Citations

« Le goût de la vérité n’empêche pas la prise de parti. » (Albert Camus)
« La lucidité est la blessure la plus rapprochée du Soleil. » (René Char).
« Il faut commencer par le commencement, et le commencement de tout est le courage. » (Vladimir Jankélévitch)
« Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort. Il est de porter la plume dans la plaie. » (Albert Londres)
« Le plus difficile n'est pas de dire ce que l'on voit, mais d'accepter de voir ce que l'on voit. » (Charles Péguy)

lundi 3 juillet 2023

Samuel Beckett (1906-1989)

Samuel Beckett (1906-1989) était un dramaturge - En attendant Godot -, poète, romancier - Molloy, Malone meurt, L'Innommable - irlandais. Résistant durant la Deuxième Guerre mondiale, il est l’auteur d’une œuvre théâtrale de l'absurde, teinté d'humour et de pessimisme. En 1969, il a été distingué par le Prix Nobel de Littérature pour 
ses œuvres écrites, en français et en anglais, dans une langue concise, épuréeLa 23e édition du Festival Beckett  aura lieu à l'ÉcoMusée de l'Ocre de Roussillon  (OKHRA) dans le Luberon (Vaucluse), dans cette si belle Provence (15-20 juillet 2023). Le 15 juillet 2023, la soirée d’ouverture se déroulera à la Librairie Le Bleuet, à Banon. Interview en fin d'article de Stéphane Valensi, directeur artistique du Festival.

Le théâtre juif 
Chagall, Lissitzky, Malévitch, l'avant-garde russe à Vitebsk (1918-1922)
Théâtres romantiques à Paris. Collections du musée Carnavalet 
Henry Bernstein (1876-1953)

Samuel Barclay Beckett (1906-1989) est né à Foxrock, le jour du Vendredi Saint, dans une famille bourgeoise protestante irlandaise, dont les aïeuls étaient des huguenots français réfugiés en Irlande.

Son enfance est studieuse, partagée entre la pratique du sport - tennis, le cricket, la bicyclette -, l'apprentissage du piano et le jeu d'échecs.

Sa scolarité à l'internat de la Portora Royal School d'Enniskillen lui inculque le sens de l'honneur, de la loyauté et de l'honnêteté.

De 1923 à 1927, Samuel Beckett étudie le français, l'italien - oeuvre de Dante - et l'anglais au Trinity College de Dublin. Parmi ses professeurs : Thomas Rudmose Brown.  

Son exigence, réticente à la compromission, et la lucidité sur ses qualités intellectuelles rendent malaisée sa vie sociale. En outre, sa santé périclite (problèmes cardiaques). 

Les débuts de sa vie sentimentales sont malheureux.

Samuel Beckett bénéficie d'une bourse de troisième cycle. Il séjourne en France et en Italie, puis est recruté comme lecteur d'anglais à l'École normale supérieure (ENS) de la rue d'Ulm. Il s'installe à Paris fin 1928. Il s'épanouit dans une vie culturelle riche. Il noue une amitié avec Thomas MacGreevy, qui lui facilite l'entrée dans la vie parisienne intellectuelle et artistique, parmi les proches de James Joyce.

A Dublin en septembre 1930, il travaille comme maître de conférence au Trinity College, effectue des traductions et publie ses poèmes. 

Un an plus tard, il démissionne et parcourt la France et l'Allemagne, débute un roman. Ne trouvant pas d'éditeur, il retourne à Dublin à la fin de 1932. Il commence à consommer trop d'alcool. Au décès de son père en 1933, il hérite d'une somme versée chaque mois. 

En 1934, son premier recueil de nouvelles est publié, et censuré en Irlande. 

Suivant les conseils d'un ami, il suit à Londres une psychothérapie avec Wilfred Bion qui l'aide à déceler, à l'origine de ses angoisses et de ses maux physiques, les relations avec sa mère. Parallèlement, sont édités des articles critiques, des poèmes Echo's bones et débute la rédaction de Murphy. En septembre 1936, son périple pictural en Allemagne s'avère désastreux.

