Citations

« Le goût de la vérité n’empêche pas la prise de parti. » (Albert Camus)
« La lucidité est la blessure la plus rapprochée du Soleil. » (René Char).
« Il faut commencer par le commencement, et le commencement de tout est le courage. » (Vladimir Jankélévitch)
« Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort. Il est de porter la plume dans la plaie. » (Albert Londres)
« Le plus difficile n'est pas de dire ce que l'on voit, mais d'accepter de voir ce que l'on voit. » (Charles Péguy)

dimanche 24 juillet 2016

« Borat » de Larry Charles


Arte diffusa le 24 juillet 2016 à 20 h 50  « Borat : Leçons culturelles sur l'Amérique au profit de la glorieuse nation du Kazakhstan » (Borat: Cultural learnings of America for Make Benefit Glorious Nation of Kazahkstan), film parodique de Larry Charles (2006). Une « parodie hilarante de documentaire » brodant sur l’enquête d’un journaliste kazakh très loufoque aux États-Unis. Début novembre 2020, l'affiche du film "Borat. Nouvelle mission" a suscité l'ire de chauffeurs de bus.


Vivant à Kuçzek, le « journaliste kazakh et moustachu Borat Sagdiyev est envoyé » par le ministère de l’information Kazakh aux États-Unis pour filmer un reportage sur l’American way of life (mode de vie américain) afin d’améliorer la vie de ses concitoyens. « Au fil de ses pérégrinations » - New York, Washington, Caroline du sud, Los Angeles - avec son producteur Azamat Bagatov persuadé que les attentats terroristes du 11 septembre 2001 ont été fomentés par les Juifs et son poulet, il « tente de nouer contact avec la population, tout en satisfaisant ses besoins naturels en pleine rue et en voulant acheter les jeunes filles qui lui plaisent... »

« Subversion par le rire »
C’est le deuxième film avec le personnage créé par Sacha Baron Cohen dans son émission télévisuelle Da Ali G Show. Un regard corrosif sur des stéréotypes.

« Mêlant caméras cachées et canulars, cet ovni, qui a fait connaître son héros, Sacha Baron Cohen, à un large public, a accumulé les entrées, les critiques positives, mais aussi les procès ». 

Il a suscité un incident diplomatique : lors de sa visite aux Etats-Unis, Noursoultan Nazarbayev, président du Kazakhstan, a évoqué le « problème Borat ». Mais il a ensuite admis que le film avait largement contribué à la célébrité du cette contrée d’Eurasie.

« Censuré par l'immense majorité des pays arabes », sauf le Liban, « interdit de distribution dans les cinémas russes, ce faux documentaire burlesque  a été accusé d'à peu près tous les griefs imaginables : racisme, antisémitisme » - Sacha Baron Cohen et Larry Charles sont juifs -, « islamophobie, sexisme, homophobie... »

L’ADL (Anti-Defamation League) a épinglé l’antisémitisme du personnage de Borat en soulignant que tous les spectateurs ne saisiraient pas le deuxième degré… Dès 2004, l’ADL avait été saisie par des plaintes de téléspectateurs outrés par la chanson « Throw the Jew down the well, so my country can be free!  Grab them by the horns, and we have big party! » interprétée par Borat dans l’épisode Peace du Da Ali G Show en août 2004. Sacha Baron Cohen est un Juif observant, dont la mère est née en Israël et la grand-mère vit à Haïfa. Lycéen, il était membre du mouvement Habonim Dror. Il a aussi vécu dans un kibboutz du nord d’Israël. Il a déclaré vouloir démasquer l’antisémitisme et l’apathie à son égard. 

Produite par le comédien britannique Sacha Baron Cohen, cette « parodie  hilarante de documentaire a outré les plus hautes autorités du Kazakhstan ». 

« Mais derrière son ton satirique et sa détonante cruauté, le très politiquement incorrect Borat vise en réalité l'Amérique pour en dénoncer l'obscurantisme et l'arrogance. Ainsi cette séquence en Virginie, dans laquelle un organisateur de rodéo conseille au reporter de se raser la moustache pour « ne pas ressembler à un musulman ». 

La langue parlée par Borat ? L’hébreu émaillé de phrases mêlant des idiomes slaves dont le tchèque, et non le kazakh. Quant à Ken Davitian, qui incarne Azamat Bagatov, il s’exprime en arménien.

« Déluge d'énergie et de cocasseries », laissant une large place à l’improvisation, à l’inattendu, le film américain « s'emploie à pratiquer la subversion à coups d'éclats de rire aussi féroces qu'efficaces ». 

Il a reçu un accueil enthousiaste du public. Sacha Baron Cohen a reçu le Golden Globe 2007 du meilleur acteur dans un film musical ou une comédie.

En mars 2012, lors de la cérémonie de médailles d’un tournoi de tir sportif au Koweït, les organisateurs ont par erreur diffusé l’hymne tiré du film Borat, au lieu de l’hymne national du Kazakhstan. 

"Borat. Nouvelle mission"
Début novembre 2020, alors que se déroulait à Paris le procès des attentats terroristes islamistes de janvier 2015 et que des attentats terroristes islamistes ont eu lieu - près de l'ancien siège de Charlie hebdo et Samuel Paty, professeur d'histoire-géographie, a été décapité à Conflans-Sainte-Honorine - "l’affiche du film « Borat nouvelle mission » est apparue sur de nombreux bus. Ce personnage déjanté pose quasi nu - un masque chirurgical posé sur ses parties intimes - avec une bague où est gravé le nom d’Allah. Certains s’en émeuvent sur les réseaux sociaux. TICE (Transports intercommunaux Centre Essonne) a décidé de les retirer en Essonne".

« Provocation », « insulte », « manque de respect » : quelques internautes ont commencé à critiquer dans des Tweets ce week-end cette affiche, certains appelant au boycott du film proposé en exclusivité sur la plateforme Amazon Prime. 

"Un chauffeur de bus de la RATP s'en est lui aussi ému, et a publié une vidéo sur le réseau social, semble-t-il depuis son dépôt après sa journée de travail. « Incroyable », commente-t-il, visiblement choqué, avant de conclure : « On va gratter l'affiche ». Dans un autre tweet, il poste une photo du bandeau d'information dans les bus à destination des chauffeurs, dans lequel il est demandé au chauffeur de prévenir sa hiérarchie « si pub Borat sur bus ».

"Ces photos ont circulé parmi les chauffeurs et syndicalistes de la régie. Certains ont cru que la consigne avait été passée de retirer cette campagne d'affichage des bus RATP. D'autres ont aussi craint que les violences urbaines qui ont ciblé des bus ce week-end — notamment l'incendie criminel d'un véhicule à Sartrouville — puissent avoir un lien avec cette affiche."

"La RATP a assuré « ne retirer en aucun cas cette campagne du réseau ». Il s'agit d'une vaste campagne d'affichage sur les réseaux bus et ferrés à Paris, menée pour Amazon par la régie Métrobus, filiale de la RATP. Quant aux violences sur les véhicules, elles sont traditionnellement en hausse le week-end d'Halloween, et rien ne permet de relier le caillassage ou l'incendie de bus à cette affiche.


