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lundi 6 novembre 2023

« Capitalisme américain, le culte de la richesse » de Cédric Tourbe

Arte diffusera le 7 novembre 2023 à 20 h 55 « Capitalisme américain, le culte de la richesse », série documentaire partiale en trois parties de Cédric Tourbe. « Comment, aux États-Unis, la République frugale des pères fondateurs s’est-elle transformée en gouvernement de riches pour les riches ? En trois épisodes, cette série documentaire retrace les grandes étapes du capitalisme américain. » 


« Comment les États-Unis, ont-ils permis, depuis le début du XXe siècle, la concentration des richesses entre les mains de quelques-uns et la mise en place d'une gouvernance des riches pour les riches ? Comment, aux États-Unis, la République frugale des pères fondateurs s’est-elle transformée en gouvernement de riches pour les riches ? » Des législations anti-monopoles, des politiques favorisant l'interventionnisme de l'Etat fédéral, des actions sociales des Etats, la "discrimination positive"... Autant d'exemples montrant que cette formule est infondée.

« En trois épisodes, la série documentaire « Capitalisme américain. Le culte de la richesse  » retrace les grandes étapes du capitalisme américain. De Rockefeller aux ploutocrates Elon Musk, Jeff Bezos ou Steve Jobs, en passant par le krach de 1929 et la crise des subprimes de 2007, retour sur l'histoire d'une mythologie nationale. » Quid de Georges Soros qui, via le financement des ONG, influe sur des organismes publics, notamment juridictionnels, dont les décisions s'imposent aux Etats ?

Quid de Big Pharma, des fonds de pension et des cabinets de conseils dont la puissance est apparue avec clarté lors de la gestion catastrophique de la "pandémie de coronavirus" ?

« Au fil d’un récit haletant, nourri d’archives d’un capitalisme américain très cinématographique, cette série documentaire révèle la continuité d’une élite qui a toujours su justifier son opulence et éliminer la concurrence, en recyclant habilement la mythologie du pays pour rendre sa domination acceptable. »

« Fondé sur la liberté d’entreprendre et la recherche du profit individuel, mais aussi sur la maîtrise du droit – la loi au service de l'intérêt privé –, le système rend inévitable la concentration exponentielle de la richesse, même si les partisans de la régulation par l’État n'ont cessé de s’opposer à cet ultralibéralisme féroce. » Que signifie l'"ultralibéralisme" ?

« De l’alibi philanthropique à la promesse renouvelée du "ruissellement", du mythe du self-made-man à la figure héroïsée du génie visionnaire de la Silicon Valley, ces trois épisodes déroulent un siècle et demi d’un capitalisme devenu hors de contrôle depuis près de quatre décennies, en dépit des conflits et des luttes. »

« Si le mouvement Occupy Wall Street, notamment, a dénoncé l'avidité de ce "1 %" de la population face aux "99 %" qui la subissent, 722 milliardaires et 22 millions de millionnaires en Amérique continuent aujourd’hui d'accroître discrètement leur fortune en payant moins d’impôts que leurs secrétaires, en toute légalité. »  Quid de l'antisémitisme dans Occupy Wall Street ?


« À la fin du XIXe siècle, un club de millionnaires – John D. Rockefeller et son monopole du pétrole, le roi de l’acier et philanthrope Andrew Carnegie ou le banquier J. P. Morgan qui, de Wall Street, finance la révolution industrielle – s’empare de l’Amérique, où les immigrés fournissent une main-d’œuvre corvéable à merci. »
 
« Le pacte scellé entre mondes des affaires et de la politique accélère la course au profit de la libre entreprise et la mise en place d’un capitalisme impitoyable ». 

« Mais un courant progressiste dénonce l’exploitation, la détresse sociale et la puissance corruptrice des grandes fortunes : à la veille de la Première Guerre mondiale, le travail des enfants est interdit et un impôt est institué sur le revenu des plus riches. La philanthropie, exonérée de taxes, devient alors une niche fiscale de choix. En 1914, le massacre des mineurs grévistes de Ludlow (Colorado) heurte l'opinion. » 

« Acteur clé du passage à la mécanisation et à la production de masse, Henry Ford, lui, décide de payer ses ouvriers le double du salaire moyen. » Ce qui lui procurait une clientèle pour ses voitures. Il était aussi antisémite.

