dimanche 16 novembre 2025

« Au cœur de l'histoire : le procès de Nuremberg » d’Alfred de Montesquiou

Arte diffusera le 18 novembre 2025 dès 21 h 00 « Au cœur de l'histoire : le procès de Nuremberg », série documentaire d’Alfred de Montesquiou. « À Nuremberg, la fine fleur des journalistes et des écrivains ont vécu des mois durant dans le même château pour témoigner de l’horreur des crimes nazis. Une immersion passionnante qui offre un éclairage nouveau sur le "procès du siècle".

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Né en 1978, diplômé de Sciences Po, Alfred de Montesquiou est diplômé "en philosophie de la Sorbonne et en journalisme de l’université de Columbia à New York. Il a travaillé de 2004 à 2010 pour l’agence Associated Press, d’abord au desk Europe-Afrique de Londres, puis comme correspondant en Haïti. Il a ensuite été reporter de guerre, basé au Caire, puis chef correspondant pour le Maghreb. Depuis 2010, il est grand reporter pour le magazine Paris Match. Ce reporter de guerre est lauréat du Prix Albert Londres 2012 pour ses reportages sur la révolution en Libye. Alfred de Montesquiou est aussi écrivain (Oumma : un grand reporter au Moyent-Orient, Seuil, 2013). Son premier roman, L'Étoile des frontières, est paru en 2021 chez Stock. En août 2025, Robert Laffont a publié son second roman « Le Crépuscule des hommes ».
 
« Nuremberg, 1945 : un procès fait l'Histoire, eux la vivent. Chacun connaît les images du procès de Nuremberg, où Göring et vingt autres nazis sont jugés à partir de novembre 1945. Mais que se passe-t-il hors de la salle d'audience ? Ils sont là : Joseph Kessel, Elsa Triolet, Martha Gellhorn ou encore John Dos Passos, venus assister à ces dix mois où doit œuvrer la justice. Des dortoirs de l'étrange château Faber-Castell, qui loge la presse internationale, aux box des accusés, tous partagent la frénésie des reportages, les frictions entre alliés occidentaux et soviétiques, l'effroi que suscite le récit inédit des déportés. »

« Avec autant de précision historique que de tension romanesque, Alfred de Montesquiou ressuscite des hommes et des femmes de l'ombre, témoins du procès le plus retentissant du XXe siècle. Un roman vrai, qui saisit les sursauts de l'Histoire en marche. » 

Ce roman a été distingué par le Prix Renaudot Essai 2025, et été sélectionné pour le Prix Goncourt des lycéens, le Prix Goncourt des détenus, le Prix Interallié, le Grand Prix du Roman de l'Académie française. Son auteur a réalisé un documentaire sur le thème de son second roman. 

« Nuremberg, novembre 1945. Le monde entier a les yeux rivés sur Nuremberg, où s’ouvre le « procès du siècle ». Pour la première fois, les dignitaires du régime nazi sont jugés pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité, sous le regard de plus de 300 journalistes, écrivains et photographes. » Tous ces journalistes n'assisteront pas à toutes les audiences qui vont s'échelonner sur près d'un an. 
La mécène, écrivaine et éditrice argentine Victoria Ocampo Aguirre (1890-1979) est invitée en 1946 par le gouvernement britannique pour assister au procès. Elle est la seule latino-américaine y assister.

« Entre le 20 novembre 1945 et le 1er octobre 1946, ces journalistes vont découvrir l’horreur de la Shoah, puis raconter au monde l’émergence de la notion de génocide et l’affirmation internationale du crime contre l’Humanité, établissant une nouvelle ère dans l’universalité des droits humains. » 

« Face à eux, 21 des principaux dignitaires nazis se tiennent dans le box des accusés : Goering, Hess, Ribbentrop, les chefs de l’armée, de la marine ou de la Gestapo, des idéologues, des banquiers, les organisateurs des camps de la mort…  »

Echappe à ce procès : le grand mufti de Jérusalem Haj Mohammad Amin al-Husseini (1897-1974). La France, qui avait arrêté al-Husseini et lui avait offert des conditions de détention agréables, a refusé d'accéder aux demandes d’extradition de la Grande-Bretagne et de la Yougoslavie qui voulaient le voir juger pour crimes de guerre et complicités avec les dirigeants nazis. Le 29 mai 1946, al-Husseini a quitté la France par un vol régulier de la TWA d’Orly au Caire (Egypte), détenteur d’un faux passeport fourni par le Quai d'Orsay et voyageant sous un nom d’emprunt. 

