Citations

« Le goût de la vérité n’empêche pas la prise de parti. » (Albert Camus)
« La lucidité est la blessure la plus rapprochée du Soleil. » (René Char).
« Il faut commencer par le commencement, et le commencement de tout est le courage. » (Vladimir Jankélévitch)
« Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort. Il est de porter la plume dans la plaie. » (Albert Londres)
« Le plus difficile n'est pas de dire ce que l'on voit, mais d'accepter de voir ce que l'on voit. » (Charles Péguy)

vendredi 14 novembre 2025

« Comment les nazis ont photographié leurs crimes, Auschwitz 1944 »

Le Mémorial de la Shoah présente l’exposition « Comment les nazis ont photographié leurs crimes, Auschwitz 1944 » dotée d'un site Internet. « 80 ans après la découverte du camp par l’Armée rouge le 27 janvier 1945, l’album d’Auschwitz témoigne du fonctionnement du centre de mise à mort d’Auschwitz‑Birkenau à son apogée : l’été 1944 et la déportation des Juifs de Hongrie », une des plus importantes communautés juives en Europe : plus de 600 000 doivent être déportées en trois mois. Entrée libre. Quid de la SNCF dont on voit un wagon dans une photo ?


« Pouvez-vous vous identifier sur cette photo ?
Le témoin Goldstein : Oui.
Où êtes-vous ?
Au milieu, avec un foulard blanc.
Pouvez-vous identifier quelqu’un d’autre sur la photo ?
Mes soeurs.»
« Qui a pris ces photos ?
Un Allemand. En uniforme SS »
Extrait de la déposition d’Esther Goldstein au procès d’Adolf Eichmann.
Cession 70.
Jérusalem, Israël, 8 juin 1961.
Mémorial de la Shoah/Israeli State Archives.

« L’exposition « Comment les nazis ont photographié leurs crimes, Auschwitz 1944 » apporte de nouvelles clefs de lecture au principal ensemble photographique montrant le processus qui conduisit au massacre de masse à Auschwitz-Birkenau. Cet album photographique, nommé couramment l’album d’Auschwitz, fut réalisé par les SS pour témoigner auprès des dignitaires nazis de la parfaite maîtrise des opérations d’extermination sur le site. Il contient des images parmi les plus emblématiques de la Shoah. »

« Ces photographies, connues depuis le début des années 1950, ont servi de preuves lors des procès de certains des responsables de la « Solution finale ». Depuis la redécouverte de l’album complet dans les années 1980, et grâce aux travaux entrepris récemment par l’historien Tal Bruttmann, commissaire scientifique de l’exposition, une nouvelle lecture s’impose. Notre regard est appelé à détecter dans les photographies ce qui voulait y être caché par leurs auteurs et dont nous n’avions pas conscience jusque-là. »

« Cette plongée dans les images nous révèle le chantier gigantesque qui fut nécessaire à la mise en place de l’extermination des Juifs sur le site d’Auschwitz. Les indices nous permettent de comprendre l’organisation de la déportation et de la « sélection », y voir la violence et ses sons, le cynisme de ses organisateurs, mais aussi les failles dans le processus soi-disant secret de sa mise en œuvre et enfin la résistance des victimes, souvent niée. »

« 80 ans après la découverte du camp par l’Armée rouge le 27 janvier 1945, l’album d’Auschwitz témoigne du fonctionnement du centre de mise à mort d’Auschwitz‑Birkenau à son apogée : l’été 1944 et la déportation des Juifs de Hongrie. »

Le commissariat scientifique est assuré par Tal Bruttmann, historien, avec Christoph Kreutzmüller, historien. Les textes de l’exposition sont signées par Tal Bruttmann avec Christoph Kreutzmüller, et les recherches iconographiques, audiovisuelles et documentaires par Tal Bruttmann, Christoph Kreutzmüller, Sophie Nagiscarde, Natacha Nisic.

Quid de la SNCF (Société nationale des chemins de fer) dont le sigle est lisible sur des wagons photographiés ? "Au moins deux trains sont composés de wagons de la SNCF", précise un panneau de l'exposition.