« Borat » de Larry Charles
Everyman Pictures, Four by Two, Dune Entertainment, Major Studio Partners, One America, Sacha Baron Cohen, Jay Roach, 2006, 80 min
Auteurs : Todd Phillips, Sacha Baron Cohen, Anthony Hines, Peter Baynham
Image : Anthony Hardwick, Luke Geissbuhler
Montage : James Thomas, Craig Alpert, Peter Teschner
Musique : Erran Baron Cohen
Scénario : Peter Baynham, Anthony Hines, Sacha Baron Cohen, Dan Mazer
Avec Sacha Baron Cohen, Ken Davitian, Pamela Anderson, Luenell Campbell, Bob Barr, David Corcoran
Sur Arte le 24 juillet à 20 h 50 
Visuels : © 2006 Twentieth Century Fox Film Corporation

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Les citations sont extraites du site d'Arte. Cet article a été publié le 24 juillet 2016.

jeudi 21 juillet 2016

« Willy Brandt. Une vie en politique » par André Schäfer


Arte diffusera le 23 juillet 2016 « Willy Brandt. Une vie en politique » (Willy Brandt. Erinnerungen An Ein Politikerleben) documentaire par André Schäfer. « Grâce à des archives rares et aux témoignages de ceux qui l'ont côtoyé, le portrait plein de vie » d'un politicien, résistant au nazisme, qui a marqué l'histoire de l'Allemagne et de l'Europe : Willy Brandt (1913-1992), chancelier fédéral social-démocrate de la République fédérale allemande (RFA) de 1969 à 1974, qui lors d’un voyage officiel en Pologne, alors chancelier, s’agenouille le 7 décembre 1970 « devant le monument honorant les Juifs morts pendant le soulèvement du ghetto de Varsovie en 1943 », et Prix Nobel de la paix en 1971 « pour avoir contribué au rapprochement avec le bloc de l'Est » (Ostpolitik). Sous le mandat de Willy Brandt, onze athlètes israéliens ont été pris en otages lors des Jeux olympiques à Munich en 1972 par un commando lourdement armé de terroristes arabes palestiniens de Septembre Noir. Ils ont été tués lors d'une opération de la police allemande pour mettre un terme à cet attentat terroriste.

« Brandt à genoux à Varsovie - Sven Simon » 
« Willy Brandt. Une vie en politique » par André Schäfer


Willy Brandt « a grandi dans un milieu modeste de la ville hanséatique de Lübeck, et dans sa jeunesse est devenu actif au sein de la gauche politique allemande.

Il s’est engagé dans le travail illégal contre les Nazis, et a du s’exiler en Norvège en 1933. 

Là, il a rejoint le Parti travailliste, et a soutenu la campagne pour le Prix de la paix à Ossietzky. 

Quand Hitler a envahi la Norvège en 1940, il a fui en Suède où, comme journaliste, il a milité pour une Norvège libre et une Allemagne démocratique et couvert la Guerre d’Espagne. 

Après la guerre, Brandt s’est engagé dans la reconstruction du Parti social démocrate (SPD) d’Allemagne de l’Ouest. 

Il est devenu Maire de Berlin Ouest, président de parti, et Chancelier. Comme Chancelier fédéral, Brandt a obtenu la signature par l’Allemagne de l’Ouest » du TNP  (Traité de non prolifération nucléaire) le 28 novembre 1969. 

Il a aussi conclu un accord de non violence avec l’Union soviétique et un accord avec la Pologne qui a entraîné l’acceptation par l’Allemagne des nouvelles frontières nationales en Europe orientale effectives depuis 1945. 

Ces traités ont servi de bases à l’accord quadripartite sur Berlin qui a facilité les visites de familles dans les deux parties de la ville divisée  » en 1971.

"Possible que l'histoire retienne plus son rôle sur la scène internationale qu'en Allemagne. Pourtant, Willy Brandt (1913-1992), antinazi de la première heure, a contribué à donner un autre style à la vie politique allemande et à lancer des débats de société. Maire de Berlin de 1957 à 1966, il assiste impuissant à la construction du mur en 1961, mais aura la joie de le voir tomber vingt-huit ans plus tard. On oublie trop souvent que le mérite lui en revient en partie : c'est lui qui, de 1961 à 1963, développe avec Egon Bahr, alors son bras droit de l'Office de presse et d'information à Berlin, l'idée d'une « politique des petits pas » et celle d'un « changement grâce au rapprochement ». Ces principes se concrétiseront avec l'Ostpolitik qu'il pourra enfin mettre en oeuvre une fois élu chancelier en 1969, lui qui, auparavant, avait été ministre des Affaires étrangères dans le gouvernement de coalition dirigé par le chrétien-démocrate Kurt-Georg Kiesinger, un ancien proche de Goebbels. Willy Brandt sera à l'initiative de trois traités essentiels avec la Pologne, l'URSS et la RDA. Homme charismatique, il sait choisir les formules qui marquent, comme : « Oser plus de démocratie ». Il a aussi su rajeunir et dynamiser l'image du Parti social-démocrate (SPD), puis, après sa démission en 1974, insuffler une nouvelle énergie à l'Internationale socialiste".


Geste à Varsovie
En 1939, plus de trois millions de Juifs (9,5% de la population) vivent en Pologne sur environ 9,5 millions de Juifs en Europe. Les Nazis persécutent les Juifs, les spolient, les contraignent à survivre dans des ghettos, les tuent dans des camps d’extermination, etc. A Varsovie vivent 1 300 000 habitants, dont 380 000 Juifs, soit près d’un tiers de la population. En 1940, les Nazis y créent un ghetto. Ils vont l’enserrer par un mur de plus de trois mètres de haut, hérissé de fils de fer barbelés et étroitement surveillé. Ce ghetto surpeuplé est administré par un « conseil juif » (Judenrat) dirigé par l'ingénieur Adam Czerniakow. Environ 500 000 Juifs sont passés par ce ghetto de quatre kilomètres carrés. Des centaines de milliers de Juifs  de tous âges, enfants et adultes, y survivent entassés, dans la promiscuité, la misère et le manque d’hygiène, victimes de maladies (typhus), affamés. Certains tentent de se procurer des vivres par la contrebande ou le marché noir, avec le risque d'être arrétés et fusillés. Beaucoup y meurent de faim et d’épidémies. Le 19 avril 1943, des organisations juives déclenchent le soulèvement dans le ghetto. Pendant près d’un mois, jusqu’au 16 mai 1943, des Juifs courageux défient les Nazis qui écraseront cette insurrection. Lors de la Shoah, plus de 1,1 million d'hommes, de femmes et d'enfants sont tués au complexe concentrationnaire d’Auschwitz, dont 90% étaient juives. En 1950, on évalue à 45 000 le nombre de Juifs ayant survécu en Pologne à la Shoah.

En 1945, l’Allemagne nazie a capitulé. « Ses frontières reculent en deça de celles de 1939 jusqu’à la fameuse ligne Oder-Neisse, la ligne constituée par le cours de l’Oder et de son affluent la Neisse.

Des millions d’Allemands (Volksdeutsche) « vivent dans ces territoires perdus.

Après les accords de Potsdam signés le 2 août 1945 par Joseph Staline, Clement Attlee et Harry S. Truman, environ sept millions d’Allemands de Pologne, essentiellement en Poméranie et en Prusse, sont expulsés vers l’Allemagne et l’Autriche. Les raisons ? Créer des nations homogènes, éviter que l’Allemagne revendique à l’avenir des territoires situés au sein de ses Etats voisins à l’est, punir les Allemands pour leur bellicisme et leur soutien au nazisme, éviter des problèmes futurs constitués par une « cinquième colonne », semer les germes de dissensions entre Etats de sa sphère d’influence et leurs voisins.

Lors de ces transferts massifs de 12 à 16 millions d’Heimatvertriebene (réfugiés) de Pologne et de Tchécoslovaquie jusqu’au début des années 1950, près de 500 000 civils décèdent des suites de mauvais traitements, de maladies, de faim, d’épuisement, de privations, etc.

Au terme de ces marches forcées vers l’Ouest, seuls 12 % des Allemands d'avant-guerre sont demeurés dans ces territoires. « Les survivants se battront inlassablement pour récupérer leurs terres, leurs domaines, désormais polonais ».

La RFA a refusé de reconnaître la léglité de sa frontière orientale la séparant de la Pologne.

