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lundi 2 mai 2022

« Le marché de l'art sous l'Occupation » de Vassili Silovic

Arte diffusera le 3 mai 2022 à 23 h 20 « Le marché de l'art sous l'Occupation » (Der Kunsthandel im besetzten Paris, 1940 - 1944), documentaire de Vassili Silovic et d'
Emmanuelle Polack. « Spoliation des juifs, trafics et transferts d’œuvres : le marché de l’art a prospéré pendant l’Occupation. À l’heure du débat sur les restitutions, cette enquête retrace les réseaux qui l’ont alimenté pour décrypter une histoire inachevée. »

« Le marché de l'art sous l'Occupation » de Vassili Silovic
« Main basse sur l’art. La méthode nazie » d’Oliver Halmburger et de Thomas Staehler 

En 2019, le Mémorial de la Shoah a présenté l’exposition « Le marché de l’art sous l’Occupation 1940-1944 » dotée d'un mini-site et d'un livre d'Emmanuel Polack (Ed. Tallandier), commissaire de l'exposition centrée sur les tableaux. Un panorama intéressant d’un marché de l’art particulièrement actif durant l’Occupation nazie (1940-1944) lors des spoliations d'œuvres d'art destinées généralement au futur musée d'Hitler à Linz et des collections de hiérarques nazis (Hermann Goering) ou de professionnels de ce marché, et de la politique originellement laxiste, puis tardive, parcellaire, onéreuse pour les ayants-droits, de restitution des œuvres volées à leurs propriétaires, généralement juifs.

« Après l’effervescence artistique des années 1930 au cours de laquelle Paris, capitale de la modernité, attire l’avant-garde, du cubisme au surréalisme, l’Occupation va doper un marché de l’art, devenu valeur refuge ». 

« Saisi d’une véritable fièvre, l’hôtel Drouot, interdit aux juifs, bat des records de vente : mobilier rare, toiles de maîtres, bibelots précieux (1 million d’objets en 1942 !), dont beaucoup leur ont été confisqués ». 

« Les lois vichystes contraignent aussi des acteurs majeurs, comme Paul Rosenberg ou Pierre Loeb, dont les galeries sont "aryanisées", à l’exil ». 

« Parallèlement, alors que Hitler, rêve à son projet de Führermuseum à Linz en Autriche, et que les nazis fustigent "l’art dégénéré", entre 1940 et 1944, près de 100 000 œuvres et objets culturels auraient été transférés de France en Allemagne, sous l’autorité de Goering, après leur stockage au Jeu de Paume ». 

« Si le Louvre a pris soin, dès août 1939, de déménager ses collections, une chasse au(x) trésor(s) s’organise, à l’initiative notamment d’Otto Abetz, ambassadeur du Reich à Paris, pour localiser les œuvres avec, parfois, l’aide des concierges ». 

« Ce pillage d’appartements et de galeries laissées vacants par les juifs, arrêtés ou en fuite, favorise le marché noir. » 

« Dans l’après-guerre, avec l’aide de la brigade américaine Monuments, Fine Arts and Archives Section, 60 000 de ces biens seront récupérés par la France, et 45 000, restitués à leurs propriétaires, mais cette "quête des origines" reste inachevée. »

Commissaire d'exposition, Emmanuelle Polack, "docteure en histoire de l’art, est spécialiste de l’art sous l’Occupation et des recherches de provenance des œuvres volées lors de la Seconde Guerre mondiale."

"Elle a été entre 2013 et 2017 experte internationale au sein de la Task Force Schwabinger Kunstfund et chercheuse associée à l’Institut national d’histoire de l’art. Elle a été en 2017 lauréate du prix Berthe Weill pour la recherche". En 2020, le Louvre lui "a confié une délicate mission : retrouver la provenance des milliers d’œuvres spoliées par les Nazis pendant la guerre, et abritées par le musée".

« S’appuyant sur le travail au long cours d’Emmanuelle Polack, historienne de l’art et coauteure du film, et nourrie d’éclairages d’experts et de témoins − dont le fils du galeriste Pierre Loeb −, cette passionnante enquête retrace ces réseaux où se croisent galeristes, collectionneurs, marchands avides, dignitaires nazis, commissaires-priseurs, conservateurs ou intermédiaires, sur fond de législation anti-juive de Vichy ». 

« Si certains responsables ont été condamnés, d’autres ont été absous, comme Emil Georg Bührle, marchand d’armes suisse et collectionneur ». 

