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lundi 11 janvier 2021

« Le procès du siècle » de Mick Jackson

Née en 1947 à New York, Deborah Lipstadt est une historienne américaine spécialisée dans la Shoah et les négationnistes. Dans "Denying the Holocaust" (Penguin Books, 1993), elle a qualifié David Irving de négationniste. Ce dernier l'a poursuivie en justice et a perdu son procès en 2000. Diffusé par Arte les 11 et 27 janvier 2021, « Le procès du siècle » (Verleugnung ; Denial) de Mick Jackson relate ce procès historique.


Née en 1947 dans une famille juive à New York, Deborah Lipstadt est une historienne américaine spécialisée dans la Shoah et les négationnistes. Elle enseigne les études juives (« Modern Jewish and Holocaust Studies ») à l'université Emory. 

Consultante auprès de l'United States Holocaust Memorial Museum, elle a été nommée par le Président Bill Clinton en 1994 à l'United States Holocaust Memorial Council. En 1997, elle a reçu le Emory Williams Teaching Award pour l'excellence de son enseignement.

Elle a alerté sur le "négationnisme noyau mou" ("soft-core denial") "lorsque des groupes de personnes refusent de célébrer la Journée de commémoration de l'Holocauste, à moins qu'un temps égal ne soit accordé aux préjugés anti-musulmans, il s'agit d'un déni de base ou en douceur" ou quand l'historien allemand "antisémite Ernst Nolte dit qu'Hitler n'était pas plus mauvais que Staline". 

Dans "Denying the Holocaust" (Penguin Books, 1993), elle a qualifié David Irving d'"un des plus dangereux porte-paroles du négationnisme". 

En 1996, David Irving l'a poursuivie, ainsi que son éditeur, en justice en Grande-Bretagne pour diffamation.

En 2000, il a été débouté de ses demandes, condamné à verser deux millions de livres sterlings à l'enseignante et à son éditeur, et ruiné. 

Dans un jugement de 349 pages, le juge Charles Gray a estimé Irving coupable d'avoir "sciemment mal représenté et manipulé des faits historiques à des fins idéologiques personnelles" (« for his own ideological reasons [David Irving] persistently and deliberately misrepresented and manipulated historical evidence »).

Il a considéré Irving comme "un négationniste actif, antisémite, raciste et associé avec des extrémistes de l'extrême droite qui promeuvent le néo-nazisme" (« active Holocaust denier; that he is anti-semite and racist, and that he associates with right-wing extremists who promote neo-Nazism »). 

En 2006, l'historienne a relaté son procès dans "History on Trial: My Day in Court with a Holocaust Denier".

En 2011, Deborah Lipstadt  a jugé "stupides" les remarques d'Howard Gutman sur les liens de causalité entre l'antisémitisme musulman et le conflit israélo-palestinien. Selon le quotidien israélien Haaretz, "elle a dénoncé l'"hystérie" et les "névroses" de nombreux Juifs et Israéliens qui comparent la situation actuelle en Europe et au Moyen-Orient à l'époque de la Shoah". Elle a désapprouvé les propos de Newt Gingrich sur les "Palestiniens", un "peuple inventé". 

En février 2019, Lipstadt a démissionné du mouvement de la synagogue Young Israel parce que le président de son Conseil national a défendu la facilité par le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu d'inciter à l'alliance entre le parti Bayit Yehudi et le parti extrémiste Otzma Yehudit.

Le 28 novembre 2020, elle a critiqué la nomination de Effie Eitam, ancien général de Tsahal (IDF), à la direction de Yad Vashem, à Jérusalem (Israël), et a signé une pétition contre ce politicien de droite. Une "tentative de politiser" ce musée. 

Le 18 décembre 2020, elle a critiqué un arrêt récent de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) faisant prévaloir l'animal sur la liberté religieuse : "EU (and Belgium) to Jews:  we love having you as long as you are vegan, vegetarian, or willing to abandon Kashrut. (Same message to Muslims).  EU states can ban kosher and halal ritual slaughter, court rules – POLITICO"

Le 9 janvier 2021, elle a expliqué la signification de "6MWE" inscrit sur le T-shirt d'un Proud Boy: "Les 6 millions [de Juifs tués lors de la Shoah] ne sont pas assez."
 
« Le procès du siècle »
Arte diffusera le 11 janvier 2021 « Le procès du siècle » (Verleugnung ; Denial), film de prétoire réalisé par Mick Jackson, avec Rachel Weisz (Deborah Lipstadt), Tom Wilkinson (Richard Rampton), Timothy Spall (David Irving), Andrew Scott (Anthony Julius), Jack Lowden (James Libson), Caren Pistorius (Laura Tyler).

