Arte diffusera « Faire l'histoire », « L'étoile jaune, un signe d'infamie » (Geschichte schreiben Der gelbe Stern – Symbol der Ausgrenzung) de Tamara Erde et Jean-Dominique Ferrucci. Une histoire de ce signe doté d'une couleur qui, dès le Moyen-âge, stigmatise les Juifs dhimmis "en terre d'islam", puis dans l'Occident chrétien (rouelle). Au XXe siècle, les Nazis reprendront cette signalétique chromatique pour désigner les "Juden" (Juifs, en allemand). Une étape dans la Shoah.
« Historien français, spécialiste du Moyen Âge et de la Renaissance, particulièrement en Italie. Patrick Boucheron est professeur au Collège de France, titulaire de la chaire « Histoire des pouvoirs en Europe occidentale, XIIIe - XVIe siècle ».
« Patrick Boucheron est avec Denis Van Waerebeke l’auteur de la collection documentaire « Quand l’histoire fait dates », 30 épisodes diffusés sur ARTE en 2018 et 2020. »
« Proposé et présenté par Patrick Boucheron, animé par des historiennes et des historiens, le nouveau rendez-voushebdomadaire d'histoire « Faire l'histoire » aborde l'histoire par le prisme des objets ».
« Que peut-on attendre de l’histoire aujourd’hui ? Chaque semaine, un intervenant différent, nous présente un objet et son histoire, associant récit et analyse. Tout peut « faire l’histoire » : objets en série, « génériques » (le miroir), objets uniques, « fétiches » (le Suaire de Turin) et matériaux et documents (la brique et la déclaration d’impôt). Un travail graphique original agrémente les images d’archives d’un trait ludique et pédagogique. La chronique de Manon Bril nous fait traverser la frontière entre culture historique et cultures numériques. »
« On se fait parfois une idée bien exaltée de l’histoire. Elle devrait se déclamer, d’un air inspiré et martial, pour produire des émotions fortes. Elle est alors mobilisée pour admirer (généralement les hauts faits et les grands hommes) ou pour détester — et ainsi se donner le beau rôle. Nous nous faisons une autre idée de l’exercice de l’histoire : elle est pour nous une hygiène de l’inquiétude, qui travaille à nous déprendre de nos certitudes, à nous dépayser, nous déconcerter, nous surprendre. Ce qui, au passage, la rend à la fois plus intéressante, plus amusante et plus émancipatrice. Mais il faut pour cela admettre que le récit historique ne tombe pas du ciel. Il se façonne dans les mains des historiens au moment même où il se raconte. « Faire l’histoire » part d’un double constat. Le premier : tout est bon pour l’histoire, tout fait histoire. Le timbre-poste comme la Joconde, le fil de fer barbelé comme le trône de Dagobert. Saisir l’histoire par ses objets, c’est la rapprocher de nous, la rendre familière : on peut faire récit de tout objet comme on fait feu de tout bois. Voici pourquoi l’histoire la plus savante, celle en tous cas qui naît de la recherche la plus innovante, est susceptible d’intéresser le plus grand nombre, contrairement à l’histoire que l’on nous présente comme populaire et qui ne daigne nous parler que de palais et de princesses. De là, le second constat: ce sont bien les historiennes et les historiens de métier qui, s’emparant joyeusement de leur objet, peuvent le rendre partageable, pourvu qu’ils acceptent simplement, frontalement, de dire comment ça se fait, l’histoire. Ainsi peut-on produire, du même ton, la narration d’une intrigue, le récit d’une méthode et la relation d’une enquête. On l’aura compris, ces deux constats militent pour donner à voir, à la télévision publique, le spectacle d’une parole qui s’énonce, en prenant le parti de la diversité contre la tendance à la monopolisation du discours. Il y a donc, à l’écran des historiennes et des historiens, qui prennent le risque de donner à voir ce qu’ils font quand ils transforment un objet en objet d’histoire- ce n’est que cela, mais c’est tout cela », a écrit Patrick Boucheron.
