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mardi 23 février 2021

Lotte Eisner (1896-1983)

Arte diffusera le 24 février 2021 « Lotte Eisner - Par amour du cinéma » (Ein Leben für den Film – Lotte Eisner), documentaire de Timon Koulmasis. « Sur les traces de Lotte Eisner (1896-1983), historienne du cinéma et critique de films, qui fonda avec Henri Langlois la Cinémathèque française, en 1936 ». 
 Une "figure éminente du septième art français et allemand". 


Lotte Eisner (1896-1983), dont le pseudonyme était Louise Escoffier, « s’est rendue célèbre par son implication passionnée dans le monde du cinéma aussi bien allemand que français ». 

Elle "était une des personnalités les plus fascinantes du siècle passé. Peu connue du grand public, l'auteur du célèbre "Écran démoniaque" et conservatrice en chef de la Cinémathèque Française était pourtant admirée par Fritz Lang, Murnau, Stroheim, Sternberg, Chaplin, Renoir, mais aussi par Brecht, Man Ray et, plus tard, Herzog et Wenders, Godard et Truffaut. Pourchassée par les Nazis, refugiée en France, elle était une éternelle exilée. Dans sa vie, l'histoire du cinéma et l'Histoire (du vingtième siècle) se croisent et se recoupent, s'éclairent mutuellement".

"Figeac, l'hiver 1941. Un village dans la France occupée. Sous le faux nom de Louise Escoffier, une refugiée juive allemande, Lotte Eisner, range dans un château abandonné des trésors du nouvel art cinématographique allemand, russe, américain que Henri Langlois, le fondateur de la Cinémathèque Française, y a cachés des Nazis. La neige tombe sans cesse. Dans le froid ses ongles se cassent. Elle est seule. Quelques semaines auparavant elle s'est enfuie du camp de concentration de Gurs (Pyrénées-Atlantiques), échappant ainsi à la déportation certaine à Auschwitz. Parmi les bobines de films sauvées, elle trouve "Le Dictateur" de Chaplin."  Après la Libération, elle revient en 1944 à Paris.

"En partant de cette première image dans ce château isolé, nous suivons dans un récit fragmenté et asynchrone les différentes étapes de sa vie. Son enfance dans la bourgeoisie juive assimilée de Berlin; son oeuvre comme influente critique du cinéma pendant les années folles (1920); la persécution par les Nazis et son émigration en France (alors qu'une partie de sa famille restée est assassinée à Térézin); son amitié pour Henri Langlois avec lequel elle construit le musée du cinéma, collectionnant films et objets dans le monde entier. La Cinémathèque Française restera sa seule véritable patrie jusqu'à la fin de sa vie. Truffaut, Godard... la Nouvelle Vague; sa découverte, enfin, du Nouveau Film Allemand qu'elle soutient et légitime comme seule autorité morale reconnue après la guerre. Elle en devient la conscience et l'inspiratrice."

"La narration reflète dans l'angle de sa cinéphilie les multiples facettes d'une femme courageuse, ballotée entre deux identités, qui résista à la barbarie en consacrant sa vie au seul cinéma et écrivit "par nostalgie" de sa patrie engloutie. Un montage poétique et inventif des images glanées pendant un long voyage sur les lieux décisifs de sa vie, des rares archives filmées avec elle, des nombreux extraits de films muets expressionnistes et, comme dans un miroir, des scènes du Nouveau film allemand dont Lotte Eisner situait les racines respectives dans le Romantisme allemand, reflètera les intersections entre vécu, représentation, cinéma et histoire tout au long du siècle passé. Pas d'interviews avec des "spécialistes", peut-être des rencontres avec ceux qui ont été vraiment concernés. Werner Herzog, par exemple, qui marcha 800 km à pied quand il savait la vie de Lotte Eisner en danger. Une recherche de traces. Par les images. Plus actuelle aujourd'hui que jamais."