« Tandis que la productivité s’accroît dans ses usines, un épicier du Tennessee préfigure, avec le libre-service, la grande distribution. » 

« Mais après-guerre, les millionnaires, qui n’ont pas supporté l’irruption de l’État dans leurs affaires, retrouvent leur paradis perdu. Le travail des enfants est rétabli et les impôts baissent : c’est le retour du laisser-faire. » 


« Nommé secrétaire au Trésor en 1921, le roi de l’aluminium Andrew Mellon développe la théorie du "ruissellement". Mais le paradis des millionnaires se fracasse contre le krach de 1929, qui précipite le pays dans la Grande Dépression et le chômage de masse. »

"Soak the rich" ("faire casquer les riches") : ulcéré par la cupidité et la fraude fiscale, le démocrate Roosevelt, qui sera réélu en 1936, prône un capitalisme maîtrisé. Avec son New Deal, l’État fédéral reprend la main sur l’économie et lance de grands chantiers publics. »

« Au-delà du rêve américain, les "libéraux", adeptes de la régulation, et les "conservateurs", qui accusent l’interventionniste Roosevelt de tyrannie, s’affrontent sur le choix du capitalisme. »

« Si le New Deal échoue à faire "casquer" les riches, la Seconde Guerre mondiale va offrir aux États-Unis la plus belle relance économique de tous les temps. »

« Le chômage disparaît, les usines tournent jour et nuit, et le défi technologique de la bombe atomique va achever de sceller la collaboration entre l’industrie, la recherche et l’État. « 

« À la fin des années 1940, dans une Amérique qui produit la moitié de la richesse mondiale, même les millionnaires acceptent de payer des impôts élevés. »

« Dès lors, l’État fédéral garantit la stabilité de l’économie et l’élite industrielle perd son pouvoir absolu, mais les conservateurs n’ont pas dit leur dernier mot. »


« L’État-providence fédéral contrôle le capitalisme américain jusqu’au choc pétrolier de 1973 et la récession, qui entraînent l’élection de l’ultralibéral Ronald Reagan. »

« À l’aube de la révolution informatique, dans le nouvel eldorado de la Silicon Valley, autour de l’université de Stanford qui associe recherches publique et privée, émerge une génération d’entrepreneurs, dont Bill Gates et Steve Jobs, génies porteurs du "mythe du garage" à l’expansion croissante. »

« Mais déjà se profile une nouvelle révolution technologique, financée par l’État : les autoroutes de l’information et Internet, sur lesquelles surfent des visionnaires bientôt milliardaires, Larry Page et Sergey Brin, pères de Google, ou encore Elon Musk. »

« Si les procès contre les situations de monopole échouent, l’accusé Bill Gates, en quête d’alibi, renoue avec la philanthropie des pionniers. » Une philanthropie problématique, mue par une idéologie mondialiste anti-démocratique.

« Après le 11-Septembre, la surveillance de la planète, qui s’accélère, ouvre la voie aux supercalculateurs qui génèrent toujours plus de données et de profits. Ultrarapide, cette concentration des richesses sacre les Gafam maîtres du monde. » Les décisions de l'Union européenne (UE) afin de contrôler les réseaux sociaux démontrent que les Etats et leurs regroupements demeurent les plus puissants. Et, durant la pandémie de coronavirus, ces réseaux sociaux ont imposé une censure implacable envers ceux doutant de la pertinence du "médicalement correct".

« En 2008, après le krach boursier et la crise des subprimes, le Trésor américain sauve Wall Street avec l’argent des contribuables, aux dépens des trois millions de familles qui ont perdu leur maison. »



« Au fil d’un récit épique, Cédric Tourbe raconte en archives un siècle et demi de capitalisme américain derrière ses mythes et ses figures héroïques. Entretien. Propos recueillis par Sylvie Dauvillier » 
 
Pourquoi vous être plongé dans l’histoire du capitalisme américain ? 
Cédric Tourbe : À l’origine, je pensais adapter le livre de Howard Zinn Une histoire populaire des États-Unis, qui dépeint le capitalisme américain au travers de luttes sociales incessantes. Mais Romain Huret, coauteur et historien, m’a convaincu qu’il s’agissait en réalité d’une histoire de patriciens, de riches. C’est le point de vue de la série. À cet égard, Rockefeller, "l’homme le plus riche du monde", mort à 97 ans, qui incarne le mythe du self-made-man et du milliardaire philanthrope, reste une figure tutélaire. Les méthodes par lesquelles il s’est jadis taillé un monopole pétrolier sont aujourd’hui reproduites de manière saisissante, notamment par Jeff Bezos avec Amazon.
    
