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mercredi 23 janvier 2019

Adolf Hoffmeister (1902-1973)


La galerie Alain Le Gaillard, en collaboration avec la galerie Le Minotaure, présente une exposition d’œuvres d’Adolf Hoffmeister (1902-1973) sur le Tout-Paris artistique de l'entre-deux guerres. Journaliste, artiste d’avant-garde autodidacte et prolifique – poète, peintre, caricaturiste, illustrateur, écrivain, dramaturge -, traducteur, diplomate, professeur d’art, le tchécoslovaque polyglotte Adolf Hoffmeister, résistant anti-nazi, est aussi l’auteur en 1938 du livret de Brundibár, opéra créé en 1943 au camp nazi de Theresienstadt.

« Plus jamais les camps ! L'autre message de l'opéra Brundibar » de Douglas Wolfsperger 
« Vol au-dessus d'un nid de coucou » par Miloš Forman
  
« La galerie Alain Le Gaillard  – en collaboration avec la galerie Le Minotaure – propose une exposition de dessins – caricatures notamment – d’Adolf Hoffmeister (1902-1973). Ce Tchèque, personnage hors de commun, y résumait non seulement les méandres de l’âme humaine et les aléas de l’histoire du XXème siècle, mais aussi son activité prolifique d’artiste (dessinateur, peintre, écrivain, dramaturge), d’intellectuel (journaliste, chroniqueur, traducteur, enseignant, critique d’art), de diplomate et d’organisateur de la vie culturelle, d’un voyageur passionné finalement… »

« L’exposition de la galerie Le Minotaure se donne pour objectif de retracer cette vie rocambolesque et l’activité prolifique de l’homme-orchestre que fut Adolf Hoffmeister. À côté d’une soixantaine de dessins notamment des années 1920-30, nous exposerons également les oeuvres antérieures (des dessins et des huiles de la période Devetsil) et postérieures : les collages des années 1950 et 1960. Milan Kundera, qui fut ami intime de l’artiste, prêtera pour l’exposition son portrait. » 

Un artiste mis à l’honneur en 2010, par la galerie Le Minotaure dans une exposition d’Adolf Hoffmeister  à Tel Aviv. Comédienne formée par Max Reinhardt à Vienne, l’épouse d’Adolf Hoffmeister était juive et sa sœur aînée avait pu rejoindre la Palestine mandataire avant la Deuxième Guerre mondiale. Des membres de sa famille vivent dans les kibboutzim Hulata et Mizra, situés au nord d’Israël. D’autres ont été tués lors de la Shoah. Des deux fils d’Adolf Hoffmeister, l’un, galeriste pragois, est un Juif pieux, l’autre dirige un hôtel dans le quartier de Mala Strana, sur la rive gauche du fleuve Vltava. Là, ont été reçus le président israélien Ezer Weizman, la reine Elizabeth II d’Angleterre, l’impératrice Farah Pahlavi, le réalisateur Miloš Forman, le diplomate et historien Henry Kissinger, Mikhaïl Baryshnikov...
  
« Less is more. Une ligne est suffisante, mais beaucoup de lignes n’apportent pas grand-chose. Plus de lignes il y a, plus elles empêchent l’immédiateté de l’expression ».

« Né en 1902 dans une famille de notoires avocats de Prague », alors dans l’empire austro-hngrois, Adolf Hoffmeister  « partage sa jeunesse entre les études de droit et ses goûts pour l’art », ainsi que pour le communisme.

Les « débuts de sa carrière artistique correspondent à l’engouement général pour l’art moderne – l’activité des cubistes et des expressionnistes allemands du groupe Die Brucke dont les influences marqueront ses premières oeuvres – allant souvent de pair avec les prises de position politiques de gauche ». 

« Sa génération est témoin de la Première Guerre mondiale et de la Révolution d’Octobre qui ancre en elle la foi en l’existence d’un monde meilleur et la possibilité de transformation radicale de l’existence humaine ».

En 1922, Adolf Hoffmeister rencontre à Paris Ralph Soupault, Tristan Tzara, Le Corbusier, Osip Zadkine

Adolf Hoffmeister participe en 1927 au mouvement du Théâtre libéré, puis contribue à des magazines littéraires. Ses œuvres sont présentées lors d’une exposition parisienne.

En 1930, Adolf Hoffmeister communique à James Joyce la première traduction en tchèque de « Ulysse ».

En 1934, après la Crise économique de 1939 et l’avènement d’Hitler en Allemagne, il organise une exposition de caricatures anti-fascistes et de dessins humoristiques à Prague.

