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mardi 25 mai 2021

Paris, ville rayonnante


Croissance démographique, présence du pouvoir royal et de l'université, prospérité économique, expansion urbaine, (re)construction d’édifices religieux, habitants juifs dynamiques et brillants… Paris acquiert au XIIIe siècle le statut, qui perdurera, de « grande capitale européenne, mondiale et artistique ». Invités par des penseurs à observer la nature, les artistes s’en inspirent pour forger un nouveau style gothique, dit rayonnant « en référence au tracé particulier des roses de bâtiments l’adoptant ». Un style léger, délicat, uni, cohérent et divers, conférant une identité artistique de Paris. Le musée de Cluny musée national du Moyen Age présenta une centaine d’œuvres – sculptures, éléments d’architecture – illustrant cet art et issues d’édifices prestigieux dans le cadre de l’exposition Paris ville rayonnante qui souligne les relations étroites entre l'architecture, son décor et les autres arts. Le 25 mai 2021, de 14 h 30 à 16 h 30, dans le cadre d'une Pomenade hors les murs, le musée d'art et d'histoire du Judaïsme (mahj) propose "Sur la trace des juifs à Paris au Moyen Âge", par Ania Guini-Skliar, guide-conférencière nationale. 

Apprécié par les Capétiens depuis le Xe siècle, Paris devient le centre permanent du pouvoir royal sous le règne de Philippe Auguste.

Une grande cité du monde médiéval
Siège d’institutions royales sédentarisées, bénéficiant d’un essor économique offrant des opportunités professionnelles et de la réputation croissante de l'Université, Paris voit sa population quadrupler au XIIIe siècle. Selon le premier recensement, fait par foyers, en 1328, la cité compterait environ 217 000 habitants. Les immigrants viennent principalement de région dans un rayon d’environ 100 kilomètres autour de Paris, d’autres d’Angleterre, d’Ecosse. Tous amènent avec eux leur savoir-faire dans diverses techniques, leurs styles, contribuant élaborer une nouvelle culture visuelle à Paris, une nouvelle vision artistique.

Les productions à Paris ? Celles des tisserands et des drapiers, celles des fabricants de vêtements, de fourrures, celles d’orfèvres. Les biens sont vendus dans les halles et lors de grandes foires (Saint-Laurent, Saint-Germain). Parmi les commerçants, sont particulièrement puissants les marchands de l’eau qui contrôlent la navigation fluviale, des marchandises transportées par voie d’eau (grain, vin, sel, bois).

Vecteurs d’optimisme, ces facteurs alliés à la nouvelle muraille génèrent un afflux d’immigration vers la cité et un développement urbain. La cité s’étend, enregistre une demande croissante de logements. De nouvelles paroisses sont créées et de nouvelles institutions établies dans la ville et ses faubourgs. Plus de 60 édifices religieux sont construits ou reconstruits ; la ville en compte une centaine. Les plus grands penseurs vivent à Paris et influencent les artistes, les incitant à une observation directe de la nature, dans une approche nouvelle.

Apparue au XIIe siècle, organisée par Philippe Auguste en 1200 puis par le pape Innocent III en 1215, l’Universitas magistrorum et scholarium Parisiensis, réputée pour ses arts libéraux et son enseignement de théologie, de médecine et droit, induit un nouveau type de bâtiments : les collèges (Cluny, Bayeux). Le plus célèbre est celui créé en 1253 par Robert de Sorbon. La librairie concourt au niveau d’excellence de Paris dans le domaine de la peinture et de l’enluminure.

Les Juifs à Paris
La communauté juive de Paris est expulsée à deux reprises.

Avec la première, en 1183, disparaît la juiverie de l’île de la Cité.

De retour en 1198, les Juifs s’installent dans trois nouvelles juiveries.

Sur la rive droite, peut-être à l’emplacement, au XIVe siècle, de la juiverie Saint-Bon, on a peu d’information.

Rive gauche, se trouvaient deux juiveries : la juiverie Galande, abandonnée avant la fin du XIIIe siècle, et surtout celle de la Harpe, la plus importante jusqu’à l’expulsion de 1307. Là, se tenait l’école talmudique, dirigée par de grandes figures intellectuelles : Léon de Paris (rabbi Judah ben Isaac) ou Yehiel ben Joseph jusqu’en 1259.

