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mardi 19 janvier 2021

« Le souvenir de toi » d’Anna Justice

Arte diffusera le 22 janvier 2021 « Le souvenir de toi » (Die verlorene Zeit ; Remembrance) d’Anna Justice, d'après 
"Un amour à Auschwitz" de Thilo Thielke. « Auschwitz-Birkenau, début 1944 : Tomasz Limanowski, prisonnier politique polonais et catholique, rencontre Hanna Silberstein, d'origine juive. New York, 1976. Hanna, qui s'est installée aux États-Unis après la guerre, a fondé une famille. Un jour, en regardant une émission de télévision, elle reconnaît Tomasz... »
« Née à Auschwitz  » par Eszter Cseke et András Takács 
« Le souvenir de toi » d’Anna Justice
Filmer les camps, John Ford, Samuel Fuller, George Stevens de Hollywood à Nuremberg

Le scénario du film « Le souvenir de toi » (Die verlorene Zeit ; Remembrance), Holocaust-drama d’Anna Justice s'inspire du livre "Eine Liebe in Auschwitz" (2000), publié en français en 2002 sous le titre "Un amour à Auschwitz", de Thilo Thielke, journaliste et écrivain allemand né en 1968.

"1940. Jerzy Bielecki, un jeune Polonais de dix-huit ans, est déporté à Auschwitz comme prisonnier politique. Forcé à divers travaux, il apprend la vie secrète du camp.
1943. Jerzy rencontre Cyla Cybulska, une adolescente juive, nouvellement arrivée et promise à la chambre à gaz. Tous deux tombent amoureux. Il lui jure de la sauver.
1944. Cyla et Jerzy réussissent miraculeusement à s'enfuir. Mais leur course folle pour échapper aux nazis les sépare. Chacun croit que l'autre est mort, et le croira pendant les quatre décennies qui suivront.
1983. Cyla, devenue bijoutière à Brooklyn, repart après son veuvage pour la Pologne. Sur le quai de la gare l'attend Jerzy, avec à la main un bouquet de trente-neuf roses, une pour chaque année perdue..."

"Cette histoire hors du commun, racontée par les protagonistes, les témoins, nourrie par une enquête dense où l'émotion le dispute à l'exactitude, montre, avec la Bible, que « l'amour est plus fort que la mort ».

La revue d'histoire de la Shoah a publié une critique de ce livre par Doron RabinoviciNé à Tel-Aviv en 1961, Doron Rabinovici vit à Vienne depuis l’âge de trois ans. Il est l’auteur de nouvelles, de romans et d’essais : Ceux d’après (1997, 2009 pour la traduction française) ou Ohnehin (2000). Il est également l’auteur, avec Matthias Hartmann, d’un projet pour le théâtre, Die letzten Zeugen (2002). Doron Rabinovici fustige ce livre (Rabinovici, Doron. « Comment ce fut et comment cela aura été. Continuer à écrire histoire et littérature après la Shoah », Revue d’Histoire de la Shoah, vol. 201, no. 2, 2014, pp. 265-281) :
"Quel besoin, par exemple, de répandre ces soi-disant « histoires d’amour extraordinaires », où ce qui est « extraordinaire » tient à ce qu’on nous promet du romantisme sur fond de ghetto et de camp d’extermination ? Eine Liebe in Auschwitz (Un amour à Auschwitz) 
C’est le titre d’un livre de Thilo Thielke, paru aux éditions du Spiegel, et dont on peut lire sur la couverture : « Une fois, la puissance divine de l’amour a déployé ses ailes jusque dans l’enfer d’Auschwitz : c’est l’histoire de Cyla Cybulska et de Jerzy Bielecki, tombés amoureux l’un de l’autre dans le KZ, évadés ensemble du camp, qui se sont perdus de vue et qui croyaient que ni l’un ni l’autre n’avait survécu – une erreur, comme ils l’apprennent par hasard, des années plus tard… » Et sur la jaquette du livre, on peut voir les photos des deux survivants sur fond de rails et de portail d’entrée du camp. Le rédacteur, Thielke, nous dit avoir mené cinq ans de recherches, mais ce qu’il écrit, c’est un roman, un roman de gare dont les phrases sont au présent, ce qui a pour effet non pas de souligner la présence du crime mais bien de l’effacer.
Au centre, il y a la passion entre la prisonnière juive et le détenu polonais, au regard de laquelle toutes les souffrances de la torture et de la persécution s’estompent. Qui peut s’en étonner, puisqu’il s’agit de la « puissance divine de l’amour dans l’enfer d’Auschwitz ». L’auteur fait dire à son héroïne, Cyla, qui vit désormais à Brooklyn, à propos de Jerzy Bielecki qu’« elle l’a aimé comme aucun autre avant et personne d’autre après ». Qu’est-ce que l’amour face aux chambres à gaz, et peut-on mesurer une telle relation à l’aune des rapports amoureux habituels ? Ces questions ne sont jamais discutées dans le livre. Cyla Cybulska et Jerzy Bielecki échappent au camp d’extermination, puis chacun croit l’autre disparu, et, des années plus tard, ils se retrouvent. « Trop tard pour le grand amour », c’est la dernière phrase de Thielke qui voudrait nous faire croire que seule une erreur fait obstacle au parfait bonheur, au happy end. Comme si des relations nées dans le camp n’avaient pas souvent échoué lors de la libération.
La légende sur le soi-disant grand amour unique au milieu du camp, sur « la puissance divine dans l’enfer d’Auschwitz » banalise le crime. Ce qui demeure, pour reprendre l’expression de Saul Friedländer, c’est le kitsch et la mort comme reflet du nazisme. De tout ce massacre – tel est le message caché du livre –, naît un pseudo-salut, un bonheur au sein du malheur dont la fin n’est pas heureuse uniquement à cause des bouleversements de l’après-guerre. La vérité est beaucoup moins acceptable. Ce n’est pas l’amour qui triomphe de la destruction mais, au contraire, l’anéantissement social qui précède celui du corps. Ce qui a été infligé aux Juifs touchait en premier leur sensibilité et leur confiance.
Auschwitz doit-il devenir un lieu romantique propice aux rendez-vous ? Les histoires de convois spéciaux et de rampes de stationnement peuvent-elles servir pour une anodine littérature de gare. Certes, rien de plus facile que de capter la souffrance des victimes pour en faire des livres. Et bien des maisons d’édition caressent l’espoir d’atteindre de forts tirages grâce à ce mélange de passion et de souffrance concentrationnaire. Plus inquiétante encore est la politique de marché qui se cache derrière – ce calcul cynique, qui cherche à faire son profit des souffrances des victimes.
Pourquoi faut-il que le mélange de faits et de fiction connaisse précisément une telle conjoncture au moment où les survivants disparaissent peu à peu ? Peut-être parce que la plupart des victimes ne sont plus guère en mesure de se défendre d’une telle vulgarité…
Plus le passé s’éloigne, la peur de le voir pâlir et se décolorer aux yeux d’un large public grandit, et c’est pour cette raison que la noirceur du crime est ravivée et rafraîchie à grand renfort de sentimentalité et de racolage. Comme l’extermination de masse est hors de nos représentations, on repeint et on retouche ce qui s’est passé. Mais justement, la tendance à rendre kitsch la mémoire de l’extermination démontre combien celle-ci dérange encore. Il se peut pourtant que le calcul soit plus cynique encore. La Shoah ne joue-t-elle que le rôle de coulisse dramatiquement sinistre de la mort, sur le fond de laquelle l’amour peut d’autant mieux briller de tous ses feux ? S’agit-il avant tout de vendre des romans d’amour digestes ? Ou bien l’extermination, utilisée en arrière-plan, est-elle là pour aider à légitimer cette représentation du mauvais goût et sauver des critiques la trivialité qui, dans une autre mise en scène, serait tout simplement ridicule ?"
En 2001, Thilo Thielke a réalisé une adaptation de son livre sous la forme d'un documentaire sélectionné dans la catégorie « documentaire » du Prix German Camera Award.

