samedi 1 novembre 2025

« Émigrés européens, des récits oubliés » de Marc Ball et Patrick Cabouat

Arte diffusera le 08 novembre 2025 dès 20 h 55 « Émigrés européens, des récits oubliés » (Auswandern! Deutsche Schicksale aus drei Jahrhunderten), série documentaire de Marc Ball et Patrick Cabouat. « C’est l’histoire de l’une des plus grandes migrations européennes. Celle de gens fuyant la misère ou les persécutions et espérant une vie meilleure. Ils vont descendre les fleuves du Rhin et du Danube, du XVIIe siècle jusqu'au lendemain de la première guerre mondiale, et vont peupler des contrées en Amérique, dans l’Est de l’Europe, en Russie et sur le continent africain ».

Jewishrefugees.blogspot published WW2: 40 Tunisian Jews never returned 

« De 1618 à 1933, les persécutions religieuses, les guerres ou la misère ont poussé des millions d'habitants des régions rhénanes et germanophones à s'exiler à travers le monde. À l’aune de témoignages mis au jour par les historiens, cette fresque documentaire  passionnante raconte leurs parcours et retrace, sur trois siècles, ces grandes vagues migratoires parties d'Europe. »

« Sur trois siècles et quatre continents, du début de la guerre de Trente Ans, en 1618, aux premières décennies du XXe siècle, des millions de germanophones vivant dans les régions traversées par le Rhin se sont exilés aux Amériques, à l’est de l’Europe ou en Afrique dans l’espoir d’une vie meilleure. »

« Outre la diversité des destinées que restituent les témoignages écrits des émigrés, la grande force de cette passionnante fresque documentaire est d’inscrire les différentes vagues migratoires dans le contexte politique, géopolitique, religieux, économique et même climatique de leur temps. »

« Nourrie d’une riche iconographie (gravures, peintures, séquences en animation) et d’éclairages apportés par les historiens ayant exhumé les traces laissées par ces exilés européens, une plongée d’ampleur dans l’histoire oubliée de ces déracinements – parfois choisis, souvent contraints – qui ont façonné le monde. » 

La série montre les relations pacifiques - adoption d'un nouvel arrivant germanophone, mariages, souvent entre une germanophone chrétienne et un amérindien - qui s'établissent entre une tribu amérindienne de la côte Est et ces immigrés germanophones, persécutés par les autorités anglophones.

1ère partie  : « Vers un nouveau monde (1618-1762) » [Eine neue Welt 1618-1762]
« Les premiers départs massifs de populations de langue allemande vivant le long du Rhin commencent au début du XVIIe siècle avec la guerre de Trente Ans (1618-1648), qui voit s’affronter catholiques et protestants. »

« Fuyant les persécutions, l’Alsacien Augustin Güntzer, calviniste, s’exile en Suisse. »

« Des décennies plus tard, mandaté par des quakers de Francfort pour acheter des terres en Pennsylvanie, renommée pour sa tolérance religieuse, l’avocat Francis Pastorius y rédige la première déclaration contre l’esclavage. »

« Le terrible hiver 1709 pousse de nombreux paysans du Palatinat, dont la famille Weiser, à rejoindre l’Amérique, où ils vont s’allier aux Mohawks contre les Anglais. »

Au fil du périple, des membres de la famille décèdent.

« À la même époque, les Habsbourg et Catherine II de Russie entendent coloniser des régions conquises à l’Empire ottoman. »

« Quittant son village de Bavière, Magdalena Wagner entreprend un long périple jusqu’à Timisoara, la capitale du Banat. Cette vaste région située entre la Hongrie, la Roumanie et la Serbie va attirer plusieurs centaines de milliers de colons. » u grand dam des populations locales : juifs, Magyars, etc.

« Andreas Rennefeld, lui, se rend avec des dizaines de milliers d’autres migrants recrutés par l’impératrice russe vers le sud de l'actuelle Ukraine, dans une région renommée la "Nouvelle-Russie".

« En 1750, le Nouveau Monde attire de plus en plus de colons européens... » Des agents recruteurs diffusent une image idéalisée de la vie outre-Atlantique.

« Parti du Wurtemberg, le pasteur Gottlieb veut croire à la promesse de liberté qu'offre cet ailleurs, mais à son arrivée, il découvre que ses compatriotes sont soumis à un système de servitude proche de l’esclavage. »

« Avec la révolution industrielle, les États-Unis deviennent une nouvelle terre d’opportunités pour les ouvriers et les entrepreneurs. George Anschutz, venu d’Alsace, prospère ainsi dans la production d’acier à Pittsburgh. »

« La démographie, le progrès et l’essor des libertés poussent toujours plus de Rhénans à émigrer. »

« De nouvelles portes s’ouvrent, comme le Brésil, qui va devenir la deuxième destination des populations germanophones dans le monde après l’Amérique du Nord. »

« Mais alors qu’ils rêvent de s’y installer, certains, comme l’Allemand Mathias Scholzen, bloqué à Dunkerque, embarquent finalement pour l’Algérie – les autorités françaises souhaitent alors assurer le peuplement de leur nouvelle colonie d’Afrique du Nord. » 

Pour l'un des pères fondateurs des Etats-Unis, Benjamin Franklin, l'arrivée d'un tel afflux de germanophones menace l'identité de l'Amérique anglophone, de "race blanche". 

