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mardi 9 octobre 2018

« Tous les gouvernements mentent » par Fred Peabody


Arte rediffusera le 9 octobre 2018 « Tous les gouvernements mentent » (Jede Regierung lügt. Wahrheit, Manipulation und der Geist des I. F. Stone, All Governments Lie: Truth, Deception, and the Spirit of I.F. Stone), documentaire de Fred Peabody. « En hommage à « Izzy » Stone, légendaire franc-tireur du journalisme, ses héritiers américains dressent un état des lieux accablant, et passionnant, des médias de masse aujourd’hui ».


Né à Philadelphie dans une famille juive immigrée de l'empire russe aux Etats-Unis, Isador Feinstein Stone, alias « I. F. » ou « Izzy » Stone (1907-1989) est « l’une des figures les plus glorieuses du journalisme américain : farouchement indépendant et engagé à gauche »

Indigné par l'exécution de Sacco et Vanzetti, cet étudiant a débuté dans le journalisme dans The Philadelphia Record. Membre du Parti socialiste d'Amérique, il l'a quitté à la suite des divisions idéologiques au sein du Parti. 

En 1929, il a épousé Esther Roisman, avec qui il a trois enfants. 

Dans les années 1930, lors de la Grande Dépression, il a soutenu le New Deal du Président Roosevelt ainsi que le Front populaire contre les Nazis, et en 1939, il s'est opposé au pacte de non-agression entre Hitler et Staline. 

En 1937, sur les conseils d'un rédacteur en chef pensant que ses articles seraient mieux reçus si la judéité de leur auteur était moins évidente, ce journaliste a signé ses articles "I. F. Stone". Ce qu'il regrettera plus tard. Fervent sioniste, il a évolué vers une sensibilité à la propagande arabe.

Il « a battu en brèche durant des décennies la propagande gouvernementale, dénonçant les abus du maccarthysme comme la ségrégation raciale, la guerre du Viêtnam comme la collusion entre l’industrie et le pouvoir ». 

En 1952, divers journaux - The Star, The Daily Compass - ont cessé leur activité. I.F. Stone décida de lancer en 1953 I.F. Stone’s Weekly. Auparavant, il a sollicité 30 000 lecteurs du Daily Compass. Il a obtenu 5 200 réponses positives. Financé par les abonnements et de la publicité, il a élaboré I. F. Stone's Weekly, un bulletin hebdomadaire de quatre pages auquel collaborait son épouse. Il l'auto-publiait et le distribuait.  Le nombre de ses abonnés a atteint 20 000 en 1963 et 70 000 lors de sa dernière année, Il générait 350 000 dollars par an, soit en dollars 2007 plus de deux millions de dollars par an. Une affaire avec peu de coûts (les frais postaux d'envois de la lettre demeurant modestes).

« Au nom de sa devise, « Tous les gouvernements mentent », « Izzy » Stone défend âprement la liberté et la démocratie promises par la Constitution dans un bulletin hebdomadaire austère et dépourvu de toute publicité ». Malgré sa surveillance par le FBI, il révèle de nombreux scoops, en dénonçant l'intervention américaine sous l'administration Johnson ou les relations d'affaires entre des multinationales américaines et l'Allemagne nazie. Un prototype du "journaliste d'investigation".

« Placé sous son autorité tutélaire, ce documentaire part à la rencontre de ses héritiers dans l’Amérique d’aujourd’hui – engagée au moment du tournage dans une campagne qui n’avait pas encore été couronnée par la victoire de Trump, mais avait déjà vu éliminé le candidat à l’investiture démocrate Bernie Sanders ». Un documentaire manichéen, de gauche, voire gauchiste, sans esprit critique sur les politiciens et médias de gauche.

La « crème de la crème »
Ils s’appellent Amy Goodman (Democracy now!), Jeremy Scahill et Glenn Greenwald (créateurs du site d’investigation The intercept, dans la foulée des révélations d’Edward Snowden sur la NSA, qu’ils ont contribué à rendre publiques), Matt Taibbi (chroniqueur politique pour Rolling Stone), David Corn (Mother Jones), Cenk Uygur (créateur de l’émission The Young Turks)... Ils forment la « crème de la crème » du journalisme indépendant de gauche américain. Des modernes "muckrakers". Des adeptes d'un "journalisme alternatif".

On « suit aussi John Carlos Frey dans l'enquête patiente qu'il mène au Texas, grâce au soutien financier d'une fondation, sur des charniers, vraisemblablement de migrants assassinés, dont les autorités se désintéressent totalement ». Mais les médias auxquels ils proposent un article sur ces tragédies ont déjà publié un article, et "cela leur suffit".

« Tous ont pour armes un métier qu’ils revendiquent avant tout comme un artisanat et un engagement, et la formidable puissance d’Internet, qui leur a permis de s’adresser directement au public sans dépendre de la publicité ». Ils dénoncent les "éléments de langage" fournis par la Maison Blanche lors de la guerre contre l'Irak de Saddam Hussein. Mais ils occultent ceux communiqués par la Maison Blanche sous la présidence de Barack Obama et repris par tant de journalistes.

Certains journalistes dénoncent les bombardements de l'Arabie saoudite au Yémen - une guerre quasi-ignorée des médias - et le soutien des Etats-Unis à l'Arabie saoudite.

Le « réalisateur Michael Moore, le philosophe Noam Chomsky, mais aussi Carl Bernstein, célèbre pour avoir révélé, avec Bob Woodward, le scandale du Watergate qui fit tomber Nixon, joignent leurs voix pour dresser un état des lieux à la fois accablant et passionnant du fonctionnement des grands médias aujourd’hui ».

Des « networks télévisés comme ABC et NBC au vénérable New York Times, la concentration croissante des titres, la course à l’audience et la confusion des intérêts publics et privés promeuvent une forme de propagande de masse – en particulier, depuis le 11-Septembre et l’invasion américaine de l’Irak, dans les domaines de la défense et de la sécurité ». 

Une « très convaincante enquête à charge qui, au-delà de la question américaine, invite à la réflexion tout citoyen soucieux d’être informé de l’état du monde ».

« Mon père m'a dit : “Si quelque chose ne va pas bien avec le gouvernement, une presse libre le découvrira et cela sera résolu. Mais si quelque chose ne va pas bien avec la presse libre, le pays ira droit en Enfer” (My father once told me: "If something goes wrong with government, a free press will ferret it out and it will get fixed. But if something goes wrong with the free press, the country will go straight to hell”), se souvenait Jeremy J. Stone, fils de I.F. Stone.

Quid du soutien de la quasi-totalité des journaux américains à Barack Obama et à Hillary Clinton, tous deux membres du Parti démocrates ?

Ce documentaire a été programmé dans de nombreux festivals au printemps 2017.

On ne peut que regretter qu'il évoque si peu « Izzy » Stone.


« Tous les gouvernements mentent » par Fred Peabody
White Pine, Canada, 2016, 50 min
Production : Oliver Stone, Jeff Cohen
Producteur/-trice : Oliver Stone, Jeff Cohen, Peter Raymont
Sur Arte les 17 janvier 2017 à 21 h 45 et 9 octobre 2018 à 21 h 50

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Les citations sont d'Arte. Cet article a été publié le 17 janvier 2017.

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