Citations

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mardi 12 mars 2019

Max Ophüls (1902-1957)


Max Ophüls (1902-1957) est un talentueux scénariste réalisateur français né à Sarrebruck, alors dans l'empire allemand. Fuyant le nazisme, il s'exile aux Etats-Unis où il réalise des films, dont « Lettre d’une inconnue » (Letter from an Unknown Woman), au charme élégant et à la gravité sourde. En 1950, il revient en Europe où il réalise d'autres chefs d'oeuvres, dont "Madame de..." diffusé le 11 mars 2019 par Arte. 


Né à Sarrebruck en 1902 dans une famille Juive d’industriel textile, Maximillian Oppenheimer choisit comme nom d’artiste Max Ophüls  quand il débute en 1919 comme acteur, en particulier à l’Aachen Theatre.

Il évolue vers la production théâtrale en 1924, et dirige en 1926 le Burgtheater à Vienne (Autriche). Il épouse la comédienne Hilde Wall (1894-1980), et le couple a en 1927 un fils prénommé Marcel, et qui deviendra réalisateur notamment du documentaire controversé Le Chagrin et la pitié sorti en 1971.

Fort de la mise en scène de deux cents pièces de théâtre, il entre dans la profession cinématographique en 1929 comme chef-dialoguiste à la UFA (Universum Film AG), notamment pour Anatole Litvak.

Deux ans plus tard, il réalise la comédie Dann schon lieber Lebertran (On préfère l'huile de foie de morue), court métrage.

En 1932, Max Ophüls réalise Liebelei (Amourette ou Une histoire d’amour), d’après la pièce de théâtre éonyme d'Arthur Schnitzler, avec Paul Hörbiger, Magda Schneider et Gustaf Gründgens. En 1958, Pierre Gaspard-Huit réalisera un remake, Christine, avec Romy Schneider et Alain Delon.

A l’avènement du nazisme, il fuit l’Allemagne en 1933 pour la France dont il acquière la nationalité en 1938. Il y réalise Goethe, avec Pierre Richard-Willm, ainsi que Sans lendemain et De Mayerling à Sarajevo avec Edwige Feuillère.

Après la défaite de la France en 1940, il se réfugie aux Etats-Unis via la Suisse et l’Italie.

« Lettre d’une inconnue »
« Lettre d’une inconnue  » (Letter from an Unknown Woman) est un film romantique de Max Ophüls (1948). Deuxième adaptation cinématographique  d’une nouvelle Stefan Zweig de 1922, publiée en France en 1927, ce mélodrame évoque avec délicatesse et dans une mise en scène élégante, Lisa Brendle et Stefan Brand, deux êtres humains emprisonnés dans des passions distinctes, fuyant le bonheur, ou ne sachant pas le reconnaître et le saisir. Le 10 juillet 2018, Arte diffusera Lettre d'une inconnue, réalisé par Jacques Deray avec Irène Jacob, Christopher Thompson et Joachim Bißmeier.

« Vienne, vers 1900. À la veille d’un mystérieux duel qui semble s’annoncer fatal pour lui, Stefan Brand, un célèbre pianiste, reçoit une lettre d’une femme inconnue. Lisa Berndle, son auteure, y retrace l’amour fou qu’elle lui a secrètement voué toute sa vie...” 

Adapté de la nouvelle éponyme de Stefan Zweig, c’est l’un des plus beaux films de Max Ophüls (1902-1957), avec Joan Fontaine et Louis Jordan. 

Grâce à son admirateur, le scénariste et réalisateur américain Prestion Sturges, Max Ophüls  réalise à Hollywood The Exile (1947) avec Douglas Fairbanks, Jr, puis Lettre d’une inconnue  (1948), une “longue et bouleversante confession dans laquelle elle évoque aussi les rares étreintes et brefs éclats de vie que l’indifférent lui a concédés. De ces furtives unions est né un enfant, qui n’a pas survécu au typhus. Elle lui écrit à la veille de sa propre mort...” ; "Toi qui es tout pour moi […], toi que j'ai toujours aimé… Tu connaîtras toute ma vie mais seulement quand je serai morte et que tu n'auras plus à me répondre." 

Max Ophüls “réussit la prouesse d’adapter librement le chef-d’œuvre de Stefan Zweig, tout en préservant son extraordinaire délicatesse, et recrée la Vienne à l’aube du XXe siècle. Dans l’atmosphère en noir et blanc de la Vienne du début du siècle dernier, superbement reconstituée sous la lumière des studios, se déploie ainsi toute la dimension romanesque de Lettre d’une inconnue. À travers le récit tragique – et fantomatique – de cette histoire d’amour, obsession muette d’une part, oubli aveugle de l’autre, le cinéaste retrace avec une infinie douceur le parcours de ces deux héros sacrifiés, qui s'obstinent l’un et l’autre à fuir le bonheur. Le bellâtre séducteur (Louis Jourdan) est abusé par son orgueil égocentrique, l’amoureuse”, la blonde diaphane Joan Fontaine, co-productrice du film, par le fantasme de sa passion absolue. Des âmes fragiles, dont Max Ophüls s’emploie à éclairer toute la profondeur des sentiments”.

