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jeudi 16 février 2023

« Ghazal. Al-Kahira 1970 » de Bat Ye’or

Les éditions Les Provinciales ont publié « Ghazal. Al-Kahira 1970 » de Bat Ye’or, dernier opus de sa trilogie romanesque intitulée « Bien-aimés les souffrants… », initiée par « Moïse. Al-Kahira, 1818-1882 » 
(2020) et « Élie. Al-Kahira, 1914-1948 » (2021). Aux Figuiers, la famille Salem isolée, ostracisée, apeurée, survit dans une Egypte dictatoriale, vaincue par les Israéliens, et qui persécute ses Juifs, dont beaucoup ont été contraints de choisir l’exil.
« L’exil au Maghreb. La condition juive sous l’islam 1148-1912 » de Paul B. Fenton et David G. Littman

C’est la fin. C’est le troisième et ultime roman  de la trilogie de Bat Ye’or intitulée « Bien-aimés les souffrants... » - « Moïse. Al-Kahira, 1818-1882 » (2020)« Élie. Al-Kahira, 1914-1948 » (2021) -, ou quadrilogie si l’on y ajoute « Le dernier khamsin des Juifs d’Egypte » (2019). Et c’est aussi la fin des Juifs, notamment de la famille Salem héroïne de cette saga, en Egypte nassérienne vers 1967.

Bat Ye’or montre les effets de l’incertitude sur l’avenir, de l’incompréhension et de la haine des Juifs infusée par une bureaucratie étatique persécutante, ainsi que de la violence ambiante sur un noyau familial constitué des parents et de leur jeune fille, Ghazal. 

La communauté juive cairote étique s'est affaiblie par l’exil d’un grand nombre de ses membres dans des conditions dramatiques.

Ce contexte historique, économique, social et affectif lourd de menaces a pour effet de provoquer un délabrement psychique de la famille Salem, piégée, tétanisée, espionnée à son domicile par une domestique musulmane égyptienne, et incapable de se détacher d’un guêpier létal. A l’image du père de Ghazal enfermé dans sa chambre, dans la quasi-impossibilité de marcher, donc d'avancer.

Dans cette société égyptienne régie par la dictature nassérienne, règne la novlangue : tout est crypté, donc Ghazal doit traduire sa pensée en termes admis pour éviter d’être dénoncée ou de se dénoncer involontairement. Elle erre dans une ville devenue étrangère, un monde où a perduré la sorcellerie et qui l’agresse jusque dans les bus.

Bat Ye’or décrit les marques du temps ravinant la maison jadis symbole éclatant d'émancipation et d'ascension sociales, et l’aliénation psychiatrique induisant une déformation paranoïaque de la perception du monde hostile ainsi qu’une distorsion temporelle : le temps est étiré - il ne passe pas - jusqu’au dénouement rapide, intense, inéluctable. A l’image de la vie des Juifs en terre d’Egypte.

Ainsi, leur présence plurimillénaire a connu de la fin du XIXe siècle à la première moitié du XXe siècle une courte parenthèse, une accélération favorable par une émancipation de la dhimmitude ainsi que par le choix de l’occidentalisation et de la modernisation, tragique par la Deuxième Guerre mondiale prélude à l’extinction dans la tragédie violente d'un déchainement de violences barbares contenues difficilement jusque-là par des Egyptiens musulmans.

Une bourgeoisie juive qui s’était élancée en se redressant dans l’Histoire et la modernité est brusquement marginalisée, exclue, dénaturalisée, spoliée, stigmatisée, arrêtée par des forces de l’ordre. Comme si pour les Yahoud (Juifs, en arabe), il n’y avait point, en « terre d’Islam », d’existence possible hors de la dhimmitude.

Que reste-t-il de la longue présence juive en Egypte ? Des vestiges.

Et c'est sur les ruines d'un bien juif familial que s'est construite une Egypte musulmano-chrétienne occultant sa part juive.


Bat Ye’or, Ghazal. Al-Kahira 1970Les Provinciales, 2022. 174 pages. ISBN-10 : ‎2912833736. ISBN-13 ‏: ‎978-2912833730

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