Citations

« Le goût de la vérité n’empêche pas la prise de parti. » (Albert Camus)
« La lucidité est la blessure la plus rapprochée du Soleil. » (René Char).
« Il faut commencer par le commencement, et le commencement de tout est le courage. » (Vladimir Jankélévitch)
« Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort. Il est de porter la plume dans la plaie. » (Albert Londres)
« Le plus difficile n'est pas de dire ce que l'on voit, mais d'accepter de voir ce que l'on voit. » (Charles Péguy)

mercredi 26 janvier 2022

Vogue 1920-2020

Le Palais Galliera présente « Vogue 1920 – 2020 », « une exposition d’envergure inédite qui célèbre les 100 ans du magazine Vogue Paris. » L'histoire du plus ancien magazine de mode français innovateur par ses choix éditoriaux et artistiques : Hoyningen-Huene, Horst, Bourdin, Klein, Newton, Watson, Lindbergh, Testino, Inez & Vinoodh.


« Fondé par Condé Nast en 1920, Vogue Paris est aujourd’hui le plus ancien des magazines de mode français toujours publié, et le seul titre du groupe à porter le nom d’une ville et non celui d’un pays. Capitale de la mode, Paris y est figurée comme le cœur de la vie culturelle et artistique et la Parisienne y incarne la femme Vogue. »

« Miroir de son époque, défenseur de la création, Vogue Paris est un acteur majeur de la mode, questionnant les notions de goût, de beauté et d’élégance. L’exposition témoigne de la capacité de création, d’adaptation et d’anticipation qui, pendant 100 ans, a caractérisé le magazine. Vogue Paris 1920-2020 retrace l’histoire du magazine à travers les rédactrices et rédacteurs en chef qui l’ont façonné par leurs choix éditoriaux et artistiques, de Michel de Brunhoff à Emmanuelle Alt, en passant par Edmonde Charles-Roux, Francine Crescent et Carine Roitfeld. Leur personnalité, la durée de leur collaboration, leur engagement, font la spécificité et la cohérence de Vogue Paris. »

« L’exposition met en lumière le talent des grands illustrateurs, et particulièrement des photographes, que Vogue Paris a promus : Hoyningen-Huene, Horst, Bourdin, Klein, Newton, Watson, Lindbergh, Testino, Inez & Vinoodh… y ont réalisé leurs plus belles pages. »

« Au sein du parcours chronologique, plusieurs focus rendent hommage aux complices fidèles du magazine. L’exposition évoque les collaborations exceptionnelles avec de grands couturiers, Yves Saint Laurent d’une part et Karl Lagerfeld d’autre part, que Vogue Paris a soutenus tout au long de leur carrière. La femme Vogue est ici incarnée par Catherine Deneuve et Kate Moss, qui ont posé pour le plus grand nombre de couvertures. »

« Vogue Paris 1920-2020 rassemble près de 400 œuvres issues principalement des archives du magazine – photographies, illustrations, magazines, documents, films – ainsi qu’une quinzaine de modèles de haute couture et de prêt-à-porter. »

Le Commissariat de l’exposition est assuré par Sylvie Lécallier, chargée de la collection photographique du Palais Galliera, assistée de Juliette Chaussat, et le Conseil scientifique par Marlène Van de Casteele, historienne en art contemporain et Alice Morin, chercheuse en histoire des médias.