« Dès la moitié du XIXe siècle, les migrations de germanophones deviennent massives et participent à la conquête de l’Ouest américain. »

D'Irlande, le mildiou, champignon parasite, s'étend en Europe continentale où il détruit des champs entiers de pomme de terre, légume essentiel de subsistance d'une population rurale. Pour échapper à la famine, l'exil demeure la solution.

« Alors que John Sutter est aujourd’hui encore considéré comme une figure de l’esprit pionnier, les Mémoires de l’un de ses compatriotes, Heinrich Lienhard, dénoncent les méthodes inhumaines utilisées contre les autochtones et écornent la légende. » Elles le présentent notamment comme un alcoolique ayant constitué un harem de filles indiennes parfois âgées de dix ans.

« La ruée vers l’or accélère ensuite l’extinction des peuples indiens dans la région. »

« En 1848, l’échec du printemps des peuples européens déclenche une vague d’exils politiques : les révolutionnaires, libéraux et anarchistes partent en nombre vers les Amériques. Parmi eux, Mathilde Franziska Anneke devient l’une des cheffes de file du mouvement féministe et abolitionniste américain. »

« En 1871, la guerre franco-prussienne et l’annexion de l’Alsace-Lorraine provoquent un nouvel exode massif. » Environ un dixième d'Alsaciens et de Lorrains choisissent la France. Non révolutionnaires, ces exilés sont bien accueillis en France où ils apportent une main d'oeuvre bien formée ; institutrices, artisans, etc. 

« En tant que nouvelle puissance coloniale, l’Allemagne unifiée incite à son tour les départs vers ses territoires fraîchement acquis, comme la Namibie, sa première colonie de peuplement en Afrique. »

« La Berlinoise Margarethe von Eckenbrecher en fait la promotion en 1907 dans un livre à grand tirage où rien n’est dit du génocide des Herero et des Nama. »

« Le mouvement pangermaniste, qui se développe dans les années 1920, rêve d'une nation sans frontières. Une idée à laquelle adhère le pasteur Friedrich Brepohl : parti en 1924 au Brésil pour évangéliser les communautés allemandes, il deviendra un sympathisant du nazisme, comme beaucoup d’autres germanophones installés dans le pays. » 

« Pour le meilleur et pour le pire » 

« Des recherches récentes ont permis d'exhumer les destinées, glorieuses ou infamantes, d’Européens de langue allemande qui, poussés par les persécutions religieuses, les guerres, la misère, parfois en lien avec la colonisation, ont espéré trouver, entre le XVIIe siècle et le début du XXe, une vie meilleure loin de leur terre natale. Focus sur quatre d’entre eux. Par Christine Guillemeau. »

« FRANCIS PASTORIUS
Quaker antiesclavagiste
Né en 1651, Francis Pastorius est mandaté par des quakers de Francfort pour acheter des terres en Pennsylvanie. Après six semaines d’un éprouvant voyage, le jeune avocat débarque en 1683 à Philadelphie et fait affaire avec William Penn, le fondateur de la ville et de la colonie britannique. Il acquiert 6 000 hectares en territoire lenape, où il établit la bourgade de Germantown. Afin d’attirer ses compatriotes, il vante dans un livret les mérites de la province, notamment sa liberté religieuse. Mais quand de nouveaux colons arrivent en nombre, il est révolté par leur violence à l’encontre des Amérindiens, chassés de leurs terres ancestrales. Les bateaux négriers qui accostent dans le port de Philadelphie le révulsent tout autant. "Qu'y a-t-il de pire au monde que d’être vendu comme esclave dans des pays étrangers, en séparant les hommes de leurs femmes et de leurs enfants ?", écrit-il avec trois autres quakers en 1685 dans une lettre de protestation considérée comme un texte fondateur de l’abolitionnisme. Il faudra pourtant attendre 1865 pour que l’esclavage soit officiellement interdit aux États-Unis.  

