ayant reçu l'autorisation du Président Roosevelt lui-même d'utiliser ce nom, Morris Michtom commença à fabriquer l'ours en peluche en série et fonda l'entreprise familiale, Ideal Toy Company. L'Ideal Toy Company est restée une entreprise familiale pendant la majeure partie du siècle, jusqu'aux années 1970. Les Michtom et leurs descendants ont fait de la philanthropie une priorité, en particulier pour aider les communautés juives aux États-Unis et dans le monde. Leur conception originale de l'ours était chérie par la famille Roosevelt et est commémorée au Smithsonian Institute".
« Avec ses formes rondes et moelleuses, l’ours en peluche devient vite un personnage de premier plan dans la littérature jeunesse et la culture populaire. Des figures emblématiques comme Winnie l’Ourson, Paddington, Petit Ours Brun et Les Bisounours peuplent désormais le monde des petits. Ces héros ursins qui occupent l’imaginaire collectif sont représentés à travers des dessins originaux et des jouets pour la première fois sortis des réserves du musée des Arts décoratifs. »
« Le cheminement se poursuit avec les évolutions de l’ours en peluche au fil des décennies, notamment dans les années 1940 et 1950, pour répondre aux attentes toujours grandissantes des enfants et des parents. Initialement fabrique en mohair et en paille de bois, il est aujourd’hui produit dans des matières plus douces et plus sûres. Propice aux câlins et devenant le fameux ≪ doudou ≫, il occupe un statut important dans la construction de l’enfant, comme le démontre le pédiatre et psychanalyste britannique Winnicott dans sa théorie de l’objet transitionnel. Il inspire également des artistes contemporains comme Annette Messager, Benoit Pieron ou Carole Benzaken. La palette de couleurs s’étoffe, les matériaux évoluent pour toujours plus de douceur et de sécurité avec par exemple les ours Wendy Boston. »
« L’exposition fait la part belle aux fabricants de jouet contemporains qui utilisent l’ours en peluche pour aider et accompagner les enfants, à l’image de Tamalou spécialement conçus pour les réconforter dans les moments difficiles. La production made in France est aussi abordée avec notamment les fabricants Pamplemousse Peluches ou Adada. Aujourd’hui, l’ours en peluche n’est plus seulement l’ami des enfants, de nombreux adultes conservent ces jouets et les souvenirs d’enfance. L’ours en peluche connait un succès grandissant auprès des adultes et devient le cadeau idéal pour la Saint-Valentin ! Le cheminement vers l’ours objet de création se poursuit, avec une salle entièrement dédiée au travail de l’artiste Charlemagne Palestine, qui réalise pour l’occasion une installation immersive inédite. »
« Passé de nos chambres aux tapis rouges, l’ours devient une véritable icone convoitée par les collectionneurs, qui recherchent les modèles les plus rares. Il se fait également mannequin pour les créateurs de mode qui s’amuse à le transformer en accessoire. Jean-Charles de Castelbajac et Jeremy Scott, mais aussi de célèbres maisons telles que Christian Dior, Hermès, ou Louis Vuitton ont intègre l’ours en peluche dans leurs collections et créations, en faisant un véritable phénomène de mode. Le musée des Arts décoratifs a invité de nombreux créateurs à réinterpréter le vestiaire de ce jouet, comme Marine Serre, Koche, Moschino, ou encore la maison Issey Miyake. »
« Emblème des changements climatiques, notamment dans sa version polaire, l’ours symbolise également une prise de conscience écologique dans les médias et journaux. L’exposition met en avant pour la première fois des marques françaises et européennes comme Les Petites Maries et la Pelucherie, qui privilégient des processus de fabrication respectueux de l’environnement. Ces entreprises mettent en avant des pratiques de production eco-responsables et des engagements pour la préservation de la planète, démontrant que même les jouets peuvent contribuer à un avenir plus durable. »
« L’exposition « Mon ours en peluche » est une invitation à découvrir cet objet familier sous un nouveau jour, à travers son histoire riche et ses multiples représentations dans l’art, la culture et la publicité. Une occasion unique de plonger dans l’univers tendre et fascinant de l’ours en peluche et de comprendre pourquoi ce jouet continue de conquérir les cœurs des petits et grands. Des œuvres d’art contemporain, des installations interactives et des objets de collection unique enrichissent cette exploration. A travers des récits et des objets, l’exposition dévoile comment l’ours en peluche a su traverser les époques et s’adapter aux évolutions sociétales. Elle nous rappelle également combien cet objet peut être porteur de significations profondes, allant des liens affectifs intimes aux enjeux globaux de notre époque. »
La commissaire est Anne Monier Vanryb, conservatrice en charge des collections de jouets, assistée de Marie-Lou Canovas, assistante de conservation, collection de jouets.
