Citations

« Le goût de la vérité n’empêche pas la prise de parti. » (Albert Camus)
« La lucidité est la blessure la plus rapprochée du Soleil. » (René Char).
« Il faut commencer par le commencement, et le commencement de tout est le courage. » (Vladimir Jankélévitch)
« Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort. Il est de porter la plume dans la plaie. » (Albert Londres)
« Le plus difficile n'est pas de dire ce que l'on voit, mais d'accepter de voir ce que l'on voit. » (Charles Péguy)

lundi 10 janvier 2022

Chagall. Le passeur de lumière

Le musée national Marc Chagall présente l’exposition « Chagall. Le passeur de lumière ». 
Durant environ trois décennies, en collaborant avec les maîtres-verriers rémois Brigitte Simon et Charles Marq, il a réalisé 14 projets de vitraux créés en France et à travers le monde. « Majoritairement destinées à des architectures religieuses », ces œuvres à la « technique exigeante » ont imposé Marc Chagall en « acteur majeur du renouvellement de l’Art sacré. S’adaptant avec subtilité à des architectures existantes, imaginant une iconographie foisonnante, l’artiste entendait, par le vitrail, source de lumière, proposer des images de paix et de transcendance ».

"Pour moi, un vitrail représente la cloison transparente entre mon cœur et le cœur du monde. Le vitrail est exaltant, il lui faut de la gravité, de la passion. Il doit vivre à travers la lumière perçue.
Marc Chagall (entretien avec André Verdet, Chagall méditerranéen, Paris, 1984

« Conçue en partenariat avec le Centre Pompidou-Metz, l’exposition Marc Chagall, le passeur de lumière explore l’importance de la lumière et du vitrail dans l’œuvre de l’artiste. Au terme de près de 30 ans de création de vitraux, ces mots de Chagall condensent le rôle que l’artiste assignait à l’art du vitrail : porter à l’humanité un message de spiritualité et de lumière intérieure. »

« Aujourd’hui 15 édifices, disséminés en France et à travers le monde, portent fièrement en leur sein, les réalisations de l’artiste. Par ses créations, Marc Chagall entendait proposer à ses contemporains et aux générations futures des images de paix et de transcendance. Celles-ci, riches d’une iconographie foisonnante, sont admirablement soutenues par la force émotionnelle de ses couleurs et par les reflets changeants de la luminosité extérieure. »

« En pleine maîtrise de ses moyens, Chagall a mis tout son talent de coloriste et de créateur d’images au service de cette technique exigeante. La grande majorité de ses fenêtres, créées dans les ateliers rémois du maître verrier Simon-Marq, ont été fabriquées dans la tradition d’un savoir-faire ancestral, pratiqué avec inventivité par Chagall et ses complices et amis, Charles Marq et Brigitte Simon. La touche finale, constituée des multiples rehauts de grisaille que Chagall apposait sur le vitrail pour faire vibrer la matière, nous offre toute la liberté et générosité de la main de l’artiste. En retour, le vitrail lui a permis de transcender les limites matérielles de la peinture en inscrivant les reflets changeants de la lumière comme une composante intrinsèque de l’œuvre. »

« L’exposition de Nice permettra de mettre à l’honneur deux pièces exceptionnelles conservées au musée national Marc Chagall : la maquette de la Rose pour la cathédrale de Metz et les vitraux de La Création du Monde, imaginés pour la salle de concert du musée. En ce lieu d’exception, les visiteurs auront le privilège de découvrir les vitraux éclairés de mille feux dans la lumière du matin puis de revenir le soir se laisser emporter par la musique dans la salle de concert. »

Le Commissariat d'exposition est assuré par Anne Dopffer, commissaire générale, conservatrice générale du patrimoine, directrice des musées nationaux du XXe siècle des Alpes-Maritimes.


« Le vitrail est exaltant, il lui faut de la gravité, de la passion. Il doit vivre à travers la lumière perçue. »
Marc Chagall (Entretien avec André Verdet, Chagall méditerranéen, Paris, 1984)

« Après la Seconde Guerre mondiale, Marc Chagall, rentré de son exil américain, s’installe à Vence dans le Sud de la France. Une nouvelle période s’ouvre pour le peintre qui reçoit de nombreuses commandes d’oeuvres monumentales et explore différentes techniques. Parmi celles-ci, le vitrail occupe une place particulière. Pendant près de trente ans – du début des années cinquante à son décès en 1985 – Chagall a mis tout son talent de coloriste et de créateur d’images au service de cette technique exigeante. Travaillant en étroite collaboration avec les maîtres-verriers rémois Brigitte Simon et Charles Marq, il a réalisé avec eux 14 des 15 projets de vitraux créés en France et à travers le monde. »

« Ces réalisations, majoritairement destinées à des architectures religieuses, ont fait de Marc Chagall un acteur majeur du renouvellement de l’Art sacré. S’adaptant avec subtilité à des architectures existantes, imaginant une iconographie foisonnante, l’artiste entendait, par le vitrail, source de lumière, proposer des images de paix et de transcendance. »

« L’exposition revient sur l’ensemble de ses projets en montrant les multiples dessins préparatoires de l’artiste, en évoquant les circonstances dans lesquelles les commandes ont été passées et le dialogue que l’artiste a entretenu avec les commanditaires sur les choix iconographiques. Ces fenêtres, enrichies par les touches de grisaille apposées par le geste de peintre de Chagall, admirablement soutenues par la force émotionnelle de ses couleurs et animées par les reflets changeants de la lumière extérieure, continuent de porter à l’humanité un message de spiritualité et de lumière intérieure. »

« Sélection de vitraux réalisés par Marc Chagall »

« Vitraux d’architecture religieuse »
« Le baptistère de l’église Notre-Dame-de-Toute-Grâce, Le Plateau-d’Assy
1956-1957
« En 1948, le père Couturier propose à Chagall la décoration du baptistère de l’église du Plateau-d’Assy. L’artiste y travaille jusqu’en 1957 et conçoit un programme décoratif mettant en oeuvre plusieurs techniques. L’idée première de Chagall est de couvrir les murs du baptistère de peintures, mais son installation à Vence, en 1950, et l’apprentissage de la céramique le conduisent à proposer un grand panneau de céramique sur le thème de la traversée de la mer Rouge, considéré depuis les premiers temps du christianisme comme préfigurant le baptême. Au bas de celui-ci, L’artiste inscrit : « Au nom de la liberté de toutes les religions ».
« Il orne les fenêtres de deux vitraux clairs représentant deux anges qui semblent descendre vers les fonds baptismaux. L’un représente l’huile des onctions, l’autre un chandelier à sept branches, là où le chanoine Devémy proposait le motif du cierge du baptême. Il conçoit également une paire de bas-reliefs en marbre inspirés de deux psaumes. »

L’abbaye Saint-Pierre, Moissac
1962
« À partir de 1962, l’architecte en chef des Monuments Historiques Robert Renard est chargé du secteur de Moissac, célèbre pour son abbaye romane. Entre la chapelle de l’église et une galerie du cloître se trouve une étroite ouverture, que Renard décide en 1972 de combler par un vitrail que lui avait offert Chagall. Il a été réalisé dans un verre plaqué jaune sur blanc gravé à l’acide de façon à faire apparaître le blanc et suggérer une gerbe végétale le long du plomb vertical. Un léger jus de grisaille a ensuite été apposé et ôté par endroits, ainsi que des touches plus denses pour figurer les traits du visage de la végétation. »

La synagogue de l’hôpital Hadassah, Jérusalem
1960-1962
« En 1958, Chagall est sollicité par Miriam Freund, présidente de l’association Hadassah, organisation de femmes sionistes américaines développant des équipements sanitaires en Palestine. Elle souhaite l’inviter à réaliser des vitraux pour la future synagogue de l’hôpital Hadassah, à Jérusalem. L’architecte, Joseph Neufeld, préconise de confier les vitraux des douze fenêtres du lanternon « à un artiste imaginatif – ancré dans la tradition juive ». Il suggère « l’adaptation d’un travail fondé sur les symboles des douze tribus d’Israël ». Chagall accepte et accède également à la demande de privilégier les lettres hébraïques, les fleurs, les animaux et les symboles du judaïsme, afin d’éviter toute figure humaine, en vertu du deuxième commandement, interdisant la représentation du Créateur comme de la Création pour lutter contre l’idolâtrie. »
« À travers ses nombreuses maquettes préparatoires, il fait fusionner des formes et des couleurs tendant à l’abstraction et inspirées du fauvisme, du cubisme, du suprématisme avec une libre utilisation d’éléments empruntés aux ornements traditionnels juifs et à sa propre mémoire visuelle. Les vitraux sont exposés entre 1961 et 1962 dans un pavillon attenant au musée des Arts décoratifs de Paris, puis au Museum of Modern Art de New York. Ils connaissent un immense succès et plusieurs commandes de vitraux en découleront. »