EXTRAITS DU CATALOGUE

« UN SIÈCLE D'INNOVATIONS GRAPHQUES
Marlène Van de Casteele
« De l’album illustré du XIXe siècle aux expérimentations porno chic des années 2000, en passant par la revue d’avant-garde des années 1930 et les audaces graphiques des années 1960, Vogue Paris traduit avec acuité l’état d’esprit de son époque. Un siècle d’innovations graphiques aura ainsi accompagné le passage de l’illustration à la photographie, favorisé par l’apparition d’une fonction, celle de directeur artistique, et enrichi l’histoire du design éditorial.
Construits sur le modèle graphique imposé par la maison mère, les premiers numéros de l’édition française s’apparentent à de précieux albums typiques du XIXe siècle : sans chemin de fer à l’appui, le magazine se fait page après page, juxtaposant des planches illustrées à des vignettes encadrées de fioritures. À la suite des premières expérimentations de Lucien Vogel qui trace des ponts avec le monde de l’édition d’art, la nomination de Mehemed Fehmy Agha au poste de directeur artistique des éditions Condé Nast (février 1929 – janvier 1943) marque de façon pérenne le magazine. Sa première transformation est de moderniser les maquettes proposées par Heyworth Campbell – le metteur en pages du Vogue américain – selon trois principes : clarté, modernité, lisibilité. S’inspirant des travaux des avant-gardes européennes, Agha dote le magazine d’une charte graphique, repense le design des couvertures, la conception des fontes de caractères, les rubriques, l’habillage, l’impression et les gammes chromatiques. Il utilise les gros titres, des lettres « sans serif » et de grands caractères d’imprimerie, auxquels il confère un aspect plus attractif. En inventant le concept de layout, qui permet d’avoir une vue d’ensemble du magazine, il met en valeur la notion de double page, d’ouverture, et donne toute sa place à la photographie, initiant, pour cela, une génération de photographes de mode aux techniques du studio Vogue. Sur la page, il regroupe les clichés de manière à ce que chaque série raconte une histoire, de façon asymétrique.
C’est également la recherche d’un rythme cinématographique qui stimule son successeur, Alexander Liberman. Formé par Lucien Vogel au magazine Vu, et fasciné par les révolutions graphiques qui ont alors lieu dans la presse d’actualité, Liberman s’inspire de la typo Franklin Gothic (la favorite du Daily News), ainsi que des légendes et blocs de texte informatifs afin d’apporter de la vitalité à la page. En pratiquant la culture du High & Low, Liberman fait la transition avec les années pop art, ouvrant la voie, en 1960, aux directeurs artistiques Jacques Faure et Antoine Kieffer. S’il est regrettable que nombre de graphistes ayant bénéficié d’une grande liberté d’action auprès de ces derniers, et ainsi apporté une touche personnelle, n’aient pas été mentionnés dans l’ours du magazine, on peut toutefois discerner clairement la signature de Roman Cieslewicz. Imprégné des principes futuristes et constructivistes, ce graphiste marque son bref passage, en 1965 et 1966, par ses couvertures iconoclastes et ses doubles pages expérimentales : des images de corps tronqués se juxtaposent aux photomontages, collages et hors-champ. Cette grande latitude, symptomatique d’une posture utopique et d’une décennie carte blanche, annonce la méthode de travail des M/M (Paris).
Les deux directeurs artistiques Mathias Augustyniak et Michael Amzalag, nommés en  2002, inaugurent une structure collégiale : stylistes, photographes et graphistes travaillent collectivement sur un nouveau terrain de jeu, permettant à chaque voix de s’exprimer. Les M/M (Paris) impriment leur marque durablement en quinze numéros seulement : avec une palette typographique restreinte, ils appliquent au magazine un langage graphique évolutif mêlant dessins et collages, tout en introduisant la notion de personnage qui apporte à chaque parution une identité propre, par l’entremise d’une narration singulière. La typographie créée et baptisée du nom de la rédactrice en chef, Carine Roitfeld, est l’incarnation graphique de leur regard à multiples facettes, affranchi des époques et des échelles de valeurs. Une période pendant laquelle la mode, l’art visuel, la musique, la photographie et le spectacle vivant s’imbriquent, faisant fi des hiérarchies entre disciplines et des enjeux financiers.