Autant les analyses sur des photographies sont précises sur les modèles de wagons (Breslau, Hanovre, Kassel, etc.), les dimensions des wagons ("près de 10 mètres de long") et "la combinaison de chiffres "23/66" : il s'agit ici du 23e wagon du convoi, le chiffre 66 renvoie au nombre de personnes entassées dans le wagon", autant elles sont laconiques sur le rôle des entreprises ferroviaires : collaboration entre l'allemande Reichsbahn (« Chemin de fer impérial ») et la SNCF ? 

Lors du vernissage presse, Tal Bruttmann a évacué rapidement cette question en renvoyant aux recherches d'un autre historien. Pourtant, cette question aurait justifié plus d'espace dans l'exposition, voire une exposition spécifique. Et le partenariat entre la SNCF et le Mémorial de la Shoah ne saurait justifier tant de lacunes car les wagons et rails sont omniprésents dans cet album d'Auschwitz, et ont permis la déportation dont ils sont souvent une des images. Le site d'Auschwitz a été choisi en raison de sa localisation dans une région industrielle bénéficiant d’un réseau ferroviaire dense. En avril 1940, les SS, dirigés par Heinrich Himmler, avaient réquisitionné la caserne militaire de l'artillerie polonaise située près d'Oswiecim, et l'avaient transformée en camp de concentration, puis en vaste complexe concentrationnaire. 

Georges et Guy Lipietz avaient intenté un procès à la SNCF. En vain.

En 2011, Guillaume Pepy, alors Président de la SNCF, avait reconnu les responsabilités de cette entreprise qui fut « un rouage de la machine nazie d'extermination ». 

Grâce aux actions menées aux Etats-Unis, un fonds d'indemnisation de 60 millions de dollars (environ 49 millions d'euros) doté par la France a indemnisé les victimes étrangères devenues américaines, déportées dans les trains de la SNCF vers les camps nazis durant la Deuxième Guerre mondiale

La coordination générale de l'exposition a été confiée à Sophie Nagiscarde, responsable du service des Activités culturelles, Natacha Nisic, plasticienne, avec Clara Lainé et Elise Arnaud, service des activités culturelles. 

« La scénographie du designer Ramy Fischler accompagne cette redécouverte autour notamment de deux objets majeurs, un album et une table cartographique, en exploration lumineuse. »

Autour de l’exposition, le Mémorial de la Shoah a organisé divers évènements.
Projection rencontre - EN AVANT-PREMIÈRE
Dimanche 12 janvier 2025 - 14 h
« L’Album SS retrouvé » de Jobst Knigge, Barbara Necek et Susann Reich
Allemagne, France, documentaire,
52 min, ZED & Spiegel TV pour France Télévisions, Histoire TV, BR & MDR, 2024.
« En 2016, dans une armoire poussiéreuse d’un village de l’ouest américain, un album contenant plus de 250 photos inédites d’officiels nazis est exhumé. Prises entre 1928 et 1943, ces images témoignent de l’irrésistible ascension d’un groupe de jeunes hommes au sein de l’univers concentrationnaire nazi. Au terme de cinq ans d’investigation, l’historien Stefan Hördler, spécialiste de la SS, déchiffre ces photos devant la caméra et reconstitue en détails le parcours de ces hommes qui témoigne de leur radicalisation et de leur terrible contribution aux camps de concentration. »
En présence de Stefan Hördler, historien, conseiller historique du film, et Barbara Necek, réalisatrice.
Animée par Matthias Steinle, maître de conférences en études cinématographiques et audiovisuelles à l’université Sorbonne Nouvelle.

Rencontre - Conférence inaugurale
jeudi 23 janvier - 19 h
« Cette rencontre propose d’entrer dans les coulisses de la fabrication de la nouvelle exposition du Mémorial portant sur un album photographique qui est devenu l’une des sources visuelles majeures de l’histoire de la Shoah. Témoignant de l’arrivée des Juifs hongrois au printemps été 1944 à Auschwitz-Birkenau, ces images, examinées à la loupe, sont remises en mouvement et questionnées à l’aune de ce qu’elles montrent mais également au regard d’une série d’indices laissés hors-champ qui nous renseignent sur le complexe d’Auschwitz-Birkenau, le processus d’extermination, et le comportement des bourreaux et des victimes. »
En présence de Tal Bruttmann, historien, commissaire de l’exposition. En conversation avec André Loez, historien, producteur du podcast Paroles d’histoire.