Or, en décembre 1970, Willy Brandt, alors chancelier (1966-1974) social-démocrate (SPD) de la République fédérale allemande (RFA) effectue un voyage officiel en République populaire de Pologne. C’est le premier séjour depuis 1945 d’un Premier ministre allemand. La RFA demande au gouvernement polonais, plutôt froid, d’insérer dans ce séjour le dépôt d’une gerbe par le chancelier devant le Mémorial à la mémoire des victimes du ghetto de Varsovie.

Le 7 décembre 1970, en signant le traité de Varsovie, Willy Brandt reconnaît cette frontière orientale – la ligne Oder-Neisse.

Puis, Willy Brandt dépose « une gerbe devant le monument honorant les Juifs  morts pendant le soulèvement du ghetto  de Varsovie  en 1943 ».

Après la signature du traité, le chancelier Willy Brandt « se rend au monument du ghetto de Varsovie pour y déposer une gerbe ». Il « avance lentement vers le monument, son visage est impassible. Il se penche sur la gerbe, en arrange les deux rubans aux couleurs de l’Allemagne. Il recule d’un pas, demeure un instant dans la pose de l’homme d’État recueilli, tel que le protocole le prévoit. Puis, soudainement, il tombe à genoux. Son visage est grave » (Jeanette Konrad).

Ancien bourgmestre gouverneur de Berlin (1957-1966), Willy Brandt « a alors ce geste inattendu et spontané de s'agenouiller » (Kniefall von Warschau, Génuflexion de Varsovie) et de demander pardon aux Polonais, et au monde entier, pour les crimes commis » par les Allemands nazis lors de la Seconde Guerre mondiale, et « plus particulièrement pour ceux commis contre les Juifs ».

Cet agenouillement et cette demande de pardon sont d’autant plus remarquables qu’ils émanent de Willy Brandt, ancien opposant au régime nazi et ancien président du Bundesrat (1957-1958), donc un homme non responsable de ces atrocités commises par le régime nazi. Ce double geste, le chancelier allemand l’effectue au nom de l’Allemagne, alors divisée en une RFA et une RDA (République démocratique allemande) sous orbite soviétique.

Pendant environ une demi-minute, Willy Brandt « demeure dans ce geste de recueillement presque religieux. Puis il se relève et se détourne rapidement ».

« Il s'agenouille, lui, qui n'en a pas besoin pour tous ceux qui devraient le faire mais ne le font pas parce qu'ils n'osent pas ou ne le peuvent pas ». Le « reporter du magazine « Der Spiegel » qui assiste à la scène résume la surprise mais aussi le symbole de ce geste spontané, celui d'un opposant au nazisme qui avait trouvé refuge en Norvège, que certains de ses opposants politiques avaient qualifié de « renégat » comme d'aucuns avaient hué Marlene Dietrich à son retour à Berlin au début des années 60  » (Pascal Thibaut).

Un geste spontané ou mûrement réfléchi ? Willy Brandt déclarera « plus tard qu’il avait su, sur le chemin vers le monument, que « cette fois, ça ne serait pas comme lors d’un dépôt ordinaire de gerbe, juste en inclinant la tête ». Il dira aussi : « J’ai fait ce que font les hommes quand les mots font défaut ». Un geste non exécuté par son prédécesseur, Kurt-Georg Kiesinger (1904-1988), giflé par Beate Klarsfeld, le 7 novembre 1968, qui a alors crié « Kiesinger, Nazi ! Démissionne ! »

« Parmi les photographes officiels, Sven Simon immortalise ce moment de recueillement bouleversant qui fit le tour du monde ».

Si la reconnaissance de cette frontière a été longtemps espérée par les Polonais, l’agenouillement de Willy Brandt a suscité la controverse en RFA. Selon un sondage publié par Der Spiegel, 48% des Allemands interrogés ont considéré que cet agenouillement était exagéré,41% convenable et 11% n’avaient aucune opinion. Dans la Pologne communiste, la modeste mise de genoux allemands à terre rompt avec l’image du « mauvais Allemand », hautain, dédaigneux, cruel.

Cette « image qui fera le tour du monde deviendra le symbole de la réconciliation entre l’Allemagne et la Pologne ».

Lors de la cérémonie de remise du Prix Nobel de la Paix, le 11 décembre 1971, Willy Brandt a longuement développé sa vision de la diplomatie allemande, mais sans évoquer son agenouillement devant ce Mémorial.

Le Traité de Varsovie, notamment le tracé des frontières extérieures, est confirmé et complété à Moscou par le traité dit « 2 + 4 » signé le 12 septembre 1990 par la RFA, la RDA, les États-Unis, la France, le Royaume-Uni et l'Union des Républiques socialistes soviétiques (URSS).

En 1971, Willy Brandt est distingué  le Prix Nobel de la paix « pour avoir contribué au rapprochement avec le bloc de l'Est » (Ostpolitik).

Tragédie aux Jeux olympiques 1972
Lors des Jeux olympiques de Munich (ancienne République fédérale allemande, actuelle Allemagne), onze athlètes israéliens sont pris en otages par les terroristes du mouvement Arabe palestinien Septembre Noir. Des forces de l’ordre allemandes tentent une vaine opération pour mettre un terme à la prise d’otages. Alors que des athlètes israéliens étaient parvenus à rompre des liens autour de leurs poignets, tous les athlètes israéliens sont tués lors de l'intervention allemande. Lors de l'opération allemande, cinq des huit terroristes sont tués, et trois interpellés.


Le bilan est lourd : onze athlètes Juifs de l'équipe olympique israélienne - David Mark Berger (28 ans, haltérophile), Zeev Friedman (28 ans, haltérophile), Yosef Gottfreund (40 ans, arbitre de lutte), Eliezaar Halfen (24 ans, lutteur), Yosef Romano (32 ans, haltérophile), Amitzur Shapira (40 ans, entraîneur de l'équipe d'athlétisme), Mark Slavin (18 ans, lutteur), Andre Spitzer (27 ans, arbitre d'escrime), Yakov Springer (50 ans, entraîneur de l'équipe d'haltérophilie), Kehat Schor (53 ans, entraîneur de l'équipe de tir), Moshe Weinberg (32 ans, entraîneur de l'équipe de lutte) - et un policier ouest-allemand décédés.

Un attentat terroriste révélant la détermination et le courage des athlètes et politiciens Juifs israéliens, ainsi que la lâcheté et l’incompétence de dirigeants politiques et sportifs européens, la cruauté lâche des terroristes  Arabes palestiniens antisémites, et l’alliance remontant au grand mufti de Jérusalem al-Husseini entre ces derniers et les (néo-)nazis allemands.

Le 17 juin 2012, le journal allemand Der Spiegel révèle, en se fondant sur le rapport du Service fédéral de renseignement, que deux néo-nazis, Willi Pohl et Wolfgang Abramowski, ont aidé les terroristes de Septembre Noir, dont Abou Daoud (sous le nom de Saad Walli), chef du commando, dans la logistique de cette prise d’otages des athlètes israéliens. L’un des deux néo-nazis était chargé par l’OLP de commettre des attentats et de prendre des otages en particulier à la cathédrale de Cologne, ceci pour venger des Arabes palestiniens tués par des policiers allemands. Willi Pohl, « aujourd'hui repenti de son passé nazi et devenu auteur pour la série télévisée à succès Tatort », a assisté à la rencontre entre Abou Daoud et des « Arabes portant costume et cravate », des diplomates syriens selon lui. Pohl et son complice « ont été arrêtés à Munich en octobre 1972 en possession d'armes automatiques, de grenades et d'une lettre de menace signée « Septembre noir » adressée à un juge chargé de l'instruction d'une enquête sur les membres du commando qui avaient survécu. Le commando s'était servi des mêmes grenades, de fabrication belge avec un explosif d'origine suédoise, pour tuer les otages israéliens ». En 1974, Pohl a été condamné à deux ans d’emprisonnement pour possession illégale d’armes.