Après un bref retour à Cooldrinagh, il retrouve Paris en 1930 où il fait la connaissance des peintres Bram et Geer Van Velde. En janvier 1937 il est agressé au couteau par un voyou. Il noue une liaison avec Suzanne Dechevaux-Dumesnil, « personne calme, réfléchie, patiente, bonne musicienne, capable de rester silencieuse ». Murphy est plutôt bien accueilli par la presse britannique. Il débute ses séjours annuels d'un mois près de sa mère.

En 1939, au déclenchement de la Deuxième Guerre mondiale, bien qu'il ait la nationalité d'un pays neutre, il est volontaire comme ambulancier. Grâce à Joyce, puis Valéry Larbaud et Marcel Duchamp, il se rend à Arcachon, revient à Paris et rejoint la Résistance, dans le réseau franco-anglais Gloria, le 1er septembre 1941.

Alerté par Maya Péron d'une trahison, il fuit avec Suzanne. Aidé par Nathalie Sarraute, le couple parvient, un mois et demi après, à Roussillon-rn-Provence (Vaucluse), où un ami peintre, juif, Henri Hayden, le rejoint. Hébergé par Berthe Bonnelly, Samuel Beckett contribue aux travaux agricoles et prend soin du vignoble. Le 30 mars 1945, il est décoré par la Croix de guerre et la Médaille de la Résistance. Les récits de déportation et ce conflit influent l'œuvre de Beckett.

A Paris au début de 1945, Samuel Beckett décide de revoir à Dublin sa mère, septuagénaire, affaiblie par la maladie de Parkinson. Il a alors une « vision » révolutionnant son style. Il est employé comme économe-interprète par la Croix-Rouge irlandaise qui édifie un hôpital à Saint-Lô, et se dévoue dans un contexte de misère. 

Durant huit années, il vit une « frénésie d'écriture ». Avec l'argent hérité de sa mère, il fait édifier une maison à Ussy-sur-Marne, lieu où il écrit au calme, loin du rythme parisien, son oeuvre romanesque qui est finalement acceptée par l'éditeur Jérôme Lindon. Le succès commercial est modeste. 

En 1953, grâce aux initiatives de Suzanne, Roger Blin monte la pièce En attendant Godot au Théâtre Babylone dirigé par Jean-Marie Serreau. Distribution : Estragon (Pierre Latour), Vladimir (Lucien Raimbourg), Lucky (Jean Martin), Pozzo (Roger Blin), un jeune garçon (Serge Lecointe). Un succès critique et public.

En 1958, Samuel Beckett s'indigne de la censure visant Seán O'Casey en interdisant toute représentation de ses pièces. 

À Paris, il consacre une grande partie de sa vie aux dîners, soirées de concerts, rencontres avec des peintres, etc. Il se rend à l'étranger pour mettre en scène ses pièces. 

En 1961, en Angleterre, il épouse sa compagne Suzanne Déchevaux-Dumesnil, et le couple s'installe à Paris dans un quartier proche de la prison de la Santé.

Mimes, pièces radiophoniques ou télévisuelles, cinéma... Sa vie d'auteur est bien remplie.

A l'automne 1963, la pièce Oh les beaux jours est créée, en français, à la Biennale de Venise et à Paris (théâtre de l'Odéon) dans une mise en scène de Roger Blin, avec Madeleine Renaud (Winnie) et Jean-Louis Barrault (Willie).

En mai-juin 1968, Samuel Beckett observe, sans participer en raison de problèmes de santé les évènements qui bouleversent la vie politique française.

En 1969, Samuel Beckett est distingué par le Prix Nobel de Littérature pour « son œuvre qui, à travers un renouvellement des formes du roman et du théâtre, prend son élévation dans la destitution de l'homme moderne ». C'est son éditeur Jérôme Lindon qui reçoit le Prix car Samuel Beckett ne prise pas les mondanités. Ce Prix accroît l'intérêt d'universitaires, d'auteurs, de journalistes... Le récipiendaire donne la dotation à ses amis.

Samuel Beckett disparait en décembre 1989, six mois après son épouse Suzanne.