« Alors qu’en 2020 le Louvre a lancé une mission de recherche sur les œuvres acquises par le musée sous l'Occupation et qu’en Allemagne trois tableaux de la collection Armand Dorville, retrouvés chez le fils du marchand allemand Hildebrand Gurlitt, proche de Hitler, ont été rendus à ses héritiers, cet angle mort de la mémoire collective fait écho à l’actuel débat sur les restitutions. »




« À Paris, le marché de l'art a connu des heures fastes lors de la Seconde Guerre mondiale. Coauteure du documentaire, l'historienne de l’art Emmanuelle Polack expose les logiques et les dynamiques de cette sombre parenthèse. Propos recueillis par Raphaël Badache ».

Que représente l'hôtel Drouot lorsque la Seconde Guerre mondiale éclate ?
Emmanuelle Polack : Il s'agit du lieu central de l'art à Paris. Tout s'y passe et tout s'y vend. Outre des tableaux, on y trouve des timbres, de belles bouteilles, des tapisseries, du mobilier… Les juifs, traqués par les ordonnances des autorités occupantes et les mesures de Vichy, vont d'abord pouvoir vendre leurs biens pour obtenir des liquidités et, ainsi, tenter de fuir. Mais le 17 juillet 1941, une affiche leur interdit d’accéder aux salles de ventes et aux enchères publiques.

L'hôtel Drouot souffre-t-il de la guerre et de l'Occupation ?
Non, bien au contraire. Drouot a beaucoup travaillé durant cette période… Le marché de l'art est alors en surchauffe. On parlerait aujourd'hui de boom économique. Déjà, énormément d'œuvres sont à vendre : les gens fuient Paris et, par ailleurs, les successions s’accumulent. Un important volume d'argent circule, car le taux du Reichsmark, la monnaie allemande de l’époque, est élevé. Enfin, on observe l’arrivée à Paris d’une nouvelle clientèle, formée par les directeurs de musées allemands et ceux qui se sont enrichis au marché noir, les profiteurs de l'Occupation. Victime d'une grande pénurie, la capitale n’a rien à vendre, alors ces derniers placent leur argent sale dans deux valeurs refuges : l'or et les tableaux.

On assiste également à un regain d'intérêt pour les œuvres classiques. Comment l'expliquer ?
La Seconde Guerre mondiale marque un moment spécial de l'histoire du goût. Avant la guerre, les avant-gardes françaises affichent des cotes élevées, à l'image de Picasso, Matisse, Braque… Or les nazis honnissent cet art qu’ils qualifient de judéo-bolchevik. Ils souhaitent mettre à l'honneur des œuvres extrêmement classiques. Ainsi, une toile de Bruegel se vend contre quatre Matisse.

Le marché de l'art ne sort pas grandi de cette période. A-t-il réellement évolué ?
Ce milieu continue à cultiver savamment le secret. Mais ce qui me bouleverse, c'est qu'encore aujourd'hui les crises profitent à l'art : il reste une valeur refuge. Ainsi, depuis le début de la guerre en Ukraine, les ventes de tableaux, et pas seulement les œuvres russes et ukrainiennes, rencontrent des succès phénoménaux. La crise du coronavirus avait déjà bénéficié au marché de l'art, et nous restons dans cette dynamique, comme le symbolise l’adage "Acheter au son du canon, vendre au son du clairon".


« Le marché de l'art sous l'Occupation » de Vassili Silovic
France, 2021, 55 min
Auteurs : Emmanuelle Polack et Vassili Silovic
Coproduction : ARTE France, Elda Productions 
Partenaires : ARTE FRANCE / RTS / HISTOIRE / Fondation pour le Mémorial de la Shoah / Direction du patrimoine, de la mémoire et des archives / CNC / Procirep-Angoa
Sur Arte les 3 mai 2022 à 23 h 20, 6 mai 2022 à 10 h 20 et 19 mai 2022 à 2 h 20
Disponible du 26/04/2022 au 01/07/2022
Visuels :
© Musée Carnavalet

Adolf Hitler visiting a " Schand - und Greuelausstellungen" (exhibition of disgrace) in Dresden in 1935: painting by Erich Heckel and Ernst Grundig
@ PVDE Bridgeman Images Hitler art dégénéré

@Albert Loeb-collection privée

©Majh-collection privée

© RMN-Noêl Le Boyer

@LAPI_Roger Viollet_vente_colorized-image

@Memorial de la Shoah_Affiche Drouot

@Archives diplomatiques du Quai d Orsay

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