Le 23 juillet 2012, ce journal allemand révélait que des alertes sur la tragédie à venir lors de ces J.O. avait été alors exprimées.

Le 26 août 2012, le Spiegel révélait que, craignant d'autres attentats, la RFA a collaboré officieusement, comme l'Italie, avec l’OLP peu après cet assassinat. Plusieurs mois après cet attentat, Walter Scheel, ministre allemand des Affaires étrangères, a rencontré secrètement plusieurs terroristes de Septembre Noir pour "reconstruire la confiance". Ces terroristes ont réclamé le soutien allemand à l'OLP en échange de l'arrêt des attentats terroristes palestiniens. Et l'ont obtenu. La RDA a mis un terme à son enquête.

Le 29 août 2012, des archives israéliennes déclassifiées révèlent combien les Israéliens déploraient cette tentative de sauvetage « mal organisée et ratée. [Les Allemands ont] tout fait pour en finir avec cette histoire, à n'importe quel prix afin de ne pas perturber les Jeux Olympiques… Ils n’ont même pas fait un effort minimal pour sauver des vies, ils n’ont pas pris le moindre risque pour sauver les gens, ni les leurs ni les nôtres » selon Zvi Zamir, alors chef du Mossad. Selon le Premier ministre Golda Méïr, l’Etat d’Israël n’avait pas reçu d’alerte concernant une menace visant l’équipe nationale aux J.O. de Munich. Golda Méïr avait exhorté à ne pas rendre responsable de cette tragédie les services de renseignements israéliens.

Le 5 septembre 2012, lors d'une cérémonie à la mémoire des victimes israéliennes à l’aéroport de la base militaire Fürstenfeldbruck, Ankie Spitzer, veuve d'Andrei Spitzer, entraineur de l'équipe israélienne d'escrime, a déploré la « tentative de sauvetage désastreuse » des forces de sécurité allemandes. Elle a fustigé « l'incompétence, la stupidité et l'arrogance » des autorités allemandes en 1972, et l'interdiction pour les familles des victimes d'accès aux documents officiels sur cette tragédie. Elle a réclamé « une nouvelle enquête » sur cet échec. Lors d'une conférence de presse, elle a insisté pour que les autorités allemandes « ouvrent tout », car c'était son droit de savoir ce qui s'était passé. Président du Conseil central des Juifs d'Allemagne, DieterGraumann a dénoncé le « dilettantisme désastreux et inimaginable des forces de sécurité allemandes », et la « négligence » et la « légèreté » des dirigeants sportifs. « Aucun être humain ne peut comprendre » que les Jeux n'aient pas été interrompus immédiatement, a-t-il constaté. « Avons-nous été trop naïfs ? Avons-nous sous-estimé la menace terroriste ? Ces questions demeurent », a reconnu le ministre allemand de l'Intérieur, Hans-Pieter Friedrich. Silvan Shalom, vice-Premier ministre israélien, a qualifié le 5 septembre 1972 d'un «  des jours les plus tragiques du jeune Etat d'Israël ». Il a considéré «  tout à fait légitimes » les demandes des proches des victimes et estimé qu'il était « peut-être temps » que l'Allemagne déclassifie les documents concernant cette tragédie.

"Avec entre autres son fils, l'historien Peter Brandt, et Egon Bahr, fidèle d'entre les fidèles, ce portrait réalisé par André Schäfer "retrace les grandes étapes d'une carrière politique exceptionnelle".

REPÈRES

1939. 23 août. Signature du Pacte germano-soviétique. A ce pacte de non-agression entre le IIIe Reiche et l’Union soviétique est ajouté un protocole secret concernant le partage de la Pologne par les cocontractants et l'annexion des pays baltes et de la Bessarabie par l'URSS.
29 août. Ultimatum de l'Allemagne nazie à la Pologne : l'Allemagne nazie réclame la restitution du couloir de Dantzig.
30 août. Mobilisation générale décrétée en Pologne.
31 août. A l’initiative de Reinhard Heydrich, chef de service de sécurité nazi, un commando allemand fomente un prétendu « incident » en attaquant la station radio frontalière de Gleiwitz, en territoire allemand. Et ce, afin d’agresser la Pologne.
Hitler signe la directive no 1 du plan Blanc (Fall Weiss) d'invasion de la Pologne prévue pour le 1er septembre.
5 septembre. Les frontières de la Pologne sont franchies.
17 septembre. L’Armée rouge envahit la partie orientale de la Pologne.
Pour éviter d’être capturés par l’envahisseur nazi, le Président et le gouvernement polonais fuient en Roumanie. Là, sous la pression allemande, les autorités roumaines les internet.
28 septembre. Signature à Moscou d'un traité germano-soviétique de « délimitation et d'amitié » entre Ribbentrop et Molotov, les ministres des Affaires étrangères respectivement du IIIe Reich et de l’Union soviétique.
27 septembre. Varsovie capitule.
28 septembre. Reddition des troupes polonaises encerclées à Modlin.
29 septembre. au terme du Blitzkrieg, l’Allemagne nazie et l’Union soviétique se partagent la Pologne suivant la ligne de démarcation qu’ils avaient fixée.
30 septembre. Élu en 1926, Ignacy Mościcki, Président de la République, transmet sa charge à Władysław Raczkiewicz. Celui-ci nomme le général Władysław Sikorski Premier ministre.
1er octobre. Le gouvernement de celui-ci prête serment.
22 novembre 1939-12 juin 1940. Il séjourne en France où les soldats polonaires combattent.
1940. Juin. Le gouvernement polonais s’installe à Londres (Angleterre).

« Willy Brandt. Une vie en politique » par André Schäfer
WDR, 2013, 89 min
Sur Arte le 23 juillet 2016 à 1 h 15

Visuels : © Florianfilm GmbH, © dpa et © WDR/Interfoto

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mercredi 20 juillet 2016

Jean-Michel Atlan (1913-1960), peintre


La galerie Jacques Elbaz présente des œuvres du peintre, auteur de lithographies et écrivain Jean-Michel Atlan (1913-1960). Un artiste inclassable, intéressé par la mystique, le sacré, la magie, l’érotique et les Judéo-berbères (La Kahena, 1958) et qui dessine des figures de totems dans ses tableaux.


« Mes formes ne sont ni abstraites ni figuratives, elles se contentent d’exister avec une violence intolérable. La peinture va beaucoup plus loin qu’on l’imagine. Nous qui croyons faire de l’art, nous remuons aussi des forces magiques infiniment redoutables. Cette magie est avant tout rythme, car c’est le rythme qui est à l’origine du souffle et de la vie, c’est le rythme qui invente les formes, c’est le rythme qui insuffle à la danse ce quelque chose de sacré qui anime aussi la peinture... L’essentiel pour un peintre n’est pas tant dans sa vision de la réalité mais bien plutôt dans la réalité de sa vision », écrit Jean-Michel Atlan dans une Lettre aux amis japonais (8 décembre 1959).

Étonnant parcours que celui de l’inclassable Jean-Michel Atlan.

Jean-Michel Atlan est né en 1913 dans une famille Juive berbère de Constantine (Algérie), dont le père étudie la Kabbale.

En 1933, Jean-Michel Atlan obtient sa licence de philosophie à l’université parisienne de la Sorbonne – son diplôme est consacré à la dialectique marxiste -, tout en devenant momentanément le garde du corps de Trotski et en s’intéressant à l’effervescence artistique.

En 1940, les lois antisémites de Vichy chassent ce professeur du lycée Condorcet.