« À Nuremberg, la fine fleur des journalistes et des écrivains ont vécu des mois durant dans le même château pour témoigner de l’horreur des crimes nazis. »

« Au tribunal comme au château, la tension est permanente, décuplée lors des moments clefs du procès – la diffusion des archives, filmées par les Américains lors de la libération des camps, ou le témoignage de la rescapée Marie-Claude Vaillant-Couturier sous le regard impassible des dignitaires nazis. »

« En plongeant au cœur du château de Faber-Castell, Alfred de Montesquiou met en lumière cette communauté de journalistes, d’écrivains, de photographes et de cinéastes réunis malgré la guerre froide qui s’annonce, percutés par la violence des preuves et animés, en réponse, par une soif de vie frénétique. »

Ce documentaire « propose une vision originale de ce procès dont on célèbre les 80 ans, en suivant ces correspondants de guerre dans la salle d’audience et à travers la ville en ruines : ils vivent en direct une révolution juridique qui voit les Alliés retenir leur instinct de vengeance pour offrir aux criminels de guerre un procès juste, dans l’espérance qu'il serve la dénazification de l’Allemagne aussi bien que l’édification des dirigeants politiques à travers le monde.  »

« Vivre le plus grand procès de l’histoire à travers le regard des femmes et des hommes venus le raconter : Alfred de Montesquiou, ancien reporter de guerre, parvient avec brio à conjuguer la lecture historique du procès avec la mise en lumière des sentiments et des émotions de ceux qui y ont assisté. 
Une immersion  passionnante qui offre un éclairage nouveau sur le "procès du siècle".

« Le documentaire pose ici la question cruciale de la posture à adopter face à l’horreur et de l'impossible neutralité, symbolisée jusqu’à l’extrême par Ernst Michel, journaliste allemand et juif déporté à Auschwitz, qui se retrouve à quelques mètres de ses bourreaux. 
80 ans plus tard, ce documentaire nous replace au cœur de ce procès historique, fragilisé par l’irruption de la guerre froide. »

« Riche de photos et de portraits au couteau des dignitaires nazis écrits par les grandes plumes de l’époque, ce documentaire en deux parties rappelle l’immense héritage de Nuremberg pour la permanence d’une justice internationale. »

Sylvie Lindeperg« l’une des meilleures spécialistes de la justice d'après-guerre à laquelle elle a consacré plusieurs travaux importants, est la conseillère historique du documentaire.  »

Nulle "conscience morale" n'a alors exprimé la moindre indignation envers la peine de mort infligée à des dirigeants nazis par ce tribunal.

Dans l'après-Deuxième Guerre mondiale, deux juristes juifs ayant étudié à Lviv en Galicie (actuellement en Ukraine) avaient contribué à l'émergence de concepts juridiques fondamentaux :  Hersch Lauterpacht (1897-1960) a fait émerger le concept de crime contre l'humanité pour protéger les droits supranationaux de l'individu, et Raphael Lemkin (1900-1959) a forgé en 1943 le vocable "génocide". Juriste polonais Juif, Raphael Lemkin est né le 24 juin 1940. Il a été l'artisan de l'adoption par l'Assemblée générale de l'ONU de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (CPRCG), le 9 décembre 1948. Des termes juridiques auxquels a recouru le Tribunal de Nuremberg pour juger et condamner des dirigeants nazis. 

