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mardi 26 décembre 2023

Georges Arditi (1914-2012)

Georges Arditi (1914-2012) était un peintre prolifique né à Marseille dans une famille juive sépharade. Résistant dans un réseau forgeant de faux papiers, il a évolué du figuratif 
et du quattrocentisme vers le post-cubisme, puis l'abstraction avant de revenir à la figuration. Il a été le père de quatre enfants comédiens. La Piscine – Musée d’art et d’industrie André Diligent de Roubaix présente l’exposition « Georges Arditi (1914-2012). D’un réel à l’autre » (Georges Arditi (1914-2012). From One Reality To The Other").


Georges Arditi (1914-2012) est né à Marseille (France) dans une famille d'origine judéo-gréco-espagnole. Né en Bulgarie, son père, David Arditi, exporte des soieries. Quant à sa mère, Esther Asseo, elle est née à Salonique. Après la Première Guerre mondiale, en raison de la chute de la demande de la soie, l'entreprise familiale périclite.

La famille Arditi est liée aux Canetti. Georges Arditi a pour cousin germain l'écrivain germanophone Elias Canetti (1905-1994), Prix Nobel de Littérature 1981, le docteur Georges Canetti (1911-1971), médecin et biologiste français célèbre pour son combat contre la tuberculose, et Jacques Canetti (1909-1997), producteur et découvreur de talents de la chanson française (« éleveur de vedettes ») - tous trois d'origine juive séfarade bulgare.

Georges Arditi est élève au prestigieux lycée Carnot où il se passionne pour la littérature, la peinture - il apprécie les peintres flamands - et le tennis.

En 1932, malgré son échec au Bac, Georges Arditi étudie à l'École nationale supérieure des arts décoratifs où il a pour professeurs Emmanuel Fougerat, André Devambez, Jean Dupas, et Raymond Legueult ainsi que l'affichiste publicitaire Cassandre.

En 1935, Georges Arditi est recruté par son oncle Edgar dans sa société de radiotéléphonie.

Deux ans plus tard, la galerie La Fenêtre ouverte organise sa première exposition individuelle. Georges Arditi illustre des nouvelles pour L’Intransigeant, journal de Léon Bailby. Le peintre Zarraga le remarque, et le recommande au critique Pierre du Colombier.

Enthousiasmé par la lecture de Jean le bleu, il écrit à Jean Giono.

Sur ses lieux de villégiature - Normandie, Nièvre, Bourgogne... -, la famille Arditi fait la connaissance de Bernard Citroën, Jacqueline de Dampierre, l’aristocratie russe, et Francis Harburger avec qui il peint des paysages, qui seront dérobés durant l'Occupation par les nazis.

En 1938, Georges Arditi est invité au Salon des Tuileries où il présente le tableau Autoportrait au cou très long, torse nu. Pierre du Colombier écrit : « Retenez bien le nom d’Arditi, il est encore noué mais il est fort. »

1939, il succède à Savignac, comme assistant de Cassandre.

Durant la Deuxième Guerre mondiale, Georges Arditi est réformé pour des raisons de santé. Il s'efforce vainement de s’engager. S'il se déclare juif auprès du gouvernement de Vichy, il "refuse de porter l’étoile jaune et convainc sa famille d’en faire autant". Durant l'exode, il se lie à Yvonne Leblicq (1906-1982).

En 1942, des officiers nazis pillent l’appartement de la famille Arditi place Wagram (Paris) - une cinquantaine de toiles volées - et apposent des scellés sur la porte.

En décembre 1943, Joseph dit « Poulou » Arditi, frère de Georges, est interpellé à La Cadière (Var), puis déporté vers Auschwitz où il est assassiné.

Georges sous-loue son appartement à Pierre Kahn-Farelle qui organise le réseau des faux papiers de la résistance française et permet au jeune couple de louer un autre appartement rue de la Cerisaie. Pierre Kahn-Farelle, dit Pierre-des-faux-papiers, dirige une "petite usine occupant 25 camarades, jusqu’à l’arrestation et la fusillade en mars 1944 de 11 d’entre eux, y compris Pierre Khan, Cité des fleurs. Prévenu au dernier moment, Georges Arditi échappe de peu à cette arrestation".