La série montre des archives spectaculaires. D’où proviennent-elles ?
J’ai beaucoup travaillé à partir de sources d’entreprises. Le capitalisme américain s’est toujours, et à dessein, beaucoup filmé. Surprenantes, ces images mettent parfois en scène de véritables ballets de machines dans les usines. J’ai aussi utilisé les publicités, comme celle, étonnante et en Technicolor, pour les voitures Ford, diffusée en intégralité. J’avais l’idée de ce "récit du récit" : montrer comment, par une autopromotion permanente, ce capitalisme se dote d'une biographie positive, voire euphorique, mais largement fictive. 

Votre récit porte une forte dimension épique… 
Je voulais embarquer le spectateur dans un récit cinématographique. Dès le début, un conflit béant traverse ce capitalisme, au-delà même des problèmes sociaux qu’il suscite. Dans le paradis des millionnaires, qui s’enrichissent en toute liberté sans payer d’impôts et qui, en l’absence de lois sociales, font même travailler les enfants, débarquent des gens taraudés par des questions morales, qui le remettent en cause. Des chefs d’entreprise réalisent aussi qu’en cessant de tirer sur les grévistes et en payant mieux les ouvriers on augmente la productivité. Le deuxième épisode, où le système s’effondre avec la Grande Dépression des années 1930, raconte l’histoire méconnue mais essentielle des nostalgiques du paradis perdu. Ils résistent farouchement au New Deal qu’ils jugent maléfique, et qui d’ailleurs se solde par un échec. Cette lutte idéologique entre les conservateurs et les libéraux, qui veulent réguler le système, va s’effacer dans l’urgence de la Seconde Guerre mondiale, quand tous s’accordent sur les vertus d’une fiscalité élevée. 

Comment les conservateurs prennent-ils leur revanche ? 
Ils triomphent avec l’élection de Ronald Reagan en 1980. Dérégulation et baisses massives d’impôts redeviennent les attributs de leur paradis retrouvé, où vont éclore les "génies visionnaires" de la Silicon Valley, nouveaux héros désignés de l’immuable capitalisme américain. » 


« Romain Huret est directeur d’études et président de l'École des hautes études en sciences sociales (EHESS). Dans Capitalisme américain ‒ Le culte de la richesse, Romain Huret, historien et coauteur de cette série documentaire, éclaire le retournement de valeurs qui a permis à la démocratie industrielle états-unienne de dominer le monde. Propos recueillis par Sylvie Dauvillier  » 
 
Comment le capitalisme américain s’est-il imposé ?
Romain Huret : À l’origine, les pères fondateurs, dont Thomas Jefferson, imaginent pour le pays un avenir de frugalité, autour de l’agriculture et de la petite propriété terrienne. Mais le capitalisme se développe au milieu du XIXe siècle presque par hasard, grâce au talent d’ingénieurs, d’hommes d’affaires et de commerciaux, qui font rapidement des États-Unis la première puissance industrielle capitaliste du monde, et bientôt une république des riches pour les riches. Car les détenteurs du capital comprennent la nécessité de s’emparer du levier politique pour favoriser son expansion, même au-delà des frontières nationales. Une partie de la population va s’élever contre cette appropriation de la démocratie et tenter de réguler l’essor d’un capitalisme qu’elle considère comme un immense malentendu, qui trahit les idéaux fondateurs du pays.

Comment se traduit la résistance à cette concentration des richesses ?
Elle se manifeste au travers de marqueurs culturels et politiques. De grands romans comme Les raisins de la colère de Steinbeck dénoncent cette mainmise des banques au profit de leurs seuls intérêts, qui a transformé la vie des Américains. Des grèves violentes s’organisent aussi, en particulier pendant la crise des années 1930, les ouvriers cherchant en vain à reprendre possession de leurs outils de production.

