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jeudi 12 juillet 2018

« KaDeWe, Berlin » par Elke Werry


Arte rediffusera le 14 juillet 2018 à 6 h 15, dans la série « Les grands magasins, ces temples du rêve » (Die großen Traumkaufhäuser), « KaDeWe, Berlin », documentaire par Elke Werry. Fondé par Abraham Adolf Jandorf, commerçant juif allemand, en 1907, le KaDeWe  (Kaufhaus Des Westen ou « Grand magasin de l'Ouest ») est acheté en 1927 par Warenhaus Hermann Tietz AG, groupe appartenant à une famille juive allemande qui l’agrandit. KaDeWe est aryanisé par les Nazis, détruit par un bombardement pendant la Deuxième Guerre mondiale. Reconstruit, il ré-ouvre ses portes en 1950 et devient la vitrine consumériste emblématique de la République fédérale d’Allemagne (RFA). Institution berlinoise attractive pour les touristes, célèbre pour son exquise offre gastronomique raffinée - 35 000 produits - et ses articles de luxe, le KaDeWe s'est imposé comme l’un des deux plus grands magasins européens.

« Au bonheur des dames. L'invention du grand magasin », par Sally Aitken et Christine Le Goff 
« Les Galeries Lafayette, Paris », par Elke Werry
« KaDeWe, Berlin  » par Elke Werry
« Macy's, New York » documentaire par Janos Kereszti

Réalisatrice de la série documentaire « Bazars d’Orient » présentant notamment « Bazar d’Orient. Jérusalem » (Basare Der Welt), Elke Werry s’intéresse aux grands magasins apparus en Europe dans la deuxième moitié du XIXe siècle.


Curieusement, la chaîne franco-allemande publique Arte présente les deux volets de la série documentaire « Les grands magasins, ces temples du rêve » d’Elke Werry sans mentionner la judéité de leurs fondateurs !?

Or, à Berlin, au début du XXe siècle, les trois plus grands magasins sont détenus par des Juifs allemands : Wertheim fondé par Georg Wertheim, Hermann Tietz et KaDeWe (Kaufhaus Des Westen ou « Grand magasin de l'Ouest »).

Concept novateur
En 1898, fils d'un marchand de bestiaux, Abraham Adolf Jandorf, commerçant juif allemand, ouvre son premier magasin berlinois dénommé Spittel Mkt. Son rêve : devenir conseiller commercial de Prusse. Il aspire à la reconnaissance sociale. Il essaime ses magasins à Berlin où travaillent 3 000 employés. Avec son épouse et son fils, il vit dans un appartement de 19 pièces dans un quartier huppé de Berlin. Il théâtralise la marchandise : grands halls en marbre, étals attractifs pour toutes les classes sociales, etc.

En 1905, Abraham Adolf Jandorf commande à l’architecte Johann Emil Schaudt la construction à Berlin d’un immeuble pour y développer son concept de grand magasin destiné à la bourgeoisie. Fort de 800 000 habitants, Berlin est alors la capitale du royaume de Prusse, une ville en plein essor, emplie d'usines polluantes. Les ruraux qui affluent dans cette ville deviennent prolétaires et consommateurs. La façade est en calcaire coquillé au style sobre.

Abraham Adolf Jandorf  choisit avec soin son emplacement : rue Kürfürstendamm, sur la Wittemberg Platz, dans le quartier commerçant de Schöneberg, près de la gare Zoologischer Garten. Un lieu bien desservi dans la partie ouest la plus chic. La cible ? Une "clientèle mondaine et fortunée". Parmi la clientèle : le roi de Siam.

Ouvert en 1907, le KaDeWe (Kaufhaus des Westens, en français « Grand magasin de l'Ouest ») s’étend alors sur 24 000 m² près du quartier bourgeois Tiergarten Schaudt. Il est le plus grand magasin d’Allemagne avec ses 60 000 m². plus de 5 000 lampes à incandescence, un réseau pour le transfert de la monnaie, un personnel qualifié... Jandorf s'inspire du commerce britannique.

Au début du XXe siècle, 80% des commerces sont détenus par des Juifs. Au grand dam des petits commerçants. Ce qui alimente l'antisémitisme. Pour l'éviter, certains commerçants allemands juifs se convertissent.

L’idée originale ? Offrir aux clients des articles du monde entier, de la dernière mode parisienne aux fruits exotiques tropicaux, ainsi qu’un salon de thé pour une clientèle féminine bourgeoise.

En 1918, la "révolte populaire gronde à Berlin. L'empereur fuit". La république socialiste est proclamée. Brièvement.

Quatre millions d'habitants vivent à Berlin dans les années 1920, durant les Années Folles. Les quartiers ouest deviennent le nouveau centre de divertissements de Berlin. C'est l'âge d'or pour le commerce de luxe.

La concurrence commerciale s'intensifie : la Semaine du Blanc est créée. En 1927, KaDeWe dispose de 18 000 employés. Warenhaus Hermann Tietz AG, société portant le nom de son fondateur et pionnier dans l’introduction du concept de grand magasin en Allemagne, le rachète, le modernise, en augmente la superficie et l’inclut dans le groupe Hertie. Famille juive commerçante depuis 1882, Tietz avait introduit un concept américain : vente à prix fixes, chiffre d’affaires élevé.