"A la libération de Paris, en allant se renseigner sur son frère Joseph au Mouvement National des Prisonniers de Guerre et Déportés (MNPGD), Georges Arditi fait la rencontre de José Period, jeune femme d’origine péruvienne et amie de Marguerite Duras. Elle sera son amante pendant 7 ans, et tient une place importante dans sa vie." 

Georges Arditi habite et travaille à Paris. Quatre périodes stylistiques peuvent être discernées : de 1940 à 1949, une période figurative et quattrocentiste (Le Crépuscule, 1943), de 1952 à 1958 une période post-cubiste, de 1958 à 1973 une peinture abstraite, puis dès 1974 un retour à la figuration (portraits, paysages, nature mortes). En plus de ses expositions, individuelles - en France, au Brésil (1950), etc. - ou en groupes, présent aux Salons d'automne ou des Tuileries, il a été distingué par une rétrospective au musée de la Poste, à Paris, en 1990.

En 1948, Georges Arditi illustre Les Grandes Heures du Louvre de l'écrivain Léon-Paul Fargue.

Deux ans plus tard, il réalise une commande de l'État, une décoration murale pour le Lycée technique Jules Ferry à Versailles. L'Etat lui commande aussi des tapisseries : Les Bateaux, tissés aux Gobelins (1954), Le Port, tissé à Aubusson (1956).

Georges Arditi travaille "avec son cousin Jacques Canetti en tant que régisseur et décorateur aux Trois Baudets, à Paris, où il fréquente Brel, Devos, Vian, Gainsbourg,.. à leurs débuts. Il réalise également des décors pour le Théâtre du Vieux Colombier et le théâtre de la Huchette, entre autres".

"A la fin des années 60, il coordonne trois opérations de construction immobilières dans Paris".

En 2002, il publie La Peinture des peintres dans la collection Carré d’Art aux éditions Séguier. 

Il est l'auteur de "près de 800 tableaux et plus de 1000 dessins signés".

« Sans doute, la plus grande force d'Arditi est de se situer en dehors des époques et des écoles et de rappeler avec douceur mais avec fermeté, que l'on peut s'inscrire en marge du mouvement artistique triomphant, être seul comme une île en plein océan et, néanmoins, faire œuvre de créateur », a écrit Edmonde Charles-Roux, écrivain, membre de l'Académie Goncourt, dans la préface du catalogue de l'exposition du musée de la Poste (1990).

Georges Arditi a eu quatre enfants, comédiens, de deux unions. En 1971, il épouse Yvonne Leblicq (1906-1982), Bruxelloise rencontrée durant l'exode en 1940 à Aurillac. Le couple a deux enfants : Pierre, né en 1944, et Catherine, née en 1946. Avec Nicole Paroissien, Georges Arditi a eu deux filles : Danièle, née en 1974, et Rachel Arditi, née en 1976. "Mon père a toujours été un phare pour moi. Il n'envisageait pas que nous soyons autre chose que des artistes", a déclaré Pierre Arditi. Il se souvient combien il lui était pénible de poser, enfant, pour son père « dont le travail le fascinait, mais qui avait parfois du mal à assurer le train de vie familial ».

« Georges Arditi (1914-2012). D’un réel à l’autre »
La Piscine – Musée d’art et d’industrie André Diligent de Roubaix présente l’exposition « Georges Arditi (1914-2012). D’un réel à l’autre ».