La cathédrale Saint-Etienne de Metz
1958-1968
« Chargés de la restauration de la cathédrale de Metz après la Seconde Guerre mondiale, l’architecte en chef des Monuments historiques, Robert Renard, et son élève architecte Jean Dedieu sont convaincus de l’intérêt d’associer de grands artistes à cette tâche et sollicitent plusieurs peintres pour y réaliser des vitraux. Jacques Villon dessine ceux de la chapelle latérale du Saint-Sacrement entre 1954 et 1957, Roger Bissière ceux de deux baies de la nef entre 1956 et 1959 et Chagall est approché dès 1956 pour les deux baies du déambulatoire. La première, le vitrail « blessé », comme le surnomme l’artiste car elle n’a que trois de ses lancettes, est achevée en 1960, la deuxième en 1962. Suivront la baie du transept nord - y compris la rose gothique dont un vitrail d’essai est conservé au musée national Marc Chagall, terminée en 1964, puis deux longs vitraux dans le triforium, en 1968. »
« Robert Renard n’a pas demandé l’avis de sa hiérarchie avant de commander au peintre les maquettes de ces vitraux. Au sein de la Commission supérieure des monuments historiques chargée de se prononcer, le débat est vif au sujet de la faisabilité technique, de l’intégration à l’édifice et du caractère moderne de la composition. »
« Il faudra l’intervention du ministre des Affaires culturelles, André Malraux, pour que le projet soit réalisé. »

La cathédrale de Reims
1973-1974
« À la fin des années 1960, la Fédération du Bâtiment et des Travaux publics de la région Champagne-Ardenne, encouragée par la Société des Amis de la cathédrale de Reims, qui promeut la renaissance du mécénat privé dans la région, commande à Chagall des vitraux. La Société des Amis promet d’emblée la chapelle d’axe, ce qui contrarie l’inspecteur général des Monuments Historiques en charge du dossier. Après intervention du ministre de la Culture, Jacques Duhamel, l’emplacement est entériné. Chagall y installe une iconographie foisonnante juxtaposant l’Arbre de Jessé (à gauche), une crucifixion dans la perspective centrale et les rois de France (à droite). »
« L’inauguration a lieu en 1974. »

La cathédrale Holy Trinity de Chichester
1978
« Séduit par les vitraux de la synagogue de l’hôpital Hadassah, qu’il découvre lors de leur exposition à Paris en 1961, le doyen Walter Hussey demande à Chagall de réaliser un vitrail pour la cathédrale anglicane. Il lui suggère d’illustrer le Psaume 150, dédié à la louange de Dieu par les Arts, à partir duquel l’artiste imagine un vitrail où se déploient des figures de musiciens sonnant le cor ou jouant des cymbales, deux instruments cités dans le psaume. Les personnages mènent à la figure de David, roi poète muni de sa lyre et supposé rédacteur de ce chant. En partie inférieure gauche, Chagall se représente, violon dans une main et pinceau dans l’autre. »

L’église All Saints’Church, Tudeley
1967-1974-1978
« Au début des années soixante, avec la médiatisation de ses projets de vitraux, Chagall commence à recevoir des commandes de vitraux émanant de familles endeuillées qui souhaitaient rendre hommage à un proche disparu. En Angleterre, c’est le couple sir Henry et lady d’Avigdor-Goldsmid qui sollicite l’artiste pour réaliser, dans la petite église du village de Tudeley (Kent) des vitraux en mémoire de leur fille Sarah, morte en mer en 1963, et qui avait pu admirer deux ans auparavant dans une exposition, à Paris, les baies créées par Chagall pour la synagogue de l’hôpital Hadassah. Inauguré en 1967, ce grand vitrail fut complété par des fenêtres latérales (1968-1969) et les fenêtres du choeur posées en 1985 seulement. »

Pocantico Hills, Union Church
1963-1966
« Les premières commandes faites à Chagall suscitent aussi l’intérêt de familles qui, le découvrant créateur de vitraux, lui proposent de travailler dans des lieux auxquels elles sont attachées. La première commande de ce type émane de la famille Rockefeller, qui a contribué par son mécénat à l’édification et à l’ornement d’une chapelle proche de leur résidence familiale de Pocantico Hills, près de New York. En 1954, Henri Matisse y réalise un vitrail – une rosace en hommage à la mécène Abby Aldrich Rockefeller. Son fils, David Rockefeller commande, en 1962, à Chagall un premier grand vitrail à la mémoire de son père – Le Bon Samaritain - et huit autres suivent, déployant dans la nef les figures de chérubins, de prophètes et une crucifixion dans des couleurs subtiles. »

Vitraux, symboles de paix
Eglise du Fraumünster, Zurich
1969-1978
« En 1960, les travaux de restauration du choeur médiéval de l’église réformée du Fraumünster font émerger l’idée de doter de vitraux colorés ses cinq fenêtres étroites.
Après un concours déclaré infructueux, Peter Vogelsanger, le pasteur de l’église, fait appel à Chagall, dont il a admiré le travail, et en particulier les vitraux de la synagogue de Hadassah, dans une rétrospective au Kunsthaus de Zurich en 1967. Les vitraux sont inaugurés en 1970. Six ans plus tard, l’artiste accepte de réaliser la rosace du transept sud ; celle-ci, imaginée dans des dominantes bleues, est achevée en 1978. »

Eglise Saint-Etienne de Mayence
1977-1984
« En 1976, le prêtre de l’église Saint-Étienne Klaus Mayer, soutenu par les plus hautes autorités ecclésiastiques et politiques et par Valentina Chagall, l’épouse du peintre, parvient à convaincre Chagall de réaliser des vitraux à Mayence, considérablement détruite lors de la Seconde Guerre mondiale. Cette initiative est investie d’une forte charge symbolique, dans une Allemagne en quête de réconciliation judéo-chrétienne et franco-allemande. Chagall a vécu à Berlin entre 1922 et 1923. Présent dans les grandes expositions d’avant-garde allemande au début du siècle, il est taxé de « bolchevisme » et ses oeuvres sont détruites dans un autodafé organisé par les nazis en 1933, qui le relègue au rang d’« artiste dégénéré ». Malgré son refus de se rendre en Allemagne après la Shoah, sa consécration y est portée par de nombreuses expositions et couronnée par la commande monumentale des vitraux de Mayence. »
« Cette dernière s’accomplit en plusieurs étapes, entre 1976 et 1984. »

La chapelle des Cordeliers, Sarrebourg
1976-1978
« Le vitrail de La Paix est installé en 1976, sous l’impulsion de Robert Renard et Pierre Messmer, maire de la ville. Haut de douze mètres, il remplit la totalité de l’arcade occidentale de l’édifice. Au milieu de l’arbre-bouquet monumental, qui prend naissance dans une représentation de la ville de Sarrebourg et s’épanouit dans le ciel, se détache la vision paradisiaque d’Adam et Ève. »
« Autour de l’arbre sont figurées les scènes de l’entrée du Christ à Jérusalem, David jouant de la lyre, Abraham et les trois anges, la Crucifixion, un prophète entouré de ses disciples et la prophétie d’Isaïe annonçant la réconciliation de toutes les créatures. Les quatre vitraux latéraux, la rosace et les trois vitraux de la tribune, dont les buissons, rameaux de feuillage et anges évoquent la paix, sont posés en 1978. »