Alors, Atlan dessine et écrit, s’intéresse à la magie africaine et aux religions extrême-orientales, s’installe avec son épouse Denise rue de La Grande-Chaumière, quartier artistique parisien.

En juin 1942, ce résistant est arrêté et condamné à mort. Il sauve sa vie en simulant la folie, est libéré le 18 août 1944 et rejoint de nouveau la Résistance. Son frère Paul Atlan est tué lors du débarquement Allié en Provence.

En 1944, paraît le recueil de poèmes Le Sang profond de Jean-Michel Atlan .

Les œuvres picturales de cet artiste sont exposées dès 1944. Elles attirent l’attention de Gertrude Stein  lors de sa visite dans son atelier.

Atlan illustre Description d’un combat de Kafka  et expose à la Galerie Maeght.

Proche des groupes CoBrA (Copenhague/Bruxelles/Amsterdam, 1948-1951) et surréaliste et de l’expressionnisme abstrait, Atlan se garde des dogmatismes artistiques. Il est de « ceux qui inventent la deuxième abstraction », a déclaré le galeriste parisien Jacques Elbaz .

D’abord apprécié essentiellement au Japon, cet artiste voit son talent reconnu lors de son exposition à la galerie Bing, à Paris, en novembre 1956.

Ce créateur aussi de lithographies et de décor pour théâtre meurt prématurément en février 1960, à l’âge de 47 ans, d’un cancer.

En 2002, la galerie Jacques Elbaz  a présenté 16 peintures de grands formats du peintre Jean-Michel Atlan  qui a conféré un effet « feutre » et « sable » à ses couleurs de Terre. Ses formes noires surprenaient par leur dynamisme grave. Parfois dans ces œuvres fortes, on croyait deviner du figuratif (verre, pellicule de film). C’était la première fois depuis la rétrospective du Musée national d’Art moderne de Paris (1963) qu’étaient exposées ces huiles sur toiles peintes entre 1955, date de sa reconnaissance internationale comme peintre majeur, et 1959. Cinq ans de maturité et seize toiles au format inhabituel chez Atlan.

Le musée de Tel-Aviv consacre une rétrospective à Atlan en 1964, puis le Centre Pompidou consacre cet artiste qui aimait le pastel en 1980.

Généralement noir, un liseré encadrait une œuvre aux formes noires vivantes qui maillent, plus ou moins densément, l’espace. Leur allant, leurs arrondis finis soudain en angles menaçants, la gravité qui les immobilise parfois, les tonalités qu’elles délimitent ou abritent, composent une œuvre complexe évoquant un labyrinthe dont on chercherait l’issue, parmi tant de chemins complexes.

Atlan semble apposer une « grille » irrégulière foncée laissant apercevoir des touchés de velours. Il donne du relief par des proximités de couleurs claires, faussement symétriques, et leurs contrastes avec les formes sombres. Des teintes non uniformes, des dégradés, des pastels donnent une transparence, une respiration, tranchant avec des bordeaux ou gris soutenus.

L’œuvre libre souvent encadrée d’un liseré noir, d’où naissent ou aboutissent des formes noires. Ces formes souples ressemblent à des traits opaques, qui se subdivisent ou incluent des ovales colorés. Elles semblent mailler lâchement l’espace. Parfois, un halo longe ces formes noires. Atlan enserre ses couleurs ou appose une grille noire laissant voir au travers ces espaces teintés si doucement qu’ils évoquent le touché du velours. Dans ces ovales ou triangles, une ou deux couleurs. Les teintes non uniformes ou pastels donnent une transparence, allègent une composition forte. Parfois, comme un aspect vitrail. Formes plus ou moins oppressantes, mais leur dynamisme, le mouvement qui les anime les rend supportables. Un aspect ludique, comme un labyrinthe dont on chercherait la voie pour sortir parmi tant de chemins complexes...
"Machine à déchirer la nuit
Nous avons recouvert le visage des jours
Murmure demeuré vivant
Oriflamme de la furie des étés
"
Atlan, 1940 (Des mots pour un orage)
En 2013, le LAAC de Dunkerque présenta des œuvres du peintre, auteur de lithographies et écrivain Jean-Michel Atlan  (1913-1960) dans le cadre de l’exposition CoBrA, sous le regard d’un passionné.

La galerie Jacques Elbaz présente des œuvres de Jean-Michel Atlan.

Atlan, Peintures - Grands formats. Galerie Jacques Elbaz, 2002

Du 30 mars au 23 juillet 2016
A la galerie Jacques Elbaz
1, rue d'Alger - 75001 PARIS
Tél. : +33 (0) 1 40 20 98 07
Du mardi au samedi de 10 h 30 à 12 h 30 et de 14 h à 18 h 30

CoBrA, sous le regard d’un passionné Jusqu’au 3 mars 2013
Au LAAC, lieu d’Art et Action contemporaine

Dunkerque
Pont Lucien Lefol
Jardin de sculptures
59140 Dunkerque
Tél. : 03 28 29 56 00
Tous les jours sauf le lundi, de 10 h à 12 h 15 et de 14 h à 18 h

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Cet article a été publié le 21 février 2013. 

mardi 19 juillet 2016

Garry Winogrand


Les Rencontres d'Arles présentent Radical Relation de Ethan Levitas et Garry Winogrand. Dans le cadre du mois de la photo 2014, le Jeu de Paume a présenté la première rétrospective, depuis 1990, du photographe américain Juif Garry Winogrand (1928-1984). Un chroniqueur talentueux de l’Amérique, urbaine – surtout le Manhattan des années 1960 - et rurale, de l’après-guerre, ce street photographer (photographe de rue) volubile, prolifique, demeure méconnu et parfois mal compris. Des « images emblématiques et des tirages inédits puisés dans les archives » révélant célébrités et anonymes, et les paradoxes de cette période de l’Histoire américaine : enthousiasme, tristesse, etc. 


Organisée par le San Francisco Museum of Modern Art (SFMOMA) et la National Gallery of Art, Washington, cette exposition itinérante permet de mieux faire connaître ce maître de la photographie de rue américaine, pair des Walker Evans, Robert Frank, Lee Friedlander et William Klein et considéré par John Szarkowski, conservateur du Museum of Modern Art, comme « photographe central de sa génération ». 

Célèbre pour ses photographies de New York et de la vie quotidienne aux États-Unis des années 1950 jusqu’au début de la décennie 1980, Garry Winogrand aspire à « découvrir à quoi ressemblent les choses une fois photographiées ».

L’exposition « Garry Winogrand » présente « les images les plus emblématiques de l’artiste et des tirages inédits puisés dans les archives », généralement inexplorées, de la fin de sa carrière. Partenaire de l’exposition, la RATP expose des photographies, dont certaines exclusives, de l’artiste dans une quinzaine de stations et de gare du réseau francilien.

Ces photographies brossent un « portrait vivant de l’artiste, chroniqueur de l’Amérique de l’après-guerre à l’égal d’un Norman Mailer ou d’un Robert Rauschenberg qui, durant les décennies postérieures à la Seconde Guerre mondiale, témoignèrent inlassablement d’une Amérique ballottée entre optimisme et bouleversements » politiques, sociaux, culturels.

Bien qu’estimé parmi les photographes majeurs du XXe siècle, Winogrand souffre d’études insuffisantes sur « son corpus pictural et son influence sur la discipline ». « Extrêmement prolifique, il a pourtant souvent différé la sélection et le tirage de ses images. À sa mort, survenue brutalement à l’âge de 56 ans, il a ainsi laissé derrière lui environ 6 500 bobines (soit quelque 250 000 images) qu’il n’a jamais vues ainsi que des planches-contacts des années antérieures, qui avaient été annotées mais jamais tirées ». Ainsi, environ la moitié des photographies de l’exposition sont inédites, jamais publiées et que plus de cent n’avaient pas fait l’objet de tirage.