« Avec le soutien exceptionnel de la famille de l’artiste, La Piscine et le musée Estrine de Saint-Rémy-de-Provence  s’associent pour consacrer une exposition à Georges Arditi (1914-2012). »

« Peintre d’origine gréco-espagnole, né à Marseille dans une famille juive, formé à l’École nationale supérieure des arts décoratifs dans l’atelier de Legueult, régulièrement exposé au Salon d’Automne à partir de 1945, Arditi est un artiste prolixe, représentant de cette dernière Ecole de Paris qui oscilla, dans les années cinquante, entre figuration et abstraction. Malgré une rétrospective au musée de la Poste en 1990, il demeure peu connu. »

« À La Piscine, où Georges Arditi est présent avec une nature morte, une petite gouache, et un virtuose portrait des deux premiers enfants du peintre offert en 2023 par Catherine Arditi, l’exposition se concentre sur les deux premières périodes de création de l’artiste et son cheminement au sein de la figuration et du réalisme : depuis les autoportraits, portraits de groupe et natures mortes de la décennie 1940, fortement influencés par la peinture du Quattrocento et l’exposition des « Peintres de la réalité » » du XVIIe français organisée en 1934 au musée de l’Orangerie à Paris, jusqu’aux ateliers, vues urbaines et paysages industriels des années 1952-1958, davantage marqués par l’expérience de décomposition-recomposition des formes du cubisme. » 

« Un ensemble inédit d’esquisses pour des décors de théâtre est également présenté, évoquant les contributions d’Arditi, cartonnier de tapisserie, illustrateur de bibliophilie et décorateur de théâtre, dans le domaine des arts décoratifs. »

Le commissariat de l’exposition est assuré par Bruno Gaudichon, conservateur en chef, La Piscine – musée d’Art et d’Industrie André-Diligent de Roubaix, et Élisa Farran, conservatrice et directrice, musée Estrine, Saint-Rémy-de-Provence.

« À Saint-Rémy, l’accent sera mis sur les paysages spectaculaires inspirés par les effets de lumière et de couleur autour du Mont Ventoux, insistant sur la production abstraite des années 1958 à 1973.

En plus de visites guidées pour groupes ou enseignants, le musée a proposé « Georges Arditi par lui-même », lecture à 3 voix par les enfants Arditi : Catherine, Danièle et Rachel Arditi. « À travers la lecture de lettres, d’extraits de journal, d’écrits sur la peinture, les enfants Arditi tentèrent d’éclairer l’oeuvre d’un peintre pris en tenaille entre ses difficultés matérielles, ses doutes et une ferveur constante dans un travail en pleine évolution. »

Publié par Silvana Editoriale, un catalogue accompagne l'exposition. "Formé chez Legueult et Cassandre, Georges Arditi fait pleinement partie de la génération qu’a bouleversée l’exposition des « peintres de la réalité » français du XVIIe siècle, en 1934, à l’Orangerie des Tuileries. Proche dans un premier temps de l’esthétique du groupe des Forces Nouvelles, il ambitionne rapidement un langage autonome dans de grandes compositions empreintes de mystère et d’élégance. La figure de l’artiste, face au spectateur, y organise un univers très singulier dont le temps suspendu doit assurément aux drames qui impriment l’expérience personnelle du jeune juif traqué, spolié et endeuillé. Il est alors tout à la fois Oiseleur taciturne et stupéfait, enfant des frères Le Nain ou créateur surpris à la marge d’une Réunion à la robe rouge qui semble l’ignorer."

"Une seconde période, dans le sillage des « peintres de tradition française » révélés durant l’Occupation, inscrit Arditi, à sa manière, sur la scène de la seconde École de Paris qui traque la lumière et recompose une vérité – vue d’ateliers, paysages urbains – passée au filtre d’un caléidoscope riche d’émotions. Dans cette séquence, les enfants de l’artiste s’affirment comme une infinie source d’inspiration sans que jamais le peintre ne cède aux facilités et à la mièvrerie du genre."

"À la fin des années cinquante, la découverte du Ventoux marque une évolution radicale aux marges mouvantes de l’abstraction."

"Les paysages plein cadre qu’Arditi lui consacre tissent une longue et riche suite qui n’est pas sans rappeler, dans le principe et l’obsession, l’épuisement du motif des meules ou des cathédrales de Rouen de Monet. Ces variations de formes enchevêtrées résonnent comme un véritable testament esthétique avant que l’histoire de l’art, oublieuse et injuste, ne referme les portes d’un douloureux purgatoire que cette exposition souhaite aujourd’hui enrayer."