L’Organisation des Nations Unies, New-York
1963-1964
« Le 18 septembre 1961, Dag Hammarskjöld, secrétaire général de l’Organisation des Nations unies, meurt dans le crash de l’avion qui le menait au Congo pour entreprendre des négociations de paix. Il reçoit le prix Nobel de la paix à titre posthume et le comité du mémorial de l’ONU décide de solliciter Chagall, dont Hammarskjöld affectionnait tout particulièrement l’oeuvre, pour qu’il réalise un vitrail lui rendant hommage. Dans une lettre au directeur du comité, l’artiste décrit la maquette “Du côté gauche, il y a la maternité et le signe d’autres sacrifices pour l’idéal et la justice. Plus haut, à gauche, il y a les défenseurs de la paix et les martyrs. Pour inspirer le recueillement […], le bleu est la tonalité générale du futur vitrail. » Lors de l’inauguration de l’oeuvre, l’artiste insiste sur le caractère central de la vision d’Isaïe des créatures réconciliées, « cette légende prophétique de la Paix », à la fois « poétique et d’une importance mondiale », déjà illustrée par Chagall dans ses dernières gravures pour la Bible. »

Vitraux muséaux
L'Art Institute de Chicago
1976-1977
« En 1973, à l’occasion du projet d’extension de l’Art Institute de Chicago, l’Auxiliary Board (comité auxiliaire composé de mécènes) du musée souhaite financer une galerie entièrement dédiée à Chagall, haute de plafond et donnant sur le jardin. L’artiste propose d’y concevoir un vitrail. Les commanditaires émettent quelques souhaits, notamment un fond bleu brillant associé à des touches de jaune d’or qui pourrait convenir au temps souvent gris de Chicago. »
« Pour l’iconographie, on suggère à Chagall d’imaginer un vitrail représentant les États-Unis qui coïnciderait avec la célébration de leur bicentenaire. Ces America Windows contiendraient trois thèmes principaux : « les joyaux naturels du pays, la prière à Dieu, le sentiment national de fraternité universelle ». Chagall imagine plutôt, pour cette commande destinée à un musée, un vitrail tripartite consacré aux arts qui est inauguré en 1977. »
« En 2010, les America Windows sont déplacées dans une nouvelle aile de l’Art Institute. »

Chapelle du Saillant, Voutezac
1978-1979, 1982
« La chapelle du Saillant, en Corrèze, adossée au domaine du château dont elle dépendait à l’origine, est construite entre 1620 et 1624 par Jean II de Lasteyrie, vicomte du Saillant, puis rattachée en 1907 au domaine public de la commune. En 1970, Guy de Lasteyrie du Saillant rachète le château ; il est à l’initiative de la restauration de la chapelle. »
« Les vitraux, réalisés par Chagall à la cathédrale de Reims et au musée national du Message Biblique Marc Chagall, déterminent Lasteyrie du Saillant à faire appel au peintre. Le programme, suggéré par le contexte rural de la chapelle, se prête à une interprétation religieuse : les quatre éléments peuvent évoquer la Création du monde, le blé renvoyer au pain et au vin de l’eucharistie, l’agneau au sacrifice, et le poisson à la figure du Christ. Peu colorés, ils sont animés par le dessin épuré de Chagall à la grisaille. En 1982, l’ensemble est complété par un oculus bleu au thème chagallien des bouquets. »

Le musée national Message Biblique Marc Chagall, Nice
1971-1972
« En 1973, le musée du Message Biblique, premier musée national consacré à un artiste vivant, ouvre ses portes à Nice. Il a été imaginé par Chagall – appuyé par André Malraux – et conçu par l’architecte André Hermant pour accueillir le Message Biblique, en germe depuis les années 1950. Douze grandes toiles constituent la salle de la Genèse et de l’Exode, et cinq autres, plus petites, celle du Cantique des Cantiques. Chagall, mélomane, dote son musée d’une salle de concert, fait alors suffisamment exceptionnel en France pour être souligné. Il conçoit pour cette salle un ensemble de trois grands vitraux, La Création du monde, dont le sens de lecture est hébraïque, de droite à gauche. Le premier, le plus large, correspond à la création des Éléments et rassemble les quatre premiers jours de la Genèse ; le deuxième se rapporte à celle des Espèces et condense les deux jours suivants ; le dernier renvoie au septième jour, Le Repos du créateur. »
« Chagall donne à sa Genèse un rythme en faisant varier les dimensions des vitraux et des intervalles qui les séparent. Dans la salle de concert du musée national Marc Chagall, ce sont à la fois la création du monde et la création musicale qui sont célébrées. »

« Dans la fabrique de la lumière »

« La création d’un vitrail est un processus complexe de transposition progressive de la maquette dessinée sur papier vers un matériau aux propriétés très différentes : le verre. Le maître-verrier qui accompagne l’artiste joue un rôle crucial à toutes les étapes. »

« Le premier vitrail de Chagall, celui de l’église du Plateau-d’Assy (1957), est réalisé par l’atelier parisien de Paul Bony mais dès 1957, l’artiste travaille avec l’atelier Simon-Marq de Reims dont l’existence connue remonte à 1640. Depuis le XIXe siècle, l’atelier s’illustre dans l’étude et la restauration des vitraux de la cathédrale Notre-Dame de Reims. À partir de 1949, Brigitte Simon (1923-2006), peintre-verrier formé dans l’atelier familial, et son époux, Charles Marq (1923-2006), ancien étudiant en philosophie, dirigent l’atelier. En 1956, leur souhait de travailler avec des artistes vivants se concrétise lorsque Robert Renard, architecte en chef des Monuments historiques, les sollicite pour exécuter les vitraux de Jacques Villon, de Roger Bissière puis de Marc Chagall à la cathédrale de Metz. »

« Au cours de cette première collaboration, Chagall découvre leurs compétences héritées d’un savoir-faire ancestral mais également la sensibilité artistique qui leur permet « d’inventer à chaque instant ». L’amitié et la confiance qui s’établissent entre eux permettra la réalisation de tous les autres projets de Marc Chagall y compris le vitrail de La Création du monde pour le musée national Marc Chagall, dont Charles Marq fut le premier conservateur. »

« La maquette de l’artiste
Avant d’aboutir à une maquette définitive, Marc Chagall réalise de nombreux dessins préparatoires dans de multiples techniques : dessins au crayon ou à l’encre pour mettre en place le sujet représenté dans le cadre de la fenêtre préexistante ; recherches de couleurs – à la gouache, à l’aquarelle ou par des collages utilisant des morceaux de tissus imprimés. Une fois la maquette terminée, l’artiste la fait approuver aux commanditaires et la confie au maître-verrier. »

« Le carton : une transposition dans le monumental
Afin de pouvoir travailler à l’échelle exacte de l’architecture monumentale, le maître-verrier crée le carton : un agrandissement de la maquette de l’artiste – qui peut être un dessin ou une reproduction photographique – sur lequel il place un calque afin de tracer les futurs chemins de plomb. Ceux-ci dessinent la forme de chaque pièce de verre et donnent un mouvement général. Sur le carton sont ensuite indiquées les couleurs et nuances proposées pour chaque pièce de verre. »

« La palette du maître-verrier
Il appartient au maître verrier de proposer les nuances des verres colorés qui vont restituer – tout en les interprétant –l’intention de l’artiste. Brigitte Simon et Charles Marq se fournissaient en verre coloré à la célèbre verrerie de Saint-Just-en-Rambert (Loire). Celle-ci a créé près de mille nouvelles nuances de couleurs pour Chagall. La fabrique proposait des verres doublés, dit aussi verres plaqués, comprenant deux teintes superposées : des nuances pouvaient ainsi être apportées en gravant à l’acide la couche plaquée pour faire apparaître l’autre couche. »

« La mise au plomb
Une fois les verres colorés choisis, ils doivent être coupés suivant la forme précise dessinée dans le carton. Le maître-verrier reporte la forme de chaque pièce de ce grand puzzle sur un gabarit en carton, appelé calibre, qui va lui permettre de découper chaque morceau de verre avec une roulette. Une fois la pièce de verre découpée, sa forme est précisée avec une pince à gruger puis sertie dans le chemin de plomb, un profil en forme de H, qui maintient les pièces entre elles. Plus tard, l’ensemble est rigidifié par des traverses en fer, appelées les barlotières. »