Longs travellings, atmosphère romantique, flash-backs, mélancolie du noir et blanc, “film de femme” où celle-ci apparaît dans sa pureté, candeur, dans une société raffinée, mais à la violence sourde.

Sur ces travellings, l'acteur James Mason, qui a tourné sous sa direction, a composé ce poème :
"A shot that does not call for tracks
Is agony for poor old Max,
Who, separated from his dolly,
Is wrapped in deepest melancholy.
Once, when they took away his crane,
I thought he'd never smile again".
Bien que le film ne rencontre pas un succès commercial lors de sa sortie, il est reconnu comme un classique du cinéma. La lecture de la lettre de Lisa transforme Stefan, désormais décidé à assumer les responsabilités d’un gentleman et d’affronter son destin avec gravité.

Retour en Europe
A Hollywood, Max Ophüls réalise ensuite ), Pris au piège (Caught) et Les Désemparés (The Reckless Moment) (1949), ainsi que des scènes dans Vendetta de Mel Ferrer (1946).

Max Ophüls retourne en Europe en 1950.

En France, il y tourne La Ronde (1950) d’après la pièce de théâtre de l'écrivain autrichien Arthur Schnitzler, avec Simone Signoret, Gérard Philipe et Simone Simon, et distingué par le BAFTA du meilleur film en 1951, Le Plaisir  (1952) – célèbre par la conclusion du narrateur « Le bonheur n’est pas gai » -, Madame de... (1953), d'après un roman de Louis de Vilmorin et doté de dialogues de l'écrivain Marcel Achard, avec Danielle Darrieux, Charles Boyer et Vittorio de Sica, puis Lola Montès (1955) avec Martine Carol et Peter Ustinov.

« Madame de... » de Max Ophüls
« Paris, 1900. Afin de régler une dette de jeu, la frivole Madame de… vend en secret à un bijoutier des boucles d’oreilles, cadeau de mariage de son époux, général attaché au ministère de la Guerre... Quelques jours plus tard, au cours d’une soirée à l’opéra, elle feint de les avoir perdues. En les faisant chercher partout, son mari déclenche un scandale. Informé de l’affaire par les journaux, le bijoutier va alors trouver le général pour tout lui raconter. Ce dernier rachète les boucles d’oreilles et les offre à sa maîtresse, en cadeau de rupture. Arrivée à Constantinople, celle-ci vend les bijoux, bientôt rachetés par le baron Donati, lequel, nommé ambassadeur à Paris, s’éprend de Madame de… et lui offre les boucles d’oreilles… »

 « Chef-d’oeuvre immortel, ce drame romantique et aristocratique de Max Ophüls a offert à Danielle Darrieux l'un de ses plus grands rôles ».

« À travers la valse de l’étincelante parure, symbole des sentiments fluctuants des protagonistes, le récit embrasse le basculement d’une femme, mondaine inconséquente, dans une passion et une lucidité mortelles ».

« La somptuosité de la mise en scène – chaque mouvement de caméra soulignant les oscillations du cœur de Madame de… –, le raffinement des dialogues et de la partition, ainsi que le jeu d’une frémissante subtilité de Danielle Darrieux ont imposé cette tragédie romantique de Max Ophüls au panthéon du septième art ».

"Après son exil américain, Ophuls rentre en France et enchaîne de 1950 à 1953 trois films majeurs avec sa favorite, Danielle Darrieux. La Ronde, Le Plaisir et Madame de… incarnent la quintessence du style ophulsien. Les travellings y sont plus que jamais étourdissants. Les décors de Jean d’Eaubonne et les costumes de Georges Annenkov, somptueux. Dans Madame de…, parmi une multitude de miroirs, lustres, tentures et guéridons, Darrieux en oublie parfois la caméra « pour la voir ensuite surgir sur la grue tout prêt de moi, puis la reperdre de vue dans les méandres du décor. » Escaliers, encadrements de portes et fenêtres, profusion d’objets méticuleusement choisis par Ophuls pour qui, « un zig-zag inattendu du travelling peut exprimer un drame plus violemment qu’un long dialogue. » De même que le plan-séquence d’ouverture introduit parfaitement l’accessoire central de l’histoire : une paire de boucles d’oreilles, « axe autour duquel l’action tourne sans cesse tel un carrousel, un axe minuscule à peine visible, petit détail de la toilette féminine qui s’agrandit, apparaît en gros plan, s’impose, domine les destins des héros et les dirige finalement vers la tragédie. » (Delphine Simon-Marsaud - 21 novembre 2017)