Après et malgré la crise économique de 1929, le groupe Hertie projette de surélever KaDeWe de deux niveaux supplémentaires.

Mais l’arrivée au pouvoir des Nazis en 1933 bouleverse ses plans. Effet du boycott antijuif : les banques refusent d’accorder à un groupe juif le prêt indispensable au financement de travaux. 

Le groupe Hertie est aryanisé. Pour diriger KaDeWe, les Nazis choisissent Georg Karg. Le Ministère du Commerce du III Reich lui alloue un prêt de 11 millions de marks. Spoliée, la famille Tietz fuit l’Allemagne nazie.

« Largement détruit par un incendie en 1943 » causé par le crash d’un avion bombardier américain, KaDeWe est reconstruit après la Deuxième Guerre mondiale.

Les héritiers de la famille Tietz obtiennent en 1949 la reconnaissance de leurs droits.

En 1950, KaDeWe réouvre sur deux niveaux, et accueille chaque jour 180 000 visiteurs. 

Sa reconstruction sur sept étages prend fin en 1956.

Pendant la guerre froide, KaDeWe devient l’emblème de la prospérité de la République fédérale d’Allemagne (RFA), la vitrine de la société de consommation, le symbole de l’opulence occidentale lors du Wirtschaftswunder (miracle économique). 

En 1961, après l’édification du Mur de Berlin, KaDeWe est uniquement fréquenté par les Berlinois de l’Ouest.

De 1976 à 1978, il accroît sa superficie de 24 000 m² à 44 m².

En novembre 1989, après la chute du Mur de Berlin, les Berlinois de l’Est se ruent dans ce grand magasin devenu quasi-mythique, symbole de l’abondance capitaliste.

En 1996, des travaux sont menés à KaDeWe pour y créer un étage supplémentaire, l’agrémenter d’un jardin d’hiver et d’un restaurant. La superficie atteint alors 60 000 m².

Pour le centenaire de l’enseigne, des travaux de rénovation sont effectués à presque tous les niveaux.

Chaque jour, jusqu’à 180 000 clients sont accueillis à KaDeWe par environ 2000 employés dans les sept niveaux emplis de 380 000 articles disponibles. Au 6e étage : la Feinschmeckerabteilung, département gastronomique pour les gourmets curieux de world food (cuisine du monde).

Après Harrods à Londres, KaDeWe s’est transformé en plus vaste magasin en Europe. Il est détenu par le Central Group, un conglomérat basé en Thaïlande.

C’est l’un des trois monuments, avec le bâtiment du Reichstag et la Porte de Brandebourg, les plus visités par les touristes.

Comme les grands magasins parisiens, la direction de KaDeWe a accentué l’offre d’articles de luxe, de la gastronomie à la joaillerie, via le prêt-à-porter, les jouets et les arts de la table.

L'année est ponctuée d’événements. Ainsi, un célèbre photographe portraiture de jeunes clientes. Ses photographies ornent les vitrines du bâtiment.

Pour contrer Internet, KaDeWe se mue en lieu de rencontres.

Presque tous ses employés sont issus de l'immigration.

Le cabinet d'architectes OMA a été chargé de restructurer le magasin.  L'idée est de distinguer quatre espaces, avec une entrée spécifique, et aux caractéristiques particulières. L'espace commun se trouvera dans le lieu mansardé.

Israël
En novembre 2015, après l’injonction de l’Union européenne ayant interdit l’étiquette « Made in Israël » aux articles produits en Judée, en Samarie, de la partie de Jérusalem libérée en 1967 et dans les hauteurs du Golan, KaDeWe avait retiré de ses rayons les articles, notamment des bouteilles de vin, provenant de Judée et de Samarie. Devant l’indignation suscitée par ce boycott, exprimée par le gouvernement israélien et dans les médiaux sociaux, l’enseigne avait présenté des excuses pour « avoir agi trop rapidement et de manière insensible » et expliqué qu’il allait remettre en vente ces produits dans son magasin, après avoir procédé à l’étiquetage conforme à la décision de l’UE. Autre enseigne berlinoise, GALERIA Kaufhof n’avait pas procédé à cet étiquetage.

Grâce à des images d’archives, le documentaire « KaDeWe, Berlin » « retrace l’histoire mouvementée de ce temple du luxe, devenu une véritable institution berlinoise ».


« KaDeWe, Berlin », par Elke Werry
52 min
Sur Arte les 19 février 2017 à 17 h 25, 18 juin 2017 à 18 h 0514 juillet 2018 à 6 h 15

Visuels :
En 1907 a ouvert à Berlin le KaDeWe. C'est encore le plus célèbre grand magasin de l'Allemagne. Ceux qui recherchent le luxe, le trouveront ici
Das KaDeWe a ouvert en 1907 à Berlin
KaDeWe, Berlin, 1907
Intérieur du KaDeWe, 1928
Vue de la façade du KaDeWe, 1931
Vue de la façade actuelle du KaDeWe, rue Passauer
Le KaDeWe est l'un des plus grands centres commerciaux d'Allemagne. Il est également un endroit avec une histoire unique
© Telecult

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Les  citations proviennent d'Arte. Cet article a été publié le 16 février 2017, puis le 18 juin 2017.

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