« La grisaille, touche finale
Pour préciser son dessin en ajoutant des détails, Chagall aimait travailler sur la matière brute du verre en la rehaussant de grisaille ou de jaune d’argent. Le vitrail était donc monté provisoirement en atelier afin que l’artiste, retrouvant son geste de peintre puisse faire vibrer la surface colorée par ajout de petites touches de grisaille, ou par enlèvement. Après cette étape, le vitrail était démonté – chaque pièce recuite pour fixer la grisaille – puis remonté pour être définitivement installé dans son architecture. »

« La polysémie des images religieuses de Marc Chagall »

« Au contraire de l'art religieux le plus traditionnel, où les représentations dérivent d’un texte ou d’une tradition iconographique, Marc Chagall met en place des combinaisons symboliques très personnelles. Pour les vitraux des édifices chrétiens, il s’inspire de son oeuvre sculpté et peint, en particulier les grandes peintures bibliques réalisées après son installation à Vence. Ces dernières sont elles-mêmes inspirées par les cent cinq gravures, créées par l'artiste entre 1930 et 1956 pour illustrer la Bible. Pour ses vitraux, Chagall utilise ce réservoir de formes et de sujets qu’il combine habilement avec les demandes des commanditaires ou l’histoire du lieu. »

« Familier des patriarches, des rois et des prophètes qui peuplaient les histoires et les rituels des fêtes juives de son enfance, Chagall voit dans la Bible « la plus grande source de poésie de tous les temps », propice au rêve et aux visions surnaturelles davantage qu'à l'expression de dogmes. »

« Dans les peintures et les sculptures comme dans les vitraux, la Bible est rêvée plutôt qu'illustrée, et Chagall fait preuve de liberté dans son maniement des sujets. Pour représenter les hommes et les femmes de la Bible, l'artiste puise aussi dans sa mémoire, donnant corps et expression aux modestes habitants des petites villes juives d'Europe de l'Est, loin de toute idéalisation. »

« La libre appropriation des thèmes bibliques par le peintre traduit aussi de profondes inquiétudes sur le temps historique qui est le sien : la Crucifixion, présente dans de nombreux vitraux, est à la fois un symbole chrétien et celui du martyre de tous les juifs. »

« Dans la commande pour la synagogue de Hadassah, Marc Chagall, confronté au second commandement qui interdit la figuration, réinvente pour chaque tribu d’Israël, un vocabulaire nouveau composé d’animaux, de symboles, de lettres et de formes abstraites. »

Extraits du catalogue Chagall, le passeur de lumière
éditions du Centre Pompidou-Metz, 2020.

« Polysémie et symbolique des vitraux. Questions
d’interprétation
par Dominique Jarrassé
[…] Chagall s’adonne prioritairement à une iconographie de l’Ancien Testament – ce sont ses mots – privilégiant, d’une part, les étapes de l’histoire de l’Humanité (Création, Adam et Ève, Noé…) et la vocation du peuple juif (patriarches, Moïse, David), d’autre part, les figures de prophète, aux allures de vieux sages juifs de son shtetl natal. Mais Chagall entremêle sciemment « Ancien » et « Nouveau » : la parabole du Bon Samaritain, de l’Union Church de Pocantico Hills (État de New York), semble en faire un prophète comme Élie, qui lui-même ressemble à Jésus ; elle eût pu se dérouler au temps d’Isaïe. Réancre-t-il le « Nouveau » dans l’« Ancien » ? Les prophètes l’inspirent au point que dans un édifice « laïc », le siège de l’ONU, à New York, il délivre un message de paix en s’appuyant sur la vision d’Isaïe (9, 1-6) et insère une Crucifixion. Qu’il s’agisse de la synagogue de Jérusalem, qui recourt à un sujet rare1, ou des églises, le contexte des vitraux joue donc un rôle déterminant dans leur lecture.
Ils semblent pris entre midrach, ou interprétation juive, et lecture typologique chrétienne.
Si les « images » de Chagall, aux iconographies globalement identifiables, puisque reliées au Texte, et parfois plurivoques, sont oeuvres d’art et non simples illustrations, c’est bien parce qu’elles relèvent d’un mode d’expression personnel, puisant dans le symbolisme traditionnel certes, pas exclusivement toutefois. Chagall introduit ses signes iconiques et plastiques au gré d’un discours qu’il serait réducteur d’interpréter à la lueur d’une seule tradition. Il se voulait un passeur, mais tant ses oeuvres que lui-même sont fréquemment victimes d’une assignation identitaire, c’est-à-dire des lectures essentialistes et univoques portées par les deux « communautés » impliquées, pas toujours respectueuses de son projet. Il eut l’espoir de les réunir à travers un message oecuménique construit sur leur source commune, la Bible, car il refusait par-dessus tout la ghettoïsation au nom de la liberté artistique et des valeurs humanistes portées par le judaïsme. […]
1. Les douze tribus, thème rare dans les églises malgré le potentiel symbolique du chiffre douze et des apôtres ; dans les synagogues, il explicite la diversité dans l’unité du peuple juif. À Jérusalem, une décennie après la renaissance d’un État juif, cette iconographie, choisie pour son adéquation au cadre géographique, comporte une dimension sioniste, les tribus à nouveau rassemblées sur cette Terre promise, perdue et retrouvée. »

« Les vitraux de Chagall au prisme du renouveau de l’art sacré
par Elia Biezunski
[…] Simultanément à la construction d’édifices modernes, de grands chantiers de restauration avaient été entrepris dès l’entre-deux-guerres, suscitant de nombreuses commandes de vitraux. Jean Verrier, inspecteur général des Monuments historiques, cite « Barillet, J.-J. Gruber, J. Simon, Hébert-Stevens, Le Chevallier, Labouret, Max Ingrand, Rinuy, le père Couturier, Mazetier » parmi les principaux acteurs de cette première reconstruction. Leurs vitraux abandonnent « tout pastiche, ne cherchant aucunement à imiter des tableaux, […] inspirés par les trouvailles de la peinture contemporaine, tout en restant fermement attachés aux obligations techniques de l’art du verre » 27. Les douze verrières conçues par les Ateliers d’art sacré pour la nef de Notre-Dame de Paris s’inscrivent dans cette démarche. Elles sont exposées dans le pavillon pontifical de l’Exposition internationale des Arts et des Techniques dans la vie moderne de 1937 et déclenchent une vive polémique, mettant en cause l’intégration de vitraux modernes dans un édifice ancien. Les vitraux ne sont finalement pas installés dans la nef de Notre-Dame mais la question d’un renouveau du vitrail dans les monuments historiques, qui ne se limite pas à un simple accompagnement de l’architecture, est désormais clairement posée.
Interrompu par la Seconde Guerre mondiale, le débat fut relancé à partir des années 1950 par les commandes passées à des artistes modernes pour remplacer les vitraux détruits parce qu’ils n’avaient pas été déposés pour être sauvegardés. Alfred Manessier est le premier peintre français à réaliser des vitraux modernes dans un édifice ancien non classé, invité en 1948 à intervenir dans l’église du xviii e siècle des Bréseux, dans le Doubs, à l’initiative de François Mathey, inspecteur des Monuments historiques, et du chanoine Ledeur. Il y introduit l’art abstrait, nouveauté pour l’Église en France, habituée à un art figuratif et attachée à la portée catéchistique et apologétique de l’art sacré.
[…] Au cours de la seconde moitié du XXe siècle, l’abstraction s’impose progressivement dans le paysage du vitrail et les réalisations figuratives de Chagall y font bientôt exception. Pourtant, la dimension phénoménologique du vitrail, comme lieu de l’expression du surnaturel, semble primer dans la définition qu’il en donne : « une chose mystique qui passe par la fenêtre30 », ou encore, insistant sur sa dimension métaphorique : « Ce n’est pas une littérature que vous devez transporter, ce n’est même pas une poésie, c’est plus que cela. […]. C’est une coloration, un monde, un autre monde qui n’est pas un monde de tableau 31. »
L’artiste s’est par ailleurs expliqué sur son rapport à la figuration et à l’abstraction, mettant en garde ceux qui s’en tiendraient à une analyse de l’iconographie de ses oeuvres au détriment de leur construction plastique : « Dans un tableau une vache et une femme sont pour moi une seule et même chose – des éléments de composition. Par l’usage que je fais des éléments picturaux je me sens plus “abstrait” que Mondrian ou que Kandinsky. “Abstrait” non au sens où ma peinture ne rappelle pas la réalité. […] Par “abstrait”, j’entends quelque chose qui vient à la vie spontanément à travers toute une palette de contrastes, à la fois plastiques et psychiques, une conception d’éléments nouveaux et non familiers qui envahissent aussi bien le tableau que l’oeil du spectateur 32.
27 Jean Verrier, « Restauration et mise en valeur », in Le Vitrail français, op. cit. à la note 6, p. 86.
30 Marc Chagall cité par Pierre Cabanne, « Chagall rend à la lumière sa liberté », in Chagall, vitraux pour Jérusalem, cat. exp., 16 juin-30 septembre 1961, Paris, Musée des Arts décoratifs, 1961, p. 44.
31 « Marc Chagall : 3 ème partie », op. cit. à la note 1.
32 Chagall cité par James Johnson Sweeney, « An Interview with Marc Chagall », Partisan Review, vol. 11, n o 1, hiver 1944, p. 88-93, repr. Par Benjamin
Harshav, « Les vitraux de Jérusalem à la lumière de la poétique chagallienne », in Marc Chagall. Hadassah, de l’esquisse au vitrail, cat. exp., Paris, musée d’art et d’histoire du Judaïsme, 30 avril-15 septembre 2002, Paris, Adam Biro et MahJ, 2002, p. 126 ; trad. Isabelle Rosenbaumas. »