Exposition avec la participation du Comite International, d’Andrew J. Martin-Weber et Beejan Land pour The Divine Charlotte.
Remerciements particuliers du musée à Margarete Steiff GmbH pour son soutien et les pièces prêtées pour l’exposition.
Enfant juif néerlandais, Fred Lessing, habite actuellement aux États-Unis. Il "était un jeune écolier lorsque la guerre atteignit les Pays-Bas. Il fut caché par une famille chrétienne et l'ours en peluche devint alors son ami le plus proche, son confident et sa source de réconfort. Après la fin de la guerre, l'ours en peluche resta chez Fred Lessing, jusqu'à ce qu'il accepte de le prêter à Yad Vashem pour l'exposition « No Child's Play ». « J'ai parlé à mon ours et je lui ai expliqué que, pour la première fois, nous devions nous séparer. La raison était qu'il devait accomplir une mission importante : il devait se rendre en Israël pour participer à une exposition présentant d'autres jouets de l'époque de la Shoah et, là-bas, il raconterait notre histoire aux enfants qui viendraient la visiter », a confié Fred Lessing.
Né en 1929 à Vienne, Hans Butzke était un juif autrichien. Sa mère Netty était une infirmière, et Julius un comptable. Après l'Anschlus (« raccordement », « rattachement », en allemand), 'annexion de l'Autriche par l'Allemagne nazie, la famille Butzke a décidé de fuir l'Autriche. En 1940, elle est parvenue à prendre le train pour Amsterdam (Pays-Bas) pour rejoindre le Panama, puis les Etats-Unis. Netty dit à son fils Hans, alors âgé de 10 ans, de bien tenir son ours en peluche et de ne jamais laisser personne le lui prendre. Elle insista sur l'importance de ce détail. Lorsqu'ils montèrent dans le train, des soldats nazis lui prirent son ours en peluche En réaction, Hans hurla si fort que les soldats finirent par lui rendre son ours en peluche en l'insultant. La famille arriva à Amsterdam, l'ours en peluche en sécurité dans les bras de Hans, et finit par arriver aux États-Unis, où ils s'installèrent à Brooklyn, New York. Des années plus tard, les parents de Hans lui ont raconté ce que Netty avait choisi de cacher quand il avait dix ans : elle avait défait les coutures à l'arrière de l'ours en peluche et créé une petite poche dans la zone du cou, où elle avait caché des objets de valeur qui les avaient aidés à construire une nouvelle vie. Quelque temps après la mort de Hans (qui a changé son nom en John aux États-Unis) en 2010, son fils et sa petite-fille ont fait don de l'ours en peluche à l'United States Holocaust Memorial Museum à Washington."
En 1958, a été publié "A Bear Called Paddington" (Un ours nommé Paddington), roman de fiction de l'écrivain britannique Michael Bond (1926-2017) : "un ours solitaire, fraîchement arrivé à la gare de Paddington à Londres, arborait une pancarte implorant les gens de « Veuillez prendre soin de cet ours » et a été adopté par la gentille famille Brown". Premier d'une série de vingt-trois livres édités jusqu'en 2012, et illustrés par divers artistes dont Peggy Fortnum et David Mc Kee. Trente-cinq millions d'exemplaires de ces livres ont été vendus dans le monde. Transportant une valise usagée, ce personnage de fiction, poli et populaire notamment au Royaume-Uni a été inspiré à son auteur par la vision des enfants juifs de Kindertransports.