1968-1986, « VOGUE VU PAR… » : L’ÈRE DES PHOTOGRAPHES
Alice Morin
Que ce soit à l’époque, ou aujourd’hui dans sa mémorialisation, les deux décennies couvertes par la période 1968-1986 tiennent une place à part dans l’histoire de Vogue Paris. Aux yeux des collaboratrices et collaborateurs, mais aussi d’une large audience, le magazine connaît alors un « âge d’or » dont témoignent aussi bien sa réputation et son pouvoir prescripteur dans les champs de la mode et du visuel que la carrière et la postérité des photographes aux noms associés à cette période. Helmut Newton et Guy Bourdin en tête, ou encore Sarah Moon, Arthur Elgort, puis Albert Watson, Mike Reinhardt, Patrick Demarchelier ou Daniel Jouanneau réalisent alors pour Vogue Paris des images iconiques, inscrites dans la mémoire des spécialistes comme du grand public. Ces nouveaux classiques du genre découlent des avancées techniques de l’époque, des possibilités offertes par ce magazine entièrement tourné vers l’image, et surtout d’un imaginaire foisonnant dont la force évocatrice résonne aujourd’hui encore avec les fantasmes esthétiques contemporains, à travers différents supports.
On peut noter que cet univers visuel distinctif se met progressivement en place au cours de deux décennies que, pourtant, tout sépare : le contexte politico-économique, la sensibilité culturelle, le style… Les années 1970 couvrent une période hybride – marquée à la fois par les évolutions progressistes (notamment en ce qui concerne la cause des femmes) et les retombées des bouleversements sociopolitiques –, dont l’esthétique privilégie l’expressivité narrative, qu’elle soit réaliste ou s’exprime dans des mises en scène parfois extrêmes, ponctuées d’expérimentations. Les années 1980, quant à elles, embrassent le consumérisme qui se traduit, entre autres, par une fascination pour l’Amérique, ainsi que par une internationalisation manifeste de la culture et de la mode. Tout à la fois conservatrices et avant-gardistes, elles affichent un style moins chargé, plus coloré et plus ironique – un élément qui dénote d’ailleurs un détachement caractéristique de chacune des deux décennies.
Tout au long de ces dix-huit années, la rédaction en chef de Vogue Paris est assurée par Francine Crescent. C’est elle qui opère un trait d’union entre les années 1970 et 1980, déployant alors son approche du magazine et, surtout, de la photographie de mode qui trouvera dans ses pages un véhicule idéal.