Le cheminement de Lotte Eisner vers le cinéma ? Lotte Eisner conclut ses études à Munich et à Berlin par un doctorat en art et archéologie. 
Dès 1927, elle travaille comme critique de théâtre, puis critique de cinéma, notamment pour Film-Kurier, quotidien cinématographique berlinois. En 1933, quelques mois après l'accession au pouvoir d'Adolf Hitler, Lotte Eisner fuit les persécutions antisémites nazies et s'installe à Paris où vit sa sœur. 

« En 1936, elle fonde avec Henri Langlois la Cinémathèque française, dont l’objectif consiste à sauver de la destruction films, costumes, décors, affiches et autres trésors du septième art ». En fait, Henri Langlois et Georges Franju ont fondé la Cinémathèque, et Lotte Eisner y est recrutée en 1937.

« Alors exilée à Paris en raison de sa confession juive, elle devient un pilier de la scène culturelle de la capitale, où elle met en avant le cinéma allemand ». 

En 1945, elle travaille comme conservatrice en chef de la Cinémathèque française. Une fonction qu'elle exerce jusqu'à sa retraite en 1975. 

Parallèlement, Lotte Eisner rédige des articles pour des revues de cinéma, en France - La Revue du cinéma, les Cahiers du Cinéma - et en Allemagne : Filmkritik, Filmfaust... 

« En 1952, paraît en français son premier livre, L'écran démoniaque, consacré à l’expressionnisme allemand » et traduit en allemand en 1955 (
Die Dämonische Leinwand). Son oeuvre majeure. Elle y réhabilite le cinéma expressionniste allemand qui s'était développé sous la République de Weimar, mais avait été perçu après la Deuxième Guerre mondiale comme une inspiration esthétique du nazisme, en particulier par Siegfried Kracauer dans son influent De Caligari à Hitler (1947). En vingt chapitres, elle analyse une quarantaine de films de la période 1920-1933, dès le Cabinet du docteur Caligari de Robert Wiene (1920). Elle recourt à des concept-clés pour étudier le cinéma de cette ère (Helldunkel ou clair-obscur, Stimmung, Umwelt, Kammerspiel). Dans sa préface à la traduction anglaise (The Haunted Screen), Lotte Eisner explique le sens qu'elle donne à « démoniaque » : non pas en lien avec les démons, mais en référence à l'étymologie grecque pour signifier, comme Goethe, « qui a trait à la nature des pouvoirs surnaturels ».

Suivront des biographies de réalisateurs qu'elle a connus : F.W. Murnau, Fritz Lang. Des ouvrages de référence.

En novembre 1974, alors que Lotte Eisner et malade, un de ses amis, Werner Herzog, considérant qu'il « ne peut y avoir de cinéma allemand sans elle », décide de marcher de Munich à Paris, deux villes où chacun d'eux se trouve. En trois semaines, il parcourt la distance. Lotte Eisner guérit. En 1978, Herzog publie le journal de son voyage, Sur la route des glaces (Vom Gehen im Eis).

« Ce portrait sensible esquisse les traits de cette figure forte du septième art des deux côtés du Rhin et retrace les étapes les plus importantes de sa vie : ses débuts en tant que critique à Berlin en 1920, sa fuite en France, puis son travail au sein de la Cinémathèque française qui, jusqu’à sa mort en 1983, représentera sa "patrie spirituelle". »

« Elle a aidé à voir le cinéma comme une chose qu’il fallait préserver. Elle a été l’une des premières à comprendre la force mythologique du cinéma », a dit Wim Wenders.


« Lotte Eisner - Par amour du cinéma » de Timon Koulmasis
Allemagne, 2020
Ilona Grundmann Filmproduktion, acqua alta, zdf/arte, HessenFilm, ORF Weltvertrieb, ciné +, CNC, Procirep-Angoa, Fondation pour la Mémoire de la Shoah
Sur Arte le 24 février 2021 à 22 h 35
Disponible du 23/02/2021 au 25/03/2021
Visuels
Affiche : Lotte Eisner et le robot de "Metropolis"
© Ilona Grundmann Filmproduktion/Cinémathèque française

Couverture de l’ouvrage de Lotte H. Eisner, L’Écran démoniaque, influence de Max Reinhardt et de l’expressionisme, Paris, A. Bonne, coll. « Encyclopédie du cinéma », 1952.

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