"En novembre 1938, après que les nazis et leurs sympathisants eurent détruit des centaines de synagogues et des milliers de maisons et commerces appartenant à des Juifs esentiellement en Allemagne et en Autriche, la Grande-Bretagne assouplit ses restrictions interdisant l'entrée des réfugiés juifs et autorisa l'entrée des enfants juifs d'Autriche, de Tchécoslovaquie et d'Allemagne. Entre neuf et dix mille enfants juifs non accompagnés (les parents n'étaient pas autorisés à voyager avec leurs enfants) arrivèrent en Grande-Bretagne" dans ces Kindertransports, a écrit Yvette Alt Miller
.
Et Yvette Alt Miller de préciser : "Le premier Kindertransport arriva dans la ville britannique de Harwich le 2 décembre 1938. Il transportait 200 enfants d'un orphelinat juif de Berlin détruit pendant la Nuit de Cristal. Les enfants offraient un spectacle pitoyable, serrant leurs maigres possessions et portant des pancartes les identifiant comme s'ils n'étaient pas sous la garde de leurs parents. Environ la moitié des enfants du Kindertransport furent pris en charge par des familles d'accueil britanniques pendant toute la guerre ; les autres furent hébergés dans des écoles, des foyers, des fermes et des camps. Enfant, Michael Bond a vu un groupe de ces enfants arriver à la gare de Reading... Ces enfants juifs ont changé sa vision du monde. « Ils portaient tous une étiquette autour du cou avec leur nom et leur adresse, ainsi qu'une petite boîte ou un paquet contenant tous leurs biens précieux ». Des années plus tard, Michael Bond relatait l'impact profond que cette vision a eu sur lui. « Je me souviens de leurs étiquettes autour du cou, puis d'être allé au cinéma et d'avoir vu aux actualités qu'Hitler s'était installé dans un nouveau pays, et d'avoir vu des images de personnes âgées poussant des poussettes avec toutes leurs affaires à l'intérieur. Les réfugiés sont le spectacle le plus triste qui soit… » À sa manière, Paddington rendait hommage à ces enfants courageux. « Paddington, en quelque sorte, était un réfugié », expliqua plus tard M. Bond."
"Dans ses romans Paddington, M. Bond a mis en scène un réfugié hongrois d'apparence juive, le Dr Gruber, qui possède un magasin d'antiquités et apprécie les nombreux en-cas matinaux de Paddington en compagnie de l'ours. Plus tard, M. Bond a révélé avoir basé ce personnage sur son agent littéraire, Harvey Unna, lui-même réfugié juif. M. Bond se souvenait de lui comme d'un « homme charmant, un Juif allemand, qui était sur le point de devenir le plus jeune juge d'Allemagne. Lorsqu'on l'a averti que son nom figurait sur une liste, il est parti et est arrivé en Angleterre avec seulement une valise et 25 livres sterling. » Ensemble, Paddington et M. Gruber forment un contrepoids à M. Curry, le voisin mesquin et intolérant des romans Paddington", a observé Yvette Alt Miller.
Après l'agression djihadiste menée le 7 octobre 2023, par des milliers de djihadistes de mouvements islamistes, dont le Hamas, et de civils gazaouis, dans le sud d'Israël, des Israéliens ont déposé "sur la place Dizzengoff de Tel Aviv plus de 30 gros ours en peluche, les yeux bandés de peinture rouge, portant les noms et les photos de chacun des enfants israéliens connus retenus en otage par le Hamas dans la bande de Gaza".
Le 8 juillet 2025, HonestReporting a publié l'article "L'ours en peluche dans les décombres : l'image qui revient sans cesse à Gaza" de Rachel O'Donoghue. HonestReporting souligne une image récurrente : "Vous l'avez déjà vu. Un bâtiment bombardé. Un tas de décombres. Et là, incroyablement intact, un ours en peluche. Parlons de l'une des images les plus puissantes sur le plan émotionnel, et les plus trompeuses, utilisées dans les reportages sur la guerre."
Et HonestReporting d'analyser : "L'ours en peluche dans les décombres envoie un message clair : un enfant est mort ici. C'est une image puissante, émotionnelle et largement utilisée. Mais lorsque le même ours continue d'apparaître dans des scènes différentes, prises par des photographes différents, cela soulève des questions."