1968-1977 : un duo en émulation créative
La période comprise entre 1968 et 1986 est donc caractérisée par la présence ininterrompue de Francine Crescent au sommet de la pyramide éditoriale. La longévité inhabituelle de ce mandat explique en partie la cohérence notable du Vogue français durant toutes ces années.
On ne saurait trop souligner le fait que la production d’un titre de presse est une affaire collaborative, et qu’aucun numéro ne pourrait paraître sans un effort collectif mobilisant une équipe fournie, au sein de laquelle les communications sont fluides et circulaires. Néanmoins, si les rôles de chacun ne sont pas toujours explicitement définis, tous les magazines sont régis par des hiérarchies strictes. Les rédactrices ou rédacteurs en chef y détiennent un pouvoir immense, déterminant la ligne éditoriale qui guidera le choix des contenus ainsi que leur agencement, tout en en veillant à la cohérence générale. Plus précisément, ils – le plus souvent elles – sont décisionnaires quant à la validation de chaque sujet, et disposent également, en aval, d’un pouvoir de veto leur permettant d’annuler la parution d’un article ou d’une image.
Pourtant, il nous faut d’emblée nuancer ce constat, et l’idée d’une autorité incontestée et aisément établie. En effet, au début de la période qui nous intéresse, Vogue Paris est – pour la première fois – dirigé par un duo. En 1968, Francine Crescent prend la tête de la section mode, tandis que Françoise Mohrt est chargée de la beauté, de l’actualité et des textes, comme l’indique l’ours dans lequel elles figurent toutes deux sous l’intitulé « Rédactrice en chef ». En résulte une période faste pour le magazine : alors que le nombre de pages explose (souvent plus de 500 dans les années 1980), leur teneur témoigne également d’une émulation prolifique. Accédant à la rédaction en chef dans le contexte politique et socioculturel agité de l’après-1968, Crescent et Mohrt inaugurent une nouvelle ère sur laquelle elles sont priées d’apposer leur marque. L’une comme l’autre considèrent Vogue Paris comme un espace depossibilités. Leur magazine représente une plateforme pour mettre en mots et en images la mode (française, mais pas seulement), la beauté et le lifestyle, dans toutes leurs foisonnantes déclinaisons.
Le binôme invite de nombreuses personnalités issues de divers milieux à participer à la revue, ces années sont celles des collaborations. Jacques Henri Lartigue, Roger Vadim, Alain Resnais, Gina Lollobrigida et Marcel Carné, Jacques Tati ou encore lord Snowdon rendent ainsi compte des collections (respectivement en mars 1976, mars 1977, mars 1978, septembre 1978, septembre 1979 et mars 1986). Par ailleurs, Crescent et Mohrt donnent de manière récurrente la parole aux couturiers, comme, entre autres, dans la série photographique « Les Grands Favoris », par Uli Rose, dont le chapô indique : « Choisis par les grands  couturiers, voici les modèles qu’ils ont préférés dans leur propre collection. Nous les avons photographiés avec les créateurs eux-mêmes, dans leur cadre personnel ou celui de leur travail », ou, dans les années 1980, dans des pages dédiées offertes aux «grands favoris» du moment (Karl Lagerfeld, Claude Montana, Oscar de la Renta) qui y exposent leurs inspirations et leurs goûts. Elles privilégient également les interventions de reporters très spéciaux. Ainsi Mick Jagger interviewe-t-il Jerry Hall pour le numéro de mai 1981, et Andy Warhol explore-t-il New York pour le numéro d’avril 1984. Bien plus, elles inaugurent une longue série de numéros de Noël qui ont pour rédactrices ou rédacteurs en chef éphémères des écrivaines (Françoise Sagan en 1969), des actrices (Jeanne Moreau en 1970, Marlène Dietrich en 1973, Lauren Bacall en 1978), des réalisateurs (Federico Fellini en 1972, Alfred Hitchcock en 1974, John Huston en 1981), des plasticiens (Salvador Dalí en 1971, Marc Chagall en 1977, David Hockney en 1985)… Elles assurent ainsi, au sein du magazine, un casting impeccable mais aussi une diversité de points de vue, qui sont cependant toujours (mis) en rapport avec la mode et/ou la beauté.
Outre une obsession pour la (ou les) célébrité(s), caractéristique de la période, qui est mutuellement bénéfique aux figures conviées comme au magazine, ce mode de fonctionnement illustre bien une conception éditoriale spécifique et particulièrement fertile. Le titre devient un catalyseur, un outil puissant, en raison de son pouvoir de choisir à qui donner la parole.
Leur Vogue vient puiser à des sources diverses pour composer un ensemble unique. Quoique nécessairement hétérogène, celui-ci est unifié par son déroulement sur un même support, dont l’identité est cristallisée par un important travail de médiation qui est l’apanage du magazine. Crescent et Mohrt ne sont pas les premières à embrasser cette vision de Vogue – et plus particulièrement de Vogue Paris –, dont on trouve trace dès les numéros inauguraux, et qui fonde le magazine depuis ses débuts. Mais elles portent haut cette conception qui semble alors trouver sa pleine réalisation. Quand Francine Crescent reprend seule la rédaction en chef après le départ de Françoise Mohrt en 1977, elle perpétue d’ailleurs ces lignes directrices. »

Des ateliers pour enfants et adolescents étaient organisés : « Page de tendances Vogue » pour découvrir et décrypter "les composantes et principaux métiers (rédaction en chef, illustration, photographie,…) d’un magazine de mode. En atelier, les participants sont initiés au stylisme et à la direction artistique en élaborant une page de tendances (thématique, composition, couleurs…)" et  « Image en volume » : "Zoom sur la photographie de mode ! Les participants sont guidés dans l’exposition par une plasticienne du musée qui aborde la composition d’une image : le cadrage, le plan, la création d’un univers photographique… A partir de magazines de mode et des différents éléments abordés, ils conçoivent ensuite en atelier, une image en relief originale et créative. Un atelier source d’inspirations !"


Du 2 octobre 2021 au 30 janvier 2022
Au Palais Galliera Musée de la mode de la Ville de Paris
10, Avenue Pierre Ier de Serbie, Paris 16e
Tél. : 01 56 52 86 21
Du mardi au dimanche de 10 h à 18 h. Fermé les lundis

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Les citations sur l'exposition proviennent du dossier de presse.

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