« Ce nouveau rendez-vous d'histoire proposé par Patrick Boucheron aborde l'histoire par le prisme des objets. Chaque semaine, des historiennes et des historiens nous racontent la destinée d'un objet, associant récit et analyse. Tout peut « faire l'histoire » : objets en série, génériques, objets uniques, fétiches, matériaux et documents. »
« Dans ce numéro : à partir de l'étoile jaune imposée aux juifs pendant la Seconde Guerre mondiale, une enquête sur l'infamie à travers l’espace et le temps. »
L'étoile de David, étoile à six branches ou hexagramme, est une figure à visée décorative utilisée en Asie. Elle est associée au Judaïsme dès l'Antiquité et dessinée sur des synagogues, des pierres tombales...
Dans l'Antiquité, le jaune est connoté positivement : cette couleur est liée à la lumière, à la chaleur. à l'abondance et à la richesse. Associé à des rites religieux ou évènements (mariages) par les Grecs et la République romaine, le jaune demeure prisé des Celtes et Germains. Les vitraux recourent à l'or pour exprimer la lumière divine.
Aux défaites des Croisés, l'Occident chrétien médiéval réagit en cherchant un bouc-émissaire : un être perçu comme traitre et stigmatisé par la couleur jaune.
"Dire à quelqu'un qu'il a le teint jaune, le teint cireux, c'est rarement flatteur… C'est la couleur du vieillissement et du déclin. La médecine, occupe une place très importante dans la symbolique des couleurs à la fin du Moyen-Âge et au début de l'époque moderne... Les péchés capitaux reçoivent leur couleur à partir du troisième siècle et jusqu'au XVIIème siècle. Le jaune, c'est l'envie et parfois l'avarice (qui peut être verte aussi). Le rouge, c'est la colère, l'orgueil, la luxure et le blanc, c'est la paresse", a expliqué l'historien Michel Pastoureau sur France Inter.
Et Michel Pastoureau d'analyser : "A partir du moment où le jaune est une mauvaise couleur, sur laquelle se greffent les idées de félonie, cela devient la couleur du mensonge et de la trahison. Judas, l'apôtre félon, on lui donne dans l'iconographie, évidemment des vêtements jaunes et on lui associe des cheveux roux. Ce sont deux attributs iconographiques négatifs qui vont durer plusieurs siècles. Dans la même idée, les traîtres à une cause, sont des jaunes, tout comme les ouvriers roulés par le patronat. Cela date des grandes grèves de la fin du XIXème siècle et cela a perduré par la suite".
« Faire l’histoire de l’étoile jaune, dont le port est imposé aux personnes d’origine juive durant la Seconde Guerre mondiale dans toute l’Europe, c’est faire l’histoire de l’infamie de ceux qui l’imposent et ceux qui la subissent ». Et aussi en Tunisie... Mais ce fait, les historiens ont mis plus d'un demi-siècle à le reconnaître.
« À travers diverses archives et témoignages, Claire Zalc, spécialiste de l’histoire sociale de la Shoah, reconstitue pour nous le travail d’enquête que suppose une histoire, malgré tout possible, de l’infamie. »
En "terre d'islam", les dhimmis étaient contraints dès le Moyen-âge, de porter des vêtements et couleurs distinctes de ceux réservés aux musulmans. Une manière de les désigner comme tels, donc comme victimes potentielles de toutes les agressions, de les contrôler et de les humilier. Parmi ces signes visuels : un tissu de forme circulaire et de couleur jaune, devant être posée sur les vêtements.
L'Occident médiéval chrétien s'inspire de cette infamie pour imposer la rouelle (4e Concile de Latran, 1215).
« L'étoile jaune, un signe d'infamie » de Tamara Erde, Jean-Dominique Ferrucci et Adrien Genoudet
France, 2021, 17 min
Magazine présenté par Patrick Boucheron et conçu avec Yann Potin, en collaboration avec Adrien Genoudet et Clément Fabre
Coproduction : ARTE France, Les Films d’Ici
Sur Arte le 29 janvier 2022 à 18 h 15
Sur arte.tv du 22/01/2022 au 08/05/2026
Visuel : © Les Films d'Ici
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