SÉBASTIEN NICOLAS GACHET
Avide recruteur 
Depuis l’éruption du volcan indonésien Tambora en 1815, une partie de l’Europe est plongée dans le froid et la famine. Installé à Gruyère, Sébastien Gachet part en 1817 à Rio de Janeiro pour négocier, au nom du gouvernement cantonal, la création d'une colonie suisse : Nova Friburgo, "la nouvelle Fribourg". La Couronne portugaise – qui, fuyant l’invasion napoléonienne de 1807, s’est réfugiée à Rio avec l’aide des Anglais – a besoin de main-d’œuvre pour remplacer les esclaves qu’elle s’est engagée, par un traité signé avec son allié britannique, à ne plus employer. Quelque 2 000 personnes, originaires de plusieurs cantons helvètes, répondent à l'appel. Bien que grassement rétribué pour chaque candidat à l’exil, Gachet, devenu consul de Suisse au Brésil, rogne notamment sur l'eau potable pendant leur traversée, au point que seuls 1 600 d’entre eux parviennent à Rio en 1819. Leur calvaire n’est pas fini : après une longue marche à travers la jungle, ils atteignent des baraquements insalubres où rien de ce qui leur avait été promis (argent, semences, outils…) n’est fourni. Livrés à eux-mêmes, beaucoup succombent ou s’enfuient. Accusé par des colons de s’être enrichi sur leur dos, Gachet échappe aux poursuites judiciaires, mais pas à l'opprobre ; il finira dans la misère.

MATHILDE ANNEKE
Leader féministe abolitionniste
Après la chute du roi de France Louis-Philippe, en 1848, un vent de révolution souffle sur l’Europe. Engagé aux côtés des ouvriers de Cologne, Fritz Anneke, l’un des leaders du mouvement communiste, entraîne sa femme Mathilde dans son combat, armes à la main. Quand, en 1849, les troupes prussiennes prennent la forteresse de Rastatt, épicentre de l’insurrection, Mathilde et Fritz, comme des milliers d’autres insurgés traqués, mettent le cap sur les États-Unis. Le couple s’installe à Milwaukee, où Mathilde se lie aux cheffes de file des cercles féministes et abolitionnistes américains. Devenue rapidement une figure du mouvement, elle fonde en 1852 le tout premier journal féministe dirigé par une femme aux États-Unis. C’est dans les colonnes du Deutsche Frauen-Zeitung ("Journal des femmes allemandes") qu’elle plaidera pour le droit de vote des femmes.  

MARGARETHE VON ECKENBRECHER 
Enjoliveuse du quotidien  
En 1884-1885, les puissances européennes, réunies à Berlin, se sont partagé l’Afrique. L'Empire allemand, désormais unifié, s'est approprié le Sud-Ouest africain, l’actuelle Namibie. C’est vers cette terre "exotique", appelée à devenir sa première colonie de peuplement et promue à grand renfort de brochures, d’articles et d’expositions coloniales, que le pouvoir impérial souhaite orienter le flux de ses migrants. En 1902, Margarethe von Eckenbrecher, jeune institutrice berlinoise de 27 ans, accepte avec enthousiasme d’y suivre son mari, un ancien militaire qui a servi dans la région. Dans son journal intime, elle romance son quotidien, mentionnant à peine le sort des peuples autochtones, dépossédés de leurs terres et soumis au travail forcé. Quand, en janvier 1904, ces derniers se révoltent, la répression menée par le général Lothar von Trotha tourne au massacre : environ 80 % des Herero et la moitié des Nama (soit, respectivement, 65 000 et 10 000 victimes) sont exterminés, tandis que les survivants sont jetés dans des camps de concentration. En 1907, afin d’encourager d’autres candidats à l’émigration, les autorités allemandes publient les souvenirs enjolivés de Margarethe, qui passent sous silence un crime considéré comme le premier génocide du XXe siècle. La colonie du Sud-Ouest africain, qui atteint 13 000 habitants à la veille de la Première Guerre mondiale, sera abandonnée après la défaite de l’Allemagne. »


« Émigrés européens, des récits oubliés » de Marc Ball et Patrick Cabouat
Allemagne, France, 2025
Auteurs : Marc Ball, Valériane Cariou, Patrick Cabouat, Bruno Ulmer, Catherine Ulmer-Lopez 
Coproduction : ARTE France, ARTE GEIE, Saarländscher Rundfunk, Seppia, Indi Film 
Sur Arte 
1ère partie (56 mn) : 8 novembre 2025 à 20 h 55, 19 novembre 2025 à 9 h 20
2e partie (55 min) : 8 novembre 2025 à 21 h 50, 19 novembre 2025 à 10 h 20
3e partie (55 min) : 8 novembre 2025 à 22 h 45, 19 novembre 2025 à 11 h 15
Sur arte.tv du 25/10/2025 au 06/11/2026
Visuels :
© SEPPIA / Indi FIlms
© ARTE France/ARTE/SR/Seppia/Indi Film


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire