La Cité de l’architecture et du patrimoine présente l’exposition « Art déco France / Amérique du Nord ». « Comment le style français Art déco a influencé l'architecture, les décors, le mode de vie et le goût des Américains du Nord. Style populaire, caractérisé notamment par un travail de la ligne, de l'ornementation, des arrondis, ou encore des motifs floraux, l'Art déco va voyager de la France à l'Amérique du Nord dans un dialogue dynamique porté en particulier par les architectes. »
« Après l’exposition « 1925. Quand l’Art déco séduit le monde » présentée en 2013, la Cité de l’architecture poursuit l’exploration de la période Art déco et fait le récit des échanges intellectuels et artistiques transatlantiques de la fin du XIXe siècle aux années 1930. Avec plus de 350 œuvres réunies, l’exposition permet d’aborder le style d’une époque, aussi bien dans son architecture que dans l’ensemble des arts. Elle s’accompagne de l’évocation d’un esprit du temps, résolument tourné vers la modernité et les révolutions sociales et techniques. »
« Dès les deux dernières décennies du 19ème siècle, l'Ecole des Beaux-Arts de Paris forme une centaine d'architectes américains et canadiens. Venus trouver dans la formation française l'art de la composition et de l'ornementation, cette "Internationale des Beaux-Arts" offre les fondements des échanges à venir entre la France et l'Amérique du Nord. De retour en Amérique, ces architectes construisent et meublent des buildings Art déco dans les métropoles américaines. »
« Cette émulation réciproque entre la France et l'Amérique connait son point culminant en 1925 lors de l'Exposition internationale des arts décoratifs et industriels. Une délégation américaine de 104 membres y est envoyée par le secrétariat d'Etat au commerce pour observer ce "nouveau style" résolument moderne. Parallèlement, la France confie une mission diplomatique à l'Art déco, en revendique la paternité et veille à sa diffusion. Les années 20 sont ainsi marquées par les aller-retours : les architectes français qui construisent sur le continent américain sont de plus en plus nombreux (Paul Cret et Jacques Greber à Philadelphie, Jacques Carlu enseigne au MIT...) »
« Cette dynamique est brisée par la crise économique de 1929, les architectes français rentrent en France. En 1934, Jacques Carlu se voit confier le projet du palais du Trocadéro et pense sa modernisation en s'appuyant sur ses souvenirs américains. Les travaux font naître un nouveau bâtiment, l'architecte articule son projet autour de la création d'une esplanade et la percée d'une perspective grandiose sur la ville et la Tour Eiffel, encadrée par un bâtiment aux proportions américaines : l'art déco a retraversé l'océan. »
« Avec un parcours inédit, s'intéressant à l'architecture, mais aussi à l'ensemble de la vie culturelle et artistique de cette période foisonnante, l'exposition Art déco France-Amérique du Nord se fait le reflet du dialogue incessant de ses années entre la France et l'Amérique autour du style Art déco. »
« À la fin de l’année 1935, alors que se profile l’Exposition internationale qui doit avoir lieu deux ans plus tard à Paris, le projet de Jacques Carlu pour le palais du Trocadéro est entériné. Les travaux font naître un nouveau bâtiment au style Art déco : l’architecte articule son projet autour de la création d’une esplanade et la percée d’une perspective grandiose sur la ville et la tour Eiffel. Il l’encadre de deux pavillons monumentaux prolongés d’ailes symétriques dont les lignes sobres préservent l’équilibre des masses. »
« Le palais de Chaillot ainsi inauguré possède des dimensions « washingtonniennes ». L’édifice, qui accueille aujourd’hui la Cité de l’architecture, représente pourtant le dernier feu du dialogue artistique né plusieurs années auparavant entre la France et l’Amérique du Nord. Il parachève, dans le même temps, l’aventure du style Art déco. »
« LE CIMENT AMICAL DE LA GRANDE GUERRE »
« Dès les deux dernières décennies du XIXe_siècle, l’école des Beaux-Arts de Paris forme une centaine d’architectes américains et canadiens. »
« Venus trouver dans la formation française l’art de la composition et de l’ornementation, cette « Internationale des Beaux-Arts » offre les fondements des échanges à venir. À leurs retours d’Europe, ces architectes construisent et meublent les buildings Art déco des métropoles américaines. »
« Quelques architectes français sont dès cette époque appelés outre-Atlantique pour dispenser leurs enseignements et édifier des bâtiments majeurs du patrimoine nord-américain, à l’image de Paul Cret qui, à partir de 1907, participe à la réalisation du « palais » de la Pan American Union Headquarters. »
« Mais, en ce début de siècle, l’histoire de cette émulation n’est encore que balbutiante et va se cimenter par l’amitié née de l’implication des états d’Amérique du Nord dans la Grande Guerre. »
« En 1919, après l’armistice, une expérience totalement inédite est engagée par l’armée américaine : l’ouverture d’une école d’art en territoire français. Installée dans le quartier de Meudon-Bellevue, l’école accueille les sammies - les soldats des forces armées des États-Unis présents en France à la fin de la Première Guerre mondiale sont appelés « sammies » par la population française en référence à l’Oncle Sam - étudiants en art et en architecture dans le civil. »
« Professeurs américains et français vont ainsi dispenser à près de 400 disciples une formation courte mais intense tandis que de riches échanges naissent entre professeurs. »
« Cette première expérience annonce la création, quelques années plus tard, de la Fontainebleau School of Fine Arts. L’architecte américain Lloyd Warren installe dans le château de Fontainebleau, et sous le patronnage de la Fondation Rockfeller, une école ouverte aux musiciens, artistes peintres, sculpteurs et architectes. L’enseignement de l’architecture y est pris en charge par Jacques Carlu ; il a pour lui d’être parfaitement anglophone et de bénéficier d’une première expérience dans l’agence américaine Warren. Américanophile, Carlu vit alors aux États-Unis et rentre en France durant l’été afin de dispenser son cours d’architecture. Il forme ainsi nombre d’architectes américains dont il reste par ailleurs très proche à leurs sorties d’école.
« LE MOMENT 1925 ET SON INFLUENCE »
« Ce dialogue transatlantique et l’influence française trouve son point culminant en 1925 lors de l’Exposition internationale des arts décoratifs et industriels modernes à Paris. Herbert Hoover, alors secrétaire d’État au commerce des États-Unis, envoie un délégation de 104 membres dans la capitale française pour découvrir l’exposition. »
« Le « nouveau style » résolument moderne qu’ils y observent leur offre d’abandonner les références au passé. L’image de modernité de l’Art déco, la diversité de son répertoire et la stylisation de ses formes, propices à de multiples déclinaisons, conviennent aux états nord-américains. Le Mexique post-révolutionnaire s’en empare comme les États-Unis et le Canada ; ces pays marquent, par leur appropriation du style, le passage de nations agraires qui s’identifiaient comme pionnières à une civilisation moderne et industrielle. »
« Parallèlement, la France confie une mission diplomatique à l’Art déco, en revendique la paternité et veille à sa diffusion. Elle le mobilise dans son action culturelle via l’Association française d’expansion et d’échanges artistiques (1922) et use du paquebot Île-de-France (1927) comme d’une vitrine flottante, symbole de l’époque et d’un art du voyage à la française. »
« Les années 1920 sont ainsi marquées par l’intensification des allers-retours et les architectes français qui construisent sur le continent sont de plus en plus nombreux : Paul Cret continue sa carrière américaine et réalise entre autres la Fondation Barnes à Philadelphie (1923) et le Detroit Institute of Arts (1921-1927), Jacques Greber est l’auteur du musée Rodin de Philadelphie (1929), tandis que Jacques Carlu enseigne désormais au MIT et travaille notamment avec George Eastmann, fondateur de la firme Kodak. »
« Clé de voûte de tous les arts, l’architecture et ses architectes entraînent dans ces évolutions stylistiques de nombreuses professions : peintres, sculpteurs, ensembliers, ferronniers, muralistes font corps avec les bâtiments et accompagnent, en la sublimant, la nouvelle architecture. »
« À leur suite, la mode, la joaillerie et les arts de la table s’inspirent de ce nouveau style dont les lignes simples et fluides contrastent avec la période précédente symbolisée par l’Art nouveau. »
« L’Art déco est partout : dans les vêtements et les cosmétiques, porté notamment par l’émancipation féminine ; dans la presse où on célèbre « le goût nouveau, épris d’unité et d’harmonie » ; à Hollywood où les lignes des décors et du mobilier permettent de faire sensation et ménager illusions et truquages ; dans le sport, lorsque Paris et sa banlieue s’équipent de bâtiments neufs pour accueillir les Jeux Olympiques de 1924 ; dans la révolution des airs où le défi de la traversée de l’Atlantique résonne avec le goût pour la modernité de ce style. »
L’EFFET BOOMERANG
« Une dynamique qui se brise sur la crise économique de 1929 et la Grande Dépression. »
« Alors que les constructions dans les métropoles américaines marquent le pas, l’argent manque pour meubler les immeubles qui ont pu être achevés. »
« En 1933, le « pape de l’Art déco », l’ensemblier Jacques-Émile Ruhlmann, meurt et avec lui le succès de sa firme. La même année s’achève l’Exposition universelle de Chicago qui marque l’émergence de l’esthétique streamline. Portée par des références à la puissance industrielle de l’Amérique du Nord, elle prend le relai de l’Art déco mais abandonne les matières précieuses pour s’ouvrir à la consommation de masse et s’introduire dans les foyers de la middle class américaine. »
« En faillite, les architectes français sont contraints de rentrer. De retour à Paris en 1934, Jacques Carlu joue de ses appuis et se voit confier la responsabilité du palais du Trocadéro. Il y pense sa modernisation en s’adossant aux souvenirs de ses réalisations américaines, de ses projets non aboutis et des constructions de ses confrères plus chevronnés, en premier lieu desquels Paul Cret, compagnon de l’aventure outre-Atlantique. Achevé en 1937, son projet pour le palais clos cinquante années d’échanges. Le nouvel édifice possède des dimensions américaines : Jacques Carlu a fait sienne la monumentalité et la majesté des proportions possibles outre-Atlantique : l’Art déco a retraversé l’océan. »
Le Commissariat est assuré par Emmanuel Bréon, Conservateur en chef, responsable de la galerie des peintures et vitraux, et Bénédicte Mayer, Attachée de conservation.
Sous la direction de Emmanuel Bréon a été publié le catalogue éponyme de l'exposition L'Art déco France-Amérique du Nord. « Avec l’Exposition internationale des arts décoratifs et industriels modernes de 1925, l’Art déco séduit le monde. De New York à Paris, la presse célèbre cet événement qui impose durablement ce style universel. Traversant l’Atlantique à bord de fastueux paquebots tels Île-de-France et Normandie, des grands décorateurs français comme Jacques-Émile Ruhlmann, Jules Leleu, André Mare, Jean Dunand et Pierre Chareau exposent dans les grands magasins, de New York à Philadelphie. Du Mexique au Canada, cet engouement est porté par des architectes nord-américains formés à l’École nationale des beaux-arts de Paris dès le début du xxe siècle, puis à l’Art Training Center de Meudon et à la Fontainebleau School of Fine Arts, deux écoles d’art fondées au lendemain d’une Première Guerre mondiale qui a renforcé les liens entre les deux continents. L’Amérique de Raymond Hood et de Wallace K. Harrison, auteurs du Rockefeller Center, adopte les architectes et artistes français Léon Arnal, Edgar Brandt, Jacques Carlu, Paul Cret, Alfred Janniot… Les recherches inédites de cet ouvrage dévoilent une émulation réciproque qui s’illustre aussi bien dans l’architecture et l’ornementation des gratte-ciel que dans le cinéma, la mode, la presse, le sport et l’art de vivre. Le nouveau style est porté par des figures telles que Paul Iribe et Cecil B. DeMille, Jean Patou et Paul Poiret, Lindbergh, Costes et Bellonte, Joséphine Baker ou Johnny Weissmuller. Trente-sept textes et 350 illustrations permettent de découvrir les liens uniques qui unissent la France et l’Amérique, depuis la statue de la Liberté de Bartholdi jusqu’au Streamline qui succède à l’Art déco. Ce nouveau design aux lignes fluides et galbées surgit dans les années 1930 et sera la vedette de la New York World Fair de 1939, qui a pour thème « The World of Tomorrow ».
Introduction générale
ART DÉCO FRANCE-AMÉRIQUE DU NORD
« Quels autres pays au monde ont échangé autant de sculptures commémoratives que la France et l’Amérique, vantant les héros de leurs pays respectifs ou ceux de leur pays allié de toujours ? »
« Pour Thomas Jefferson, « tout homme a deux pays, le sien et la France » ; Joséphine Baker a « deux amours, son pays et Paris » ; Raymond Duncan, frère de la célèbre danseuse Isadora Duncan, propose de créer la ville de New Paris York, à une latitude de 45° nord et une longitude de 36° ouest, soit au beau milieu de l’Atlantique, comme symbole de coopération culturelle internationale. »
« Cette exposition montre comment la France a su, dans les années 1920, influencer l’architecture, les décors, le mode de vie et le goût de l’Amérique du Nord. Elle fait le récit d’échanges transatlantiques qui débutent bien avant la Première Guerre, se poursuivant pendant le conflit — au sein des unités de camouflage où se retrouvent les artistes des deux continents — puis lors de l’érection des monuments commémoratifs, passeurs du nouveau style. »
« Les belles aventures de l’Art Training Center de Meudon puis de l’École américaine de Fontainebleau contribuent à former à l’Art déco de nombreux architectes et artistes américains, canadiens et mexicains. De retour chez eux, ils construisent et cherchent à meubler les nouveaux buildings de leurs grandes métropoles. À leur tour, les Français sont invités à développer leurs idées modernes au sein des prestigieuses universités américaines, construisant également des bâtiments majeurs sur le territoire américain comme la Banque Fédérale de Washington ou la Fondation Barnes de Philadelphie. »
« En 1925, l’Exposition internationale des arts décoratifs et industriels modernes de Paris frappe les esprits. Les États-Unis n’y ont pas de pavillon national mais envoient une délégation importante d’experts. Cette modernité qu’ils observent leur permettra de se renouveler magistralement. »
« La géométrisation des lignes, la simplification des formes, le recours à des motifs décoratifs stylisés s’appliquent tout autant à l’architecture qu’à la décoration intérieure. Dès 1926, les grands magasins américains- Macy’s, Stewart and Co. ou Wanamaker’s — réalisent des expositions itinérantes louant et commercialisant les créations françaises. »
« Un challenge permanent s’instaure et mobilise les plus inventifs dans le domaine de la sculpture, de la peinture murale, du cinéma, du sport ou de l’aviation. La garçonne de France, donne naissance à la flapper américaine. Elles vont bouleverser l’époque. »
« La crise financière de 1929 oblige l’Amérique à se remettre en question. Avec le « New Deal » et l’ambitieux programme de construction du président Roosevelt, le Streamline, séduisant design industriel, prolonge et renouvelle l’Art déco, notamment à Miami Beach, comme par un effet boomerang. Lors des expositions internationales_– Chicago en 1933 ou New York en 1939 – les designers américains proposent à grande échelle the World of Tomorrow. »
« L’architecte Jacques Carlu, de retour des États-Unis, défenseur de l’union des deux cultures, transforme le vieux Trocadéro. Le palais de Chaillot, qui accueille l’exposition d’aujourd’hui, peut être considéré, par son inspiration et sa dimension, comme le palais américain de Paris. »
Au nom d’une amitié
« C’est avec Pierre-Charles L’Enfant, engagé volontaire dans les troupes du général La Fayette, que s’ouvre la voie de l’influence française sur l’urbanisme et l’architecture aux États-Unis. À la suite d’un concours remporté en 1891, George Washington lui confie le dessin du plan de la capitale fédérale. L’Amérique, qui a adopté l’architecte français, lui rendra hommage au cimetière d’Arlington en 1909. Son tombeau, une élégante table sur quatre pieds balustres gravée du plan de Federal City, est réalisé par l’architecte William Welles Bosworth. Ce geste confirme qu’une amitié « constructive » est désormais scellée entre les deux nations. »
« Bosworth s’est formé aux Beaux-arts de Paris. Architecte du campus du Massachusetts Institute of Technology de Boston, il devient, après une magistrale carrière aux États-Unis, l’homme essentiel du rapprochement des deux cultures. Il adore la France et y élit domicile. »
« Proche de John D. Rockefeller Jr., Bosworth suit le financement des actions du puissant mécène en faveur de la cathédrale de Reims, du château de Versailles, du musée du Louvre et surtout de l’École américaine de Fontainebleau. Cette dernière, ouverte en 1924, a été voulue par Lloyd Warren, fondateur du Beaux-Arts Institute of Design de New York. Dirigée dès sa création par le jeune prix de Rome Jacques Carlu, elle devient la tête de pont d’échanges féconds entre les jeunes architectes en formation. »
Le ciment amical de la Grande Guerre
« En 1917, à l’entrée en guerre des États- Unis, des soldats américains artistes rejoignent les unités de « camouflage » et sont formés par leurs homologues français comme le fresquiste Henri Marret. La revue Le Miroir du 2_juin 1918 révèle « qu’on a créé à New York une école de camouflage ». Des officiers et des soldats français, traversent l’Atlantique pour former au combat les jeunes « sammies » du général Pershing. L’enjeu est si important que bientôt l’American Camouflage Corp est créé où s’illustrent entre autre Barry Faulkner, qui en 1930, réalisera la fresque en mosaïque intitulée « La Paix » pour la chapelle du cimetière américain de Suresnes. Il sera l’un des décorateurs du Rockefeller Center de New York. »
« Quand ils ne sont pas dans les tranchées, les poilus français sont envoyés aux États-Unis pour recueillir des « Liberty Bonds » (obligation de guerre). »
« À l’instar du peintre Jean-Julien Lemordant, presque aveugle, le légionnaire Alexandre Zinoview, fatigué à l’extrême, est contraint de défiler dans plus d’une dizaine de villes, de New-York à Minneapolis. C’est un premier contact avec le pays où ses couvertures pour Vogue, Marshall Field’s feront connaître la mode Art déco. L’arrivée des troupes américaines en 1917 a été déterminante pour faire douter l’État-major allemand, même si les « sammies » ne combattront qu’à partir de 1918. Une année auparavant les volontaires de l’escadrille La Fayette ont enflammé le coeur des français avec leur emblème de tête de chef indien peinte sur leurs carlingues. »
L’AMERICAIN TRAINING DE MEUDON
« Ceux-ci rentreront en Amérique avec nombre d’idées nouvelles… » Ernest Peixotto
« Après l’armistice, une expérience inédite est engagée par l’armée américaine : l’ouverture d’une école d’art destinée à occuper les « sammies » démobilisés et dans l’attente d’un rapatriement aux États-Unis. À Meudon-Bellevue qui surplombe la Seine, l’école est installée dans un bâtiment remarquable, propriété d’Isadora Duncan. »
« Son directeur, l’architecte Lloyd Warren, ouvre l’American Expeditionary Forces (A.E.F) Training Center le 24_mars 1919. Né en France, il a à son actif, avec son frère Whitney, des prouesses architecturales comme la gare Grand Central de New York. »
« À Meudon, 400 étudiants américains bénéficient d’une formation de trois mois très intenses. Ils sont dirigés par des professeurs nord-américains tels que les sculpteurs Solon Borglum et Rene Paul Chambellan ou les peintres Ernest Peixotto et Ángel Zárraga. De nombreux Français interviennent également : Victor Laloux, Jacques Carlu, Nicolas Forestier pour l’architecture ; Jacques-Émile Blanche pour la peinture. »
« Sont organisées des visites d’ateliers à Paris pour rencontrer les gloires de l’époque : Kees Van Dongen ou Antoine Bourdelle. Du corps professoral émergeront de futures collaborations. »
« Au magasin Stewart and Co., de l’agence Warren de New York, Jacques Carlu retrouve René Paul Chambellan pour en exécuter la décoration. »
L’ÉCOLE AMÉRICAINE DE FONTAINEBLEAU
« Après l’expérience de Meudon, l’idée d’une École des beaux-arts américaine permanente en France naît dès 1921 dans le sillage de l’ouverture du Conservatoire américain de musique et se concrétise en 1923. Elle est installée dans l’aile Louis XV du château de Fontainebleau. »
« Les lieux sont réaménagés grâce au mécénat du gouvernement américain et de la Fondation Rockefeller. Également initiée par Lloyd Warren, qui dessine le plan des salles d’étude, cette école est parrainée par son frère Whitney, qui continuera, après le décès accidentel de Lloyd à New York en 1922, à soutenir l’oeuvre amorcée par son frère. »
« L’École des beaux-arts de Fontainebleau accueille chaque été 70 étudiants américains de toutes les origines. L’architecture y est enseignée par Jacques Carlu, rentré de la Villa Médicis en_1924.
Il constitue une solide équipe pédagogique, s’adjoignant les services des peintres Paul Baudoüin, Robert La Montagne Saint-Hubert, Pierre Ducos de La Haille et Jean Despujols. »
« Ces artistes sont des spécialistes de la fresque, une technique revenue en force dans le décor de l’entre-deux-guerres. Carlu leur associe le Bordelais Jean-Paul Alaux, architecte des Beaux-Arts, qui a enseigné à l’Institut Carnegie de Pittsburgh avant la guerre. Georges Huisman, chartiste passionné d’archéologie, est chargé des cours d’histoire de l’art. Carlu et lui s’étaient liés d’amitié durant leur service militaire. »
« Au cours de la Seconde Guerre mondiale, l’école de Fontainebleau est contrainte de s’exiler aux États-Unis. Elle revient s’installer à Fontainebleau en 1946, dirigée par Jean-Paul Alaux jusqu’en 1953. »
ENSEIGNER L’ARCHITECTURE OUTRE-ATLANTIQUE
« En créant en 1916 à New York le Beaux-Arts Institute of Design (Baid), la Society of Beaux- Arts Architects instituée en 1893 couronne enfin la volonté, les efforts et la détermination de Lloyd Warren. Passionné par l’enseignement de l’architecture, Lloyd calque l’organisation du Baid sur celle des Beaux-Arts de Paris. L’apprentissage de l’architecture y est complété par celui de la sculpture, de la peinture murale et de la décoration intérieure, ouvrant la voie à la formation d’une génération d’architectes et d’artistes américains prédisposés au travail d’équipe. »
« Le Paris Prize couronne le cursus des étudiants, offrant au vainqueur un séjour en Europe de deux ans et demi, lui permettant aussi d’entrer directement en première classe à l’École des Beaux-Arts de Paris. »
« À cette même époque, des architectes français transmettent leurs idées nouvelles dans différentes universités américaines. Jacques Carlu succède à Albert Ferran au poste de professeur de dessin au Massachussetts Institute of Technology de Boston à l’automne 1924. Pendant neuf ans, il instille chez ses élèves la fantaisie et le panache propices à l’adoption de l’Art déco, et mène plusieurs d’entre eux au Paris Prize : en 1921, avant le MIT, Lloyd Morgan, architecte de l’hôtel Waldorf Astoria de New York, puis en 1927 Donald S. Nelson, l’un des concepteurs des expositions de Chicago (1933) et de Dallas (1936). Jean-Paul Alaux enseigne au Carnegie Institute of Technology de Pittsburgh dès 1907 ; Léon Arnal collabore quant à lui à l’Université du Minnesota de Minneapolis à partir de 1919. C’est dans cette ville qu’il construit en 1929 la Foshay Tower, seule tour Art déco édifiée par un Français aux États-Unis. »
Le moment 1925 et son influence
« En 1925, la société a changé : il faut être « moderne ». Désormais, on roule vite et on vole toujours plus loin, à partir des nouveaux aérodromes. »
« Le Président du Conseil Paul Painlevé, savant émérite, accueille la délégation américaine à l’Exposition internationale des arts décoratifs et industriels modernes de Paris en 1925. Il a très tôt démontré que la mécanique des fluides rendait possible le vol du plus lourd que l’air. C’est pour cette raison qu’il a tenu à être le premier passager français de l’aéroplane de l’Américain Wilbur Wright, dès 1908, et de celui du Français Henri Farman, en 1912. Le ministre est donc tout aussi « moderne » que les créations dont il va faire la « réclame ».
« Malgré une intense campagne de lobbying diplomatique, le gouvernement américain a renoncé à présenter un pavillon national à l’exposition, considérant qu’il n’a rien de convaincant à présenter à Paris. Le secrétaire d’État au commerce, Herbert Hoover, décide néanmoins d’envoyer une importante délégation d’observateurs représentant une trentaine de corporations. Le 19_avril 1925, le New York Times donne la liste des participants qui voguent vers Cherbourg à bord du paquebot George Washington : entrepreneurs du textile, du mobilier, du papier peint, de l’éclairage, de la joaillerie et de la couture, suivis par des journalistes de Vogue et de House & Garden. »
« Ils resteront deux semaines à Paris, logés à l’hôtel Continental. De retour aux États-Unis, un rapport complet est remis à Hoover et distribué gratuitement sur tout le territoire, accompagnant des expositions de produits modernes français. Le 20_mars 1925, le chroniqueur du New York Times avait écrit qu’il attendait de ce rapport des idées inspirantes venues « of the French skill in touching the life of the day ».
L’EXPOSITION DE 1925 À PARIS
« L’Exposition des arts décoratifs et industriels moderne ouvre ses portes le 28_avril 1925. Elle est inaugurée devant 4 000 invités par le président de la République Gaston Doumergue. Cent cinquante pavillons et galeries abritent l’oeuvre de 20 000 personnes. Une fois n’est pas coutume, la France a su se vendre. Le catalogue officiel de l’exposition est édifiant quant à la place offerte aux annonceurs : United States Line, American Express Travel, Royal Bank of Canada. Tout a été fait pour attirer un public le plus large possible qui peut se transporter sur l’Electrocar Renault, un modèle Torpedo à huit places qui possède un moteur électrique. Les journalistes des quotidiens du monde entier applaudissent. Le New York Times publie une centaine d’articles, de février à septembre_1925. De grandes plumes comme W._Francklyn Paris rédigent des articles superbement illustrés mettant en lumière les pavillons de l’exposition et les ensembliers : Paul Follot, Maurice Dufrêne, Jacques-Émile Ruhlmann, Louis Süe et André Mare. Le plus dithyrambique des reporters est Edgar Miller présentant Paris comme « the Prophetic City ».
« L’exposition peut être considérée comme un résumé du style Art déco. Nombre de créateurs participeront à l’aménagement des paquebots, tels Île-de-France et Normandie de la Compagnie Générale Transatlantique. Ces géants des mers vont exporter le goût français et le savoir-faire hexagonal. Le pavillon de la Société des Artistes Décorateurs s’intitule justement L’Ambassade Française La France, confiante et déterminée, veut séduire… »
LES DIPLOMATES À LA MANOEUVRE
« En 1929, l’ambassadeur de France aux États-Unis Paul Claudel, devant les représentants de la chambre de commerce française de New York, porte un toast à la « révolution dont notre inoubliable exposition des Arts décoratifs à Paris en 1925 a donné le signal et dont les conséquences, pour le commerce de la France, spécialement avec les États-Unis sont incalculables ».
« Deux ambassadeurs d’exception, Jean-Jules Jusserand, pour la France à Washington, et Myron Herrick, pour les États-Unis à Paris, sont à la manoeuvre pendant plus d’une décennie, pour développer ces échanges fructueux. Fait rare pour des diplomates, ils seront honorés : un simple banc de granit à son nom pour le Français au sein du Rock Creek Park de Washington ; un buste par Léon Drivier pour l’Américain, place des États-Unis à Paris. »
« L’Art déco devient un modèle diplomatique dont chaque nation va s’inspirer. Son image valorisante de modernité, la diversité de son répertoire propice aux déclinaisons, conviennent aussi bien au Mexique qu’au Canada. Dans le domaine des affaires étrangères, les occasions de réalisation Art déco ne manquent pas, qu’il s’agisse de la construction par la France de sa légation de Belgrade – chef d’oeuvre de l’architecte Roger-Henri Expert – ou de celle d’Ankara par Albert Laprade. Le Mexique quant à lui engage, dès 1926, le chantier de son ambassade à Paris. »
« L’ambassade de France à Ottawa, achevée en 1939, défie les nuages qui s’amoncellent sur la paix mondiale. Son décor ample et raffiné, imaginé par l’architecte Eugène Beaudoin, renvoie l’image d’une France sereine, aussi confiante dans son avenir que dans celui du Canada, dont le Statut de Westminster en 1931 a consacré la pleine souveraineté. »
L’AMBASSADE DU MEXIQUE
« En témoignage de ses liens anciens avec la France ainsi que de ses ambitions issues de la récente révolution, le Mexique engage en 1926 à Paris un double chantier diplomatique. Sous la supervision d’Alberto Pani, nommé ministre plénipotentiaire du Mexique en France en 1927, une spectaculaire ambassade, intégralement Art déco, est édifiée rue de Longchamp dans le XVIe arrondissement par l’architecte français André Durand. »
« Parallèlement, le Mexique installe la résidence de son ambassadeur à proximité immédiate, dans un hôtel particulier préexistant de l’avenue du Président-Wilson. »
Pour les deux vastes salons en enfilade, Pani commande dix-huit grandes toiles au peintre muraliste mexicain Ángel Zárraga.
« Ángel Zárraga, s’installe dans la capitale avant-guerre. Ami de Diego Rivera et d’Alexandre Zinoview, il peint des sujets religieux : la chapelle du sanatorium Martel de Janville, en Haute-Savoie, et les églises de la banlieue parisienne à Gentilly, Suresnes et Meudon. Dans la capitale, place de l’Opéra, il décore à fresque la Maison du café de l’architecte Charles Siclis. »
« Son chef-d’oeuvre est ce grand programme décoratif qu’il réalise pour la légation des États-Unis mexicains : un hymne à l’amitié des deux pays où figure La France, la rose du Monde. Des allégories de l’origine et de l’histoire du Mexique alternent avec des évocations – traditionnelles ou très actuelles – de la France et du rêve mexicain de fraternité universelle. »
L’Art Déco en Amérique
« Dès 1926, c’est l’effervescence dans les grands magasins américains qui s’emparent des nouveautés et présentent des vitrines confiées à de jeunes designers français ou américains : Jacques Carlu, Raymond Loewy ou Donald Deskey. »
« Lewis Rodan Wanamaker réside à Paris. Il en fait le centre de ses achats pour plus de dix millions de francs chaque année. Son spectaculaire magasin de Philadelphie, Wanamaker’s, est souvent décoré par des Français comme Henri Marret. »
« La maison Macy’s & Co, plus grande surface commerciale de New York, s’est modernisée et arbore des ascenseurs aux grilles art déco remarquables. Elle propose du mobilier de Jules Leleu ou Paul Follot, directeur artistique de la firme anglaise Waring & Gillow. »
« En 1928, le magasin Stewart de New York est construit par Whitney Warren. Le building est d’une grande sobriété, orné seulement de deux bas-reliefs aux danseuses de Rene_Paul Chambellan. L’entrée est parée d’une grille splendide du sculpteur Trygve Hammer. Plusieurs architectes aménagent les étages dans une ambiance moderniste de bois exotiques : pour les trois premiers étages, Franklin Whitman, ancien élève de l’Art Training Center de Meudon ; pour le quatrième, Eugène Schoen, influencé par l’exposition de 1925 à Paris ; pour le cinquième, Jacques Carlu, qui aménage des alcôves luxueuses, confiant à son épouse la décoration de celle dévolue aux parfums D’Orsay : une Diane Chasseresse maniériste. »
« Les arts de la table, la maroquinerie, la mode, le parfum, la chapellerie, on trouve de tout dans ses temples de la consommation. Des « influenceuses » très suivies, comme Thérèse Bonney, sont les ambassadrices du bon goût français. Comme il faut fidéliser les clientes de l’upper class, sa sœur Louise organise les visites des nouveaux paquebots Art déco lorsqu’ils sont en escale. »
LES MURALISTES
« Certains visiteurs américains de l’exposition de 1925 sont subjugués par ce qu’ils y découvrent en matière de peinture murale. Rodman Wanamaker, le très enthousiaste directeur des magasins du même nom, demande à Octave Guillonnet et Henri Marret de copier à l’identique leurs fresques de la cour des Métiers pour les présenter dans son grand magasin de Philadelphie. George Desvallières, présent à l’église du Village français, se voit confier la décoration de l’église Saint-Jean-Baptiste de Pawtucket, à Rhode Island, en 1926. »
« Cedric Gibbons, directeur artistique de la Paramount, est séduit par Jean Dupas, découvert dans le pavillon de Ruhlmann. Des toiles de l’artiste figureront dans presque tous ses films hollywoodiens. Louis Pierre Rigal, auteur du plafond du grand salon de Ruhlmann, est repéré par les architectes Schultze et Weaver pour la décoration de leur nouvel hôtel de prestige, le Waldorf-Astoria de New York. Il est chargé des fresques du grand hall ainsi que de la mosaïque spectaculaire de son sol. Le célèbre hôtel sera la résidence permanente du président Hoover pendant trente années. »
« Mathurin Méheut, avec son élève Yvonne Jean-Haffen, vogue vers les États-Unis en 1930 pour exécuter à Pittsburgh en Pennsylvanie la décoration du siège social de l’empereur du Ketchup, Howard Heinz. »
« Parmi les muralistes français, certains font souches aux États-Unis : Robert La Montagne Saint-Hubert et Jean Despujols, tous les deux professeurs à l’École américaine de Fontainebleau.
L’atelier de Despujols est désormais conservé dans sa totalité au Shreveport Meadows Museum, en Louisiane. »
LES ENSEMBLIERS
« En janvier_1926, une présentation itinérante des créations issues de l’Exposition de 1925 ouvre ses portes à Boston. Elle est organisée par The American Association of Museums dirigée par Charles Russel Richards. Les musées américains y achèteront un très grand nombre des nouvelles créations françaises comme Joseph Breck, conservateur au Metropolitan de New York, qui souhaite « donner matière à réflexion », à ses visiteurs. »
« Les grands magasins américains organisent, à leur tour, des expositions importantes, à grand renfort de publicité. Devant le succès, certains ensembliers s’adaptent au nouveau marché. »
« Jacques-Émile Ruhlmann, très préoccupé par ses précieuses ébénisteries qui ne supportent pas le chauffage central des gratte-ciel, crée des meubles sur châssis de métal, capables de résister à la sécheresse des appartements, comme sa coiffeuse « Au rendez-vous des pêcheurs de truites ». « Partout les décorateurs français sont sollicités. Templeton Crocker, banquier californien, commande à Jean-Michel Frank, en 1927, l’installation de son duplex-terrasse à San Francisco. Il reçoit une commande similaire de Nelson Rockefeller pour New York. Dans la même ville, Armand-Albert Rateau est chargé par George Blumenthal de la décoration de son hôtel sur Park avenue. Certains artistes indépendants ont leur clientèle de fidèles, comme le laqueur Gaston Suisse qui voit revenir plusieurs fois à son atelier parisien Malcom Thomson, Elliot Cunningham, Douglas Hunt ou Lacy Pats Griffith. De grands téméraires, tel Edgar Brandt ou Jules Leleu, ouvrent des antennes permanentes à New York. »
L’UPPER CLASS
« Au lendemain du conflit mondial, l’upper class nord-américaine, francophile et francophone, devient l’un des meilleurs ambassadeurs du nouveau style Outre-Atlantique. Les milliardaires américaines comme Barbara Hutton, héritière de la chaîne de magasins Woolworth, ou Daisy Dellowes, petite-fille Singer, les rédactrices en chef de Harper’s Bazaar ou de Vogue, l’emblématique chroniqueuse du New York mondain Diana Vreeland ne portent que les créations des maisons de mode et de joailleries françaises. La journaliste californienne Thérèse Bonney fait le lien entre Paris et l’Amérique en créant une agence de presse à Paris, tournée vers les arts décoratifs et l’architecture. Elle publie de nombreux articles et rédige son best-seller A shopping Guide to Paris en 1929. Les capitaines d’industrie et milliardaires font appel aux artistes français pour décorer leurs demeures tel la famille Dupont de Nemours, Albert C. Barnes ou encore William Randolph Hearst. »
« Pendant que l’une des figures mythiques de cette upper class, la New-Yorkaise Peggy Guggenheim, installée en France, soutient artistes et créateurs, Bernard Boutet de Monvel devient le portraitiste le plus demandé par la Café Society. Ses modèles se nomment Frick, du Pont de Nemours, Vanderbilt. »
« Sa renommée outre-Atlantique n’est plus à faire : dès 1907, ses oeuvres sont régulièrement présentées aux expositions du Carnegie Institute de Pittsburgh ainsi que dans des galeries newyorkaises. »
« Ce dessinateur de mode remarquable collabore avec Paul Poiret ainsi qu’à de nombreuses revues de mode françaises et américaines – la Gazette du bon ton, Femina, Harper’s Bazaar. De 1926 à la guerre, il fait l’objet de nombreuses rétrospectives aux États-Unis. »
Challenges transatlantiques
DU MARIAGE À LA BOXE, EN PASSANT PAR LE VOL PLANÉ
« Les unions franco-américaines sont nombreuses lors de la Première Guerre mondiale. De nombreux sammies épousent de jeunes Françaises et les emmènent aux États-Unis, dès leur démobilisation de 1919. L’état-major français, en la personne du général de Buyer, a montré l’exemple en épousant l’infirmière Daisy Polk rencontrée au milieu des ruines de Vitrimont en 1916. Elle est la petite nièce du onzième président des États-Unis, James Knox Polk. Et si l’on se souvient bien, le « Père la Victoire », Georges Clemenceau, avait lui-même convolé avec son élève Mary Plummer, lors de sa carrière de professeur au collège de jeunes filles de Stamford dans le Connecticut. »
« La période Art déco va multiplier les mariages transatlantiques : le décorateur Paul Iribe, partant pour Hollywood, se marie avec une riche Californienne, Maybelle Hogan ; le sculpteur américain Solon Borglum épouse Emma Vignal et leur voyage de noces a lieu dans un tipi au milieu des tribus indiennes du Dakota ; le fresquiste Jean Despujols enlève la musicienne Millicent Morgan à l’École américaine de Fontainebleau et ils partent tous deux vivre à Shreveport, en Louisiane ; le sculpteur Gaston Lachaise rencontre Isabel Dutaud Nagle à Paris et l’épouse à New York en 1917. Elle devient sa muse. Leurs noces sont célébrées avec faste dans l’atelier de leur ami américain, le sculpteur Paul Manship. »
« De passionnants challenges franco-américains, professionnels cette fois-ci, vont se multiplier pendant toute la période Art déco, dans les milieux de la presse, du cinéma, de l’aviation, du sport et des nouvelles moeurs. »
L’effet boomerang
« La crise de 1929 freine durablement le développement de l’Art déco en Amérique. »
« À New York, les grands programmes de construction prennent du retard. »
« On ironise de l’inachèvement de l’Empire State Building. Pour les passants de Manhattan, il devient l’« Empty State Building » !
« De part et d’autre de l’Atlantique, les gouvernements soutiennent l’activité. En France, en 1935, les chantiers de Saint-Nazaire s’affairent autour du paquebot Normandie qui reçoit un décor intérieur prestigieux. Aux États-Unis, le président Herbert Hoover cède sa place à Franklin D. Roosevelt. Pour contrer les effets de la « Grande Dépression », le nouvel homme fort de la politique américaine lance le « New Deal », vaste entreprise de grands travaux soutenus par l’État central. »
« Les Expositions internationales répondent à ces attentes de dynamisation. En 1933, s’ouvre à Chicago l’exposition « A Century of Progress » qui présente des pavillons ultra-modernes où s’appliquent pour la première fois l’esthétique Streamline. Suivront en 1936 les expositions de Dallas et de Cleveland et en 1939 celle de New York, qui voient l’Art déco s’américaniser. »
« Le Streamline succède à l’Art déco. Selon l’un de ses plus illustres représentants, Walter Dorwin Teague, il est un art tout à la fois d’ingénieur et d’artiste. Il gagne les foyers de la middle class américaine. Station touristique très fréquentée, Miami Beach prend le virage de cette démocratisation. Après l’ouragan de 1926, tout est à reconstruire et ses promoteurs choisissent l’Art déco, mais dans une formule épurée. »
« Sans travail aux États-Unis, certains architectes français rentrent en France. C’est le cas de Jacques Carlu dont les réalisations américaines inspirent son projet pour le palais de Chaillot de 1937. Comme par un effet de boomerang, l’Art déco retraverse l’océan ! »
CHAILLOT, LE PALAIS AMÉRICAIN À PARIS
« La Grande Dépression a un impact important sur les carrières des architectes expatriés français. »
« Sans travail aux États-Unis, certains décident de rentrer en France, comme Jacques Carlu, en 1934. Approché par son ami Georges Huisman, qui est devenu directeur des Beaux-arts sous le Front populaire, Carlu se voit confier la responsabilité du palais du Trocadéro à Paris en tant que conservateur en chef de l’édifice. C’est à ce poste stratégique qu’il mûrit sa réflexion sur le devenir et la modernisation du bâtiment qui lui a été confié. Jacques Carlu propose en 1935 à sa tutelle, après bien des atermoiements et concours avortés, les plans du nouveau palais de Chaillot, un ensemble très convaincant à l’allure toute « washingtonienne ».