« Il n’existe en photographie aucun ensemble, de taille ou de qualité comparables, qui soit à ce point resté à l’état de friche », déclare Rubinfien qui, dans les années 1970, a été un des plus jeunes amis de Garry Winogrand.

L’exposition s’articule autour de trois parties, « chacune couvrant une grande variété de sujets chers à l’artiste : « Descendu du Bronx » avec des tirages concernant majoritairement New York de 1950 jusqu’en 1971, « C’est l’Amérique que j’étudie » réunissant des travaux lors de voyages hors de la Big Apple, et « Une fin incertaine » sur « la période de maturité depuis son départ de New York en 1971 jusqu’à sa mort en 1984 avec des images du Texas et de Californie du Sud, ainsi que de Chicago, de Washington, de Miami et d’ailleurs » ainsi que des images « prises lors de ses retours à Manhattan » et empreintes de tristesse.

Une vidéo datant de 1977 permet de mieux connaître cet artiste volubile, « doté d’une personnalité exubérante et impétueuse, et les commentaires dont il émaillait ses projections et ses conférences étaient souvent pleins de verve et de drôlerie ». 

Un « chroniqueur exalté de l’Amérique de l’après-guerre »
Comme dans l’exposition sur André Kertész, aucun panneau de l’exposition ne mentionne la judéité de Garry Winogrand. Pourtant, quand j’ai interrogé l’un des commissaires américains de l’exposition lors du vernissage presse, celui-ci m’a répondu sans hésitation « Oui ».

Garry Winogrand  est né le 14 janvier 1928 dans une famille Juive, dans le Bronx. Son père est ouvrier dans une entreprise de cuir, sa mère fabriquait des cravates.

En 1946, Garry Winogrand s’engage dans l’Armée de l’air américaine où il est affecté à la prévision de la météo, qu’il quitte moins d’un an après en raison d’un ulcère l’affaiblissant.

Grâce à la G.I. Bill accordée aux militaires démobilisés (1948-1951), il étudie la peinture au City College de New York, et la peinture ainsi que la photographie à l’université Columbia de New York en 1948.

En 1951, il intègre brièvement la New School for Social Research à New York où il est l’élève notamment d’Alexey Brodovitch.

Ses photographies commerciales sont publiées par de célèbres et influents magazines américains : Life, Look, Sports Illustrated, Collier ’s et Pageant. « Par la suite, sa carrière sera infléchie par le déclin de ces titres et par l’avènement d’une nouvelle culture photographique axée sur le monde de l’art ». 

L’année suivante, il est recruté comme photographe commercial par la Pix Photo Agency à Manhattan et se marie avec Adrienne Lubow. Le couple a une fille prénommée Laurie en 1956, puis un fils Ethan.

En 1955, Garry Winogrand parcourt les Etats-Unis pour réaliser son premier reportage photographique. C’est l’année d’une exposition phare du Museum of Modern Art de New York, « The Family of Man » avec deux de ses photographies.

Vers 1957-1960, après avoir découvert l’œuvre de Walker Evans, Garry Winogrand confie à son épouse qu’il veut mettre un terme à son activité dans la photographie commerciale pour photographier « pour lui-même », arpentant les rues new yorkaises sans but de dénonciation sociale.

« Winogrand arrive à un moment où la frontière entre photographie journalistique et artistique n’a jamais été aussi floue, mais c’est aussi une période où les photographes les plus en pointe abandonnent sciemment les valeurs journalistiques », souligne Sarah Greenough. « Le paysage social qu’il photographie − le bouleversement de la vie urbaine, le développement de la banlieue avec son repli croissant sur elle-même, le scepticisme de la jeunesse et la collusion entre la presse et les puissants − inquiètent nombre d’Américains. Cela dit, l’artiste a rarement avancé des arguments clairs pour expliquer ces évolutions, préférant l’évocation poétique au journalisme intelligible. »

A New York, l’Image Gallery présente « Photographs by Garry Winogrand », sa première exposition individuelle.

En 1961, Edward Steichen, directeur du département de la Photographie au Museum of Modern Art, acquiert trois tirages de Garry Winogrand  pour enrichir les collections de ce prestigieux musée.

1962 marque une césure dans la vie de Garry Winogrand : son couple se sépare - Adrienne quitte le foyer avec leurs deux enfants – et la crise des missiles de Cuba l’affecte profondément.

En 1963, le Moma de New York présente l’exposition « Five Unrelated Photographers ».

L’année suivante, Gary Winogrand  bénéficie d’une bourse de la John Simon Guggenheim Memorial Foundation pour une « étude photographique de la vie américaine ». Il expose au Kodak Pavilion de la New York World’s Fair et lors de l’exposition « The Photographer’s Eye » au MoMA de New York. Et il débute ses clichés en couleurs.

Le divorce du couple Winogrand est prononcé en 1966, en accordant à Adrienne la garde des deux enfants. 

Les photographies de Garry Winogrand sont montrées lors de l’exposition « Toward a Social Landscape » au George Eastman House of Photography, Rochester, à New York.

En 1967, Garry Winogrand épouse Judy Teller – séparé en 1969, le couple divorcera en 1970 -, et enseigne à la Parsons School of Design de New York. Il est l’un des photographes, avec Diane Arbus  et Lee Friedlander  de l’exposition collective itinérante « New Documents », dont le commissaire est John Szarkowski au Museum of Modern Art, New York, ainsi que dans treize musées américains.

De 1967 à 1971, Garry Winogrand enseigne à la School of Visual Arts, à New York, puis à l’Institute of Design à l’Illinois Institute of Technology (Chicago). 

En 1969, il photographie le « lancement d’Apollo 11, premier vol spatial habité sur la Lune. Il reçoit une deuxième bourse de la John Simon Guggenheim Memorial Foundation pour étudier « la fabrique de l’événement de presse », et voit ses œuvres sélectionnées pour l’exposition « The Animals », avec des photos du zoo du Bronx et de l’aquarium de Coney Island au Museum of Modern Art à New York.

La Cooper Union for the Advancement of Science and Art, à New York, le recrute comme professeur adjoint de photographie en 1970.

En 1972, il est artiste et enseignant invité à la Cooper Union for the Advancement of Science and Art et bénéficie d’une bourse du New York State Council on the Arts. Il se remarie avec Eileen Adele Hale.

L’année suivante, il débute ses cinq années d’enseignement de la photographie au département d’art de l’université du Texas à Austin. 

Son premier portfolio Garry Winogrand est publié en 1974, année de naissance de sa fille Melissa.

Boursier du National Endowment for the Arts, cet auteur comblé par la publication et l’exposition à la Light Gallery Women Are Beautiful est hospitalisé pour être opéré de la thyroïde, puis est blessé au genou et à la jambe alors qu’il photographie un match de football. 

Son exposition itinérante The Great American Rodeo est présentée en 1976 au Fort Worth Art Museum, au Colorado Springs Fine Arts Center et au Witte Memorial Museum, San Antonio.

L’année suivante, le MoMa de New York montre Public Relations, une exposition itinérante accueillie dans trois musées américains réunissant des photographies de conférences de presse, de policiers frappant des manifestants, et de cocktails dans des musées.

En 1978, bénéficiaire d’une troisième bourse de la John Simon Guggenheim Memorial Foundation « pour photographier en Californie », il se fixe à Los Angeles, tandis que ses œuvres sont choisies pour l’exposition itinérante « Mirrors and Windows: American Photography since 1960 » au Museum of Modern Art, New York, puis dans sept musées américains.