Peu nombreuse et en butte à l’antijudaïsme, cette communauté constitue un élément déterminant de la vie, notamment intellectuelle, de la capitale.

L’exposition montre trois stèles funéraires juives aux inscriptions en hébreu. Celle de Dame Margalit, fille de Rabbi Ézéchiel en calcaire lutétien gravé (Paris, avant 1306), celle de Reine, datée d’avant 1309, et une troisième datant d’avant 1306 ; ces deux dernières découvertes en 1849 (cimetière juif de la rue Pierre Sarrazin).

Le 22 juillet 1306, le lendemain du jeûne observé en mémoire du jour de la destruction du Temple de Jérusalem, les juifs sont emprisonnés, puis bannis, sous peine de mort, du royaume par le roi Philippe le Bel, et tous leurs biens, dont leurs Ketoubot (la ketouba est le contrat de mariage religieux) saisis. Sur cette expulsion, Jean de Saint-Victor écrit :
« En cette même année, en août et en septembre, tous les juifs, sinon quelques-uns qui voulurent se faire baptiser, furent expulsés du royaume ; le roi s’appropria leurs biens et les fit collecter par ses officiers, à l’exception d’une somme d’argent laissée à chaque juif pour payer son départ du royaume ; nombre d’entre eux moururent en chemin d’épuisement et de détresse »
Le 9 mai 2010, une conférence au musée d'art et d'histoire du judaïsme évoqua cette communauté juive parisienne.

Du gothique classique au rayonnant
Après avoir résolu les questions techniques, les architectes effectuent de nouvelles recherches « sur la forme et l’articulation de l’espace ». Un nouveau style apparaît dès le premier quart du XIIIe siècle.

Le style rayonnant doit son nom à la forme des roses. Les autres éléments de son répertoire décoratif, la sculpture végétale s'intégraient aisément dans les nouveaux édifices. Le style gothique rayonnant rencontre un grand succès en raison de sa facilité d’adaptation sur les supports, dans les arts, et aux demandes particulières : il devient plus sobre pour s’harmoniser à l'idéal ascétique des ordres mendiants (Carmes, Jacobins, Cordeliers). L’architecture rayonnante allie puissance et délicatesses.

A la fin du XIIIe siècle, les arts sont en étroite relation les uns avec les autres, le style rayonnant passe ainsi de l’architecture à l’orfèvrerie, aux enluminures de manuscrits... Il devient un « art total ». Il domine l’architecture de la France du Nord jusqu’aux environs de 1350, rencontre le succès à Cologne, Prague, Sienne ou l’abbaye de Westminster.

« Style de cour » (Robert Branner) privilégié, représentant le prestige royal et la grandeur de Paris, ou style de la ville ? Le gothique rayonnant parisien était le style omniprésent à Paris.

Mutilées et en partie détruites par les révolutionnaires, recherchées depuis le XIXe siècle, les têtes des rois de Juda provenant de la cathédrale Notre-Dame sont finalement découvertes par hasard, en 1977, dans les sous-sols de l’hôtel particulier qui abritait la Banque Française du Commerce Extérieur dans le IXe arrondissement.

Au cours du XIIIe siècle, environ soixante églises furent construites – la Sainte Chapelle (1239-1248) - ou reconstruites dans ce style rayonnant : église de Saint-Germain-des-Prés à Paris, nef de l’abbaye Saint-Denis. Si de nombreux bâtiments au style rayonnant ont été détruits, on peut en trouver des vestiges par les fouilles archéologiques. Restent aussi les sources archivistiques et graphiques.

Les nouveaux édifices étaient moins grands que ceux édifiés précédemment, leurs fenêtres s'élargissaient progressivement. Le décor architectural devient indissociable de la structure, et l’emporte sur celle-ci qu’il veut rendre imperceptible. « Murs et contreforts furent réduits ou cachés derrière des arcatures en trompe-l’œil et de la sculpture. Les décors végétaux se répandirent sur les coursives, moulurations, clefs de voûtes et chapiteaux », précise le musée.