« Le musée national Marc Chagall Nice
par Jean-Baptiste Delorme
En 1966, Marc Chagall fait don à l’État du Message Biblique, un cycle de dix-sept peintures entamé dans les années 1950 et destiné à l’origine à orner la chapelle majeure du Calvaire de Vence 1. La donation stipule qu’un lieu doit être construit spécialement pour accueillir les œuvres. À la suite de la cession par la Ville de Nice du terrain de l’Olivetto, sur la colline de Cimiez 2, l’architecte André Hermant (1908-1978) est sélectionné pour édifier ce qui est appelé à devenir le musée national Message Biblique Marc Chagall. Le musée, première institution nationale française dédiée à un artiste vivant, est pensé en étroite collaboration avec Marc Chagall, qui envisage l’endroit non pas comme un musée monographique mais comme un lieu à vocation spirituelle, œcuménique et fraternelle. Contribuant à la vitalité du site, loin de tout mausolée, le programme intègre aux deux extrémités du bâtiment une bibliothèque et un auditorium, deux équipements qui reflètent par ailleurs la modernisation des institutions muséales de l’ère malrucienne3.
Outre les oeuvres qui font l’objet d’une donation, l’artiste souhaite produire un ensemble d’ouvrages reflétant la diversité des techniques qu’il explore depuis l’après-guerre : une tapisserie, tissée par le Mobilier national, est conçue pour le hall d’entrée ; une mosaïque murale est exécutée au-dessus d’un bassin d’eau avec le mosaïste Lino Melano ; et un ensemble de trois vitraux monumentaux est créé avec Charles Marq pour l’auditorium4. C’est le maître-verrier qui soumet, dès 1963, alors que le projet de musée est déjà en germe, l’idée d’une salle accueillant une suite de vitraux autour de la Création du monde, un sujet « biblique mais [qui] déborde les limites d’une religion donnée puisqu’il les relie toutes5 ». Cette proposition refait surface en avril 1967 dans une lettre de Chagall à Charles Marq : « En ce qui concerne l’idée des fenêtres, je crois que ce ne serait pas mal. Bien sûr, il ne faut pas de fenêtres trop larges qui feraient trop décoratif et feraient concurrence aux tableaux bibliques.
D’autre part, il faudrait essayer d’éviter les choses trop étroites, trop gothiques. Qui sait, je pourrai quand même faire quelque chose. C’est à voir6. » Malgré les doutes caractéristiques du peintre, le projet se précise rapidement. Il est d’abord pensé « pour la grande entrée à l’exposition du Message Biblique7, avant de se déplacer dans l’auditorium. Après un projet de vitraux en fond de scène, Hermant propose, en octobre 1967, en accord avec Marq, de disposer trois vitraux de largeur décroissante en partie gauche de l’auditorium, autorisant « une plus grande liberté de composition8 ». Les trois vitraux de La Création du monde sont imaginés pour être lus de droite à gauche, selon le sens de la lecture hébraïque. Chagall y représente les sept jours de la Création, la réduction progressive des vitraux rendant compte de la durée de chaque épisode.
Dans le vitrail Les Quatre Premiers Jours, Dieu sépare la lumière des ténèbres, les eaux de la terre, puis crée les arbres fruitiers, les astres et les étoiles. L’artiste matérialise le chaos primitif par un fond bleu sombre et des formes dynamiques, la composition d’ensemble semblant faire écho à l’abstraction de Vassily Kandinsky.
La structure diagonale partant d’un cercle solaire en haut à droite est une réinterprétation d’un schéma déjà employé par Chagall pour le rideau final de La Flûte enchantée (cat. p. 125), en 1966-1967. Le vitrail Le Cinquième et le Sixième Jours correspond, lui, à la création d’Adam et Ève. Comme dans Le Paradis – toile du Message Biblique –, le couple primordial est représenté dans le jardin d’Éden, tenté par le serpent de croquer le fruit défendu. Le dernier vitrail, Le Septième Jour, est celui du repos du Créateur, d’où sa forme plus apaisée. L’azur est traversé par deux anges, qui disparaissent presque dans le vitrail de Marq, notamment à cause de la difficulté à graver les verres employés.
Dans une lettre à Chagall datée mai 1971, le maître-verrier précise : « La salle demande une lumière enveloppée, une couleur très dense : les verres plaqués sont donc très épais et les bleus outre-mer de la grande fenêtre très durs à graver9. » Hermant, en collaboration avec Marq, devenu « conservateur-contractuel10 » du musée au cours de sa construction, est très attentif au traitement de la lumière dans les espaces.
Le contraste lumineux entre l’auditorium et la galerie d’exposition temporaire, qui le précède, concourt à une théâtralisation de la découverte des vitraux par le visiteur. Ceux-ci sont orientés plein est, face au soleil levant : ils rejouent ainsi chaque matin l’émergence de la vie grâce à la lumière divine ; là où le soir un système de rétro-éclairage permet de les admirer tout en écoutant la musique qui y est jouée.
1 Pour des raisons financières et de préservation du site, ce projet est abandonné en 1955.
2 Le musée est construit à l’emplacement d’une luxueuse propriété du xix e siècle, la villa Radziwill. Les ruines de la villa et le campement de 400 travailleurs nord-africains qui se trouvait sur la propriété sont détruits en 1968.
3 La Fondation Maeght, ouverte à Saint-Paul-de-Vence en 1964, disposant d’un cinéma d’art et d’essai, d’une bibliothèque et d’une programmation musicale ambitieuse, a certainement été une source d’inspiration.
4 Si Jean Chatelain, directeur des Musées de France, tenta de faire passer les commandes de la mosaïque et des vitraux sur les crédits du service de la Création artistique, l’impossibilité de cette prise en charge amena la Direction des Musées de France à couvrir la dépense. Les agrandissements photographiques des maquettes de Marc Chagall et le tracé du chemin de plomb dessiné par Charles Marq sur différents calques pour La Création du monde sont aujourd’hui conservés par le Centre national des arts plastiques (inv. FNAC 1426-1427).
5 Lettre de Charles Marq à Marc Chagall, n. d. [1963], Paris, archives Marc et Ida Chagall.
6 Lettre de Marc Chagall à Charles Marq, 17 avril 1967, Paris, archives Marc et Ida Chagall.
7 Lettre de Marc Chagall à Charles Marq, 12 juin 1967, Paris, archives Marc et Ida Chagall.
8 Lettre d’André Hermant à Marc Chagall, 2 octobre 1967, Paris, archives Marc et Ida Chagall.
9 Lettre de Charles Marq à Marc Chagall, 21 mai 1971, Paris, archives Marc et Ida Chagall.
10 Note d’information (musée national Message Biblique Marc Chagall, 1973, Pierrefitte-sur-Seine, Archives nationales). »

