Citations

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« La lucidité est la blessure la plus rapprochée du Soleil. » (René Char).
« Il faut commencer par le commencement, et le commencement de tout est le courage. » (Vladimir Jankélévitch)
« Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort. Il est de porter la plume dans la plaie. » (Albert Londres)
« Le plus difficile n'est pas de dire ce que l'on voit, mais d'accepter de voir ce que l'on voit. » (Charles Péguy)

jeudi 28 décembre 2023

« Julia Pirotte, photographe et résistante »

Née Gina Diament, Julia Pirotte (1907-2000) était une photographe humaniste et journaliste talentueuse, communiste, juive polono-belge injustement méconnue. Durant la Deuxième Guerre mondiale, elle a photographié l’invasion de la Pologne par l’Allemagne, et, à Marseille, cette résistante a saisi avec son Leica la vie quotidienne, puis les combats de la Libération. Elle a aussi photographié les victimes du pogrom de Kielce en 1946, et la vie en Israël en 1957. Le Mémorial de la Shoah présente l’exposition « Julia Pirotte, photographe et résistante » (Julia Pirotte, Photographer and Resistant). Entrée gratuite.


« On me demande comment je fais avec cet appareil pour capter des images qui sont exposées dans le monde entier (…). Quand je ressens un battement de cœur, je sais que ce sera une bonne photo. » – Julia Pirotte

Née Gina Diament, Julia Pirotte (1907-2000) « grandit entre Konskowola et Lublin en Pologne, dans une famille juive pauvre, son père Baruch est mineur. » Elle a un frère ainé Marek né en 1905 et une sœur Mindla cadette née en 1911. Leur mère Sura Szejnfeld décède en 1916. Leur père se remarie, et installe sa famille à Varsovie où il devient épicier.

« Arrêtée à 17 ans pour son engagement dans la jeunesse communiste polonaise », elle est condamnée à quatre ans d’emprisonnement.

Exil en Belgique
« En 1934, Julia Pirotte fuit la Pologne pour rejoindre sa sœur Mindla, réfugiée en France ». Son frère avait fui pour l'Union soviétique.

« Tombée malade en Belgique, soignée par le Secours rouge international, Julia Pirotte commence ensuite à travailler comme ouvrière. » 

« À Bruxelles, elle épouse l’ouvrier et syndicaliste Jean Pirotte et elle rencontre la future résistante Suzanne Spaak ». Celle-ci encourage Julia Pirotte « à entreprendre une carrière de photojournaliste et lui offre un Leica Elmar 3, dont Julia ne se séparera plus jamais. » 

Sur Facebook, le Mémorial de la Shoah diffuse une vidéo de l'interview de Julia Pirotte qui montre son Leica Elmar III, produit en 1931 et reçu en 1939 de Suzanne Spaak, "une femme charmante et une grande combattante,, quand elle a achevé ses études de photographie à Bruxelles (Belgique).

« Parmi ses premiers reportages, Julia Pirotte réalise une enquête sur les mineurs polonais à Charleroi ainsi qu’un voyage aux Pays Baltes pour l’agence de presse Foto WARO. » 

Résistante
En mai 1940, après « l’invasion de la Belgique par l’Allemagne nazie, elle prend le chemin de l’exode. Elle se fixe à Marseille où elle retrouve sa sœur et arpente la région pour les journaux le Dimanche illustré, la Marseillaise, le Midi Rouge. » Elle écrit un article sur la chanteuse Edith Piaf.

Julia Pirotte « met la photographie au service des causes qu’elle défend : les conditions de vie précaires des habitants du Vieux-Port et les enfants juifs du camp de Bompard et les maquis de la Résistance. Résistance qu’elle rejoint très tôt tout comme sa sœur Mindla. Agent de liaison pour les FTP-MOI, elle transporte tracts et armes et fabrique des faux-papiers. »

« Le 21 août 1944, présente au plus près des combattants, Julia Pirotte documente par ses photographies l’insurrection et la libération de Marseille. »

« Les plus grands jours de ma vie furent ceux de l'insurrection à Marseille. Comme tant d'autres, j'avais des comptes à régler avec les nazis, mes parents et toute ma famille étaient morts dans des camps en Pologne et dans les ghettos. J'étais sans nouvelle de ma sœur prisonnière politique, je ne savais pas encore qu'elle était morte guillotinée », a écrit Julia Pirotte. 

Et Julia Pirotte de poursuivre : « Je me trouvais avec mon groupe de partisans, le 21 août 1944 à 15 h devant la préfecture. Les Allemands en fuite tiraient. Accroupie à l'abri de la roue d'une camionnette, j'ai réalisé ma première photo de la liberté retrouvée. L'ennemi reculait devant les partisans, c'était le début de l'insurrection ».

Après la guerre
« Après la guerre, Julia Pirotte retourne en Pologne. Elle y pose un double regard : un pays où l’antisémitisme n’est pas mort et un pays en reconstruction. »

Elle crée son agence de presse photographique WAF.

Le 4 juillet 1946, à Kielce, des Polonais tuent 42 juifs et blessent plus de 40 juifs - tous rescapés de la Shoah - revenant d'Union soviétiques. A l'origine : un blood libel (accusation diffamatoire contre les juifs accusés à  tort de crime rituel).

« Julia Pirotte est l’une des seules photographes présente à Kielce juste après le pogrom et elle réalise l’un de ses reportages les plus poignants, témoignage de l’antisémitisme toujours virulent. La même année, elle accompagne les convois de rapatriement de mineurs polonais de France ».

Ses photographies glorifient le travailleur polonais œuvrant à la reconstruction de la Pologne sous régime communiste. Le style - contre-plongée - rappelle celui des photographes louant le stakhanovisme imposé par le stalinisme.