Arte diffusera le 11 mars 2019 "Danielle Darrieux. Il est poli d'être gai !" (Danielle Darrieux. Filmstar mit dem frechen Etwas, documentaire de Pierre-Henri Gibert. "Disparue à 100 ans, en octobre 2017, Danielle Darrieux a imposé son jeu nuancé, sa voix mélodieuse et son goût pour la subversion tranquille à travers les époques. Pierre-Henri Gibert explore sa vie de cinéma dans un passionnant portrait. C’est par l’entremise d’une élève de sa mère, professeure de chant, que Danielle Darrieux, enfant remuante dans un milieu bourgeois corseté, débute sa carrière à 14 ans dans Le bal de Wilhelm Thiele (1931) – où, déjà, elle pousse la chansonnette. Délivrée de sa timidité par un métier qui contient les rougissements sous une épaisse couche de fond de teint, cette "drôle de môme", qui malmène joyeusement les valeurs patriarcales de film en film, impose son charme pétulant et son tempérament de feu sur les écrans des années 1930. Sous l’influence de son mari et Pygmalion, Henri Decoin, de vingt-sept ans son aîné, l’indomptable rossignol s’oriente ensuite vers des rôles plus sensibles, à l’instar du drame romantique d’Anatole Litvak Mayerling, qui lui ouvre les portes de l’Amérique. Les diktats hollywoodiens et la souffrance de l’éloignement mettent fin à la parenthèse, et "DD", de retour en France à l’aube de la Seconde Guerre mondiale, triomphe bientôt dans des productions (Premier rendez-vous) de la Continental, société financée par le IIIe Reich. Tombée amoureuse du diplomate et play-boy dominicain Porfirio Rubirosa, arrêté par les Allemands pour espionnage, elle participe à une tournée de propagande à Berlin pour obtenir sa libération, puis rompt tout lien avec le cinéma de l’Occupation. Après-guerre, la jeune première qu’elle n’est plus doit se réinventer. De La vérité sur Bébé Donge de Decoin à Marie-Octobre de Julien Duvivier, elle incarne dans les années 1950 une cohorte de femmes fortes à l’amoralisme tranquille. Mais c’est sous la direction de Max Ophüls, notamment dans Madame de…, que la subtilité de son jeu atteint son apogée. Après 40 ans et quelques apparitions inoubliables (Les demoiselles de Rochefort), elle entame une brillante carrière au théâtre et à la télévision, tout en couvant de son aura mythique le renouveau du cinéma français (Anne Fontaine, François Ozon…). Entremêlant extraits de films, interviews de la comédienne et éclairages d'admirateurs (les cinéastes Paul Vecchiali ou Philippe Le Guay, les actrices Catherine Deneuve et Ludivine Sagnier, son dernier compagnon, Jacques Jenvrin...), une traversée passionnante de la carrière de celle qui a (en)chanté huit décennies de cinéma avec une légèreté dénuée de superficialité."

"Les Amants de Montparnasse"
Il meurt lors du tournage des Amants de Montparnasse (Montparnasse 19) avec Gérard Philipe, Anouk Aimée, Lili Palmer et Lino Ventura. Un film sur les dernières années de la vie de Modigliani qu’achèvera son ami, le réalisateur Jacques Becker.

Auteur d’une vingtaine de films dont il est souvent (co)scénariste, dont l’émouvant Lettre d’une inconnue, Max Ophüls a influencé par les mouvements élégants et sophistiqués de sa caméra, Stanley Kubrick et Jacques Demy.
  
  
« Lettre d’une inconnue  » de Max Ophüls
John Houseman, William Dozier pour Rampart Productions (Etats-Unis), 1948, 84 min
Scénario de Howard Koch et Max Ophüls d’après Stefan Zweig
Image : Franz Planer
Montage : Ted J. Kent
Musique : Daniele Amfitheatrof
Avec Joan Fontaine, Louis Jourdan, Mady Christians, Marcel Journet, Art Smith et Carol Yorke
Sur Arte le 12 janvier à 20 h 50 et le 29 janvier 2015 à 0 h 50
Visuels : © Kineos Films

« Madame de... » de Max Ophüls
France, Italie, 1953
Auteur : Louise de Vilmorin
Scénario : Marcel Achard, Max Ophüls, Annette Wademant
Production : Franco London Films, Indusfilms, Rizzoli Film
Producteur/-trice : Max Ophüls
Image : Christian Matras
Montage : Borys Lewin
Musique : Oscar Straus, Georges Van Parys
Avec Danielle Darrieux, Charles Boyer, Lia Di Leo, Vittorio De Sica, Jean Debucourt, Serge Lecointe, Mireille Perrey
Sur Arte 11 mars 2019 à 20 h 55
Visuels :
Danielle Darrieux (Louise de...) et Vittorio De Sica (Baron Fabrizio Donati)
Credit : © GAUMONT
Charles Boyer (Le Général André de...) et Danielle Darrieux (La comtesse Louise de...)
Credit : © GAUMONT
Jean Debucourt et Danielle Darrieux
Credit : © GAUMONT

France, 2018, 53 min
Sur Arte le 11 mars 2019 à 22 h 30
Visuel :
Le cinéaste français d'origine allemande Max Ophüls (à gauche) et Danielle Darieux (à droite), sur le tournage de "Madame de" en 1953.
Credit : © RMN-Grand Palais-Cinémathèque

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Les citations viennent d'Arte. Cet article a été publié le 12 janvier 2015, puis le 10 juillet 2018.

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