Citations

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« La lucidité est la blessure la plus rapprochée du Soleil. » (René Char).
« Il faut commencer par le commencement, et le commencement de tout est le courage. » (Vladimir Jankélévitch)
« Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort. Il est de porter la plume dans la plaie. » (Albert Londres)
« Le plus difficile n'est pas de dire ce que l'on voit, mais d'accepter de voir ce que l'on voit. » (Charles Péguy)

samedi 21 septembre 2019

« Charles Pathé et Léon Gaumont. Premiers géants du cinéma » par Emmanuelle Nobecourt


« Charles Pathé et Léon Gaumont. Premiers géants du cinéma » (Charles Pathé & Léon Gaumont. Die Kino-Väter) est un documentaire réalisé par Emmanuelle Nobecourt. L’aventure de deux pionniers du septième art, producteurs et industriels français, rivaux mais complémentaires. "Le dimanche 22 septembre 2019, les Cinémas Pathé Gaumont ouvrent pour la première fois leurs salles aux Journées Européennes du Patrimoine. « Il était une fois le cinéma », un programme inédit imaginé par Les Cinémas Pathé Gaumont en partenariat avec la Fondation Jérôme Seydoux-Pathé et Pathé, vous invite à explorer l’histoire du 7ème art au cours d'une journée d'exception".



Nés dans des familles modestes, Charles Pathé (1863-1957) et Léon Gaumont (1864-1946) « ont révélé au monde la magie du cinéma.


En 1889, Pathé cherche fortune en... Argentine. Peu scrupuleux, il manque de devenir un voyou, et au bout de deux ans, il rentre en France avec des perroquets dont beaucoup meurent au cours du voyage.

Pathé prend la gérance d'une guinguette et se marie. En 1894, à la foire de Vincennes, il découvre le phonographe inventé par Edison. Il évalue les bénéfices de cette "machine parlante". Une fortune. Pathé va de foire en foire avec sa machine achetée en Angleterre. Il se fixe et vend des contrefaçons de ce phonographe. Il découvre les prémisses du cinéma.

Léon Gaumont est passionné de technique, et prévoit une image animée, sonore, en couleurs, et en relief. Il est contraint d'abandonner ses études après un revers de fortune de sa famille. Il poursuit sa scolarité le soir. En 1888, il se marie. Avec la dote, il rachète le comptoir de la photographie. Le 22 mars 1895, il assiste à la première projection privée d'un film par les frères Lumière.

Le 28 décembre 1895, Pathé assiste au Grand Café à la projection de ce film sur l'entrée en gare du train à La Ciotat. C'est le cinéma ! Pathé évalue la recette à engranger. Il se lance dans le cinématographe. Il "bricole sa machine", et tourne des films en variant les thèmes. Parfois figurant dans ses films, il constitue son catalogue de films et avec son frère Emile s'installe à Paris, rue de Richelieu.

Quant à Gaumont, il est l'opérateur attitré du président Faure qu'il suit en Russie.

Nul n'a conscience du danger représenté par la pellicule au nitrate inflammable. L'incendie du Bazar de la Charité tue 78 victimes, souvent issues de milieux aisés. Le prêtre évoque une "punition divine" lors de l'office à la mémoire des défunts.

Pathé doute de son flair. Des financiers lui font confiance, et lui confient un million de francs. Pathé construit ses appareils. Le phonographe conquiert les milieux bourgeois.

Gaumont est choqué et met au point une sécurité contre les flammes.

Si la paternité du cinéma « revient aux frères Lumière - sans oublier Georges Méliès -, Pathé et Gaumont surent l'industrialiser, le perfectionner, le développer avec un prodigieux talent de visionnaires à une époque, la fin du XIXe siècle, où pas un entrepreneur n'aurait misé un sou sur ce qui était au départ une attraction de foire ».

Le cinéma est alors l'attraction principale des foires. Pathé fournit la majorité des films diffusés lors de ces foires. Les féeries, aux images coloriées une par une et à la main, enchantent les spectateurs. Pathé choisit le coq comme image signature, et Gaumont la marguerite. Sur les conseils de Zecca, Pathé produit "Histoire d'un crime". Faible coût, mais recette mirobolante. Sa devise ? "Etre le premier partout". En quelques années, les marchés extérieurs représentent 60% de ses recettes. Pathé rachète les brevets Lumière. Une concurrence pour Gaumont.

Gaumont veut "filmer en couleurs naturelles" et s'intéresse aux autochromes des frères Lumière. Pour colorier les films, il recourt à une main d'oeuvre féminine habile à la technique du pochoir. Exploit : Gaumont rend l'image sonore en couplant projecteur et phonographe synchronisés. Ce qui séduit un public bourgeois. Alice Guy réalise plus de 200 phonoscènes dans un grand studio. Les films comiques sont tournés en plein air.