80 ANS DE LA DÉCOUVERTE DES CAMPS - AUTRE EXPOSITION
Le Mémorial de la Shoah présente aussi l'exposition « De la découverte des camps au retour des déportés » dans l'Allée des Justes depuis le 25 novembre 2024
« Comment les déportés ont-ils vécu leur libération ? Comment ont-ils été rapatriés en France ? Quel accueil y ont-ils reçu ? A-t-on cherché à entendre ceux qui avaient survécu ? Comment s’organisent après-guerre la reconstruction des communautés juives en Europe et la mise en place de la mémoire de la Shoah ? »
« À l’occasion du 80e anniversaire de l’année 1945 et de la « découverte » des camps, cette exposition revient sur la diversité des expériences de « libération » des camps par les armées américaines, britanniques, françaises et soviétiques et sur la complexité des rapatriements, à travers de nombreux témoignages de déportés, ainsi qu’une riche iconographie. »

Textes : Jacques Fredj, directeur du Mémorial de la Shoah
Coordination de l’exposition : Elise Arnaud, service des activités culturelles du Mémorial de la Shoah.
Graphisme : Estelle Martin


LE CONTEXTE

UNGARN AKTION
« Opération Hongrie »

« Au début de l’année 1944, la Hongrie abrite la dernière grande communauté juive à avoir échappé au processus de destruction. Malgré les persécutions mises en place par le régime de l’amiral Horty, ce sont plus de 700 000 Juifs qui vivent dans le pays. Mais en mars, la situation change radicalement : l’armée allemande occupe la Hongrie et favorise la mise en place d’un nouveau gouvernement. »

Femmes juives du ghetto de Técső déclarées aptes au travail. Birkenau, Reich/Pologne annexée, mai 1944. Esther Goldstein se reconnait sur la photo (au milieu, avec un foulard blanc), numérotée 1335 au procès Eichamnn, ainsi que ses deux soeurs. © Album d’Auschwitz. Yad Vashem, Jérusalem

« Dans le cadre de cette opération, planifiée depuis des semaines, Adolf Eichmann rassemble près de 200 de ses hommes avec pour objectif de procéder à la liquidation des Juifs de Hongrie. Le 21 mars, lui et ses hommes entrent dans Budapest, où ils installent le quartier-général de l’opération. »

« En quelques jours, avec la collaboration des autorités hongroises et des administrations du pays, l’ensemble des Juifs sont rassemblés dans une série de ghettos et de camps, qui sont en fait des points de concentration d’où seront organisées les déportations. L’ensemble de la Hongrie doit être débarrassé de ses Juifs en trois mois. »

« La déportation des Juifs de Hongrie est accompagnée d’une importante campagne de presse, orchestrée par le régime nazi, à travers toute l’Europe. Durant plusieurs semaines des articles se succèdent, dénonçant la « mainmise des Juifs » sur la Hongrie et annonçant leur déportation en guise de « solution ».

« Die Juden in Ungarn » [Les Juifs en Hongrie]
Oberschlesische Zeitung, le journal de Haute-Silésie, du 14 avril 1944, page 1.
Après avoir commenté la présence juive dans le pays en augmentation depuis des siècles jusqu’à atteindre 740 000 personnes, l’article appelle à résoudre ce problème dangereux pour la nation hongroise et pour l’Europe : de 100 000 à 500 000 Juifs doivent disparaitre.

Les deux convois test d’avril 1944
« Dans le cadre de la préparation de l’opération, deux premiers convois de déportation quittent la Hongrie les 29 et 30 avril, et atteignent Auschwitz le 2 mai. Tout indique qu’Eichmann et Rudolf Höss, accompagnaient ces convois, afin de juger de l’état d’avancement des préparatifs à Auschwitz. Le site doit faire face à la plus importante opération d’assassinat jamais organisée : plus de 600 000 personnes doivent être déportées en 3 mois. Il apparaît rapidement qu’Auschwitz n’est pas en mesure d’assurer sa mission. »

« Des mesures doivent être prises : une partie du commandement du camp est remplacée par des proches de Höss, celui-ci étant missionné pour superviser l’opération à Auschwitz et hâter les préparatifs. »

Déportation des Juifs de la ville de Dunajska Streda.
Hongrie, juin 1944.
Coll. Yad Vashem, Jérusalem.

