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lundi 8 août 2022

Documentaires d'Arte sur les agriculteurs

La France a quatre fois moins d'agriculteurs exploitants qu'il y a quarante ans. Elle demeure une puissance agroalimentaire européenne et mondiale. Arte diffusera le 15 janvier 2023 à 20 h 05 « 27 - Qui veut la peau des agriculteurs » (27 - Das europäische MagazinWer will den Landwirten an den Kragen?)

« Une femme d'exception. Le royaume d’Anna » par Beate Thalberg

"Agriculteurs en polyculture-élevage, éleveurs de bovins, céréaliers, viticulteurs, maraîchers, patrons pêcheurs, entrepreneurs de travaux agricoles, etc. : en France, en près de quarante ans, alors que la taille des exploitations a augmenté, la part des agriculteurs exploitants dans l'emploi a fortement diminué, passant de 7,1 % en 1982 à 1,5 % en 2019."

"En 2019, les trois quarts des agriculteurs exploitants sont des hommes, une proportion en hausse depuis quarante ans, et plus de la moitié sont âgés de 50 ans ou plus."

"En moyenne, les agriculteurs ont une durée de travail hebdomadaire plus élevée que l'ensemble des personnes en emploi, et ils travaillent très fréquemment le samedi ou le dimanche."

« Sacrifice paysan »
Arte réunit plusieurs documentaires dans la série « La vie en face ». « Nos vies ont été bouleversées par la crise du COVID-19, par une nouvelle guerre en Europe, ARTE prend le temps de se pencher sur des histoires singulières qui racontent les mutations profondes en jeu dans nos sociétés contemporaines. Des films humains qui regardent leurs personnages avec respect et tendresse. »

Arte diffusera le 10 août 2022 à 22 h 50 « Sacrifice paysan » (Tod eines Viehzüchters) de Gabrielle Culand. « Comment un contrôle sanitaire a-t-il pu déboucher sur la mort d’un éleveur, abattu par les gendarmes en 2017 ? Décryptant les rouages de cette tragédie, ce documentaire plonge dans la complexité d’un monde agricole en détresse. » 

Jérôme Laronze a été le "premier agriculteur du village installé en bio en 2014". Il était membre de la Confédération paysanne. « Le 20 mai 2017, Jérôme Laronze, éleveur bovin de 37 ans, est abattu par les gendarmes au terme d’une cavale de neuf jours ». Son troupeau comptait 120 vaches. "Ordre avait été donné de l’interner en soins psychiatriques. Pendant neuf jours, il a échappé aux militaires qui le présentaient comme un individu dangereux. Il a été tué de trois balles, reçues de côté et de dos, au volant de sa voiture le 20 mai 2017".

« En conflit avec les services de l’État, l’exploitant bio, porte-parole de la Confédération paysanne de Saône-et-Loire, s’est soustrait à un énième contrôle sanitaire et a tenté d’alerter, au cours de sa fuite, sur le malaise de sa profession. »

Dans ses « Chroniques et états d’âme ruraux » au Journal de Saône-et-Loire, le paysan fustigeait la violence des contrôles : « La DDPP [direction départementale de la protection des populations, qui comprend les services vétérinaires] me submergera de menaces, de mises en demeure, d’injonctions, d’intimidations et de contrôles sur ma ferme avec à chaque fois, toujours plus de gens en armes alors que j’ai toujours été courtois et jamais menaçant ».

« J’ai été pris de la colère du juste. […] Mon cas est anecdotique, mais il illustre l’ultraréglementation qui conduit à une destruction des paysans », dira-t-il au Journal de Saône-et-Loire

« La nouvelle de son décès fait l’effet d’une bombe dans un monde agricole déjà endeuillé par une vague de suicides ». 

En 2020, le tribunal administratif de Dijon a jugé que trois contrôles dont il a fait l’objet en 2015 et 2016 étaient irréguliers : « Le préfet n’établit pas l’accord de M. Jérôme Laronze aux visites domiciliaires dont il a fait l’objet, accord qui constitue une garantie pour l’intéressé... La procédure administrative de contrôle [était] irrégulière ». 

Un gendarme a été mis en examen pour « violences avec arme ayant entraîné la mort sans intention de la donner ».