HonestReporting a rassemblé des photographies similaires prises dans divers lieux - Khan Yunis, etc. - dans la bande de Gaza par des photographes pour des agences de presse occidentales (Getty, AFP) et montrant des oursons intacts, propres, en parfait état, parfois le même, posés parmi des décombres d'immeubles afin que le lecteur ou l'Internaute subodore la présence d'enfants morts, tués par l'armée israélienne. Ce qui représente un blood libel, calomnie portée, depuis le Moyen-âge de l'Occident chrétien, contre les juifs accusée d'avoir tué un enfant non-juif pour utiliser son sang afin de confectionner des matsot (galettes de Pessah). Une diffamation à forte létalité.
"Une image vaut mille mots. Et l'effet cumulé de ces images soigneusement sélectionnées est de construire un faux récit. Un récit dans lequel Israël est présenté comme imprudent ou cruel, tandis que les tactiques et la responsabilité du Hamas sont ignorées. Ce récit a pris de l'ampleur. Des titres comme celui du New Yorker, « La guerre contre les enfants de Gaza », montrent la puissance de ces images. Elles occultent les faits, attisent l'indignation et rendent plus difficile de parler honnêtement de la réalité", explique HonestReporting.
HonestReporting conclut : "Des enfants sont morts dans cette guerre, tant à Gaza qu'en Israël. C'est tragique et il faut le reconnaître. Mais l'apparition répétée de jouets immaculés, posés pour des photos, devrait faire réfléchir les journalistes. Quelle histoire est racontée, et par qui ? L'ours en peluche dans les décombres n'est pas seulement un jouet. C'est un message. Et lorsque ce message apparaît encore et encore, posé pour l'appareil photo, cela ne ressemble plus à du journalisme. Les médias doivent faire mieux".
Le musée propose ces activités :
- POUR LES ENFANTS Public : 4-6 ans, 7-10 ans, en famille
VISITE-ATELIER
Mon petit ours de poche
« La visite de l’exposition amène chacun à fabriquer, en feutre de laine, son ours miniature. Joyeux ou grognon, ce doudou de poche, support d’histoires à se raconter est à emporter partout avec soi pour de maxi aventures. »
- POUR LES ADULTES Public : adultes (15 ans et +)
VISITE GUIDÉE
« Roi incontesté des jouets, l’ours en peluche s’invite au musée des Arts décoratifs, pour raconter son incroyable histoire. Né au tout début du XXe siècle, il s’est vite impose dans le cœur des enfants, détrônant des jouets dont l’existence remonte pourtant à l’Antiquité, comme les poupées ou les animaux a roulettes. Il est depuis devenu le symbole quasi-universel de l’enfance, ainsi que de la tendresse et de la douceur. Comment l’ancien roi des animaux, vénéré pour sa force et craint pour sa férocité, a pu se transformer en le plus populaire des jouets ? C’est ce que vous découvrirez en visitant cette exposition. »
Extraits du catalogue
« L’immense popularité de l’ours en peluche, aujourd’hui présent dans toutes les chambres d’enfant, cache un paradoxe : comment cet animal féroce et sauvage est-il devenu le symbole de l’enfance ? »
« L’ours en peluche nait au même moment à deux endroits différents. En 1902, le jouet est invente aux Etats-Unis en référence à Theodore Roosevelt – d'où son nom anglo-saxon, Teddy’s bear devenu teddy bear. En Allemagne, la même année, Margarete Steiff commercialise son premier ours en peluche qui connait un succès retentissant en Europe et en Amérique. Depuis les premiers exemplaires en mohair et paille de bois, lourds et rigides, l’ours en peluche s’est assoupli et adouci. Il s’est paré de couleurs vives ou pastel, afin de pouvoir se transformer en doudou, objet transitionnel étudié et théorisé par le pédiatre Donald Winnicott. L’ours règne à présent sur toute une ménagerie d’animaux en peluche, mais aussi sur la fiction pour enfants, grâce a Winnie l’Ourson, Michka ou Paddington. Plus étonnant, il est également pris des créateurs de mode qui n’hésitent pas à le revisiter. Aujourd’hui, l’ours est, à travers les figures du panda et de l’ours polaire, le symbole des changements climatiques et d’une nature en danger. »