« Novembre 1945. À Nuremberg, détruite par les bombes, 21 hauts dignitaires nazis se retrouvent sur le banc des accusés d’un procès historique, qui doit asseoir la nécessité d’une justice internationale. »

« Cette approche, portée par le procureur américain Robert Jackson, s’impose contre les tenants d’une justice expéditive, Churchill et Staline en tête. »

« Près de 300 figures de la presse et de la littérature viennent y assister, logées au château de Faber-Castell. Joseph Kessel côtoie John Dos Passos, Madeleine Jacob, Boris Polevoï et de nombreux correspondants de guerre chinois, brésiliens, australiens… »

« Ils s’émerveillent des technologies inventées par les Américains, telle l’interprétation simultanée des débats en plusieurs langues. »

« Mais le procès s’enlise, plombé par la lourdeur de la procédure. C’est alors que le procureur Jackson chamboule tout, en diffusant une archive témoignant de l’horreur des camps de concentration. Au château, on peine à se remettre du choc, et l’on s’oublie dans la fête et les cauchemars. Le ressentiment contre les accusés ne cesse de croître… »

« Au printemps 1946, l’inquiétude grandit : le procès de Nuremberg est menacé par l’irruption de la guerre froide, qui met en péril l’unité des juges occidentaux et soviétiques. Le procès pourra-t-il aller à son terme ? 
»

« Staline s’en méfie chaque jour davantage. À Faber-Castell, les correspondants soviétiques sont regardés du coin de l'œil. Au-delà, les conditions de vie au château se dégradent. »

« Alors que journalistes et romanciers commencent à regagner leur pays, le procès connaît un moment décisif : Jackson confronte Göring. Le numéro 2 du régime hitlérien, impressionnant d’arrogance et de talent oratoire, prend le dessus sur le procureur, dont l’aura s’étiole. »

« Un témoignage sonne toutefois le glas des dignitaires nazis : celui de Rudolf Höss. L’ancien commandant d’Auschwitz reconnaît froidement la nature industrielle de l’extermination des juifs, et détaille ce qu’il appelle la "Solution finale". 

« L’accusation forge un nouveau concept pour nommer l'innommable : le génocide. »

« Après un mois de délibération, le verdict tombe le 1er octobre 1946… »

« Les coulisses d’un procès fondateur »

« À travers le quotidien des journalistes venus raconter l’indicible, Alfred de Montesquiou, ancien reporter de guerre, éclaire le procès de Nuremberg sous un jour inédit. Interview. Propos recueillis par Raphaël Badache ».
 
 
« Pourquoi parler de Nuremberg et axer votre film sur le quotidien des journalistes réunis au château de Faber-Castell ? 
Alfred de Montesquiou : Jamais encore cet angle n’avait été traité et je souhaitais proposer une histoire immersive, entre la grande histoire de ce procès fondateur, et la “petite” : la vie des centaines de journalistes, écrivains, photographes, cinéastes présents sur place, réunis dans ce château pour raconter l’horreur et cet événement hors norme. Avant d’être documentariste, j’étais reporter de guerre, et j'ai été marqué au fer rouge par mon premier terrain, le Darfour. Un génocide, dans toute sa barbarie, son irrationalité. J’en ai tiré la conclusion que la justice internationale reste la seule arme dont dispose la civilisation face à ces crimes. Or, Nuremberg en est à l’origine. 

Votre film montre la difficulté de mettre en place un tel procès…  
Nuremberg témoigne d’une tension permanente entre un idéal et la dure réalité. Il y a les antagonismes entre Alliés, les rapports à la justice radicalement éloignés les uns des autres des juges américains, européens et soviétiques, et un Staline furieux du déroulé du procès. Ce dernier se retrouve même menacé, lorsque, le 5 mars 1946, Churchill, par son discours de Fulton, annonce la guerre froide à venir. Lorsque, le lendemain matin, Boris Polevoï, célèbre journaliste et romancier soviétique, ira prendre son petit-déjeuner, personne ne lui adressera la parole. La grande salle à manger du château est plongée dans un silence glacial. À travers son regard, on comprend que la guerre froide va créer des barrières pour longtemps. La logistique non plus n’a rien d’évident : comment garantir la sécurité des prisonniers ? Où loger les journalistes ? Comment nourrir tout ce monde alors que la guerre vient de s’achever ?   