"Dans le regard du public, l’image que l’on retient de Samuel Beckett est celle d’un écrivain détaché des combats politiques... Cependant, un récent livre, Beckett’s Political Imagination [L’imagination politique de Beckett] d'Emilie Morin, vient apporter un précieux éclairage sur cette question. On y met en évidence l’agacement de Beckett par rapport à son milieu social, marqué par le protestantisme irlandais : il avait de nombreuses amitiés avec des républicains, des socialistes et des anticolonialistes... C’est en lien avec la Seconde Guerre mondiale que la dimension politique de Beckett acquiert tout son poids. Déjà, lors de son voyage en Allemagne en 1936-1937, il avait eu l’occasion de scruter de près le fonctionnement du système politique des nazis, voyant Goebbels comme « l’élève » qui avait appris des techniques soviétiques. En effet, Beckett nourrissait une vive curiosité à l’égard de l’URSS, au sujet de laquelle il lisait beaucoup pendant les années trente et bien plus tard dans sa vie. Cet intérêt était lié à son projet d’y apprendre le cinéma auprès d’Eisenstein, dans un contexte, en Irlande, où les communistes étaient surveillés", a écrit Llewellyn Brown (Metula News Agency).

Et Llewellyn Brown de poursuivre : 
"Beckett fut aussi témoin des conséquences de l’antisémitisme dans l’expérience de son oncle juif, « Boss » Sinclair, qui dut fuir l’Allemagne avec sa famille en 1933, et subir les attaques antisémites d’Oliver St. John Gogarty. Beckett vit aussi la montée des idées fascisantes en Irlande, avec le mouvement des Blueshirts [Chemises bleues]. Pendant la Guerre, la neutralité irlandaise provoqua l’indignation de Beckett, tout comme l’attitude, en mai 1945, de Valera, qui n’appela pas à la solidarité avec les Européens mais au repli, au profit d’une économie autonome et une réduction des importations. Dans son texte « Capital of the Ruins » [La capitale des ruines], Beckett décrit le travail auprès des habitants de la ville de Saint-Lô totalement dévastée par les bombardements des Alliés, et fait entendre que son pays attendait un retour sur son investissement dans l’aide humanitaire.
Le fait marquant cependant fut sa participation à la Résistance, dans le réseau SMH Gloria. Il avait quitté le confort de l’Irlande, poussé par un idéal de service sur le front militaire. S’engageant au moment où l’arrestation des Juifs s’intensifia, il fit ce choix pour des raisons avant tout personnelles, non pour des questions d’ordre général. Quand le réseau fut dénoncé, Beckett dut se réfugier dans le village de Roussillon dans le Vaucluse, jusqu’à la fin de la guerre. On peut faire l’hypothèse que la Croix de Guerre que l’on lui décerna récompensait aussi un travail réalisé à l’hôtel Lutetia en tant que traducteur, au moment du rapatriement des déportés.
Beckett’s Political Imagination  aborde également la Guerre d’Algérie et l’emploi, par la France, de la torture pour réprimer les groupes indépendantistes. Si de nombreux intellectuels s’engagèrent pour dénoncer l’utilisation de la torture, dans le cas de Beckett, son amitié avec Jérôme Lindon fut cruciale. Celui-ci, dirigeant les Editions de Minuit, publia de nombreux textes (notamment dans la collection « Documents », dirigée par Pierre Vidal-Naquet), et Beckett aida la maison d’édition à survivre en donnant de l’argent. Tout en suivant le conflit de très près, et étant proche des militants, Beckett ne signa pas le Manifeste des 121 en raison de sa nationalité étrangère. Habitant derrière la prison de la Santé, Beckett communiquait avec les prisonniers par signes.
Ce livre possède un intérêt certain qui est de révéler Beckett non comme une figure idéale, mais comme un homme avec ses préoccupations humaines. En effet, la manière dont Beckett réagissait aux événements n’avait pas le caractère rationnel ou clairement balisé que l’on peut observer chez d’autres figures publiques. Certes, il était plus ou moins “de gauche”, mais il était plutôt ce que Michel Foucault appelait un « intellectuel spécifique » : c’est-à-dire que ses engagements étaient contenus au sein de ses milieux professionnels, déterminés par ses affinités artistiques et intellectuelles.
On note une constante : il était soucieux des liens entre artiste et Etat, et prit action quand une menace se manifestait. Ses amitiés – témoignant d’une grande fidélité – n’étaient pas nécessairement marquées par une conformité idéologique. Ainsi, il était resté ami avec Georges Pélorson, qui occupa des postes importants sous le régime de Vichy, activité à laquelle Beckett faisait seulement des allusions obliques. Il maintenait également des relations chaleureuses avec le poète Ezra Pound, qui fut favorable aux mouvements fascistes et à Hitler. En même temps, Beckett était un grand ami de Jean Beaufret, qui participa à la Résistance.
Diversement, Beckett fit une donation à l’ANC au moment de son recours à la lutte armée et, se penchant sur la politique raciale aux Etats-Unis, il s’intéressait à la fois au mouvement des droits civiques et aux Panthères Noires. Précisons que ce dernier groupe, composé de criminels – trafiquants, qui terrorisaient la communauté noire de la Bay Area –, haïssait Martin Luther King, que ses membres appelaient « De Lawd » (“Ze Seigneur”).
Ce livre révèle que Beckett agissait non de manière idéologique ou systématique, mais avec sincérité et de manière ponctuelle. On sait qu’il se défendait d’être un penseur ou un intellectuel et, à Gabriel d’Aubarède en 1961, il déclara : « Je ne suis que sensibilité. J’ai conçu Molloy et la suite, le jour où j’ai pris conscience de ma bêtise. Alors, je me suis mis à écrire les choses que je sens ».
En février 2023, mise en scène par l’étudiant irlandais âgé de 24 ans  Oisin Moyne, « En attendant Godot » de Samuel Beckett n'a pas été jouée au Centre culturel de l’université de Groningen (Pays-Bas) en mars 2023. La raison ? L’absence de parité. « S’il s’agissait d’une pièce avec cinq Blancs pour laquelle ils avaient organisé des auditions ouvertes, tout se serait bien passé. Mais vous ne pouvez pas discriminer des gens dès le départ », a déclaré Bram Douwes, programmateur de théâtre à l’Usva, au journal Ukrant. « [Beckett] a explicitement déclaré que cette pièce devait être jouée par cinq hommes. Les temps ont changé. Et l’idée que seuls les hommes sont aptes à jouer ce rôle est dépassée et même discriminatoire », a déclaré Elies Kouwenhoven, attachée de presse de l’université. En tant qu’université, nous défendons une communauté ouverte et inclusive où il n’est pas approprié d’exclure les autres, sur quelque base que ce soit. »