L’opération Höss
« Après avoir commandé durant quatre années le KL Auschwitz, Rudolf Höss a été promu en décembre 1943 au sein du département D, en charge des camps de concentration, du SS-Wirtschafts-Verwaltungshauptamt (WVHA, office central SS pour l’Economie et l’administration), sous les ordres de Richard Glücks dont il est l’adjoint. C’est dans le cadre de ces nouvelles fonctions que Höss est, dès avril 1944, étroitement associé à l’« opération Hongrie ».
« Mais début mai 1944, Auschwitz ne paraît pas être prêt à faire face à la colossale opération en cours de préparation. Oswald Pohl charge alors Höss de retourner à Auschwitz et de superviser l’« opération Hongrie ». Elle devient dès lors connue, sur le site, sous le nom d’« opération Höss ».

La Bahnrampe
« Dès 1941 une gare devait desservir Birkenau, qui était alors prévue pour être un camp pour prisonniers de guerre soviétiques. Ce n’est pourtant que 2 ans plus tard, en septembre 1943, que le chantier débute. Désormais cette nouvelle gare, désignée par les SS comme la Bahnrampe (la rampe ferroviaire), sert un second objectif, outre la desserte du camp : amener les Juifs au plus près des chambres à gaz. D’un point de vue ferroviaire, la connexion prévue initialement depuis l’Est est inversée et se fera depuis l’Ouest, avec un embranchement depuis la gare de marchandises d’Auschwitz, là où se trouvait la Judenrampe, utilisée depuis le printemps 1942 pour les convois de la « solution finale ».

La construction
« Le chantier est confié à plusieurs sociétés allemandes, la principale étant la société Reckmann, spécialisée dans les constructions ferroviaires. Ses employés vont superviser pendant plus d’une année le chantier de construction. Dans le même temps, la dernière phase de la construction du mirador central est également mise en chantier. Le bâtiment doit tout à la fois servir d’entrée pour la gare et clore le périmètre de Birkenau, créant ainsi une continuité du camp. »

Une année de chantier
« Plusieurs centaines de prisonniers, hommes et femmes, vont travailler à ce colossal chantier, désigné par les SS sous le nom de Bauwerk 27 (BW 27), qui nécessite le renforcement de sols marécageux avec la construction de diverses infrastructures, afin de soutenir les voies ferrées et le quai. Les travaux se déroulent jusqu’en novembre 1944 et ne seront jamais totalement achevés : les bâtiments qui devaient être érigés sur le quai ne seront jamais construits, pas plus que, selon Rudolf Höss, l’extension prévue de la voie jusqu’aux chambres à gaz-crématoires KIV et KV. »

LES PHOTOGRAPHES DE L’ALBUM

L’Erkennungsdienst
« Les camps de concentration disposent de services photographiques. »

« Á Auschwitz, il en existe deux. Le principal est l’Erkennungsdienst, le service Anthropométrique, dirigé par Bernhard Walter. Outre l’enregistrement des détenus, le service remplit différentes missions, des plus variées : photographier les innombrables travaux ; les visites officielles ; les corps des prisonniers exécutés lors de tentatives d’évasion ou qui se sont suicidés ; de la « documentation » diverse, comme les tatouages ornant les corps de détenus... »

« L’autre service photographique existant à Auschwitz est celui de la Bauleitung, la direction de la construction. Son activité principale, voire unique, est de documenter les travaux entrepris. »

« C’est le service Anthropométrique qui en mai 1944 est chargé de réaliser des centaines de photos montrant comment se déroule l’ « opération Höss ».