« La « peinture remuante 1 ». Alchimie de la toile au vitrail
par Ambre Gauthier
[…] Ses premiers essais de vitraux, en collaboration avec Charles Marq et Brigitte Simon, en 1958, poursuivent cette quête de radiance et de justesse de la lumière, « comme si [il] marchai[t] sur un pont suspendu dans l’air, et que les années de [s]a vie, transparentes comme des nuages, s’étendaient tel un manteau lumineux, sans matérialité11 ». Son approche du vitrail, enrichie par la redécouverte des techniques ancestrales de l’art des verriers du Moyen Âge, redéfinit les contours de sa peinture et de sa création, lui insufflant une transparence et un jeu de la ligne renouvelés. Dès les fenêtres créées pour l’église Notre-Dame-de-Toute-Grâce du Plateaud’Assy12 (p. 39), en collaboration avec Paul Bony en 1956-1957, se met en place une harmonie colorée éprise de légèreté, de lumière diffuse et de subtils dégradés. Les leçons du vitrail imposent à son art une recherche de cloisonnement puis de décloisonnement formel, en suivant le contour des plombs, par le travail de la matière, des textures, qui emprisonnent puis libèrent les sujets par la dissolution, par la multiplication des touches de couleurs.
[…]
La grisaille – couleur vitrifiable appliquée au pinceau sur les vitraux qui permet de composer des dégradés et des camaïeux ainsi que de rythmer la surface du verre par une application de la matière en petites touches, à la pointe du pinceau – confère une légèreté et une limpidité nouvelles aux oeuvres de Marc Chagall, en écho aux grands lavis noir et blanc du début des années 1950. Ses explorations esquissent des allers et retours, d’un support à l’autre, du verre à la céramique, de la céramique à la toile, dans une inspiration faite de simultanéité et de transparences, où les dissolutions chromatiques ne connaissent pas de limites. Selon Charles Marq, « c’est en peintre que Chagall tend à penser et à sentir […] Chagall parle d’une piqûre violette, d’une tache verte, d’une inondation de bleu et cela est à l’image de son âme16 ». Ces gammes colorées affleurent à la surface de la toile, rythmées par des touches juxtaposées, et accentuent l’impression d’ondulations et de brumes, la création d’une matière veloutée à la lumière diffuse recherchant la fusion des contours et le décloisonnement des formes.
[…]
La technique du collage (ill. ci-dessus), à laquelle l’artiste recourt dans les années 1960 pour les maquettes préparatoires pour les vitraux de la synagogue Hadassah (1960-1962, p. 76-77) puis dans les années 1970 pour esquisser les peintures monumentales, rend compte de ce phénomène, en exposant au regard les fragments géométriques d’une vision synthétique des formes et des couleurs, à l’image du découpage et de la compartimentation des vitraux. Kaléidoscopes vibrants, les vitraux s’inscrivent dans cette création interdisciplinaire, assurant une unité et une cohésion fortes à l’oeuvre de Marc Chagall.
1 Gaston Bachelard, « La lumière des origines », Derrière le miroir, n o 44-45, mars-avril 1952, n. p.
11 Chagall, « Mémoires », Marc Chagall. Rétrospective, 1908-1985, cat. exp., 28 février-28 juin 2015, Bruxelles, Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique, Fonds Mercator, 2015, p. 17.
12 La clarté des nuances des vitraux du Plateau-d’Assy, souhaitée par Marc Chagall et attestée par une lettre adressée à Paul Bony du 27 novembre 1956, semble toutefois éloignée de la réalisation finale. L’utilisation du verre dépoli et triplé ne paraît pas correspondre aux souhaits formulés par l’artiste. Il n’en demeure pas moins que cette première expérience est déterminante dans la recherche de lumière et dans l’orientation de sa peinture dans les années 1960 et 1970.
16 Charles Marq, cité par Nathalie Hazan-Brunet, « La destinée vous oblige à entreprendre certaines sortes de travaux », in Sylvie Forestier et al., Les Vitraux de Chagall, Paris, Citadelles & Mazenod, 2016, p. 11 »

« Marcq-Chagall. Miroir d’une complicité lumineuse
par Jean-Baptiste Delorme
[…] Des nombreuses collaborations de l’après-guerre entamées par Marc Chagall avec des artisans, celle avec l’atelier Simon-Marq est certainement l’une des plus intenses et prolifiques 2. Entre 1957 et 1985, année du décès de Chagall, l’artiste et l’atelier travaillent de manière continue à des commandes de vitraux pour treize édifices différents, mus par une même exigence et un respect mutuel. Après une première courte expérience avec l’atelier Paul Bony, durant la confection de deux vitraux pour l’église Notre-Dame-de-Toute-Grâce, au Plateau d’Assy3, Chagall découvre l’atelier rémois Simon-Marq lors du chantier de la cathédrale Saint-Étienne de Metz. Cette rencontre déterminante va participer à l’évolution de l’atelier, dont Chagall devient l’un des principaux collaborateurs4. Comme l’explique le maître-verrier Charles Marq : « En 1957, Chagall venait à Reims pour la première fois et franchissait le seuil de l’atelier, il y apportait une lumière nouvelle, celle que tout artiste véritable diffuse autour de lui5. »
L’atelier Simon est l’un des plus anciens ateliers verriers français. Son existence connue remonte à 1640, ce qu’atteste un vitrail reproduisant une gravure sur bois d’Albrecht Dürer daté et signé par Pierre Simon (1614-?)6. Pierre (1813-1875), Paul (1853-1917) puis Jacques Simon (1890-1974) s’attachent notamment à l’étude et à la restauration des vitraux de la cathédrale Notre-Dame de Reims. Si Jacques Simon est « soucieux de rénover l’iconographie sulpicienne du siècle précèdent, et d’améliorer les pratiques d’un métier contraignant », il est « peu intéressé par les grands mouvements de rénovation de l’art sacré » 7. Aussi, lorsque débute le projet de l’église du Plateau-d’Assy, qui deviendra a posteriori un véritable manifeste du renouveau de l’art sacré, l’atelier Simon n’y participe pas. Un tournant s’opère à partir de 1949, quand la fille de Jacques, Brigitte Simon, et son gendre, Charles Marq, reprennent l’atelier et l’ouvrent progressivement à la modernité.
À l’instar du couple Suzanne Douly et Georges Ramié, qui renouvelle la céramique de Vallauris par la collaboration avec des artistes modernes8, les Simon-Marq accompagnent certains des plus grands créateurs de leur temps dans la réalisation de vitraux : George Braque, Joan Miró, Léonard Foujita, Raoul Ubac, Maria Helena Vieira da Silva ou Serge Poliakoff passent par l’immeuble art déco de la rue Ponsardin, à Reims.
[…]
La réussite du partenariat avec l’atelier Simon-Marq tient dans cette volonté de se hisser au niveau des aspirations de Chagall, les membres de l’équipe étant motivées par « cette ardeur à faire, […] cet enflammement à mettre au monde la vision du peintre11 ». Ceux-ci développent un vocabulaire propre à chaque artiste, Chagall étant l’un des rares peintres figuratifs à travailler à l’atelier, où règnent surtout des représentants de la seconde École de Paris. Son style est d’ailleurs assez éloigné de l’esthétique des vitraux personnels de Brigitte Simon et de Charles Marq, qui privilégient des vitraux abstraits, que ce soit des nuées de grisaille pour Brigitte ou des constructions géométriques pour Charles. Humble face au savoir-faire des Simon-Marq, Chagall établit une relation de complicité avec le couple, qu’il ne considère pas comme de simples exécutants de son oeuvre. Lorsqu’il souhaite être rémunéré pour la confection d’un vitrail12, il exige la même somme que celle qu’a demandée Charles Marq. La confiance que le maître accorde à ce dernier dépasse rapidement son rôle de maître-verrier.
2 La seule autre relation de forte proximité développée entre « le patron » et un artisan de l’après-guerre est celle qui s’établit avec Charles Sorlier, lithographe à l’imprimerie Fernand Mourlot, à Paris.
3 Dans cet ouvrage, cf. l’essai d’Elia Biezunski, p. 175-177. Marc Chagall s’était par ailleurs essayé au cours des années 1950 au soufflage du verre à Murano, sans que cette expérience aboutisse à la production de pièces le satisfaisant.
4 À une époque où l’activité économique de l’atelier devient fragile, la collaboration avec Chagall permet en grande partie sa subsistance. Charles Marq favorise d’ailleurs certaines commandes : il est à l’initiative du vitrail de La Création du monde pour le musée du Message Biblique, à Nice, et incite Chagall à concevoir des vitraux pour l’ensemble des fenêtres de l’église de Tudeley, là où la commande initiale ne prévoyait qu’un vitrail.
5 Marq, « Chagall à Reims », XXe siècle, numéro spécial, « Chagall monumental », 1973, p. 83.
6 Madeleine Zeller, « L’Atelier Simon à Reims : la rencontre du maître-verrier et de l’artiste », CASA info, n° 87, février 2006, p. 29.
7 Carole Andreani, « L’atelier Simon. L’avènement des grands peintres », La Revue de la céramique et du verre, n° 98, janvier-février 1998, p. 33.
8 Certains artistes comme Marc Chagall et Léonard Foujita collaborèrent avec les deux couples.
11 Marq, « Chagall à l’atelier », in Robert Marteau, Les Vitraux de Chagall, 1957-1970, Paris, A. C. Mazo, 1972, p. 152.
12 Chagall réalisa gracieusement les vitraux des édifices cultuels en France, de la synagogue de l’hôpital Hadassah, ou du musée national Message Biblique Marc Chagall.
Marc Chagall, Le Couple à l’âne, vers 1964. Verre plaqué rouge sur blanc, gravé et peint à la grisaille, 37,50 x 26,80 x 0,20 cm. Collection particulière.
Photo : © Fabrice Gousset ©Adagp, Paris, 2021. »