Festival Beckett
L’association « La Maison Samuel Beckett »  de Roussillon-en-Provence,  dans le Vaucluse, a été créée en 1997 par Henri Marcou, futur maire de Roussillon. Son objectif ? "Perpétuer le  souvenir du célèbre écrivain irlandais, futur prix Nobel de littérature,  qui séjourna de 1942 à 1945 chez les Bonnelly."

Elle organise en particulier un Festival en son honneur afin de rendre "hommage au génie, au courage et à la générosité de Samuel Beckett, qui, pourchassé par la Gestapo, trouva refuge à Roussillon de 1942 à 1945.  C’est là qu’il décida d’écrire en français et que naquit le sujet de En attendant Godot."

La 23e édition du Festival Beckett 
de Roussillon-en-Provenc se déroulera du 15 au 20 juillet 2023. Il a pour Présidente Marion Loran Vart et pour Directeur artistique Stéphane Valensi, qui a succédé en 2021 au comédien Jacques Frantz. 

Il se tiendra comme tous les ans à l’Ecomusée de l’ocre de Roussillon en Provence. La soirée d’ouverture aura lieu pour la première fois à la Librairie Le Bleuet, à Banon.

"Cette année encore, le Festival Beckett de Roussillon en Provence propose une programmation éclectique et exigeante soutenue par des artistes prestigieux, et pour laquelle nous mettons en œuvre des initiatives inédites visant au renforcement du rayonnement et de l’impact du Festival sur le territoire. Nous proposerons dès cette année des ateliers dans les médiathèques de la Communauté de communes Pays d’Apt Lubéron afin de sensibiliser les publics avec l’univers artistique et la vie du dramaturge", a écrit Stéphane Valensi.