« A travers cinq essais et trois cahiers thématiques, ce catalogue retrace l’histoire de l’ours en peluche, de ses premiers pas à ses transformations et ses succès. Il questionne aussi notre rapport aux ours depuis la Préhistoire. Enfin, il s’appuie sur une riche iconographie qui offre un large panel d’ours en peluche anciens ou plus récents, en regard de représentations d’ours par l’homme au fil des siècles. »
Les auteurs :
Commissaire de l’exposition et directrice d’ouvrage : Anne Monier Vanryb, conservatrice au musée des Arts décoratifs, collections de jouets, département moderne et contemporain Michel Pastoureau, Catherine Schwab et Elena Paillet, Helene Valotteau, Sophie Lemahieu, Marie Adamski
Anne Monier Vanryb
La naissance de l’ours en peluche
Theodore Roosevelt et la légende américaine
« En novembre 1902, Theodore Roosevelt, le très populaire président des Etats-Unis, fervent défenseur de la conservation de la nature, est invite à une chasse à l’ours par le gouverneur du Mississippi.
Pour lui éviter de rentrer bredouille, âpres une longue journée de traque, les organisateurs capturent un ours, l’attachent a un arbre et proposent a Roosevelt de l’abattre. Celui-ci refuse catégoriquement de tirer sur un animal sans défense. L’histoire, inhabituelle, est reprise dans les journaux, notamment par une caricature de Clifford Kennedy Berryman dont le titre, ≪ Drawing the Line in Mississippi ≫, renvoie aussi au trace de la frontière entre la Louisiane et le Mississippi, arbitre par Roosevelt. »
« L’ours devient ainsi une sorte de mascotte non officielle de Roosevelt, et le héros de nombreuses caricatures de Berryman illustrant des épisodes de la vie du président (…) Rose et Morris Michtom, propriétaires d’une boutique de bonbons à Brooklyn, inspires par la presse, réalisent un jouet en tissu bourre qu’ils envoient a Roosevelt puis vendent, avec son autorisation, sous le nom de Teddy’s Bear, ≪ l’ours de Teddy ≫ – surnom courant de Theodore. L’ourson, dont aucun exemplaire n’est connu aujourd’hui, rencontre un grand succès et figure notamment dans Playthings, le magazine professionnel du jouet, en 1906, définitivement nomme teddy bear. L’année suivante, les Michtom s’associent avec les grossistes Butler Brothers pour créer la marque de jouets Ideal Novelty and Toy Company, qui fabrique et commercialise des ours en mohair. »
La saga Steiff
« Cette même année 1902, la marque de jouets allemande Steiff lance quant à elle une nouveauté révolutionnaire : un ours en mohair aux membres articulés. L’entreprise est née d’un atelier de couture crée en 1877 a Giengen an der Brenz par Margarete Steiff, une jeune femme paralysée par une poliomyélite contractée dans son enfance. Douée d’un fort caractère, Margarete s’efforce de conquérir, malgré son handicap, autonomie et indépendance. Elle aménage donc chez ses parents un atelier travaillant le feutre, qui sera dote de la première machine à coudre de la ville. En 1880, la jeune femme s’inspire d’un patron publie dans le numéro de décembre 1879 du journal Die Modenwelt pour réaliser un petit éléphant en feutre. A l’origine coussins pour aiguilles et épingles, les éléphants que Margarete Steiff fabrique pour ses proches sont très appréciés des enfants, qui les détournent rapidement en jouets.
Elle commence à les commercialiser, en vendant huit en 1880, dix-huit en 1881 et onze en 1882. Une production, certes encore modeste, se met en place, et, en 1883, une liste de prix de la ≪ Filz‑Versandt-Geschafts von Gretchen Steiff ≫ (entreprise de vente par correspondance d’objets en feutre de Gretchen – diminutif de Margarete –Steiff) mentionne des jouets pour enfants, robustes et surs, des éléphants a couverture colorée (…) Le fils de Fritz Steiff, Richard, rejoint l’entreprise en 1897 âpres des études a l’Ecole des arts décoratifs de Stuttgart. Inventeur dans l’âme, il souhaite aider Steiff à innover. Ainsi essaie-t-il d’articuler les animaux.
