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jeudi 10 mai 2018

Meijer de Haan (1852-1895), le maître caché

   
Le Musée d’Orsay a rendu hommage au peintre néerlandais juif Meijer de Haan (1852-1895). Par une trentaine d'œuvres – sur la quarantaine de tableaux connus - généralement jamais montrées en France, cette première exposition monographique, au parcours chronologique et thématique, est consacrée à cet artiste talentueux, « figure importante du cercle de Gauguin au tournant des années 1880-1890 » dont les tableaux permettent de comprendre le post-impressionnisme. Un excellent catalogue apporte des informations précieuses sur cet artiste et les juifs hollandais. La Petit Palais présente l'exposition Les Hollandais à Paris, 1789-1914 : Van Gogh, Van Dongen, Mondrian...


 
Après sa présentation au musée historique juif d’Amsterdam, et avant d’être accueillie par le musée des Beaux-Arts de Quimper, cette exposition au catalogue passionnant vise à faire découvrir au public du musée d’Orsay à Paris le peintre Meijer de Haan (1852-1895).

Un artiste « surtout connu aujourd’hui par les portraits que son ami Paul Gauguin a laissés de lui » et dont la brève et fulgurante carrière s’achèvera prématurément.

« C’est l’un des premiers juifs à s’exprimer comme peintre. Il a peint des natures mortes et portraits, puis il a choisi des tableaux de genre à caractère juif. Un « genre » à la mode… Blond, les yeux bleus, Meijer de Haan mesurait environ 1,50 m, était un peu bossu, probablement due à la tuberculose dont il a souffert toute sa vie », nous confiaient les commissaires de l’exposition, Jelka Kröger, conseillère scientifique et commissaire de l’exposition à Amsterdam, André Cariou, directeur du Musée des Beaux-arts de Quimper, et Sylvie Patry, conservateur du patrimoine au Musée d’Orsay, le 15 mars 2010.

Du réalisme académique à l’avant-garde
Meijer de Haan est né en 1852, à Amsterdam, dans une famille juive traditionnaliste, aisée et conservatrice hollandaise, donc non liée à l’art. Il grandit dans le quartier juif de cette ville.

Il s’y forme à l’Académie des Beaux-arts, « en marge du foyer artistique « L’Ecole de La Haye » marquée par le réalisme français ».

Généralement inédits en France, ses tableaux des années 1870-1880 brossent la vie des juifs d’Amsterdam, l’histoire juive, des sujets quotidiens et révèlent son admiration pour le XVIIe siècle hollandais. L’influence de Rembrandt - effets du clair-obscur - est prégnante dans ces œuvres. Cette « profonde connaissance du maître suscitera l’admiration de Vincent Van Gogh » qu’il ne rencontrera jamais.

A Amsterdam, Meijer de Haan est célèbre.

Il a exposé Une controverse sur le Talmud en 1879 et Charité en 1880 au Salon à Paris. Il transmet son savoir à ses élèves dans son atelier et évolue dans un cercle de peintres juifs.

En 1888, sa vaste composition du peintre, inspirée d'une figure d'histoire de juifs hollandais, Uriël Acosta – juif condamné par les rabbins en raison de ses opinions sur l’immortalité de l’âme et qui se serait suicidé en 1640 à Amsterdam - et sur laquelle il a travaillé pendant huit ans, est au centre d’une polémique parmi les artistes.

Meijer de Haan part donc de Hollande, avec un de ses élèves, Joseph Jacob Isaacson, pour rejoindre la France en 1888.

A Paris, il est hébergé jusqu’en mars 1889 par Théo Van Gogh, frère de Vincent et marchand d’art, qui l’introduit dans le Paris artistique d’avant-garde.

Vraisemblablement jusqu’à l’automne 1890, Meijer de Haan perçoit 300 francs mensuels de ses frères.

Son installation à Paris marque un tournant majeur et une rupture déterminante. Meijer de Haan découvre les tableaux de Cézanne, Monet, Seurat, Toulouse-Lautrec…

Par l’intermédiaire de Théo van Gogh, il rencontre Pissarro, et Gauguin. Cette rencontre avec Gauguin change complètement sa carrière et son style de peinture.

Suivant le conseil de Gauguin, Meijer de Haan part pour Pont-Aven, en Bretagne, début avril 1889.

Depuis près de trente ans, la Bretagne présente plusieurs atouts : elle est perçue comme « une terre primitive épargnée par l’industrialisation » ; elle recèle des sujets neufs d’inspiration ; elle offre des conditions de vie peu onéreuses à des artistes désargentés.

D’avril 1889 à octobre 1890, Meijer de Haan peint aux côtés de Gauguin et des artistes - Sérusier et Filiger - qui se réunissent au Pouldu, « hameau retiré » et à Pont-Aven en Bretagne. Au début, De Haan est « malade et démoralisé », tiraillé entre son ancien style et les prémisses d’une nouvelle manière de peindre. Il crée alors peu.

A Paris, en juin 1889, il assiste à l’exposition Volpini, en marge de l’Exposition universelle : Il observe avec attention les tableaux « synthétistes » de Gauguin, d’Emile Bernard, d’Anquetin, « dont les formes sont simplifiées, les contours cloisonnées de lignes sombres et les couleurs vives posées en aplats ». Il retourne en Bretagne, et vit au Pouldu.

En octobre 1889, De Haan et Gauguin partagent le même atelier dans la villa de Mauduit au Pouldu. De Haan aide financièrement Gauguin pendant plusieurs mois. Les deux artistes « explorent des genres divers (natures mortes, portraits, paysages, décorations murales) au gré de méthodes et de techniques variées : études en plein air sur le motif, peinture sur bois ou plâtre, sculpture ».