Genèse du musée national Marc Chagall

« Le musée national Message Biblique Marc Chagall est inauguré le 7 juillet 1973 en présence de l’artiste (1887-1985), qui a activement participé à sa conception. »
« En 1969, André Malraux, ministre d’État chargé des Affaires culturelles, décide la construction d’un musée pour conserver le cycle du Message Biblique donné par Vava et Marc Chagall à l’État en 1966. Le chantier démarre en 1970 sur un vaste terrain offert par la Ville de Nice, situé sur la colline de Cimiez. »
« Le projet du bâtiment est confié à l’architecte André Hermant tandis que le jardin méditerranéen est conçu par Henri Fisch. En étroite collaboration avec l’artiste, Hermant conçoit un bâtiment ouvert et lumineux associant la pierre de Turbie à la fonte d’aluminium au sein d’un écrin de verdure méditerranéenne. A la demande de Chagall, une salle de concert est intégrée au plan du musée. L’artiste conçoit pour cette salle de spectacle de trois vitraux monumentaux intitulés La Création du monde (1971-1972). Il orne également le bâtiment d’une mosaïque, Le Prophète Elie (1971) dont les couleurs se reflètent dans le bassin extérieur. »
« Conçu à l’image d’une maison, le musée accueille un cycle de 17 grands tableaux inspirés de La Bible que Marc Chagall considérait comme la plus grande source de poésie de tous les temps. Au coeur du Message Biblique, miroir des destinées humaines, prophètes, rois, foules en communion ou sur les chemins de l’exil, animaux et créatures hybrides composent un langage symbolique universel, célébrant la puissance de la couleur et la force de l’amour humain. »
« Jusqu’à sa mort en 1985, Marc Chagall accompagne la vie de l’institution. Il est présent aux inaugurations d’expositions et lance, grâce à ses relations amicales, une prestigieuse politique de concerts : c’est ainsi qu’en 1974, le musée accueille le célèbre violoncelliste et chef d’orchestre russe Mstislav Rostropovitch. »
« En 2008, avec l’accord de la famille, le musée du Message Biblique est rebaptisé musée national Marc Chagall et s’ouvre à l’ensemble de l’oeuvre de l’artiste. »
« En 2013, le musée fête son 40e anniversaire autour d’une exposition consacrée à l’architecte André Hermant. »
« La présentation de l’oeuvre de l’artiste se poursuit avec des expositions majeures telle que Marc Chagall, oeuvres tissées (2015), Marc Chagall et la Musique (2016), Chagall, Sculptures (2017), De couleur et d’encre. »
« Marc Chagall et les revues d’art (2020) et à venir Marc Chagall, le passeur de lumière (2021). »

Le cycle du Message Biblique, à l’origine du bâtiment
« Au début des années 1950, Marc Chagall conçoit un cycle peint autour du thème du Message Biblique, destiné à la Chapelle du Calvaire de Vence, ville de résidence de l’artiste. Après de multiples péripéties, ce cycle ne sera pas présenté à Vence et mais offert à l’Etat français, don qui donnera naissance à Nice au musée consacré à l’oeuvre de Marc Chagall. »
« La construction du bâtiment est confiée à l’architecte André Hermant (1908-1978), ancien collaborateur d’Auguste Perret et de Le Corbusier, et membre de l’UAM (Union des Artistes Modernes). S’intéressant très tôt à la muséographie, il défend une architecture où la fonction détermine la forme. La finalité sociale reste également au coeur de sa démarche. »
« L’idée d’une « maison », voulue par Marc Chagall, nécessitait de concevoir un lieu intime, empli de spiritualité, propre à susciter un climat de sérénité et de sobriété, sans que s’impose la présence du bâtiment. La démarche est inhabituelle : le lieu est dessiné pour des oeuvres préexistantes qui y sont présentées en permanence. La grande salle, où sont accrochés les 12 tableaux illustrant la Genèse et l’Exode, se développe dans un plan articulé sur trois losanges qui s’interpénètrent, offrant ainsi un mur distinct pour mettre en valeur chacune des oeuvres. Ce cycle est complété par une salle dédiée à sa dernière épouse Valentina Brodsky, qui comprend cinq tableaux peints par Chagall pour illustrer le Cantique des Cantiques. »
« En 2006-2007, une importante campagne de travaux permet de moderniser les parties techniques du musée sans en changer l’aspect : un bâtiment d’accueil est créé dans le jardin pour répondre à l’augmentation importante des flux de visiteurs (30 000 l’année de l’ouverture, plus de 178 000 visiteurs en 2019). »

Le jardin méditerranéen d’Henri Fisch
« Au commencement, Dieu créa le jardin d’Eden... Il était donc tout naturel qu’un jardin accueille le visiteur avant son entrée au musée. La flore méditerranéenne y a bien sûr une place prépondérante : oliviers, cyprès, pins, chênes verts et lavande. Henri Fisch, paysagiste et créateur de ce jardin, a choisi en accord avec Marc Chagall, des tons froids et des fleurs blanches et bleues. Les agapanthes fleurissent ainsi tous les ans en juillet, mois d’anniversaire de Chagall. »
« Henri Fisch a créé d’autres jardins dans la région : l’aménagement du jardin du musée national Fernand Léger, à Biot (1960), avec l’architecte André Svetchine ; la création du parc de la Fondation Maeght (1964) avec José Lluis Sert ; ou encore celui de la Fondation des Treilles dans le Var. »