1938. Adolf Hoffmeister aide les Juifs réfugiés qui affluent des Sudètes vers Prague, et écrit le livret de Brundibár (bourdon, en tchèque), opéra pour enfants dont la musique est signée par le compositeur tchèque-allemand Hans Krása et destiné à un concours sous les auspices de l’Etat. Ce spectacle est interprété pour la première fois le 23 septembre 1943 par les enfants juifs déportés au Camp de concentration de Terezín (Theresienstadt, en allemand), en Tchécoslovaquie occupée par les Nazis. « Brundibár » est le nom porté par un joueur d'orgue de barbarie inspiré d'Adolf Hitler et incarnant le Mal.

Fuyant le nazisme, Adolf Hoffmeister arrive en 1939 en France.

Il rejoint le poète et écrivain communiste Louis Aragon au Congrès des écrivains antifascistes.

A l’été 1939, il fonde à Paris la Maison de la culture tchécoslovaque, prévue comme un lieu de résistance.

Après la signature du pacte germano-soviétique, considéré comme un agent de Moscou, il est détenu plusieurs mois à la prison de la Santé, puis interné, avec d’autres intellectuels, au centre surveillé de Damigny, près d’Alençon, en Normandie. Là, plus d’un tiers des internés est Juif.

« Réfugié en France après l’occupation de la Tchécoslovaquie par les nazis, porté sur la liste noire de la Gestapo, j’ai été arrêté et mis en tôle à Paris pendant la drôle de guerre pour des opinions trop avancées et trop libres à cette époque de l’histoire. C’est à la prison de la Santé que j’ai écrit, pendant sept mois, en confinement solitaire, ce journal et ces dialogues de détenus. » (Avant-propos à La Prison, Gallimard, 1969).

« En 1940, Adolf Hoffmeister arrive à s’enfuire et par le Maroc, l’Espagne, le Portugal, il arrive finalement aux États-Unis où il se réfugiera jusqu’à la fin de la guerre. » Adolf Hoffmeister dirige les émissions tchécoslovaques à Radio Liberty, future Voice of America (La Voix de l’Amérique, 1941-1945). En 1941, il publie « The Animals are in Cages » (Greenberg). Et en 1943, le Musée d’art moderne (MoMA) de New York organise l’exposition « War Caricatures by Hoffmeister and Peel » avec des dessins anti-fascistes d’Adolf Hoffmeister.
    
Ce n’est qu’en 1946 que parait, en polonais, son livre « Touriste malgré soi », conçu durant l’exil américain, en 1941, sous le titre The Animals are in Cages.

« Dans la deuxième moitié des années 1940, Adolf Hoffmeister retournera dans son pays natal, en reprenant ses fonctions diplomatiques dans le Ministère de l’Information, au sein de l’UNESCO (Organisation des Nations unies pour l'éducation, la science et la culture) ou en tant qu’ambassadeur de la Tchécoslovaquie en France » (1948-1951). Il promeut l’art tchécoslovaque par des expositions à Paris.

Éloigné de la diplomatie par le régime communiste, il enseigne le dessin d’animation et le théâtre de marionnettes à l’Ecole supérieure d’arts et métiers de Prague.

Grâce au dessinateur de presse compagnon de route du Parti communiste Jean Effel, Adolf Hoffmeister peut de nouveau voyager à l’étranger, participer aux jurys de festivals.

Il préside le PEN club, association internationale d’écrivains, et en 1968 le festival cinématographique de Karlovy Vary. Il y invite la star Claudia Cardinale, Elia Kazan et Henry Fonda qui donnent leur accord. 

En 1968, il soutient le Printemps de Prague. 

En août 1968, l’entrée des troupes du Pacte de Varsovie pour écraser ce mouvement le désespère. Ses collages révèlent des « allusions à la fin du monde, au Jugement Dernier »… 

Adolf Hoffmeister est marginalisé, ostracisé car il a illustré des livres de Vaclav Havel, de Milan Kundera et autres auteurs opposants au régime et interdits…

Adolph Hoffmeister décède en 1973.

Années avant-garde
« Ainsi la première partie de l’exposition est un focus sur les origines de l’activité d’Adolf Hoffmeister, marquées par son appartenance au groupe d’avant-garde Devetsil, créé en 1920 par de jeunes poètes, peintres, hommes de théâtre, critiques et essayistes tchèques, fascinés par l’anarchisme, la Révolution russe, les arts plastiques modernes (cubisme et futurisme notamment) qui publiaient des revues, exposaient ensemble et discutaient régulièrement sur l’art et la politique. Hoffmeister fut le plus jeune parmi les fondateurs du groupe et son secrétaire ».