A-t-il été inspire par les poupées, dont la fabrication bat son plein en Allemagne a cette époque et dont Steiff vend également quelques modèles ? Quoi qu’il en soit, il se concentre sur les animaux dont les mouvements peuvent ressembler a ceux des humains, l’ours et le singe, se replongeant notamment dans les esquisses qu’il réalisait lors de ses visites au zoo pendant ses études pour affiner la posture et l’expression de ses prototypes. C’est ainsi que, fin 1902, naissent les premiers animaux en mohair, rembourres a l’aide de paille de bois et articules grâce a des ficelles reliant les membres au corps : le singe Aff 60 PB, et surtout le premier ours en peluche. »
Textes de salles
Le roi des animaux déchus
« Les peuples de l’Antiquité vénéraient l’ours et ses formidables capacités de combat lors de cultes que le catholicisme du début du Moyen Age a eu du mal à éradiquer. Les spécificités biologiques qui le rapprochent des êtres humains permettent l’identification favorisant le développement de ces cultes ursins, qui perdureront ensuite sous forme de mythes et légendes. Au Moyen Age, l’Eglise s’efforça de gommer les aspects les plus spectaculaires de l’ours, racine de l’adoration païenne qui pouvait détourner les peuples du catholicisme. De roi des animaux, l’ours est progressivement et systématiquement humilie, lie au diable et a ses nombreux péchés : gourmandise, paresse, colère ou encore luxure. La chasse a l’ours, autrefois rite permettant de s’approprier la puissance de l’animal, reste dangereuse mais devient moins prestigieuse. L’ours est remplacé comme roi de la foret par le cerf, et comme roi des animaux par le lion.
Facile à dompter et à dresser, il devient une bête de cirque, exhibe jusqu’au cœur des villes. »
La naissance de l’ours en peluche
« Alors qu’une grande partie des jouets trouvent leurs racines dans l’Antiquité (hochets, poupées, jouets à tirer, jeux de société, etc.), l’ours en peluche, contrairement a ce que son immense succès pourrait laisser supposer, est un jouet relativement récent. Il nait en 1902, simultanément, de chaque cote de l’Atlantique. En Allemagne, la marque de jouets Steiff, qui fabrique déjà de nombreux animaux en tissu, lance un nouveau jouet, un ours en mohair articule. Aux Etats-Unis, le président Theodore Roosevelt épargne un ours à la chasse. Ce geste, inhabituel pour l’époque, est largement commenté, et devient une sorte de légende rooseveltienne, qui va inspirer la création de jouets en tissu en forme d’ours. Le succès de cette histoire, lié à la forte popularité du président, nourrit la demande pour les ours importés d’Allemagne, et donne son nom anglais au jouet, le teddy bear. »
De l’ours en peluche au doudou
« Dans les années qui suivent la Seconde Guerre mondiale, Donald Woods Winnicott, pédopsychiatre influent, théorise les phénomènes et objets transitionnels. Afin d’accepter la réalité, c’est-a-dire de gérer la tension entre leur réalité intérieure et la réalité extérieure, les individus s’aident d’une aire intermédiaire, véritable tampon entre leur subjectivité et leurs perceptions objectives, dans laquelle interviennent les phénomènes transitionnels, comme l’art, la religion, et le premier d’entre eux : le jeu. Le jeu est ainsi une aire imaginaire nécessaire pour que l’enfant tisse une relation avec le monde. Pour cela, pour jouer, il a besoin d’objets physiques qui font partie de la réalité extérieure, tout d’abord souvent le pouce ou le poing, puis des choses molles comme une peluche ou un coin de couverture, et enfin des poupées ou des jouets durs. L’objet transitionnel est celui que l’enfant trouve et investit à ce stade de son développement, le fameux doudou. »
Ours de fiction