Il poursuit son activité d’enseignant à l’université de Californie à Los Angeles (1979), tout en exposant, publiant des portfolios - Women Are Beautiful (1981), Garry Winogrand: Women Are Better Than Men. Not Only (1981-1984), 15 Big Shots (1983) – et concevant en 1983 l’affiche pour le Festival des arts olympiques éditée pour les Jeux olympiques de 1984 à Los Angeles.

Aux archives du Center for Creative Photography (CCP) à Tucson, il donne 16 000 tirages de travail ou d’exposition et plus de 400 planches-contacts. En 1992-1993, le CCP acquiert auprès d’Eileen Adele Hale des photographies et documents de Garry Winogrand couvrant les années 1947 à 1984. Ce qui porte le fonds Winogrand à « plus de trente mille tirages d’exposition ou de travail, vingt mille planches-contacts avec les négatifs correspondants, quarante-cinq mille diapositives en couleurs 35 mm, ainsi qu’un petit nombre de photos Polaroid, de films 8 mm et de documents en rapport avec les publications du photographe ». 

Célèbres business men et politiciens, passantes anonymes à New York, comédiens et sportifs, hippies et cow boys, rodéos et animaux des zoos, amateurs de voitures et soldats, aéroports et conférences de presse, manifestants antiguerre du Vietnam et ouvriers du bâtiment « qui leur tapaient dessus devant des policiers impassibles », Los Angeles, San Francisco, Dallas, Houston, Chicago, l’Ohio, le Colorado et les grands espaces du sud-ouest, Manhattan… Garry Winogrand les a saisis sans vouloir diffuser de message. Pour voir comment un fait apparaissait une fois photographié. Il offre ainsi un panorama de l’Amérique dans sa diversité, côte est et côte ouest, citadine et rurale, moderne et traditionnelle, laborieuse et révoltée, heureuse et inquiète.

« On pourrait dire que j’étudie la photographie. Et c’est vrai ; mais, en réalité, j’étudie l’Amérique », déclarait Garry Winogrand. Ce photographe a constitué un « vaste catalogue visuel de la mouvance sociale de son pays » qui « a suscité des comparaisons avec Walt Whitman, qui répertoriait lui aussi le monde sous forme d’interminables listes de personnes, d’endroits et d’objets ».

« Souvent encombrées de vingt ou trente individus, les images de Winogrand fascinent aussi par leurs premiers plans spectaculaires et par les événements secondaires qui se déroulent à leurs marges. Même débordantes de personnages, même empreintes de franche gaieté − il raffolait des calembours visuels et était enclin à l’absurde −, ses images peuvent exprimer un sentiment de solitude et renvoyer à un registre plus sombre tapi sous le vernis du rêve américain. À ses débuts, certains détracteurs ont qualifié ses clichés d’« informes » et d’« aléatoires », mais, par la suite, ses admirateurs et la critique ont trouvé une poésie unique dans ses horizons penchés et son goût pour le hasard ».

« Artistiquement, Winogrand était un descendant de Walker Evans et de Robert Frank, mais avec des différences marquées par rapport à eux », explique Rubinfien. « Il admirait Les Américains de Frank tout en estimant que ce livre passait à côté de la grande affaire de son époque, c’est-à-dire, dans son esprit, l’émergence d’une prospérité et d’un isolement des banlieues. L’espoir et l’entrain de la classe moyenne américaine d’après-guerre occupent pour moitié le cœur sensible de l’œuvre de Winogrand. L’autre moitié, c’est le sentiment de déliquescence. C’est la tension entre ces deux pôles qui donne à son travail son originalité. »

Garry Winogrand décède d’un cancer du canal cholédoque en 1984 à Tijuana (Mexique), et est enterré au cimetière de Mount Moriah, à Fair view (New Jersey).

Le volet ultime et « inachevé » de son œuvre enfin explorée
Winogrand préférait « capturer les images » que les « tirer ou les sélectionner pour des livres et des expositions − tâches qu’il laissait souvent à d’autres. Vers la fin de sa vie, il disait vouloir reprendre toutes ses photographies et opérer un nouveau tri, mais l’occasion ne lui sera pas donnée de superviser la mise en forme de son fonds ni même d’examiner correctement la production de ses dernières années ».

En raison de « sa méthode de travail et, au fil du temps, de son désintérêt pour le développement des pellicules, il en a laissé plus de 2 500 exposées mais pas développées et 4 100 qu’il avait traitées mais sans les regarder, soit un total estimé à 250 000 images que personne n’a pour ainsi dire jamais vues ». Ce qui a suscité des questionnements multiples et d’ordre éthique car Garry Winogrand n’a laissé aucune directive sur les tirages, etc.

« Certains considèrent qu’il ne faut pas toucher à ce que Winogrand a laissé derrière lui et que nul ne peut préjuger des intentions d’un artiste. Mais le volume de sa production, le fait qu’il ne l’ait pas entièrement examinée et la soudaineté de son décès créent une exception qui fait que, sans l’intervention d’une tierce personne, on ne pourra pas prendre la pleine mesure de l’oeuvre de cet éminent photographe », estime Rubinfien.

Les cinq livres de Winogrand publiés de son vivant − The Animals (1969), Women Are Beautiful (1975), Garry Winogrand (1976), Public Relations (1977) et Stock Photographs (1980) − ne représentent qu’une partie de son travail illustré par quelques thématiques, et ne révèlent pas la véritable stature de cet artiste.

« Archivée par le Center for Creative Photography (CCP) de l’université d’Arizona à Tucson, l’œuvre « inachevé » de Winogrand avait été organisé, après son décès, par plusieurs confrères et amis en vue de sa première grande rétrospective muséale tenue en 1988 au Museum of Modern Art de New York (MoMA). Estimant que la qualité du travail de Winogrand s’était nettement dégradée au cours de ses quinze dernières années, le commissaire de l’exposition, John Szarkowski, n’y avait présenté qu’un petit groupe d’images de la fin de sa vie ».

Grâce aux nouvelles recherches de conservateurs, cette exposition « propose un réexamen très attendu de l’œuvre du photographe » analysée et montrée dans sa globalité.

Elle a été présentée au San Francisco Museum of Modern Art (9 mars-2 juin 2013), à la National Gallery of Art (2 mars-8 juin 2014), au Metropolitan Museum of Art, New York (27 juin-21 septembre 2014), et à la Fundación MAPFRE (3 mars-10 mai 2015).

Radical Relation
Les Rencontres d'Arles présentent Radical Relation de Ethan Levitas et Garry Winogrand. Une exposition présentée avec la coopération de la Fraenkel Gallery (San Francisco), du Center for Creative Photography (Tucson) et de la galerie Jean-Kenta Gauthier (Paris) et avec le soutien d'IDTGV.

"En réunissant les œuvres pionnières et complémentaires d’Ethan Levitas et de Garry Winogrand, cette exposition entend interroger la photographie de rue dans ses propres termes et la resituer à l’intérieur du vaste champ de la pratique contemporaine. Salué par John Szarkowski comme le photographe majeur de sa génération, Winogrand est également considéré comme le principal représentant du mouvement de la photographie de rue, bien que son travail reste en partie mal compris. Digne héritier de Winogrand et de son projet inachevé, Levitas a développé et élargi au cours des dix dernières années la pratique de la photographie de rue en la définissant comme une relation entre différentes parties, dont la somme révèle une dissonance entre le visible et l’apparence. Qu’est-ce que regarder signifie ? Est-ce que le simple fait de regarder peut créer du sens ? Ses travaux permettent de mieux appréhender la démarche de Winogrand et d’en apercevoir la pleine réalisation", a écrit Joshua Chuang, Commissaire de l'exposition.