Où se situe la force idéologique du capitalisme américain ? 
Recyclant la mythologie des pères fondateurs, il se prétend l’aboutissement de la démocratie états-unienne, l’usine incarnant un modèle où chacun peut réussir selon ses talents et non selon son héritage, comme dans la vieille Europe. À la tête de colossales fortunes, dont ils ont en réalité hérité pour la plupart, les capitaines d’industrie et banquiers inventent le mythe du self-made-man. Ils défendent aussi la théorie du ruissellement, moteur de l’enrichissement collectif. Ces mythes sont contestés mais ils s’imposent. Finalement, le capitalisme et la libre entreprise se présentent comme partie intégrante de l’identité du pays, par exemple face à l’ennemi soviétique pendant la guerre froide. 

Comment la philanthropie légitime-t-elle ces ultrariches ?
C’est souvent un alibi pour répondre aux grèves et faire taire la critique sociale, qui s’exprime dans la littérature ou au cinéma. Peu enclins à payer des impôts, ces millionnaires vont trouver là un moyen commode de redistribuer une part de leur richesse, en créant des universités, des bibliothèques ou en finançant des bourses d’étudiants. Mais dans ce pays très marqué par le protestantisme, c’est aussi une façon pour eux de s’amender pour la postérité.

Quel rôle a joué l’État fédéral dans le développement du capitalisme ?
D’abord, et on l’oublie souvent, l’État va dès le XIXe siècle le financer pour favoriser son succès – en construisant des chemins de fer, des routes et des canaux – et lui permettre aussi de conquérir des marchés extérieurs. Ce rôle d’accompagnement s’est poursuivi, notamment dans les années 1970 avec l’aide apportée aux jeunes entrepreneurs de la Silicon Valley qui vont gagner la bataille des nouvelles technologies. L’État va par ailleurs le rendre acceptable auprès de la population en le régulant par des lois afin, par exemple, d’éviter les monopoles et de faire du pays une démocratie industrielle, même s’il intervient moins dans ce sens depuis une bonne trentaine d’années.

En quoi la Silicon Valley s’inscrit-elle dans la tradition des pionniers ?
Avec des objets et des dynamiques de production différents, les "génies visionnaires" de ce vivier de talents, les Steve Jobs, Bill Gates ou Elon Musk, sont les héritiers des Rockefeller, Ford, Carnegie, porteurs eux aussi des mythes fondateurs... Grâce à une alliance vertueuse entre pouvoirs politique, économique et scientifique, leur succès témoigne des mêmes mécanismes institutionnels et culturels. Il leur permet d’occuper une place centrale dans la vie démocratique et l’imaginaire collectif aux États-Unis et au-delà, avec l’idée que leur richesse bénéficie à l’humanité tout entière. Mais leur réussite, comme un siècle plus tôt, suscite aussi des malaises, auxquels des procès font écho, comme celui intenté à Bill Gates pour situation de monopole. Il s’en sortira par la voie philanthropique en créant la puissante Fondation Bill & Melinda Gates. 

Quelles sont les perspectives d’avenir du capitalisme américain ? 
Aujourd’hui, il paraît hors de contrôle, même si des tentatives visent à le réguler comme le slogan du mouvement Occupy Wall Street ("Nous sommes les 99 % qui ne tolèrent plus l'avidité et la corruption des 1 % restant") , par exemple, ou les revendications de compensation promues par Bernie Sanders. Une faille dans le système pourrait peut-être rassembler ces initiatives autour d’un programme commun pour faire advenir un capitalisme à visage humain. »


France, 2023, 58 min
Coproduction : ARTE France, La Générale de Production, French Kiss Production 
Disponible du 31/10/2023 au 11/05/2024
Sur Arte le 
1ère partie (57 min) : 7 novembre 2023 à 20 h 55, 10/11/2023 à 9.25 | le 21/11/2023 à 9.25
2e partie (60 min) : 7 novembre 2023 à 21 h 50, 10/11/2023 à 10.25 | le 21/11/2023 à 10.25
3e partie (59 min) : 7 novembre 2023 à 22 h 50, 10/11/2023 à 11.25 | le 21/11/2023 à 11.25

Les citations viennent d'Arte. 

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