Samedi 15 juillet 20 h - Soirée de présentation du Festival au Bleuet à Banon 
par Stéphane Valensi
Lecture de Textes pour rien (1950) de Samuel Beckett par Frédéric Leidgens.
Présentation par Marie Iemma-Jejcic, psychanalyste, membre de l’Association lacanienne internationale, de son livre Le métier d’être homme – Samuel Beckett, l’invention de soi-même (EME Éditions 2021).
Entrée libre

Lundi 17 juillet à 20 h 45 – Fin de partie de Samuel Beckett
Mise en scène Jacques Osinski, avec Denis Lavant, Frédéric Leidgens, Claudine Delvaux et Peter Bonke.
« Dans Fin de partie il y a déjà cette notion d’immobilité, cette notion d’enfouissement. Le personnage principal est dans un fauteuil, il est infirme et aveugle, et tous les mouvements qu’il peut faire c’est sur son fauteuil roulant, poussé par un domestique, peut-être un fils adoptif, qui est lui-même assez malade, mal en point, qui marche difficilement... Nous voyons deux êtres qui se déchirent, qui jouent une partie comme une partie d’échecs et ils marquent des points, l’un après l’autre... C’est une pièce comique. Les exégètes de Beckett parlent d’un « message », d’une espèce de chose comme ça. Ils oublient de dire le principal, c’est que c’est une chose qui est une découverte du langage, de faire exploser un langage très quotidien. Il n’y a pas de littérature plaquée, absolument pas. Faire exploser un langage quotidien où chaque chose est à la fois comique et tragique », a analysé Roger Blin qui avait mis en scène la pièce à sa création, en français, à Londres en 1957.
A  l’Okhra Écomusée de l’ocre – Roussillon 
Plein tarif 25 € / Adhérents 20 € / Réduit 15 € / - de 26 ans 10 €

Mardi 18 juillet à 19h – Dialogue entre Nicolas Doutey, auteur et dramaturge (Alain Françon, etc.) et Marie Iemma-Jejcic autour de son livre. Verre de l’amitié à l’issue de la soirée.
Plein tarif 15 € / Adhérents et réduit 10 €

Mercredi 19 juillet 21h - L’Augmentation de Georges Perec
Mise en scène Anne-Laure Liégeois, avec Anne Girouard et Olivier Dutilloy.
"Georges Perec nous entraîne dans le récit d'une véritable course d'obstacles : la quête d'une augmentation de salaire. Selon une logique imparable, il examine tout les cas de figure possibles et imaginables. Mais de rebondissements en rendez-vous manqués, d'épidémies de rougeole en intoxications alimentaires, les perspectives d'une rencontre avec un très évanescent chef de service deviennent de plus en plus improbables." Jubilatoire.
Extrait : "Ayant mûrement réfléchi, ayant pris votre courage à deux mains, vous vous décidez à aller trouver votre chef de service pour lui demander une augmentation. Vous allez donc trouver votre chef de service, disons pour simplifier, car il faut toujours simplifier, qu'il s'appelle monsieur Xavier, c'est-à-dire monsieur ou plutôt Mr X. Donc vous allez trouver Mr X. Là, de deux choses l'une : ou bien Mr X est dans son bureau, ou bien Mr X n'est pas dans son bureau." 
 Plein tarif 20 € / Adhérents 15 € / Réduit 10 €

Jeudi 20 juillet à 21 h – Carte blanche à Marin Karmitz
"Projection exceptionnelle de trois films de Marin Karmitz, réalisateur, producteur, exploitant de cinéma. Il évoquera son parcours et sa rencontre avec Samuel Beckett."
Comédie
- 1966 / 26’
D’après Samuel Beckett
Avec Eléonore Hirt, Michael Lonsdale et Delphine Seyrig.
"Le film met en scène un homme et deux femmes ; le mari, la femme, la maîtresse, emprisonnés côte à côte, dans le noir, dans des jarres identiques. Leurs têtes seules dépassent. La parole des personnages est extorquée par un rayon lumineux qui se pose, alternativement, sur le visage de chacun d’eux. Au début, le rayon est intense, on entend bien mais on ne perçoit qu’une mitraille de syllabes incompréhensibles. Progressivement, l’intensité du rayon faiblit : on comprend le texte mais on ne l’entend plus."