Né en 1928 de New-York, Garry Winogrand "est surtout connu pour avoir photographié la vie publique dans les rues des villes, les rodéos, les aéroports, les parcs et les rassemblements populaires. Ses travaux ont fait l’objet de nombreuses expositions : "New Documents" (1967) et "Winogrand : Figments from the Real World" (1988) au MoMA de New York, ainsi que "Winogrand : 1964" organisée par le Center for Creative Photography à Tucson en Arizona, où sont conservées toutes les archives de Winogrand. En 2013, le San Francisco Museum of Modern Art organise une grande rétrospective qui s’exporte ensuite à la National Gallery of Art à Washington, au Metropolitan Museum of Art à New York, au Jeu de Paume à Paris et à la Fundacíon MAPFRE à Madrid". Le photographe est mort en 1984 À Tijuana, Mexique.

Né en 1971 à New York où il vit et travaille, Ethan Levitas "s’intéresse à l’acte photographique en tant qu’intervention et à l’image en tant qu’événement capable de redéfinir les données liées au lieu, au rôle et au sens. Sa pratique artistique se fonde sur la conception de son rôle de protagoniste en relation avec les personnes qu’il photographie. La manière dont il conçoit cette relation est au coeur de son travail et s’exprime à différents degrés d’engagement civique et de dissidence. Quatre séries majeures constituent son oeuvre principale : "Untitled/This Is Just To Say" (2004-2009), "In Advance of a Broken Arm" (2009-2010), "Ten-Year Study" (2011), et "Photographs in 3 Acts" (2011-2015)".

Ethan Levitas/Garry Winogrand Radical Relation.
Grande Halle
Du 4 juillet au 25 septembre 2016
De 10 h à 19 h 30

Jusqu’au 8 février 2015
1, place de la Concorde – 75008 Paris
Tél. : 01 47 03 12 50 
Du mardi (nocturne) de 11 h-21 h, du mercredi au dimanche de 11 h à 19 h. 

Visuels :
Affiche
Garry Winogrand
Dallas, 1964
Tirage gélatino-argentique
The Garry Winogrand Archive, Center for Creative Photography, Université d’Arizona
© The Estate of Garry Winogrand, courtesy Fraenkel Gallery, San Francisco

Garry Winogrand
New York, vers 1962
Tirage gélatino-argentique
The Garry Winogrand Archive, Center for Creative Photography, Université d’Arizona
© The Estate of Garry Winogrand, courtesy Fraenkel Gallery, San Francisco

Garry Winogrand
Los Angeles, 1980-1983
Tirage gélatino-argentique
The Garry Winogrand Archive, Center for Creative Photography, Université d’Arizona
© The Estate of Garry Winogrand, courtesy Fraenkel Gallery, San Francisco

Garry Winogrand
New York, vers 1960
Tirage gélatino-argentique
The Garry Winogrand Archive, Center for Creative Photography, Université d’Arizona
© The Estate of Garry Winogrand, courtesy Fraenkel Gallery, San Francisco

Garry Winogrand
New York, 1950, gelatin silver print, San Francisco Museum of Modern Art, Fractional and promised gift of Carla Emil and Rich Silverstein,
© The Estate of Garry Winogrand, courtesy Fraenkel Gallery, San Francisco

Garry Winogrand, Coney Island, New York, c. 1952,
gelatin silver print, The Museum of Modern Art, New York, Purchase and gift of Barbara Schwartz in memory of Eugene M. Schwartz, © The Estate of Garry Winogrand, courtesy Fraenkel Gallery, San Francisco; digital image
© The Museum of Modern Art/ Licensed by SCALA/Art Resource, NY

Garry Winogrand, John F. Kennedy, Democratic National Convention, Los Angeles, 1960,
gelatin silver print, posthumous print made from original negative on the occasion of the Garry Winogrand exhibition organized by the National Gallery of Art and the San Francisco Museum of Modern Art, courtesy Center for Creative Photography, The University of Arizona,
© The Estate of Garry Winogrand, courtesy Fraenkel Gallery, San Francisco

Garry Winogrand, Richard Nixon Campaign Rally, New York, 1960,
gelatin silver print, posthumous print made from original negative on the occasion of the Garry Winogrand exhibition organized by the National Gallery of Art and the San Francisco Museum of Modern Art, courtesy Center for Creative Photography, The University of Arizona,
© The Estate of Garry Winogrand, courtesy Fraenkel Gallery, San Francisco

Garry Winogrand, New York World's Fair, 1964,
gelatin silver print, San Francisco Museum of Modern Art, Gift of Dr. L. F. Peede, Jr.,
© The Estate of Garry Winogrand, courtesy Fraenkel Gallery, San Francisco

Garry Winogrand, Central Park Zoo, New York, 1967,
gelatin silver print, Collection of Randi and Bob Fisher,
© The Estate of Garry Winogrand, courtesy Fraenkel Gallery, San Francisco

Garry Winogrand, Fort Worth, 1975,
gelatin silver print, San Francisco Museum of Modern Art, Gift of Dr. Paul Getz,
© The Estate of Garry Winogrand, courtesy Fraenkel Gallery, San Francisco

Garry Winogrand, Fort Worth, 1974,
gelatin silver print, San Francisco Museum of Modern Art, Accessions Committee Fund: gift of Doris and Donald Fisher, and Marion E. Greene,
© The Estate of Garry Winogrand, courtesy Fraenkel Gallery, San Francisco

Garry Winogrand, Los Angeles, 1983,
gelatin silver print, posthumous print made from original negative on the occasion of the Garry Winogrand exhibition organized by the National Gallery of Art and the San Francisco Museum of Modern Art, courtesy Center for Creative Photography, The University of Arizona,
© The Estate of Garry Winogrand, courtesy Fraenkel Gallery, San Francisco

Garry Winogrand, Park Avenue, New York, 1959,
gelatin silver print, National Gallery of Art, Patrons' Permanent Fund,
© The Estate of Garry Winogrand, courtesy Fraenkel Gallery, San Francisco

Garry Winogrand, Los Angeles, 1980–1983,
gelatin silver print, posthumous print made from original negative on the occasion of the Garry Winogrand exhibition organized by the National Gallery of Art and the San Francisco Museum of Modern Art, courtesy Center for Creative Photography, The University of Arizona,
© The Estate of Garry Winogrand, courtesy Fraenkel Gallery, San Francisco.

Garry Winogrand, New York, 1967. © The Estate of Garry Winogrand, avec l’aimable autorisation de la Fraenkel Gallery, San Francisco.
Garry Winogrand, New York, 1967. © The Estate of Garry Winogrand, courtesy Fraenkel Gallery, San Francisco.

Gary Winogrand, New York, 1970. Copyright The Estate of Garry Winogrand, courtesy Fraenkel Gallery, San Francisco.
Gary Winogrand, New York, 1970. Copyright The Estate of Garry Winogrand, avec l’aimable autorisation de la Fraenkel Gallery, San Francisco

Garry Winogrand, Los Angeles, 1964. © The Estate of Garry Winogrand, avec l’aimable autorisation de la Fraenkel Gallery, San Francisco.
Garry Winogrand, Los Angeles, 1964. © The Estate of Garry Winogrand, courtesy Fraenkel Gallery, San Francisco

Ethan Levitas, PHOTOGRAPH OF THE OFFICER WHO WILL NOT SAY A WORD, BECAUSE OF THIS PHOTOGRAPH. [PHOTOGRAPHIE DE L’AGENT DE POLICE SUR LE POINT DE NE RIEN DIRE, A` CAUSE DE CETTE PHOTOGRAPHIE.] Avec l’aimable autorisation de l’artiste et de la galerie Jean-Kenta Gauthier, Paris.
Ethan Levitas, PHOTOGRAPH OF THE OFFICER WHO WILL NOT SAY A WORD, BECAUSE OF THIS PHOTOGRAPH. Courtesy of the artist and Galerie Jean-Kenta Gauthier, Paris.

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Les citations proviennent du dossier de presse. Cet article a été publié le 8 février 2015.