« Une quinzaine d’albums auraient été réalisés à cette occasion, probablement destinés à accompagner un rapport écrit, comme le font régulièrement les SS. L’album qui nous est parvenu est l’un de ces exemplaires. »

Bernhard Walter
« Artisan de formation, né en 1911, Bernhard Walter rejoint le parti nazi en 1933. Il sert dans la SS des camps à partir de 1934. En janvier 1941, il est muté à Auschwitz où Rudolf Höss le place à la tête du service Anthropométrique, bien qu’il n’ait aucune véritable formation photographique. Outre les photographies qu’il prend dans le cadre de ses fonctions, il réalise de nombreux clichés pour les SS, en premier lieu pour Rudolf Höss, pour qui il fait de nombreuses photos de ses enfants. Son poste permet à Walter, bien qu’il soit sous-officier, de nouer des relations étroites avec la plupart des officiers du camp et de circuler dans la quasi-totalité des zones qui constituent le complexe d’Auschwitz, y compris celles dont l’accès est strictement contrôlé. »

Ernst Hofmann
« Ernst Hofmann est né en 1901. Instituteur, il adhère en 1933 au parti nazi et à la SS. Mais ce n’est qu’au déclenchement de la guerre qu’il est appelé en service, en tant que garde au camp d’Auschwitz. En mai 1941, bien que n’ayant aucune formation photographique, il est nommé adjoint de Walter. Hofmann, considéré par les autres SS comme étant particulièrement autoritaire, sera l’adjoint de Walter jusqu’à la fin du fonctionnement d’Auschwitz. »

« De très nombreux albums ont été réalisés par l’Erkennungsdienst d’Auschwitz, tant dans un cadre officiel (visites, rapports administratifs et documentation) que dans un cadre privé, pour des SS du camp. Seul un nombre restreint est parvenu jusqu’à nous. Á ce jour, outre l’album de Lili Jacob, trois autres nous sont parvenus. Un autre album, réalisé par la Bauleitung, est lui aussi conservé. »

Sur plusieurs clichés, pris au Kanada, diverses fumées sont visibles : celles des cuisines, mais aussi et surtout celles provenant des fosses d’incinération à ciel ouvert, notamment derrière la chambre à gaz-crématoire KV. © Album d’Auschwitz. Yad Vashem. 

L’« album d’Auschwitz »
« Composé de 56 pages, l’album conservé au Mémorial de Yad Vashem depuis 1980, comportait originellement 197 photographies qui documentent l’arrivée des Juifs de Hongrie à Birkenau. Ces clichés ont été pris à différentes dates allant de la fin du printemps à l’été 1944. Titré « Réimplantation des Juifs de Hongrie », l’album est organisé en six parties : « Arrivée d’un convoi », « Tri », « Après le tri », « Après l’épouillage », « Installation au camp de travail » et « Effets ». Les parties « Tri » et « Après le tri » sont subdivisées, la première en « hommes à l’arrivée » et « femmes à l’arrivée, la seconde en « Hommes encore aptes », « Femmes encore aptes », « Hommes plus aptes », « Femmes plus aptes et enfants ». 

« Les photographies prises à l’occasion de la livraison d’un nouvel hôpital militaire à Birkenau le 1er septembre 1944 sont probablement réalisées par Walter. »

Des SS ont ordonné à un homme assis par terre d’ôter un grand chapeau noir, ce qui est une humiliation (1). Il regarde ou semble s’adresser à un homme hors champ. Derrière lui un homme fixe le photographe. Il porte un bandage autour du visage (2). Juif religieux, comme le montre sa kipa, il a subi en Hongrie, avant d’être embarqué dans le convoi, un rasage forcé destiné à l’humilier. 
© Album d’Auschwitz. Yad Vashem

« Glissées dans l’album d’Auschwitz lorsqu’il a été trouvé, se trouvaient dix pages de reproductions photographiques rassemblant 63 clichés.

« Cet ensemble porte à la fois sur la visite d’Himmler à Auschwitz les 17 et 18 juillet 1942, sur le camp d’Auschwitz et certains de ses camps satellites. » © Album d’Auschwitz. Yad Vashem

Himmler (1900-1945) était Reichsführer-SS, dirgieant la SS, Chef der deutschen Polizei (chef de toutes les polices allemandes, dont la Gestapo) et, dès 1943, ministre de l'Intérieur du Reich et Chef der Heeresrüstung und Befehlshaber des Ersatzheers (responsable de l'équipement militaire de l'Armée de terre et commandant en chef de l'Armée de terre de réserve). 