« Dans les premières années de l’existence de Devetsil, l’engagement politique emportait sur les recherches purement artistiques et se traduisait par l’intérêt de ses membres pour les réformes sociales, le retour à la simplicité et les traditions locales. Les sujets puisés dans la vie quotidienne sont interprétés dans un style mélangeant le primitivisme, le réalisme magique et le lyrisme marqués par des expériences personnelles. »

« Après 1922, cette thématique laisse de plus en plus de place aux préoccupations propres aux avant-gardes artistiques, influencées par le cubisme, le purisme, le constructivisme et les gestes dadaïstes. »
Hoffmeister « sera d’ailleurs, dès le début des années 1920, le porte-parole du dadaïsme au sein de Devetsil. »

« Déjà pendant la Première Guerre, il rentra en contact avec Tristan Tzara qui lui fournissait des informations de première main sur le dadaïsme zurichois. En 1920, il contribuera à la première soirée dada organisée à Prague par Richard Huelsenbeck et Raoul Hausmann. Même si Hoffmeister n’accepta jamais complètement les aspects tragiques et nihilistes de dada, il comprenait parfaitement ses fonctions libératrices, sa capacité de remettre en cause les valeurs traditionnelles et les fétiches de la civilisation, son humour absurde et « le sens de non-sens ». C’est probablement justement l’esprit libertaire et contestataire de dada qui permit au jeune Hoffmeister de trouver sa propre voie (et voix). »

Les caricatures
« En 1925, après avoir fini ses études, au lieu de se consacrer pleinement au cabinet de son père, il commence à voyager régulièrement, à écrire et dessiner. C’est ainsi que commence sa carrière de « portraitiste » des hommes et des événements de son temps. Il commence en tant que correspondent des journaux pragois, mais progressivement ses reportages et interviews deviennent de plus en plus concis pour laisser davantage de place pour les caricatures qui constitueront par la suite sa carte de visite et aussi le point central de notre exposition ».

« La caricature n’est pas le réalisme ; au fond, elle est au-dessus de la réalité et quelque chose de plus que le réalisme. Elle est plus vraie que la vérité, plus nue que la nudité, plus fidèle qu’un portrait ou photographie parfaite. La caricature, même si elle est une aide perverse à l’agitation politique, même si elle montre l’ennemi politique avec les oreilles d’un âne, elle est objective à l’extrême. Une opinion objective est toujours dévastatrice. La réalité, la vraie réalité, qui va au-delà de la surface et échappe aux influences de la société la plus hypocrite, nuit toujours à la gravité, à la beauté et à l’honneur. Toutes les qualités qu’une société pensait incarner et dont l’existence elle feignait adroitement, s’envolent dans l’air dès qu’elles passent par le filtre de la caricature. La réalité caricaturée passe par un purgatoire. Personne n’est sans péché. C’est le chemin vers la vérité et la philosophie du scepticisme. C’est le vote contre la confiance aveugle en tout, et l’ironie régulant le transit de l’humanité. C’est un laxatif qui élimine l’orgueil et les gestes vides ; une révélation indiscrète de tout ce que nous aimerions cacher sous le tapis ».

« Entre 1925-27, le style d’Adolf Hoffmeister est déjà mûr, et nous y retrouvons tous les éléments qui constitueront sa « marque ». Il s’agit des dessins à l’encre simples, économes, chirurgicalement exactes, sans hachures, ombres, ni lavis, majoritairement en noir et blanc, parfois seulement rehaussés de collages colorés. Nous y reconnaissons facilement l’impact des courants artistiques majeurs de l’époque : la clarté du purisme, le minimalisme esthétique du constructivisme, l’independence de la ligne et de la couleur du cubisme et l’humour ancré dans la sensibilité dada. »

Le « sujet principal des dessins de Hoffmeister sont des hommes, des figures bien connues du monde artistique, intellectuel et politique qu’il avait souvent l’occasion de côtoyer. Il maîtrise parfaitement les méthodes traditionnelles de la caricature : exagération, raccourci, déformation, accentuation des certains détails caractéristiques de la personne, et savait s’en servir pour révéler avec ironie et clin d’oeil le vrai visage de ses protagonistes sans jamais les ridiculiser, les juger ni diffamer ». 