La collection
« La collection du musée et son développement a très naturellement évolué au cours des années depuis la création de l’institution. Elle a d’abord été constituée par le fonds donné par Chagall en 1972, qui reprenait la donation du Message Biblique de 1966 en y ajoutant tous les travaux préparatoires et de nombreuses autres oeuvres : les gouaches de La Bible (1931), les 105 gravures de la Bible ainsi que leurs cuivres, une importante collection de lithographies, cinq sculptures et une céramique. L’ensemble de cette donation représente plus de 250 oeuvres. »
« Chagall a continué à enrichir les collections jusqu’à sa mort, en offrant des exemplaires de ses livres illustrés au moment de leur parution ou des suites de ses illustrations (tirage séparé des illustrations, sans le texte). De nouvelles acquisitions ont enrichi les collections et, grâce à l’appui des héritiers du peintre. Ainsi en 1988, le musée bénéficie du dépôt d’une partie importante de la dation Chagall - procédure qui permet le paiement en oeuvres d’art des droits d’héritage - riche de 300 oeuvres. En particulier dix tableaux bibliques, déposés par le musée national d’Art moderne - Centre Georges Pompidou, récipiendaire des dations. En 1986 et 1988, Charles Sorlier, lithographe attitré de Chagall chez l’imprimeur Fernand Mourlot, fait don au musée d’un fonds abondant de lithographies à sujets bibliques et profanes. Au fil du temps, ce musée thématique est ainsi devenu un musée monographique, témoignant à la fois de la spiritualité de l’oeuvre de l’artiste et de son inscription dans les courants artistiques du XXe siècle. »
« La politique d’enrichissement de la collection du musée national Marc Chagall s’est peu à peu élargie à l’ensemble de l’oeuvre de l’artiste. La collection est désormais constituée de près de 1000 oeuvres qui témoignent de la très grande diversité des pratiques artistiques menées par Chagall : peintures, dessins, estampes, sculptures, céramiques mais aussi vitrail, tapisserie et mosaïque constituent un ensemble d’œuvres unique où se conjuguent virtuosité technique, inventions colorées et message de paix universel. »

Marc Chagall : de la peinture à la mosaïque

« Déjà présente dans les décors de théâtre ou de ballet, la dimension monumentale de l'oeuvre de Marc Chagall s'affirme pleinement à partir des années 1950.
Abordant des techniques comme le vitrail ou la mosaïque, Chagall travaille en lien étroit avec l'architecture. En collaboration avec le mosaïste Lino Melano, il transpose son univers pictural dans une technique qui remonte à l'Antiquité, la mosaïque. Sa première oeuvre dans ce domaine est réalisée pour l'ouverture de la Fondation Maeght en 1964. De nombreuses réalisations, inspirées de thème profane ou sacré, suivent : une mosaïque pour la maison de l'artiste à Saint-Paul (1967), Le Message d'Ulysse (1968) pour la Faculté de droit de Nice ; Le Mur des lamentations (1969) pour la Knesset à Jérusalem ; Les Quatre saisons (1974) à Chicago. »
« Pour son futur musée, Marc Chagall imagine en 1971 une mosaïque à découvrir au détour du parcours de visite. Elle prend place sur l'un des murs extérieurs de la salle du Message Biblique et se reflète dans un bassin. »
« A partir d'un modèle aux dimensions fourni par l'artiste, le mosaïste Lino Melano pose sur le mur recouvert de mortier, mélange de sable et de ciment, un ensemble de tesselles. Ce terme désigne à la fois les cubes en pierre utilisés pour le fond et les cubes en pâte de verre requis pour les motifs. Chagall vient régulièrement surveiller l'avancée du chantier, afin que l'inflexion de la ligne et le raffinement des couleurs soient les plus fidèles à la pensée de l'artiste. »
« Chagall choisit pour sa mosaïque un sujet biblique. Un personnage de l'Ancien Testament occupe le centre de l'oeuvre : c'est le prophète Élie, enlevé au ciel dans un char de feu. Élie accède à l'univers céleste : il est entouré des constellations qui composent le zodiaque. Autour de lui, dans un cercle concentrique, figurent les représentations d'animaux, de figures humaines ou d'objets associées à chacun des douze signes du zodiaque. »
Dans l'Antiquité, ces motifs se retrouvent aux côtés du char du Soleil, Hélios. En mêlant référence biblique et antique, Chagall livre une vision cosmique de l'univers, baignée par la lumière méditerranéenne. »

Marc Chagall – Biographie sélective

« 7 juillet 1887 : naissance à Vitebsk (Biélorussie) dans une famille juive pauvre.
1903 - 1914 : Les débuts
Malgré la distance entre son milieu et celui de l’art, il découvre la peinture. Rencontre avec Bella, sa fiancée.
1907 : fréquente divers ateliers à Saint-Pétersbourg
1911 : premier séjour à Paris, rencontre des artistes : les Delaunay, Léger, Soutine, Lipchitz, Kissling, Archipenko, Modigliani et des écrivains : Max Jacob, André Salmon, Blaise Cendrars, Guillaume Apollinaire
1912-1913 : premiers chefs-d’oeuvre. Expose au Salon des Indépendants
1914 : première exposition particulière à Berlin. Retour à Vitebsk
1914 - 1922 : Les « années russes »
Épouse Bella Rosenfeld
Expose à Moscou et Saint-Pétersbourg, fréquente les intellectuels et les artistes d’avant-garde
1917 : à la Révolution, devient directeur de l’école des Beaux-Arts et commissaire des Beaux-Arts de Vitebsk
1920 : part pour Moscou. Décor du Théâtre juif. Difficultés matérielles
1922 : à Berlin, premières gravures, pour son autobiographie, Ma vie (texte publié en 1931)
1923 - 1939 : Avant-Guerre, à Paris
Installation à Paris, travaille pour Vollard : gravures des Âmes mortes de Gogol, des Fables de La Fontaine
Nombreux voyages en France. Evolution artistique sous l’influence de l’Impressionnisme et du retour ambiant au classicisme.
1931 : invitation en Palestine. Début des gravures de la Bible. Voyages en Europe
1935 : classé « artiste dégénéré » par les nazis
1937 : obtient la nationalité française
Chagall fréquente le salon des Maritains, rencontre les écrivains Breton, Delteil, Soupault, Cocteau, Reverdy, Arland dont il illustre les écrits.
1941 : quitte la France occupée
1941 - 1947 : L’exil aux États-Unis
A New York, retrouve écrivains et artistes réfugiés : Léger, Bernanos, Masson, Maritain, Mondrian, Breton et des amis russes envoyés par l’allié soviétique. Renouveau de l’inspiration russe
Peinture marquée par la guerre et l’angoisse pour le sort des Juifs
1942 : décors et costumes pour Aleko (Tchaïkovski)
1944 : Bella meurt brutalement
1945 : décors et costumes de L’Oiseau de feu (Stravinsky). Rencontre sa nouvelle compagne, Virginia Haggard.
Rétrospectives au Museum of Modern Art de New York, puis à Paris et en Europe
1948– 1985 : Le retour en France
À Paris et à Vence (en 1949) puis à Saint-Paul de Vence (en 1966)
1949 : début de l’oeuvre céramique.
1952 : épouse Valentina Brodsky. Voyages et expositions dans toute l’Europe. Premiers vitraux à la chapelle Notre-Dame de Toutes Grâces d’Assy. Début du cycle du Message Biblique.
Période des grandes commandes : vitraux (Metz, Reims, Jérusalem, ONU à New York, Zurich, Mayence…), peintures (plafond de l’Opéra de Paris, peintures murales du Metropolitan Opera de New York), mosaïques, tapisseries.
Développement de l’oeuvre lithographique
1958 : décors et costumes pour Daphnis et Chloé à l’Opéra de Paris
1966 : don à l’État français du Message Biblique, exposé au Louvre
1973 : inauguration du musée national Message Biblique Marc Chagall à Nice
28 mars 1985 : Marc Chagall meurt à Saint-Paul de Vence. »


Du 18 septembre 2021 au 10 janvier 2022
avenue Dr Ménard - 06000 Nice
Tél. : +33 (0)4 93 53 87 20
Tous les jours, sauf le mardi, de 10h à 17h
Visuels :
Marc Chagall, Les Tribus de Nephtali, Joseph et Benjamin,
dessins préparatoires n°4 pour les vitraux de la synagogue
de l’hôpital d’Hadassah, Jérusalem, 1959-1960.
Aquarelle, encre de Chine, pastel, crayon et papiers collés sur papier, 20,40 x 15,10 cm chacun. Collection particulière.

Photo : © Ewald Graber ©Adagp, Paris, 2021.Marc Chagall, La Cathédrale de Chichester : David, Psaume 150, étude pour vitrail, 1978.
Mine graphite, encre de Chine, tissus collés sur papier, 50 x 65,5 cm.
Paris, Centre Pompidou, musée national d’art moderne, en dépôt au musée
national Marc Chagall, Nice.
Photo : © RMN-Grand Palais / Gérard Blot ©Adagp, Paris, 2021

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