L'album de la construction du SS Truppenlazarett.
Page de l’album photographique documentant la construction du SS Truppenlazarett, l’hôpital des troupes SS à Auschwitz. Auschwitz Birkenau, Reich/Pologne annexée, 1944. United States Holocaust Memorial Museum, courtesy of Peter Wirths. Les photographies prises à l’occasion de la livraison d’un nouvel hôpital militaire à Birkenau le 1er septembre 1944 sont probablement réalisées par Walter.

L’album Höcker
« Constitué par le SS Karl Höcker, en poste à Auschwitz entre mai 1944 et la fin du camp et adjoint du commandant du camp Richard Baer, l’album comporte 116 photographies qui illustrent essentiellement la vie des SS durant leurs loisirs ou lors de cérémonies officielles. L’album montre Auschwitz dans sa période la plus meurtrière, coïncidant avec l’assassinat de 400 000 Juifs hongrois. Toutefois, ces événements n’y sont évoqués qu’indirectement. On y voit outre Karl Höcker, Rudolf Höss, Josef Mengele, Josef Kramer, Franz Hoessler, Walter Schmidetzki, Anton Thumann, Otto Moll et Max Sell. L’album est retrouvé par un officier américain à Francfort (Allemagne) en 1945 qui en fera donation à l’USHMM en 2007. »

Page de l’album HöcKer. « Sur la terrasse du châlet. Puis sous un ciel joyeux ». United States Holocaust Memorial Museum, courtesy of Anonymous Donor, Washington.


« UNE NOUVELLE LECTURE DE L’ALBUM D’AUSCHWITZ »

« Afin d’appeler le regard du visiteur à détecter dans les photographies ce qui voulait y être caché par leurs auteurs, l’exposition propose onze thèmes déclinés sur divers médias. Ces thèmes sont développés autour d’un grand dispositif central imaginé par Ramy Fischler qui pour la première fois permet de positionner sur la photographie aérienne du site d’Auschwitz-Birkenau, réalisée par l’aviation alliée à l’été 1944, les lieux de prises de vues des images de l’album d’Auschwitz et ainsi de comprendre le processus de sélection des convois à leur arrivée et notamment la proximité des lieux où sont envoyés les déportés : le camp de concentration ou le centre de mise à mort. »

Les bruits et les odeurs
« Un appareil photo ne peut pas capter les bruits et les odeurs, qui pourtant peuvent être envisagées à partir d’informations présentes dans les photos. »

Plusieurs photographies de l’Album montrent des déportées portant un mouchoir sur le nez pour tenter de s’en protéger. © Album d’Auschwitz. Yad Vashem

Reconstitution de séries d’images
« L’album est constitué d’un ensemble d’une douzaine de séries de clichés, pris à des dates différentes, et mélangés afin de produire une narration décidée par les commanditaires et concepteurs. Les pellicules ne nous sont pas parvenues, mais divers éléments permettent de reconstituer ces séries. »

La mise en scène photographique
« Toute image procède d’une mise en scène. Une grande partie de la mise en scène qui préside à la réalisation des photographies composant l’album échappe largement au regard. »

Les victimes devant les chambres à gaz
« C’est ensemble que Walter et Hofmann photographièrent celles et ceux qui marchaient vers la mort : cela rend plus abjecte encore l’esthétisation, évidente, de ces prises de vues. »

La déportation
« Les convois de déportation sont strictement organisés : wagons issus de plusieurs compagnies de chemins de fer européennes, déportés, chefs de wagons ou charges de pharmacies : tout est lisible. »

La « sélection »
« Certaines images permettent d’évoquer la manière dont la sélection s’opère. Ces photographies qui se distinguent par leur composition et leur point de vue, témoignent du savoir-faire photographique de Walter. »

Esther Goldstein
« Déportée à Auschwitz en mai 1944 Esther Goldstein figure parmi les personnes photographiées à leur arrivée sur la rampe d’Auschwitz. Quinze ans plus tard, Esther Goldstein sera témoin au procès d’Adolf Eichmann en 1961 à Jérusalem où l’on lui demande de commenter des photographies de l’album. »

Les rabbins
« Dans l’album sont dispersées cinq photographies montrant des rabbins. S’inscrivant très largement dans la veine de la propagande photographique antisémite nazie, ces clichés ont été organisés par le photographe, comme une photo de classe. »

Ces photographies tiennent une place importante pour la réalisation de l’album : la photographie 3 figure à la première page, à côté d’une autre montrant deux hommes de profil et réalisée au studio photo du camp d’Auschwitz. Ces deux images illustrent le titre de l’album, « Réimplantation des Juifs de Hongrie » et sont particulièrement représentatives de la perspective nazie. © Album d’Auschwitz. Yad Vashem. 