Nuit noire Calcutta
- 1964 / 20’
Avec Maurice Garrel, Natasha Parry et Nicole Hiss, et la voix de Marguerite Duras.
"Marin Karmitz a réalisé ce film sur un scénario de Marguerite Duras. Il en explique ainsi la genèse : « C’est, au départ, une commande d’un laboratoire pharmaceutique, qui lançait un médicament censé soigner l’alcoolisme. Après une tentative de documentaire que j’ai laissé tomber, j’ai pensé à Marguerite, que je savais très proche des problèmes d’alcool. Comme elle sortait d’une cure de désintoxication, elle avait envie d’en parler et a élaboré une première version de Nuit noire, Calcutta ».

Étranger Résident
- 2018 / 28’ 
Le titre du film correspond à celui de "l’exposition des collections de Marin Karmitz présentée à la Maison Rouge à Paris en 2017-2018. Une déambulation intime parmi des centaines de photographies, peintures, sculptures, dessins, installations et vidéos du XXème siècle, assemblées au long cours en une trentaine d’années, qui composent une collection très personnelle et cohérente, de laquelle une infinité de nouvelles histoires peuvent naître. Marin Karmitz, qui a démarré sa carrière en tant que réalisateur, l’achève en réalisateur avec cet objet aussi intense qu’inclassable".

Plein tarif 20 € / Adhérents 15 € / Réduit 10 €

Du 16 au 20 juillet à 8 h – Les mots sont des trous dans le silence. Un spectacle de Rufus
"En anglais ce texte de Beckett s’appelle « L’intraduisible », en français il s’appelle « L’innommable », l’impossible à nommer... Le grand Rufus, qui a pris l’habitude de dire oui à la vie avec le sourire, nous invite à un rendez-vous confidentiel, au lever du jour, pour partager « le secret de Sam et de toute son oeuvre ».
Sous le Campanile – Roussillon
Entrée libre sur réservation au 07 58 26 42 25 (26 spectateurs)
Restauration possible, et sur réservation, à partir de 19 h 15 les 17, 19 et 20 juillet.
Réservations et informations à ôkhra-écomusée de l’ocre : 04 90 05 67 69

INTERVIEW DE STEPHANE VALENSI, DIRECTEUR ARTISTIQUE

"Pourquoi Samuel Beckett ? Qu'est-ce qui vous touche particulièrement dans son oeuvre et son parcours ?

Stéphane Valensi : Ce qui me touche, c’est sa lucidité, son courage. Le courage de l’homme, celui de l’écrivain. Les deux sont indissociables.
Il témoigne de l’essentiel, de ce qui est irréductible dans l’être humain. Il a révolutionné le théâtre et la littérature. C’est un humaniste, un résistant. Il nous aide à vivre. Homme d’une très grande érudition, il a choisi de ne pas être un intellectuel. Il n’est pas dans le discours, il est dans la langue. Son oeuvre, réputée difficile d’accès, est pourtant parmi les plus représentées et commentées. Considérée comme nihiliste ou pessimiste, elle est drôle, suscite le rire. Certains de ses romans sont d’une cocasserie stupéfiante. "Rien n’est plus drôle que le malheur", dit Hamm dans Fin de partie, "vous êtes sur terre, c’est sans remède". 
Jacques Lacan disait de lui qu'il était l'écrivain qui a sauvé l'honneur de la littérature. 
Samuel Becket n’a pas hésité à s’engager dans la Résistance et alors qu’il était pourchassé par la Gestapo, il a trouvé refuge à Roussillon. Il y a connu la faim, le froid, l’attente. Dans Godot est cité Roussillon, où il a fait les vendanges pour les Bonnelly.
Le Festival Beckett de Roussillon, créé en 1999, rend hommage à sa présence dans le Vaucluse pendant les heures sombres de l’Occupation et ce moment essentiel dans sa vie d’écrivain où il décide d’écrire en français et où il a puisé son inspiration pour écrire En attendant Godot.

Quelle lecture de son oeuvre privilégiez-vous ? 
Beckett célèbre la vie. "Les grands pessimistes aiment la vie" disait Giorgio Strehler. Sans jamais rien expliquer ni affirmer, il pose une éthique de la responsabilité, pour soi et pour les autres. Dans En attendant Godot, quand l’enfant messager demande à Vladimir, à la fin de chacun des deux actes, ce qu’il doit dire à Monsieur Godot, Vladimir répond : "Dis-lui que tu nous as vus. Un temps. Tu nous as bien vus, n’est-ce-pas ? » 
Nous ne sommes pas loin de Lévinas.