« Capable de se tenir debout et d’imiter la gestuelle des êtres humains, l’ours est l’animal de fiction anthropomorphe idéal. L’apparition de l’ours en peluche au début du XXe siècle gomme les aspects les plus effrayants de l’animal et permet de multiplier rapidement les personnages ursins dans la littérature jeunesse, notamment à partir des années 1920, avec le fameux Winnie l’Ourson. Qu’il s’agisse d’ours vivant dans un monde d’ours ou d’ours évoluant au milieu des humains, la plupart des héros ursides se rapprochent des ours en peluche et sont représentés ronds et doux, assez éloignés de l’état de nature. »
L’ours en peluche aujourd’hui : le symbole
« L’ourson en peluche, ami des enfants depuis sa création, peut par glissement endosser le rôle de double et se substituer aux enfants pour exprimer, sur des images, la gravite d’une situation. Une image de guerre fréquente, mais qui ne perd jamais de sa puissance, est celle d’un nounours dans les décombres d’une ville détruite. Par le jouet s’incarnent la réalité du conflit et la menace qu’il fait peser sur les enfants. Les animaux en peluche, souvent déposés sur les lieux d’accident de la route, au cours de manifestations locales de sympathie lors de la disparition d’un enfant ou devant le domicile d’une personnalité décédée, sont ainsi intimement lies à la mémoire et au souvenir. Le nounours, symbole universel de l’enfance, est aujourd’hui plus qu’un jouet et peut être utilisé comme un outil pédagogique ou comme un moyen de communication avec l’enfant. Il les aide à se projeter dans des situations compliquées, notamment à l’hôpital. »
« L’ours demain »
« De quasi-demi-dieu et féroce roi du règne animal, l’ours est aujourd’hui, surtout dans sa version polaire, le symbole des changements climatiques et de la nature en danger. Dans leur habitat naturel réduit et menace, les ours doivent trouver de nouvelles sources de nourriture, ce qui les pousse à s’approcher des habitations humaines, remettant ainsi en question la séparation entre nos deux mondes. »
« Les programmes visant à maintenir l’espèce, comme la réintroduction dans les Pyrénées, sont l’objet de vives controverses qui se règlent par ours en peluche interposes, comme lorsque des nounours sont déposés devant la préfecture de l’Ariège en juin 2020 âpres qu’un ours a été abattu. » Le problème demeure de la coexistence dans une même zone rurale d'animaux sauvages - loups, renards, ours - et de l'être humain : promeneur, éleveur tentant de protéger ses animaux...
« De même, l’utilisation de l’ours en peluche dans la mode peut sembler un détournement comique, mais il représente également un acte militant, comme chez Jean‑Charles de Castelbajac, connu pour ne pas employer de fourrure. »
107 rue de Rivoli, 75001 Paris
Tél. : +33 (0) 1 44 55 57 50
Du mardi au dimanche de 11h à 18h
Nocturnes le jeudi, le samedi jusqu’à 21h et le dimanche jusqu’ 20hà
Visuels :
Ours en peluche, Allemagne ou Royaume-Uni, vers 1935
© Les Arts Décoratifs / Christophe Dellière.
Graphisme : Sylvain Reymondon et Benjamin Fernandes
Salle d'exposition
© Les Arts Décoratif, DR
Ajena
Ours
1993
Peluche rase ; yeux en plastique ; nez en peluche
© Les Arts Décoratifs
Steiff
Ours en peluche
Vers 1910 ou 1912
Peluche de mohair ; museau rasé ; sous-pattes en feutre
© Les Arts Décoratifs / Christophe Dellière
Charles Lévy
Affiche Tous les soirs. Cirque d’Hiver. Les ours sibériens
Paris, non daté
Lithographie couleur sur papier
© Les Arts Décoratifs
Patrick Lavoix pour Christian Dior Homme
Ours en peluche
1994
Velours, fibres synthétiques, plastique, coton, soie, laine, métal et verre
© Les Arts Décoratifs / Christophe Dellière
Moschino
Black Teddy Bear Coat and Belt
Collection automne-hiver 1988-1989
1988
Laine ; métal ; ours en peluche
© Les Arts Décoratifs
Articles sur ce blog concernant :
Les citations proviennent du dossier de presse.
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