"Plus qu’un catalogue d’exposition, cet ouvrage, riche d’œuvres souvent inédites et de contributions éclairées, est appelé à faire référence et permet enfin de remettre Georges Arditi dans cette lumière qui n’eût jamais dû lui manquer. Un événement, assurément".

QUELQUES OEUVRES COMMENTEES

Georges Arditi (1914-2012)
1938-1940 ?
Huile sur toile
65,3 x 54 cm
Collection particulière
Photo : Alain Leprince
© ADAGP, Paris, 2023

"Torse découvert, vêtu d’un drapé à l’antique, l’artiste se présente à mi-corps face au spectateur, devant un paysage aux lointains bleutés, à la manière des portraits du Quattrocento. Comme Giorgio de Chirico avant lui, Georges Arditi transpose volontairement son portrait dans un contexte classicisant et intemporel. La désolation de la nature environnante, le clair-obscur accentué, comme la fragilité du corps de l’artiste dépeint sans concession, traduise une mélancolie teintée de mystère bien propre à l’artiste."

"C’est avec un autre autoportrait probablement dans le même style, l’Autoportrait au cou très long, torse nu (oeuvre non identifiée, non localisée) que le peintre participe pour la première fois au Salon des Tuileries en 1938. À cette occasion, son travail est remarqué par l’historien d’art Pierre du Colombier, qui en pressent le potentiel : « Retenez bien le nom d’Arditi, il est encore noué mais il est fort » écrit-il. L’année suivante, alors qu’Arditi commence à avoir des appuis dans les milieux parisiens, la déclaration de guerre porte un coup au lancement de sa carrière."

Georges Arditi (1914-2012)
Huile sur toile
Roubaix, La Piscine – Musée d’art et d’industrie André Diligent. Dépôt du CNAP, 1995

"Cette toile représente un jalon important dans l’histoire du musée puisqu’elle fait partie des premiers dépôts de l’État venant rejoindre, en 1995, les collections alors en devenir de La Piscine. Vingt-huit ans plus tard, cette nature morte silencieuse et fermement composée, à la fois simple et étrange, semble résumer à elle seule l’univers personnel d’Arditi."

"Après son engagement dans la résistance, Georges Arditi revient sur la scène artistique de la libération avec des œuvres proches du courant des forces nouvelles. S’inspirant de la peinture de tradition française, et notamment ici du réalisme des tableaux du XVIIème siècle, Arditi affirme sa conviction que cet art est celui de la France libérée, de la France unanime et rassemblée. La "Nature morte à la nappe blanche" est parfaitement représentative de ce parti pris qui est au cœur du débat sur la peinture – entre figuration et abstraction – à la fin des années 1940 et au début des années 1950."




Du 7 octobre 2023 au 7 janvier 2024
Entrée du musée : 23, rue de l’Espérance. 59100 ROUBAIX
Tél. : + 33 (0)3 20 69 23 60 + taper 4
Mardi à jeudi de 11h à 18h
Vendredi de 11h à 20h
Samedi & dimanche de 13h à 18h
Visuels :
Georges Arditi (1914-2012)
Pierre et Catherine Arditi enfants
1950
Huile sur toile
130 x 89 cm
Roubaix, La Piscine-musée d’Art et d’Industrie André Diligent (don de Catherine Arditi en 2023).
Photo : Alain Leprince
© ADAGP, Paris, 2023

Georges Arditi (1914-2012)
Double portrait au pot cassé, dit Double portrait de Londres
1942
Huile sur toile
162,4 x 130 cm
Collection particulière
Photo : Alain Leprince
© ADAGP, Paris, 2023

Georges Arditi (1914-2012)
Esquisse pour un décor de théâtre pour le Vieux-Colombier à Paris
c. 1960
Gouache sur papier
21,3 x 31,5 cm
Collection particulière
Photo : Alain Leprince
© ADAGP, Paris, 2023

Georges Arditi (1914-2012)
La grande grue
1954
Huile sur isorel
112 x 85 cm
Collection particulière
Photo : Alain Leprince
© ADAGP, Paris, 2023

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