Courses-poursuites et démolitions constituent les thèmes inusables des films comiques.


L'Omnia Pathé sédentarise les spectateurs. Un public plus large, mêlé s'habitue à aller dans les salles de cinéma. Pour les fidéliser, Pathé dispose d'un acteur talentueux, Max Linder, à qui il "donne carte blanche". Une star internationale qui fait évoluer le comique vers la sophistication.

« En à peine vingt ans, ces deux génies du commerce et de l'innovation édifièrent les bases sur lesquelles le cinéma continue de s'épanouir. Charles Pathé avec son sens des affaires, Léon Gaumont par son talent d'ingénieur - grâce auquel il inventa avant l'heure le cinéma parlant en couleurs et le caméscope. Le second installa aux Buttes-Chaumont sa fabrique d'appareils de projection et de caméras, tandis que le premier, dont le coq devint l'emblème, construisit à Joinville-le-Pont des usines, qui, à leur apogée, employaient six mille personnes produisant plusieurs kilomètres de pellicules par jour ».

Concurrence acharnée
« Se livrant une concurrence acharnée, l'invention de l'un aiguillonnant l'inventivité de l'autre, ils construisirent chacun un empire en France comme à l'étranger et ouvrirent à Paris les premières salles de cinéma, véritables palais où se pressait un public fasciné ».

Sur les conseils d'Alice Guy partie aux Etats-Unis, Gaumont collabore avec Louis Feuillade qui "rationalise l'organisation des tournages", donne un essor important par une production intense.


Surproduction de Gaumont, Pathé et Méliès, mépris pour la pellicule coupée et collée sans souci...  La crise risque de détruire l'art naissant. Pathé s'impose en distributeur pour contrôler la qualité des copies et crée Pathé Journal. Gaumont lance ses Actualités.

Méliès refuse l'industrialisation et de s'adapter. Ruiné, il quitte le cinéma et vend des jouets dans une gare.

Pathé obtient d'être admis dans un cartel de producteurs américains. Gaumont contourne le trust, et fréquente les salles de cinéma pour découvrir ce qu'aiment les spectateurs américains. Gaumont propose des "westerns provençaux". Succès. Pour les acteurs, pas de doublure ni d'assurance. Pour Gaumont, Emile Cohl lance le dessin animé.

Pathé trouve ses futures stars au music-hall : Mistinguett, chanteuse fantaisiste qui campe une garce. Une "icône des Années folles".

En 1911, Gaumont ouvre le splendide Gaumont Palace place de Clichy avec un orchestre. Le "Tout-Paris s'y rend comme à l'Opéra". Enfin, est montrée l'image animée en couleurs naturelles. Un procédé technique complexe et coûteux.

Riposte de Pathé : il fabrique du film vierge, au lieu de l'acheter à George Eastman. Une économie substantielle et le bris d'un monopole mondial.

En 1910, la Marne inonde les usines Pathé. Puis, le "feu ravage un hangar, détruisant une partie de son stock. Pathé est aux abois". Il rapatrie d'anciennes pellicules, les traite et les réutilise. En 1912, il produit ses films vierges. En 15 ans, il dirige toute la chaîne du cinéma et emploie plus de 6000 personnes. Pour se reposer, il se rend dans sa maison de Roissy-en-Brie où il invite le Tout-Paris pour de superbes fêtes. Le couple adopte une jeune Américaine, et accueille chez lui les quatre enfants nés de liaisons extra-conjugales de Pathé.

« De 1895 à 1914, les saynètes muettes, grivoises, naïves ou à trucages, dont raffolait la foule des foires, cédèrent la place à des œuvres plus abouties où le burlesque de Max Linder - que Chaplin prit pour modèle - le disputait aux séries à succès (Fantômas, Les mystères de New York, Les vampires, etc.) »

La « Première Guerre mondiale porta un coup terrible aux deux hommes, puis l'irrésistible ascension d'Hollywood leur asséna le coup de grâce ». Les ouvriers, techniciens et artistes sont mobilisés. Certains produits sont utilisés à la fabrication d'armes. Les "bâtiments de Joinville sont transformés en casernes". Gaumont continue de produire dans ses studios de Nice, des comédies romantiques loin de la réalité tragique. Les opérateurs de Pathé et Gaumont filment les ravages. Engagé, Feuillade, ancien et brillant directeur artistique de Gaumont, se morfond. Pathé s'efforce de sauver son empire aux Etats-Unis, "dernier pays où il peut produire des films". Eastman lui livre la pellicule nécessaire. Pathé lance le feuilleton policier à épisodes, le serial, dont l’héroïne se prénomme Pauline. Un triomphe adapté en français en "Mystères de New York".