Votre film offre des moments bouleversants comme cette archive des camps de concentration, commentée par un article de Joseph Kessel, publié dans Paris-Soir. En quoi cela change-t-il le cours du procès ?  
Jusqu’alors, on parlait de crimes de masse, de déportations, et le procès patinait. Mais avec la diffusion de ce film, tourné par des soldats britanniques et américains lors de l’ouverture des camps, il bascule, et entraîne avec lui l’histoire du XXe siècle. C’est l’instant précis de la découverte visuelle de ce qu’on appellera l’Holocauste, puis la Shoah. Or, que voit-on dans le documentaire ? Des images terribles des camps mais aussi celles des dignitaires nazis, sur le banc des accusés, regardant l’horreur dont ils sont les architectes, en direct, avec la description extraordinaire de Kessel, présent dans la salle. Tout cela démultiplie nos émotions. Le comédien qui a lu le texte a fini en larmes.  

Vous mettez aussi en avant Ernst Michel, journaliste allemand, juif, déporté, présent à Nuremberg. Pourquoi est-il important à vos yeux ?  
Ernst Michel incarne un questionnement fondamental : celui de la posture à adopter. Il vient de survivre à plusieurs années dans les camps, ses parents sont morts à Auschwitz, et il se retrouve à quelques mètres des responsables. Vous imaginez… Face à de telles atrocités, comment exiger la neutralité ? Au-delà de son cas, comment raconter l’indicible lorsqu’on est journaliste, écrivain ou cinéaste ? Ces questions sont fondamentales et toujours d’actualité. L’immersion à Faber-Castell permet d’apporter des réponses. 

Vous avez également écrit un livre autour du procès, Le crépuscule des hommes*. Quelles synergies existent entre le documentaire et ce que vous qualifiez de "roman vrai" ?  
Le film est une adaptation du livre. Mener ces deux projets de front m’a offert davantage de moyens, et m’a permis de collaborer avec des conseillers historiques renommés et des documentalistes de premier ordre, à Paris, Tel Aviv et Washington. Leur travail a permis de faire émerger des centaines de documents, dont de nombreuses photos inédites, comme cette image de Kessel, farouchement hostile à l’URSS, avec Ehrenbourg, propagandiste soviétique, bras dessus, bras dessous, ivres, s’envoyant des whiskys à Faber-Castell. Ces documents nourrissent le documentaire et renforcent son aspect immersif. C’est dans cet esprit que je mets en avant le jeune photographe militaire Ray D’Addario, qui a pris la mesure de l’événement et s’est mis au service de l’histoire. De par son statut, il a pu circuler partout, au tribunal, en prison, au château, et capter une forme de vérité du procès, tout en tombant amoureux d’une interprète, ce qui apporte une dimension romanesque au film et au livre. »

* Publié aux éditions Robert Laffont, Le crépuscule des hommes a reçu le prix Renaudot de l'essai 2025. Le livre d'Alfred de Montesquiou était également retenu dans la sélection des prix Goncourt, Interallié et de l’Académie française. 
Alfred de Montesquiou © Corentin Folhen


Alfred de Montesquiou, « Le Crépuscule des hommes ». Robert Laffont, 2025. 384 pages. EAN : 9782221267677. ISBN-13 ‏ : ‎ 978-2221267660

« Au cœur de l'histoire : le procès de Nuremberg » d’Alfred de Montesquiou
France, 2025
Coproduction : ARTE France, KM Production, Dreamtime
Avec le soutien de la Fondation pour la Mémoire de la Shoah
Raconté par Céline Sallette
Sur Arte 
1ère partie (47 min) : 18 novembre 2025 à 21 h 00
2e partie (50 min) : 18 novembre 2025 à 21 h 45
Visuels : © Ray d’Addario - NARA
Sur arte.tv du 11/11/2025 au 16/05/2026

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