« Quand vous avez huit gendarmes armés chez vous, peut-on considérer que vous donnez votre accord ?... Cette procédure nous a permis de découvrir quelque chose que Jérôme lui-même n’avait sans doute pas compris. À chaque fois que les agents de l’administration venaient, il y avait en fait un double contrôle : administratif et pénal », a déclaré Me Marie-Pierre Laronze, soeur du défunt. "Le contrôle administratif visait à vérifier qu’il remplissait les conditions permettant de recevoir les aides européennes de la Politique agricole commune (PAC). Le contrôle pénal, lui, visait à rechercher d’éventuelles infractions. « Un contrôle pénal donne plus de pouvoirs aux agents, donc il y a plus de règles à respecter... Par ailleurs, les deux contrôles étaient effectués lors de la même visite. Or, si vous vous opposez au contrôle administratif, vous perdez vos aides. Donc, cela exerçait une pression pour accepter le contrôle pénal effectué en même temps. Dès le départ, les règles étaient truquées... Dans leurs dépositions, les gendarmes présentent Jérôme comme dangereux. Mais ce que nous dit le jugement du tribunal administratif, c’est que Jérôme était l’agressé. Cela change radicalement les choses. Désormais, je ne vois pas comment les gendarmes peuvent construire une défense », insiste Marie-Pierre Laronze". (Reporterre, 27 novembre 2020)

"Les contrôles ayant été annulés, les décisions qui en découlent aussi. Jérôme Laronze avait notamment eu une condamnation correctionnelle, à partir des procès-verbaux de ces contrôles, en avril 2016 : elle n’a plus de fondement juridique. Par ailleurs, la préfecture avait décidé à la suite de ces contrôles d’une réduction des aides PAC attribuées à l’éleveur, et formulé, après son homicide, une demande de remboursement à la famille. Elle n’a plus lieu d’être. « Cette décision rétablit Jérôme dans ses droits et dans sa dignité », se félicite sa sœur. Ironie de l’histoire, c’est justement cette lettre du préfet, demandant le remboursement des aides PAC, qui a choqué la famille, et déclenché la procédure. Marie-Pierre Laronze explique : « Cela nous semblait tellement déplacé de nous demander de restituer ces sommes alors que Jérôme avait été tué à la suite d’un contrôle ! Nous avons formulé un recours gracieux au préfet, resté sans réponse. Donc, pour poursuivre, nous n’avions que le tribunal administratif. »

« Les normes sont faites pour l’agriculture industrielle et ne correspondent pas aux pratiques de l’agriculture paysanne », précise Jérôme Escalier, porte-parole de la Confédération paysanne de Saône-et-Loire. « Donc, quand arrive le contrôle, forcément, on se demande toujours ce que l’on aura encore mal fait. » « Ce jugement montre à quel point le monde rural est une zone de non-droit, approuve Marie-Pierre Laronze. On impose aux paysans des réglementations tellement compliquées qu’ils n’ont plus la possibilité de connaître le droit, leurs droits. Et ils peuvent ne pas être respectés par ceux qui ont des pouvoirs importants. »

Le 21 mai 2022, dans la ferme familiale à Trivy, en Bourgogne, quatre-vingt proches et soutiens du paysan décédé se sont réunis. "Des bâches ont été tendues sur la grange : « Indignation » ; « N’oubliez pas » ; « Justice et vérité pour Jérôme Laronze ». 

« Marie-Pierre, l’aînée de la fratrie Laronze, souhaite rectifier le climat du récit du décès de son frère. Passer de celui de la « mort d’un paysan picaresque et perdu » à celle d’une « violence policière en milieu rural ». Or l'expression « violence policière » est connotée politiquement - extrême-gauche - et remet en cause la légitimité de la violence de l'Etat. Des policiers peuvent commettre des erreurs ou fautes dans l'exercice de leur métier, mais de là à en déduire une violence intrinsèque à l'institution policière,  non.

« Comment en est-on arrivé là ? » 

« Alors que leurs revenus dépendent quasi exclusivement des subventions européennes – lesquelles favorisent les grandes exploitations –, les paysans doivent se soumettre, en contrepartie, à des normes très strictes, plus difficiles à respecter pour les éleveurs en plein air ». 

« Isolés, souvent lancés dans une course à l’extension, certains se retrouvent broyés par les dettes, la fatigue, le stress et la dépression ». 

A noter que des agriculteurs conventionnels, ne pouvant ou ne voulant pas choisir l'agriculture biologique, sont dénigrés par un discours dominant qui les accuse d'utiliser des produits phytosanitaires dangereux, soit comme engrais soit comme insecticides, pour la santé humaine ou l'environnement.

La législation ou la réglementation en France et en Europe a autorisé l'utilisation en agriculture biologique d'une centaine d'engrais et d'intrants (pesticides, insecticides ou fongicides)é, tels le cuivre et le souffre.

« D’abord épinglé pour des retards d’identification de ses bêtes, Jérôme Laronze s’était engagé dans un bras de fer avec l’administration : refusant de pratiquer les tests ADN demandés pour garantir leur traçabilité, il avait été sanctionné par une interdiction de vendre ses bovins ». 