Le Kanada
« J’appartenais aux deux cents nouvelles du camp des femmes, qui avaient été affectées aux commandos du « Canada ». […] [Notre travail consistait à trier les biens des gens qui avaient été gazés et incinérés. »
Témoignage de Kitty Hart extrait de Léon Poliakov, Auschwitz, René Julliard, Paris, 1964.
© Photo de l’album d’Auschwitz. Yad Vashem.

La violence
« L’un des objectifs de la mise en scène des photographies de l’album est de gommer la nécessité de recourir à la contrainte lors des opérations qui suivent l’arrivée des convois. Pourtant des éléments présents dans les clichés sont révélateurs. »

"Tous les SS impliqués dans la « sélection » sont ainsi porteurs de cannes, qui leur permettent tout à la fois de diriger les déportés, les saisir au besoin ou les frapper. © Album d’Auschwitz. Yad Vashem". 

Au-delà de Birkenau
« À l’arrière-plan de deux photos, on peut remarquer une fumée qui se déplace de droite à gauche, c’est-à-dire d’est en ouest. 

Il s’agit d’un train qui vient de quitter la gare de la ville d’Auschwitz et traverse la gare de marchandise, là où se trouvait la Judenrampe qui fut utilisée du printemps 1942 jusqu’au 15 mai 1944, et roule en direction du Reich. 

Ce détail vient rappeler une réalité : le camp d’Auschwitz n’est pas isolé et se trouve inséré dans un vaste ensemble civil. » 
© Photos de l’album d’Auschwitz. Yad Vashem.

La résistance des victimes
« Malgré la volonté des photographes, dont les clichés ont pour objectif de montrer des masses soumises et contrôlées par les SS, de nombreux gestes de défi et de résistance de la part des victimes figurent dans les images. »

« Ces gestes viennent démentir la narration même que les SS entendaient donner des évènements, en montrant des victimes passives. Et, alors que les SS Walter et Hofmann réalisent des images sous-tendues par l’antisémitisme nazi, destinées à déshumaniser et à ridiculiser les sujets ainsi photographiés, l’immense majorité d’entre eux leur oppose leur dignité. »

Les autres photographies de l’été 1944 à Auschwitz
« Autour de l’album d’Auschwitz l’exposition rassemble de nombreuses autres photographies, certaines très connues et d’autres moins, prises dans des circonstances très diverses mais toutes dans la seconde moitié de l’année 1944 à Auschwitz-Birkenau : ces images viennent en complément de celles de l’album et nous permettent d’en parachever la lecture. Ce sont soit des images allemandes soit des images de résistance. »

« Parmi celles-ci un album documentant la construction de l’hôpital des troupes à Auschwitz, inauguré à l’été 1944 qui sera détruit peu après dans les bombardements des Alliés. Ou l’album Höcker qui documente une partie de la vie de la garnison allemande du camp, de l’allumage du sapin de noël à la petite fête organisée pour la fin de l’opération Hongrie. Enfin les très nombreuses images de l’énorme chantier que fut le camp, réunies dans l’album de la Bauleitung dont quelques-unes sont choisies pour illustrer le propos et qui témoignent de la présence de très nombreux civils dans les endroits les plus « secrets » du camp. »

« Enfin, comme un prolongement de l’album d’Auschwitz, les prises de vues clandestines d’Alberto Ferrera membre du Sonderkommando qui au prix de sa vie photographia en août 1944 les fosses à ciel ouvert dans lesquelles de nombreux corps de déportés hongrois furent brûlés. »