En 2010, Anna Justice réalise Die verlorene Zeit ; Remembrance d'après cette histoire vraie et émouvante. 

« Auschwitz-Birkenau, début 1944. Tomasz Limanowski, prisonnier politique polonais et catholique, rencontre Hanna Silberstein, déportée d’origine juive. Tombés amoureux, ils se voient en cachette. Quand Hanna découvre qu’elle est enceinte, Tomasz parvient à s’enfuir avec elle. Bravant les dangers, ils atteignent la propriété familiale de Tomasz". 

"Mais la prudence est de mise car la maison a été réquisitionnée par la Wehrmacht et Stefania, la mère de Tomasz, est une antisémite convaincue. Le jeune homme rejoint son frère dans les rangs de l’armée secrète polonaise. Lorsqu'il revient chez lui, sa mère lui annonce que Hanna est morte, alors que cette dernière, croyant Tomasz disparu, s'est mise en marche vers l’ouest et a été recueillie par un convoi de la Croix-Rouge… »

« New York, Bronx, 1976. Hanna, qui s’est installée aux États-Unis après la guerre, a fondé une famille. Un jour, en regardant une émission de télévision, elle reconnaît Tomasz qui témoigne de sa vie à Auschwitz. Elle fait tout pour le retrouver. »

« La réalisatrice Anna Justice met ici en avant une facette essentielle de la mémoire des camps : la manière dont le passé peut revenir hanter les victimes ».
 
« L’histoire se construit ainsi autour de flash-back, car dès l’instant où Hanna voit l'image de Tomasz sur son poste de télévision, les événements de l’année 1944 surgissent à nouveau dans son esprit, la forçant à se mettre à la recherche de son amour perdu. »

Ce film a été distingué par de nombreux Prix :
Meilleur réalisateur - Anna Justice, Festival international du film de Tamil Nadu 2012
Meilleure image - Sebastian Edschmid, Festival du film juif de Varsovie 2012
Prix du public du meilleur drame, Festival du film juif de Los Angeles 2012
Prix du public du meilleur film, Zagreb Jewish Film Festival 2012
Prix du public du meilleur long métrage dramatique, London Jewish Film Festival 2011
Prix du public pour le long métrage, Festival du film juif de Hong Kong 2011
Prix du public pour le long métrage, San Francisco Berlin & Beyond Film Festival 2011
Prix du public au Filmkunstfest Mecklenburg-Vorpommern 2011
  

« Le souvenir de toi » d’Anna Justice
Allemagne, 2010
Scénario : Pamela Katz
Production : MediaPark, NDR, MDR, ARTE
Producteurs : Sven Woldt, Michael Ballhaus
Image : Sebastian Edschmid
Montage : Uta Schmidt
Musique : Christoph M. Kaiser, Julian Maas
Avec Alice Dwyer (Hannah Silberstein 1944), Mateusz Damiecki (Tomasz Limanowski 1944), Dagmar Manzel (Hannah Levine 1976), Shantel VanSanten (Rebecca Levine), David Rasche (Daniel Levine), Lech Mackiewicz (Tomasz Limanowski 1976), Adrian Topol (Czeslaw Limanowski), Susanne Lothar (Stefania Limanowska), Joanna Kulig (Magdalena Limanowska), Florian Lukas (Hans von Eidem)
Sur Arte le 22 janvier 2021 à 20 h 55
Disponible du 22/01/2021 au 21/04/2021
Visuels © MediaPark

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