En 1948, Julia Pirotte « couvre le Congrès mondial des intellectuels pour la paix de Wroclaw auquel participent, entre autres, Pablo Picasso, Irène Joliot-Curie, Aimé Césaire ; elle prend d’eux des portraits empreints d’humanisme. »

Elle effectue aussi un reportage en Israël en 1957. Elle y visite des kibboutzim.

En 1958, Julia Pirotte épouse Jefim Sokolski (1902-1974), économiste polonais revenu en Pologne deux ans plus tôt, après 21 ans au Goulag où son frère Marek était mort.

« Elle arrête sa carrière à la fin des années 1960 ». 

Reconnaissance tardive
« A partir des années 1980, ses photographies sont présentées dans de nombreuses expositions à Arles, New York (International Center of Photography, 1984), Charleroi, Paris, Varsovie. »

En 1989, Julia Pirotte, donne son oeuvre au Musée de la Photographie à Charleroi. Celui-ci organise en 1994 l'exposition itinérante Julia Pirotte - Une photographe dans la Résistance accompagnée d'un catalogue.

Pierre Krief réalise le documentaire français "Julia de Varsovie". 

Julia Pirotte a été distinguée par la Croix de guerre 1939-1945 et élevée au grade de Chevalière de l'ordre des Arts et des Lettres (15 février 1996).

Cette exposition « est une invitation à parcourir la vie et la carrière de Julia Pirotte, artiste engagée dont les photographies témoignent de sa sensibilité sociale et politique, à travers des interviews d’elle, ses reportages photographiques les plus connus (Bompard, l’insurrection de Marseille, le pogrom de Kielce), mais également son regard humaniste et universaliste qu’elle porte sur les femmes, les enfants et les hommes rencontrés sur son chemin. »
 
« Une attention particulière est portée sur les femmes, engagées et militantes, qui ont été déterminantes pour son parcours : sa sœur Mindla, exécutée en 1944 à Breslau par les nazis, Suzanne Spaak (1905-1944), nommée Juste parmi les Nations pour avoir sauvé de nombreux enfants juifs à Paris, Jeanne Vercheval, féministe et pacifiste belge. »

« L’exposition, à visiter gratuitement, présente une centaine de tirages originaux et modernes conservés dans les fonds du Mémorial de la Shoah, de La contemporaine de Nanterre, de l’Institut historique juif de Varsovie et du Musée de la Photographie de Charleroi. »

Le Commissariat de l’exposition est assuré par Caroline François, chargée des expositions, et Bruna Lo Biundo, chercheuse indépendante. 

Sur le site Internet du Mémorial de la Shoah, Jeanne Vercheval brosse le portrait d'une photographe sensible.

On peut écouter son témoignage sur le site Internet de l'USHMM.

La bande annonce ne donne pas une bonne idée de l'exposition.



Du 9 mars 2023 au 7 janvier 2024
Entresol-mezzanine 
17, rue Geoffroy–l’Asnier. Paris 4e
Tél. : 01 42 77 44 72
Tous les jours, sauf le samedi, de 10 h à 18 h
Nocturne jusqu’à 22 h le jeudi.
Entrée gratuite
Visuels : 
Affiche de l'exposition
Julia Pirotte, autoportrait, Marseille, 1942
© Musée de la Photographie – Charleroi

Une petite fille dans une rue en ruine, image-symbole d'un renouveau pour Varsovie. Varsovie, Pologne, 1947.
© Julia Pirotte/Musée de la Photographie à Charleroi

Portrait de Mindla Diament par sa soeur Julia Pirotte.
France, avant 1944.
Coll. Mémorial de la Shoah.

Échange de pots sur la place. Lituanie, 1938-1939.
© Julia Pirotte/Institut historique juif de Varsovie

Enfants faisant la ronde au camp de Bompart, Marseille (Bouches-du-Rhône).
France, 1942. 
Coll. Mémorial de la Shoah/Julia Pirotte

Insurrection de Marseille du 21 août 1944.
Marseille, France, 21 août 1944.
Coll. La contemporaine, Bibliothèque, archives, musée des mondes contemporains

Quartier du Vieux Fort. L'armée régulière française est arrivée.
Marseille, France, 21 août 1944.
Coll. La contemporaine, Bibliothèque, archives, musée des mondes contemporains

Enterrement des victimes du pogrom de Kielce (voïvodie de Sainte-Croix).
Pologne, juillet 1946.
Coll. Mémorial de la Shoah/Julia Pirotte

L’Homme nouveau ou la puissance du travailleur. Varsovie, Pologne, 1947
© Julia Pirotte/Musée de la Photographie à Charleroi

Des hommes avec des journaux devant un cinéma. Israël, 1957.
© Julia Pirotte/Institut historique juif de Varsovie.

Manifestation de la liberté, après la libération de la ville de Marseille.
Marseille, France, 29 août 1944.
Coll. La contemporaine, Bibliothèque, archives, musée des mondes contemporains

Action de sabotage près de Gardanne (Bouches-du-Rhône).
France, 1944.
Coll. La contemporaine, Bibliothèque, archives, musée des mondes contemporains.

Portrait de Mindla Diament par sa soeur Julia Pirotte.
France, années 1930-1940.
Coll. Mémorial de la Shoah/Julia Pirotte.

Une vieille femme assise sur des caisses en bois. Marseille, France, 1942.
© Julia Pirotte/Institut historique juif de Varsovie.

Julia Pirotte sur un banc de Linda Wolf, Cour ENSP.
Arles, France, 1982,
© Véronique Vercheval


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