« La découverte de la vérité est une découverte du rire. Il n’y a pas d’absurde qui n’est pas issu de la réalité qui est vraie jusqu’à l’os. La vérité est rire. C’est la loi donnée à tout le monde, et la seule libération de la tristesse du monde. Dans le cycle des tragédies qu’un groupe d’acteurs joue en larmes en les ornant de mots modestes et de discours d’une grandeur inhumaine, elle devient une transformation catastrophique de la pompe en idiotie et du sérieux en comédie. » C’est ainsi qu’Hoffmeister voyait sont travail. »

« Ainsi, parmi les portraits exposés nous trouverons celui Georges Duhamel en jupe de fillette, agenouillé et priant à l’étoile rouge qui traduit le scepticisme d’Hoffmeister vis-à-vis des efforts de l’écrivain à marier l’éthique chrétienne avec les idéaux de l’ « humanisme socialise » ; Jean Cocteau habillé uniquement en frivoles bas féminins et jarretières, se regardant dans le miroir qui reflète, au lieu de son visage, un pentagramme – synthèse adroite qui exprime l’homosexualité du poète et son narcissisme ; Paul Morand buvant le thé avec une statue de Bouddha tenant lui-même une tasse de thé et fumant une pipe (paraphrase ingénieuse du titre du livre de Morand Bouddha vivant) ou encore Marinetti en prophète du futurisme… »

« Il y a des caricatures qui sont plus réaliste que des portraits » dirait Bergson.

« En 1927 paraît le premier livre Hors d’oeuvre rassemblant les portraits dessinés et écrits ainsi que les feuilletons des cafés artistiques de Paris et de Prague accompagnés de portraits de leurs visiteurs habituels (Cocteau, Man Ray, Ehrenbourg, Foujita, Sima, etc.) Un an après, sa carrière internationale est inaugurée par une exposition à Paris à la Galerie d’Art Contemporain et à Bruxelles à la Galerie l’Époque commentées par les personnages comme Philippe Soupault ou Georges Ribemont Dessaignes. »

« Plus le temps s’empire, plus le dessin perd de sa lumière moqueuse et assume ses fonctions en tant qu’arme.

Même s’il reste toujours une blague, c’est-à-dire le fruit de l’humour, il peut être une oeuvre tragique, un instrument de vengeance ou de révolte. Un dessin qui est militant et agressif n’exprime pas uniquement l’absurdité mais aussi ce qui est méchant, pourri, condamné… Le dessin mûrit en ces temps-là, il porte désormais de sérieuses responsabilités. »

Hoffmeister « devient alors collaborateur de la revue satirique Simplicus, publiée par les intellectuels de gauche pragois et les réfugiés politiques allemands. À cause de son engagement antifasciste, il se retrouve sur les listes noires de la Gestapo qui le destinent à un des camps de concentration. Il se réfugie en France en 1939 où il s’engage dans la politique culturelle notamment en créant la Maison de la Culture de la Tchécoslovaquie. »

Les dessins politiques
« À la charnière des années 1920/30, les centres d’intérêt d’Hoffmeister biaisent logiquement vers des commentaires de la vie actuelle. Lui-même commence à s’y engager non seulement en tant que dessinateur. »

En 1929, « il rejoint le Front Gauche, organisation progressiste des intellectuels tchèques pour défense de la culture moderne. »


« Lorsqu'on les regarde pour la première fois (ils) surprennent par leur étrange cruauté. On n'imagine d'abord qu'ils représentent les hommes tels qu'ils devraient être, avec leurs tares, leurs vices, leurs verrues. Et puis, au second abord, on s'aperçoit qu'ils sont moins cruels que profonds. » Philippe Soupault, 1928, sur les dessins.

Avec ses collages, il renoue avec « cette imagination véritable de la nature qui invente le cactus, la tortue, l'escargot et les critiques d'art, dont je défie au grand jamais les peintres d'imagination de trouver les équivalents lunaires » Louis Aragon


Du 6 décembre 2018 au 26 janvier 2019
A la Galerie Alain le Gaillard 
19, rue Mazarine, 75006 Paris
Tél. : 01 43 26 25 35

A la Galerie Le Minotaure
2, rue des Beaux-arts. 75006 Paris
Du mardi au samedi de 11 à 13h et de 14 à 19h
Tél. : 01 43 54 62 93


Visuels d'Adolf Hoffmeister :
Jean Giraudoux, 1929
James Joyce, Irish Ulyses, 1928
Praha Paris, 1927


Josephine Baker et Vaclav Tille, 1928, Crayon et encre de Chine sur papier, 19 x 21 cm
Georges Duhamel, 1928, Encre de Chine et collage sur papier, 40 x 30 cm
Pierre Mac Orlan, 1931, Encre de Chine sur papier, 37,5 x 25 cm
Paul Morand, 1928, Encre de Chine sur papier, 28 x 42 cm
Jean Cocteau, 1930, Encre de Chine sur papier, 33 x 23 cm


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Les citations sur l'exposition proviennent du dossier de presse.

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