« Cette immobilisation avait entraîné une surmortalité qui devait conduire à la saisie de son troupeau pour maltraitance animale… » 

« Pour décrypter l’engrenage tragique qui a coûté la vie à l’éleveur, Gabrielle Culand s’est immergée dans la campagne bourguignonne, filmant des contrôles, la saisie d’un troupeau, et recueillant la parole de paysans, de syndicalistes, d’agents de l’État et de journalistes. »

« Son documentaire capte ainsi la tension sourde qui règne entre des paysans acculés, humiliés, pris dans une machine productiviste qui les pousse à bout, et une administration déconnectée de leurs pratiques, insensible à leurs difficultés ». 

« La seule intervention de l’administration, aujourd’hui, c’est de régler le problème des bêtes mais jamais de fabriquer un soutien quelconque à l’éleveur qui est en train de perdre pied », estime Yannick Ogor, un confrère, éleveur et maraîcher, ancien animateur de la Confédération paysanne, auteur du livre Le paysan impossible, qui dénonce les « mécanismes d’écrasement historiques de la paysannerie » contre lesquels luttait Jérôme Laronze. 

Des situations dramatiques qui se concluent par des revenus misérables permettant à peine à des paysans de survivre, et par des suicides.

Réforme des SAFER (Sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural), reconstitution de la souveraineté alimentaire française, renforcement de l'atout agro-alimentaire dans le commerce extérieur français, arrêt de traités déséquilibrés avec des Etats ne respectant pas les normes imposées aux agriculteurs français - d'où une concurrence déloyale -, révision de la liste des céréales soutenues financièrement par l'Etat, suppression d'une réglementation surabondante générant une bureaucratie inutile et uniquement préoccupée par les animaux, et non par les paysans... Des actions qu'aucun gouvernement n'a menées.

Les difficultés de transmission d'exploitations agricoles laissent à l'abandon des surfaces riches, gagnées par les bois qui s'y étendent.


« 27 - Qui veut la peau des agriculteurs »

« Aléas climatiques, nouvelles directives européennes, hausse des coûts de l’énergie et baisse des prix d’achat de leur production… : les agriculteurs sont particulièrement touchés par les crises que nous traversons. Comment continuer à assurer une alimentation pour tous dans ces conditions ? Les agriculteurs vont-ils tenir ? Faut-il mettre la pression sur la grande distribution ? »

« Les agriculteurs sont parmi les professionnels les plus touchés par les différentes crises que nous traversons. Comment continuer à assurer une alimentation pour tous dans ces conditions ? Les agriculteurs vont-ils tenir ? Faut-il mettre la pression à la grande distribution ? »

« Pour en débattre, deux invités incarnant deux visions opposées de l’agriculture : Benoît Biteau, poly-agriculteur, poly-éleveur et député Europe Écologie Les Verts au Parlement européen. Il défend une agriculture biologique, l’abandon rapide de la dépendance aux intrants chimiques et l’arrêt des politiques alimentaires productivistes. Pour lui, la nouvelle politique agricole commune distribue l’argent aux plus riches, sans conditionnalités, laissant les petits paysans en grand difficulté. »

« Face à lui, Phoebe Koundouri, économiste et coprésidente du Sustainable Development Solutions Network Europe, un organisme de conseil sur la mise en place de politiques durables. Pour elle, l’agriculture intensive et l’utilisation de pesticides sont des solutions pour maintenir la production agricole nécessaire. Et la nouvelle politique agricole commune va dans le bon sens. »

« Des échanges ponctués par les témoignages des neuf Européens qui ont défriché le sujet en amont de l’émission, et par un reportage en Sicile, où un groupement de producteurs a fait le pari de se passer de la grande distribution. »

« Enfin, dans le grand entretien, Nora Hamadi reçoit le professeur allemand Volkmar Nüssler, médecin, oncologue et spécialiste des questions de nutrition. Elle l’interroge sur les liens entre alimentation, maladie et pauvreté. »


« Sacrifice paysan » de Gabrielle Culand
France, 2022, 56 min
Coproduction : ARTE France, Éléphant Doc
Avec la voix de Jacques Gamblin
Sur Arte le 10 août 2022 à 22 h 50
Sur arte.tv du 20/06/2022 au 18/12/2022
Visuels :
Didier L'Hermite, contrôleur du pôle identification de l'établissement Départemental de l'élevage de Saône et Loire
Didier L'Hermite, contrôleur du pôle identification de l'établissement Départemental de l'élevage de Saône et Loire
La gendarmerie et le Samu viennent en renfort de la DDPP et de l'OABA pour la saisie des animaux de l'éleveur Philippe Vincent
Jean-Jacques Lahaye et ses vaches charolaises dans sa ferme de Neuvy-Grandchamp
Un tracteur à  la récolte des fourrages dans le Charolais
Une vache charolaise dans le soleil couchant
© Elephant Adventures

France, 2021, 45 mn
Coproduction : ARTE France, Magnéto Presse
Présentation : Nora Hamadi
Sur Arte le 15 janvier 2023 à 20 h 05
Sur arte.tv du 08/01/2023 au 14/12/2025

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