Démobilisé en 1915, Feuillade crée pour Gaumont la série Les Vampires, sans scénario préalable. Musidora y interprète Irma Vep. Est alors créé le vocable "vamp" pour désigner une femme fatale.

Après la victoire des Alliés, dans une France ravagée, "Gaumont et Pathé ne sont plus les maîtres du monde" : ils ont perdu de nombreux employés. Dès 1918, Charles Pathé ne croyait plus en l’avenir du cinéma car les Etats-Unis ont rattrapé leur retard. Fox, Warner, Goldwyn... Ces producteurs investissent des sommes élevées pour produire des films amortis dans le marché national, et donc "vendus à l'étranger à des prix défiant toute concurrence".


Gaumont modernise ses studios, organise une visite pour VIP. Gaumont et Pathé donnent leur chance à de jeunes auteurs d'avant-garde - Gance, L'Herbier, Epstein. - pour des chefs d’œuvres. La "technique entre au service d'une écriture visuelle inédite". Mais la concurrence américaine s'avère vive. Harold Lloyd, Chaplin, Buster Keaton... Le "cinéma comique américain atteint des sommets de virtuosité".

Pathé cesse toute production en constatant la désaffection du public. Il lance la Pathé-Baby, appréciée des familles pour immortaliser petits et grands bonheurs. Veuf, il vend une partie de ses actifs, et se retire sur la Côte d'Azur.

« Dans les années 1920, Pathé céda son empire à Bernard Natan et Gaumont dut s'allier à la Metro-Goldwyn-Mayer ». Or, Charles Pathé a vendu une coquille quasi-vide à Bernard Natan (1886-1942), entrepreneur juif visionnaire qui sut affronter victorieusement la crise économique et l’avènement du cinéma parlant, édifier un groupe multimédia – cinéma, radio, télévision –, produire des chefs d’œuvres souvent adaptés de romans classiques (Les Misérables de Victor Hugo), lancer des débutants talentueux, et assurer l’essor de son groupe cinématographique, à dimension européenne, par une intégration verticale associant les activités de producteur et d’exploitant. Et qui, spolié, persécuté, est déporté sous l'Occupation au camp nazi d'Auschwitz où il est assassiné. On ne peut que regretter que le site Internet des archives de Gaumont et Pathé occultent ces faits, notamment le rôle joué par Bernard Natan.

Gaumont s'associe à la MGM. En 1925, après la mort de Feuillade, il abandonne la production. Conscient que "la formule du succès n'existe pas".


1927. Avènement du cinéma parlant. Film chanté, Le Chanteur de jazz "fait l'effet d'une bombe". Gaumont se bat pour défendre son brevet sur le cinéma parlant. Une longue bagarre juridique qu'il gagnera.

« Contre toute attente, retraités sur la Riviera, Charles Pathé et Léon Gaumont lièrent une sincère amitié ». Lumière rend visite à son ami Gaumont. Pathé s'est remarié et publie ses Mémoires. Gaumont et Pathé déjeunent ensemble tous les dimanches.

Grâce à de « remarquables et rares archives et de nombreux extraits de films marquants des débuts du septième art, ce passionnant documentaire dévoile leur incroyable aventure, dresse un portrait sensible des deux géants du cinéma et éclaire d'un jour nouveau l'aube du septième art ».

Un documentaire didactique et passionnant, avec des images d'époque d'excellente qualité.
  
Journées européennes du patrimoine 2019
"Le dimanche 22 septembre 2019, les Cinémas Pathé Gaumont ouvrent pour la première fois leurs salles aux Journées Européennes du Patrimoine. « Il était une fois le cinéma », un programme inédit imaginé par Les Cinémas Pathé Gaumont en partenariat avec la Fondation Jérôme Seydoux-Pathé et Pathé, vous invite à explorer l’histoire du 7ème art au cours d'une journée d'exception".


"Des célèbres actualités Pathé, petits reportages tournés sur le vif à travers le monde, qui offrent un regard original et inédit sur l’Histoire française et internationale".

"Des courts métrages muets, véritables bijoux du septième art qui ont marqué l’histoire du cinéma, présentés dans leurs versions restaurées et sonorisées par la Fondation Jérôme Seydoux-Pathé".

"Une sélection de longs métrages restaurés par Pathé permettant de retracer l’histoire du cinéma à travers les productions Pathé".


"Une soirée exceptionnelle avec projection d'un film long muet restauré et musiqué par la Fondation Jérôme Seydoux-Pathé".