L'humour de son oeuvre est souvent occultée par les metteurs en scène…
De moins en moins me semble-t-il. Avec le temps, la dimension métaphysique laisse la place à ce qu’il y a de plus immédiat et de concret dans l’oeuvre.

Y a-t-il un fil directeur dans votre programmation ?
Nous souhaitons entretenir la mémoire de Beckett à Roussillon et permettre à une nouvelle génération de spectateurs de mieux l’aimer et le connaître. Notre programmation se veut éclectique et exigeante. Nous programmons bien sûr essentiellement le répertoire de Beckett mais aussi d’autres auteurs contemporains qui s’inscrivent dans son sillage. 
Cette année, nous sommes heureux d’accueillir L'Augmentation de Georges Perec dans la très belle mise en scène d’Anne-Laure Liégeois avec Anne Girouard et Olivier Dutilloy. Anne Girouard (la reine Guenièvre dans la série Kamelott) avait participé au festival en 2021 dans la pièce de Pierre Bénézit, Penser qu’on ne pense à rien, c’est déjà penser quelque chose.

Comment avez-vous élaboré la programmation de 2023 ?
Ces deux dernières années, Beckett a été particulièrement à l’honneur sur les scènes de théâtre et nous sommes fiers d’avoir accueilli l’année dernière et d’accueillir cette année les deux productions majeures qui ont marqué cette saison théâtrale.
Après En attendant Godot dans la mise en scène magistrale d’Alain Françon l’année dernière, c’est une autre production éblouissante que nous recevrons cette année, Fin de partie dans la mise en scène de Jacques Osinski, avec Denis Lavant et Frédéric Leidgens, exceptionnels dans les rôles de Clov et Hamm.  Nous avions déjà accueilli Denis Lavant dans Cap au pire de Beckett en 2018 (mise en scène Jacques Osinski).
Cette année nous inaugurons également un partenariat avec la librairie Le Bleuet à Banon, plus importante librairie en milieu rural, où aura lieu la soirée d’ouverture du festival, le 15 juillet. Marie Iemma-Jejcic, psychanalyste, y présentera son très bel ouvrage, Le métier d’être homme-Samuel Beckett, l’invention de soi-même et Frédéric Leidgens lira les quatre derniers chapitres de Textes pour rien de Beckett.
Nous retrouverons Marie Iemma Jejcic à Roussillon le 18 juillet. Elle dialoguera avec Nicolas Doutey, auteur et grand spécialiste de Beckett qui a été le dramaturge d’Alain Françon pour ses mises en scène de Beckett et notamment En attendant Godot.
 Il y aura le 19 juillet, L’Augmentation de Perec dont j’ai parlé précédemment. Il y est question d’attente également…
Enfin le 20 juillet, Marin Karmitz, le grand producteur et exploitant de cinéma nous fera l’honneur de sa présence pour la soirée de clôture du festival. Il témoignera de sa rencontre avec Samuel Beckett en 1965, au moment où jeune réalisateur, il entreprend d’adapter pour l’écran la pièce Comédie. Nous projetterons deux autres de ses films, Nuit noire Calcutta (1964) d’après un scénario de Marguerite Duras et Etranger résident, réalisé en 2018, déambulation intime parmi des centaines de photographies, peintures, sculptures, dessins, installations et vidéos du XXème siècle, assemblées au long cours en une trentaine d’années par Marin Karmitz. Un film particulièrement émouvant, où Marin Karmitz raconte le siècle et se raconte lui-même. Etranger résident comme le fut Beckett.

Parlez-nous du principal lieu d'accueil du Festival…
Les représentations ont lieu dans le cadre magique d'Okhra-écomusée de l’ocre de Roussillon, à la nuit tombée. Quand les cigales se taisent, la représentation s’achève sous les étoiles, la magie du plein air opère. L’écomusée de l’ocre occupe un ancien lieu de transformation de l’ocre, l’usine Camille Mathieu. Abandonnée dans les années 50, elle a été réhabilitée pour devenir un lieu d’histoire et de découvertes." 


Place Saint Just. 04150 BANON
 / Banon (04150) 04 92 73 25 85 - www.lebleuet.fr

570 route d’Apt. 84220 ROUSSILLON

Contact : festivalbeckett.roussillon@gmail.com


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