« Il doit remplacer le très polémique et si malaimé palais du Trocadéro de 1878 pour l’ouverture de l’Exposition internationale des arts et techniques dans la vie moderne qui doit ouvrir ses portes le 25_mai 1937. Sous la magnifique esplanade dégageant opportunément la vue vers la tour Eiffel et Paris, le Théâtre national populaire, tant voulu par le ministre Jean Zay, est salué par la presse, qui le qualifie de « Normandie des théâtres ».
« L’Art déco a retraversé l’océan ! »
LE STREAMLINE
« Aux États-Unis qui fut son berceau, le style Streamline – littéralement « cours du ruisseau » – correspond à la Grande dépression de 1929, au développement d’une esthétique industrielle et à l’apparition d’une nouvelle profession : celle de designer. »
« Par sa politique du New Deal, le président Franklin D. Roosevelt souhaite relancer l’emploi et la consommation. Les nouvelles formes épurées vont alors symboliser le progrès et la reprise économique. Si le Streamline s’inscrit dans une démarche fonctionnaliste, il exprime néanmoins – à l’inverse des adeptes de la ligne et de l’angle droit – un goût prononcé pour les formes courbes. »
« De plus, au grand dam des puristes, les objets créés dans ce style présentent souvent une signature ornementale très particulière, constituée de plusieurs lignes horizontales en creux ou en relief. »
« Ces « traits de vitesse », comme on les appelle dans le langage de la bande dessinée, symbolisent la rapidité du déplacement dans l’espace. Les détracteurs du mouvement, comme il y en eut pour l’Art déco, trouveront là matière à critique : un taille-crayon a-t-il besoin d’évoquer la forme d’une turbine ? N’est-ce pas gratuit et sans fondement ? »
« Pourquoi les aspirateurs devraient-ils avoir des allures de locomotives profilées ? Vont-ils glisser plus aisément sur les moquettes ? Tout cela n’est-il pas encore du décor ? Les nouveaux dessinateurs industriels ignorent les snobs. »
« Le Streamline devient le style populaire américain : du scooter à la machine à écrire en passant par la trottinette, de la pendule à la théière, de l’agrafeuse au ventilateur, de l’aspirateur-traîneau au juke-box ; signés par Donald Deskey, Walter Dorwin Teague, Kem Weber, Henry Dreyfuss ou le français Raymond Loewy. »
« Une architecture Streamline des gares, des stations-services et des aérodromes voit également le jour, proposée par des visionnaires comme Norman Bel Geddes qui crée aussi, croisant le chemin de Paul Iribe, des décors pour le théâtre et le cinéma Art déco. Donald Deskey a été impressionné par sa visite de l’Exposition des arts décoratifs de 1925. Ses dessins pour les vitrines du Franklin Simon Department Store de Manhattan en témoignent comme son décor pour le Radio City Music Hall de New York en 1930. »
MIAMI BEACH, L’ART DÉCO DEVIENT TROPICAL DECO
« Parmi les villes américaines, Miami Beach peut représenter ce basculement vers un « democratic Art déco ». Station touristique très fréquentée, Miami Beach prend dans les années 1930 le virage du très grand luxe pour milliardaires vers un style balnéaire destiné à Monsieur Tout-le-Monde. »
« Après l’ouragan de 1926, tout est à reconstruire – comme après le tremblement de terre de 1931 à Napier, en Nouvelle-Zélande – et les promoteurs choisissent l’Art déco, mais dans une formule simplifiée et « streamlinisée ». Les immeubles de rapport, les hôtels, d’une hauteur modeste de quatre à six étages, se terminent par un toitterrasse adapté au climat, particularité que certains baptisent « Tropical Déco ». Ils présentent des fenêtres filantes tout le long de la façade. Cette dernière est souvent séparée en son centre par une grande verticale de béton sur laquelle s’inscrit la fonction du bâtiment, comme pour le Colony Hotel de l’architecte Henry Hohauser. »
« À Miami, sur une longue période s’étendant jusqu’aux années 1950, d’autres architectes, comme Lawrence Murray Dixon, Roy F. France, Albert Anis, Igor Polevitzky, un élève de Paul Cret, signent des bâtiments remarquables qui sont aujourd’hui protégés grâce au travail de la première Américaine des Art déco societies, fondée à Miami, en 1976, par Barbara Baer Capitman. »
Sous la direction de Emmanuel Bréon, L'Art déco France-Amérique du Nord. Textes de Silvia Barisione, Emmanuel Bréon, Anne Camilli, Hubert Cavaniol, Sung Moon Cho, Dorian Dallongeville, Franck Delorme, Olivier Dufour, Victorien Georges, Isabelle Gournay, Jean-Marc Irollo†, Léna Lefranc-Cervo, Claire Maingon, Laure de Margerie, Bénédicte Mayer, Valérie Montalbetti, Laurence Mouillefarine, Renaud Richebé. Editions Norma, Illustrated édition, coédition avec la Cité de l'architecture et du patrimoine, 2021. Broché. 304 pages. ISBN-10 : 2376660386. ISBN-13 : 978-2376660385. 45 €
Entrée Trocadéro
Palais de Chaillot
1, Place du Trocadéro et du 11 Novembre. 75116 Paris
Tél. : +33 1 58 51 52 00
Tous les jours sauf le mardi de 10 h à 22 h, de 10 h à 19 h le dimanche
Les citations proviennent du dossier de presse.
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