« En 2000, l’historienne Deborah Lipstadt est contrainte par le négationniste David Irving de prouver devant la justice britannique l'existence des chambres à gaz. Un film captivant, qui suit le procès au plus près, avec Rachel Weisz et Timothy Spall. »

« En 1993, dans un livre sur le négationnisme, l’historienne américaine Deborah Lipstadt en désigne comme “l'un des plus dangereux porte-parole” le Britannique David Irving, auteur controversé, et néanmoins populaire dans son pays, d’ouvrages traitant de la Seconde Guerre mondiale. En 1996, celui-ci l'attaque, avec son éditeur Penguin Books, pour diffamation, obligeant l’accusée à faire preuve de son innocence devant la justice britannique. Comment relever juridiquement ce défi, à la fois absurde et pervers, de démontrer la réalité de la Shoah et l’existence des chambres à gaz sans offrir au révisionnisme la tribune médiatique d’un procès public ? Quand l’audience débute à Londres, au début de l’an 2000, Deborah Lipstadt et ses avocats ont préparé leur défense minutieusement, mais non sans angoisse... »

« Adaptant le livre que l’historienne consacrera en 2005 à ce "procès du siècle", qui s’ouvre dans les premiers jours du XXIe siècle comme un écho déformé, plus de cinquante ans après, à celui de Nuremberg, le réalisateur Mick Jackson et son coscénariste David Hare choisissent de retracer à leur tour au plus près toutes les étapes de cette affaire hors norme ». 

« Reprenant mot pour mot les débats qui se sont tenus à la Cour royale de justice de Londres, le film évite habilement la surenchère émotionnelle au profit de la raison pour s’employer à mettre en lumière les enjeux et la portée de cette incroyable confrontation sur l’histoire, arbitrée par le droit ». La charge de la preuve incombe à Deborah Lipstadt et à son avocat Richard Rampton.

« Face à un Timothy Spall virtuose dans le rôle glaçant d'un manipulateur adulé par les néo-nazis, Rachel Weisz incarne avec sobriété une Deborah Lipstadt tenace, mais ébranlée en profondeur par une inversion des valeurs qu’elle se voit contrainte de combattre méthodiquement ». 

« Un plaidoyer de haut calibre contre la falsification de l'histoire qui résonne puissamment avec le succès contemporain des "faits alternatifs” et de leurs promoteurs. Comment, en restant dans les limites du droit, faire face à un négationniste prêt à toutes les bassesses pour obtenir gain de cause, et l’empêcher de profiter de cette tribune pour propager ses théories nauséabondes ? »

"Aux Etats-Unis, nous avons ce que nous appelons la « public figure defense », ce qui signifie qu’une personne publique, comme un écrivain ou un politicien, ne peut pas poursuivre quelqu’un pour diffamation, à moins qu’il existe une preuve tangible de falsification des faits ou de manipulation de la vérité. Il savait donc qu’il ne pouvait pas nous poursuivre aux Etats-Unis et a dès lors attendu que mon livre soit publié en Grande-Bretagne. On aurait pu fournir au juge des tonnes de documents et de preuves, y compris les témoignages de survivants, afin de prouver l’existence des camps face à cet homme qui la niait. Mais on ne voulait pas avoir à prouver l’Holocauste, on voulait plutôt montrer que ce qu’il disait n’était pas la vérité", a expliqué Deborah Lipstadt  (Le Temps, 28 avril 2017).

Et l'historienne d'expliquer : "On a dès lors utilisé ses sources, et lorsqu’il affirmait par exemple avoir un document prouvant qu’Hitler avait tenté d’arrêter les massacres, on analysait le même document pour montrer que c’était faux. A partir de quelques bribes de documents, il a avancé que «seulement» 64 000 Juifs étaient morts, sans avoir été assassinés. Mon avocat lui a alors répondu que cela ne l’intéressait pas de connaître le nombre de victimes, qu’il voulait seulement savoir comment il pouvait prouver ce chiffre. On voulait simplement mettre en évidence que les preuves qu’il avançait ne prouvaient rien. Tout ça pour dire que si nous avions appelé des survivants, ils auraient été des témoins de ce qui s’était réellement passé, alors que nous voulions plutôt montrer qu’il mentait.

Et Deborah Lipstadt de conclure : "L’année dernière, j’ai donné une conférence, dans le cadre des débats de la Oxford Union, durant laquelle j’ai pris position contre les lois faisant du négationnisme un délit. Et ce pour trois raisons. Tout d’abord au nom de la liberté d’expression, justement; ensuite parce que si vous avez besoin de lois, cela veut dire que vous ne possédez pas les preuves irréfutables prouvant que les négationnistes sont des menteurs; finalement, et c’est ce qu’il y a de plus important, je ne veux pas donner aux politiciens le pouvoir de décider ce qui peut ou ne peut pas être dit. Avec les gens que nous avons aujourd’hui au pouvoir, notamment dans mon pays, cela me rend très nerveuse".



« Le procès du siècle » de Mick Jackson
Royaume-Uni, Etats-Unis, 2016
Auteur : Deborah Lipstadt
Scénario : David Hare
Production : BBC Films, Krasnoff Foster Entertainment, Participant Media, Shoebox Films
Producteurs : Gary Foster, Russ Krasnoff
Image : Haris Zambarloukos
Montage : Justine Wright
Musique : Howard Shore
Avec Rachel Weisz (Deborah Lipstadt), Tom Wilkinson (Richard Rampton), Timothy Spall (David Irving), Andrew Scott (Anthony Julius), Jack Lowden (James Libson), Caren Pistorius (Laura Tyler), Alex Jennings (Sir Charles Gray), Harriet Walter (Vera Reich), Mark Gatiss (Robert Jan van Pelt)
Sur Arte les 11 janvier 2021 à 22 h 55 et 27 janvier 2021 à 13 h 35
Visuels : © 2016 Bleecker Street

Les citations sur le film sont d'Arte.

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