Le décor architectural « abandonne le répertoire stylisé de feuilles lisses ou côtelées hérité de la fin du XIIe siècle. Il devient de plus en plus naturaliste dans le choix des essences. La vigne et le chêne d’abord sont soigneusement représentés, puis très vite l’érable, le figuier, l’aubépine, le chardon ou la rhubarbe. Cette nature forestière, parfois sauvage et anthropomorphe, reste maîtrisée… Dans la lignée d’Albert le Grand puis de saint Thomas d’Aquin, les théologiens scolastiques postulent de la perfection de la Création non seulement comme tout, mais aussi dans ses détails. La minutieuse observation de la nature par les sculpteurs le reflète parfaitement ». Le décor végétal sculpté sur les chapiteaux, les frises, les portails avec un sens de la vie, se substituant aux figures. « En lieu de stylisation, c’est une nouvelle approche naturaliste qui se développe dans les années 1240. Les feuilles et les herbes des prés et des forêts des environs de Paris se répandent en guirlandes sur les monuments ou poussent sur les portails » (Xavier Dectot, conservateur au musée de Cluny et co-auteur du catalogue de l’exposition).

À l’instar de l’architecture, la sculpture rayonnante se fait plus légère, soignant la fluidité des drapés, la délicatesse des boucles. Provenant du revers de la façade du transept sud de Notre-Dame, Adam est remarquable par « l’élégance de sa posture et la finesse de la description anatomique. Cette statue témoigne à la fois de l’héritage de l’Antiquité et de la virtuosité des grands artistes du XIIIe siècle », résume le musée.

Le 25 mai 2021, de 14 h 30 à 16 h 30, dans le cadre d'une Pomenade hors les murs, le musée d'art et d'histoire du Judaïsme (mahj) propose "Sur la trace des juifs à Paris au Moyen Âge", par Ania Guini-Skliar, guide-conférencière nationale. 

Une "promenade sur la rive gauche et l’île de la Cité. Où habitaient les juifs au Moyen Âge ? Quels étaient leurs métiers, leur vie intellectuelle, leurs relations avec leurs voisins chrétiens ? Cette promenade sur la rive gauche et l’île de la Cité nous plonge dans le Paris médiéval et permet, malgré l’absence de vestiges, d’évoquer l’histoire passionnante d’une vie culturelle et spirituelle juive florissante. Rendez-vous devant l’église Saint-Julien-le-Pauvre, à l’angle des rues Galande et Saint-Jacques, Paris 5e. La promenade est maintenue en cas d’intempérie".


Jusqu’au 24 mai 2010
6, place Paul Painlevé. 75005 Paris
Tél. : 01 53 73 78 16
Tous les jours, sauf le mardi, de 9 h 15 à 17 h 45

Conférence de Raphaëlle Laufer-Krygier sur les Juifs de Paris au Moyen Âge au musée d'art et d'histoire du judaïsme (MAHJ) le dimanche 9 mai 2010 à 15 h
Durée : 1 h 30 ; visite guidée

Visuels de haut en bas :
Groupe de deux chapiteaux de colonnettes engagées
Abbaye de Saint-Germain-des-Prés, Paris
Vers 1239-1245
Pierre
Hauteur : 0.28m
Largeur : 0.36m
Profondeur : 0.2m
Paris, Musée de Cluny - Musée national du Moyen Âge
© RMN / Jean-Gilles Berizzi

Clé de voûte : feuillages
Collège de Cluny, Paris
3e quart du XIIIe siècle
Calcaire
Hauteur : 0.295m
Largeur : 0.60m
Profondeur : 0.635m
Diamètre : 0.360m
Paris, Musée de Cluny - Musée national du Moyen Âge
© RMN / Jean-Gilles Berizzi

Têtes des rois de Juda
Cathédrale Notre-Dame de Paris
Vers 1220-1230
Paris, Musée de Cluny - Musée national du Moyen Âge
© RMN / Gérard Blot

Clé de voûte : tête
Collège de Cluny, Paris.
3e quart du XIIIe siècle
Calcaire
Hauteur : 0.29m
Largeur : 0.37m
Profondeur : 0.46m
Diamètre : 0.355m
Paris, Musée de Cluny - Musée national du Moyen Âge
© RMN / Jean-Gilles Berizzi

Adam
Cathédrale Notre-Dame de Paris, revers de la façade du bras sud du transept
Vers 1260
Calcaire
Hauteur : 2m
Largeur : 0.73m
Profondeur : 0.41m
Paris, Musée de Cluny - Musée national du Moyen Âge
© RMN / Hervé Lewandowski


A lire sur ce blog :
Cet article a été publié le 8 mai 2010, puis le 29 août 2016.

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