Quatre séances gratuites seront proposées sur la journée :

11h - Premier de cordée (1944)
Long métrage restauré de Louis Daquin, 1h46
Film précédé de L’Ascension du Mont-Blanc, de 1907 (14 minutes), présenté restauré et musiqué.
"Après avoir connu un beau succès avec Nous les gosses, Louis Daquin s'illustre dans un tout autre genre, en adaptant le roman à succès de l'écrivain alpiniste Roger Frison-Roche, Premier de Cordée. Tenant à rester le plus réaliste possible, le cinéaste réalise son film sans trucages, les acteurs assurant eux-mêmes les scènes d'ascension. Porté par un casting remarquable (André Le Gall, Irène Corday, Maurice Baquet, Jean-Marc Thibault) et une superbe photographie, nous suivons l'histoire de Pierre Servettaz (André Le Gall), un jeune aspirant guide qui combat son vertige pour retrouver son père perdu en haute montagne. Louis Daquin nous livre avec Premier de Cordée, un véritable hymne à la lutte, qui en cette période de guerre trouve un large écho".

14h - Boudu sauvé des eaux (1932)
Long métrage restauré de Jean Renoir, 1h27
Film précédé d’Actualités Pathé des années 30 (10 minutes).*
"Boudu, un clochard parisien lassé de la société, tente de se suicider en se jetant dans la Seine. Il est repêché par Lestingois, un libraire aux idées libérales, qui s'efforce de le racheter socialement. Mais Boudu préfère passer le plus clair de son temps à semer le désordre chez son bienfaiteur et à courtiser sa femme".

16h - La Fête à Henriette (1952)
Long métrage restauré de Julien Duvivier, 2h10
Film précédé de Métempsycose de Segundo de Chomón, de 1907 (4 minutes), restauré, diffusé sonorisé pour la première fois.
"Oeuvre à la structure extrêmement originale, La Fête à Henriette a la caractéristique de se construire sous nos yeux. Les deux personnages principaux sont scénaristes en pleine séance d'écriture, l'un pessimiste (Henri Crémieux), l'autre qui voit la vie en rose (Louis Seigner). À eux deux, ils imaginent la vie d'Henriette, jeune ingénue parisienne qui devient tour à tour meurtrière, assassinée, ou qui retrouve le grand amour, selon les pensées plus ou moins délirantes de ses deux auteurs. Belle et rayonnante de jeunesse, Dany Robin offre ses traits à Henriette, son plus beau rôle. Avec ses partenaires de jeu Michel Roux et Michel Auclair, elle entraîne le spectateur dans une série de péripéties et fait vaciller le film de la fantaisie à la noirceur, de la comédie romantique au polar inquiétant. Il s'agit sans aucun doute d'une des oeuvres les plus audacieuses de Julien Duvivier, dont la mise en scène résolument moderne est servie par les dialogues pétillants d'Henri Jeanson".

19h30 - Paris qui dort (1924)
Long métrage muet restauré et musiqué de René Clair, 59 minutes.
Film précédé d’Actualités Pathé des années 20 (10 minutes) et du court métrage Le Musée des grotesques de Emile Cohl, de 1911 (4 minutes), restauré et diffusé sonorisé pour la première fois.
"Le gardien de la Tour Eiffel découvre un beau matin que plus rien ne bouge dans Paris. Seul un petit groupe d'amis, arrivé par avion dans la capitale, a échappé au rayon paralysant. Désormais, Paris leur appartient !"

Les cinémas Pathé Belle-Epine (Thiais), Pathé Massy, EuropaCorp Aéroville et Gaumont Rennes proposeront de vivre cette dernière séance dans leurs salles Dolby Cinema. Les cinémas Pathé Vaise (Lyon), Pathé Gare du Sud (Nice), EuropaCorp La Joliette (Marseille), Pathé Docks 76 (Rouen) et Gaumont Wilson (Toulouse) proposeront quant à elle de vivre cette soirée d’exception dans leurs salles Dolby Cinema, mise en musique par des élèves de la classe d’improvisation de Jean-François Zygel* (Conservatoire National Supérieur de Musique et de Danse de Paris). À Paris, au cinéma Pathé Beaugrenelle, la séance sera proposée à 16h00 et mise en musique par Jean-François Zygel en personne. À l’issue de la projection, le pianiste et compositeur proposera aux spectateurs d'échanger au détour d'une "leçon de musique".

Réservez dès maintenant en ligne pour ces séances gratuites, et apprêtez-vous à vivre une journée du patrimoine unique, placée sous le signe du 7ème art...

Programme et horaires donnés à titre indicatif, sous réserve de modifications".
  
  
Gaumont Pathé archives, 2015, 86 min
Sur Arte le 16 août 2016 à 20 h 55, le 8 mai 2018 à 20 h 50
Visuels : © Louis Silvestre

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Les citations non sourcées sont d'Arte et du documentaire. Cet article a été publié le 16 août 2016, puis le 8 mai 2018.

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