De Haan « entreprend avec Gauguin, qu’il surnomme « le provocateur » le décor de la salle à manger de la célèbre auberge de Marie Henry au Pouldu » où ils résident. Fin 1889, Meijer de Haan a une liaison avec Marie Henry. « Les murs et les fenêtres sont couverts de scènes colorées alternant portraits (comme celui de leur hôtesse Marie Henry dans « Maternité »), évocation du monde breton et du travail (« Labor » ou « Les teilleuses de lin ») et nature mortes ». L’ensemble sera dispersé au début du XXe siècle.

En janvier 1890, Meijer de Haan songe à créer un atelier avec Gauguin et Vincent van Gogh à Anvers.

Gauguin retournant à Paris début février 1890, Meijer de Haan demeure seul au Pouldu. A l’été 1890, il envisage de partir pour Tahiti avec Gauguin.

La famille de Meijer de Haan réduit son aide à l’artiste qui doit quitter la Bretagne en octobre 1890 et y laisse ses tableaux bretons. Il rejoint Paris. Il n’a jamais du connaître « Ida, sa fille que Marie Henry met au monde » le 9 juin 1891.

Il est très ému par la mort de Theo van Gogh en 1890.

Il n’accompagne pas Gauguin à Tahiti en 1891 et demeure à Paris.

Vers 1891-1892, Meijer de Haan retourne en Hollande. Malade – il souffre de tuberculose - , il se soigne à Bad Wildungern (Allemagne).

Seul, ayant cessé de peindre, il décède trois ans plus tard, à l’âge de 43 ans, à Amsterdam, en 1895.

« Son atelier est dispersé, puis en 1959 ses toiles bretonnes sont mises en vente par Léa, première fille de Marie Henry, et par Ida, qui avait tenté en vain d’intéresser les musées à l’œuvre de son père ».

Meijer de Haan a « abordé des genres variés, avec une prédilection pour le portrait et la nature morte : certaines sont peintes côte à côte en Bretagne avec Gauguin ».

Sa peinture « épouse et développe les principes du synthétisme défendu par Bernard et Gauguin dès 1888 : simplification » des formes, « cernes sombres délimitant des aplats de couleurs vives, au service de l’évocation d’une Bretagne volontiers perçue comme ‘primitive’ ».

Ainsi, les œuvres de Meijer de Haan sont essentielles pour comprendre « un moment-clé, le post-impressionnisme, lorsque les avant-gardes à la fin des années 1880 s’engagent dans la voie de la simplification radicale et de la couleur ».

Le catalogue de l'exposition apporte de multiples éclairages sur cet artiste, en particulier sur la situation des juifs en Hollande.

L'Atelier Grognard à Rueil-Malmaison proposa l'exposition Les peintres de Pont-Aven autour de Paul Gauguin.

Le musée de Pont-Aven a rouvert ses portes le 26 mars 2016.

Jusqu’au 20 juin 2010
Niveau médian Lille, salle 69
entrée par le parvis, 1, rue de la Légion d’Honneur, 75007 Paris
Tél. : 01 40 49 48 14
Tous les jours, sauf le lundi, de 9h30 à 18h, le jeudi jusqu’à 21h45.

Cette exposition a été conçue à l’initiative du Joods Historisch Museum d’Amsterdam qui l’a présentée du 12 octobre 2009 au 24 janvier 2010, et organisée avec le musée d’Orsay à Paris et le musée des Beaux-Arts de Quimper qui l’accueillit du 8 juillet au 11 octobre 2010.

Meijer de Haan, le maître caché. Hazan , 2010. 160 pages. ISBN : 9782754104333

Visuels de haut en bas :
Couveture du catalogue
Meijer de Haan
Autoportrait sur fond japonisant, 1889-1891
huile sur toile, 32,4 × 24,5 cm
Fondation Triton, Pays-Bas
© Collection Triton Fondation, Pays-Bas

Meijer de Haan
Type ou Portrait d’une vieille Israélite, vers 1880
huile sur toile, 63 × 52 cm
Amsterdam, Rijksmuseum
© Image Department Rijksmuseum, Amsterdam

Meijer de Haan
Critique, 1880-1888
huile sur toile, 55 × 42 cm
Amsterdam, Musée historique juif
© Photo Joods historisch museum

Meijer de Haan
Portrait d’une dame, 1882
huile sur toile, 135 × 100,5 cm
Amsterdam, Musée historique juif
© Photo Joods historisch museum

Meijer de Haan
Maternité, 1889
huile sur toile, 72 × 59,5 cm
Collection particulière. Photo collection particulière
© Droits Réservés

Meijer de Haan
Autoportrait en costume breton, 1889
huile sur toile, 74 × 54 cm
Collection particulière
© Droits Réservés

Meijer de Haan
Branche de lilas dans un verre, pomme et citron, 1889-1890
huile sur toile, 39,5 × 32 cm
collection particulière
© Droits Réservés

Meijer de Haan
Nature morte aux carottes, 1889-1890
Huile sur toile, 60 × 73 cm
Paris, musée d’Orsay
© Musée d’Orsay / P. Schmidt

Meijer de Haan
Botte d’ail et pot d’étain, 1889-1890
Huile sur toile, 32 × 40 cm
Rennes, musée des Beaux-Arts, dépôt du musée d’Orsay
© MBA, Rennes, dist. RMN / A. Beaudoin

Meijer de Haan
Nature morte au portrait de Mimi, 1890
huile sur toile, 50,2 × 61,4 cm
Amsterdam, Van Gogh Museum (fondation Vincent van Gogh)
© Van Gogh Museum, Amsterdam

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Cet article a été publié sur ce blog le 15 juin 2010, puis les 22 mars 2013 et 7 avril 2016. Les citations sont extraites du dossier de presse.

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