La redécouverte de l’album : Serge Klarsfeld Lili Jacob Zelmanovic Meier
« Lili Jacob Zelmanovic Meier nait le 16 janvier 1926 à Bilky en Hongrie. Elle est internée en avril 1944 au ghetto de Berehovo avec sa famille (ses parents, ses cinq frères, ses grands-parents maternels, ses tantes paternelles et maternelles et leurs enfants) et déportée en juin 1944 vers Auschwitz. Elle sera la seule survivante. En décembre 1944, elle est transférée d’Auschwitz à destination de Gross-Rosen, puis en mars 1945 à celui de Dora-Norhausen. »

« Elle y attrape le typhus mais survit jusqu’à la libération du camp. C’est à ce moment-là qu’elle trouve l’album dans l’une des baraques des SS. En le parcourant, elle reconnait des membres de sa famille et de sa communauté. »

« En 1946, à Prague, le Conseil juif lui paie des droits afin de reproduire des images de l’album. Lili n’a jamais caché l’existence de cet album. Mais avant Serge Klarsfeld, personne ne semble en avoir compris l’importance. Il convainc Lili Jacob d’en faire don à Yad Vashem, ce qui sera fait le 26 août 1980 à Jérusalem. »

DÉCRYPTAGE DE PHOTOGRAPHIES

La résistance
« Depuis une position légèrement élevée, Hoffman photographie sur la route du camp les femmes destinées au travail forcé. Sans doute les a-t-il interpellées pour effectuer le cliché, car plusieurs le regardent fixement, tout en se serrant pour laisser passer un camion qui se rend sur la rampe et dont le hayon est resté baissé. Derrière les barbelés, à l’arrière-plan, des prisonniers consignés dans le camp BIId (le camp des Hommes) sont assis à la lumière du soleil matinal, le temps que les opérations de « traitement » du convoi s’achèvent. »
Photo de l’album de Lili Jacob,
YVA, n° FA268_87
FA268_87

« Cette photographie est prise très vite après la précédente : l’arrière du camion est encore visible, et les prisonniers assis ont à peine bougé. Hofmann a tourné son appareil légèrement vers la gauche, ouvrant le champ. La rampe et le convoi s’y trouvant sont visibles à l’arrière-plan, de même qu’une cabane installée pour les travaux. Cependant – et cela semble avoir échappé à Hofmann — une jeune femme au premier plan le défie, en le regardant franchement et en lui tirant la langue. Une autre femme, juste à côté d’elle, met son mouchoir sur le nez pour se protéger des odeurs pestilentielles provenant de la crémation des corps. »

Puis Hofmann a ordonné aux femmes de s’arrêter pour les photographier.

Derrière les barbelés, plusieurs prisonniers debout face au photographe observent la scène. Ils regardent l’objectif et le photographe SS donnant des ordres, juché sur un objet lui permettant de surplomber le groupe de femmes. Du linge sèche entre les baraques. »

« Ces hommes « sélectionnés » ont été photographiés alors qu’ils ont été rassemblés sur la voie 1 de la rampe. Ce cliché fait partie d’une série – l’album en compte plusieurs, tant d’hommes que de femmes – destinée à montrer un « bétail humain » retenu pour le travail. Pourtant, chaque individu présente une attitude différente, loin de la volonté affichée de montrer un « troupeau informe ». Au centre de l’image, un homme au manteau au col de fourrure défie du regard le photographe. À ses côtés se tient un homme dont tout, dans son attitude, indique qu’il a un passé militaire : couverture soigneusement roulée en travers du buste, gourde accrochée au bas de celle-ci, casquette collée contre la cuisse. Malgré les trois jours qu’il a passés enfermé dans un wagon, il ne s’est pas précipité à l’extérieur une fois les portes ouvertes sur la rampe, mais il a soigneusement rassemblé ses affaires et s’est équipé, comme il l’a appris à l’armée. Il fait face aux événements auxquels il est confronté. »


Du 23 Janvier 2025 au 16 novembre 2025
17, rue Geoffroy–l’Asnier. Paris 4e
Tél. : 01 42 77 44 72
Ouverture de 10h à 18h
Tous les jours, sauf le samedi.
Nocturne jusqu’à 22h le jeudi.
Entrée gratuite
Visuels
Salles d'exposition du Mémorial de la Shoah_Photo
© Laurent Bagnis


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