Joel Coen, né en 1954, et Ethan Coen, né en 1957, sont deux frères réalisateurs, scénaristes, monteurs et producteurs juifs américains dont l'oeuvre - Barton Fink, Fargo, The Big Lebowski, O'Brother, No Country for Old Men -, parfois primée, révèle souvent, au travers de genres cinématographiques divers (thriller, comédie), un regard ironique, caustique et parfois tendre sur les Etats-Unis, ainsi qu'une empreinte juive. Arte diffusera le 8 décembre 2025 à 20 h 55 « Fargo » de Joel Coen et Ethan Coen avec William H. Macy, Steve Buscemi et Frances McDormand, puis à 22 h 35 « Les frères Coen, l'envers du rêve américain », documentaire de Sarah Aspinall.
« West Side Story » par Robert Wise
"Les Frères Coen en 5 minutes"
"Les Frères Coen en 5 minutes" (Die Coen-Brüder in 5 Minuten) est visible sur le site de la chaîne franco-allemande. "Des années après la Palme d’or de "Barton Fink" , l’année 2013 marquera le grand retour cannois des frères Coen avec un Grand Prix du jury pour "Inside Llewyn Davis". A l'occasion de la diffusion du film le 21 mai, voici l'essentiel de la prestigieuse carrière des réalisateurs, en 5 minutes chrono."

« Le kidnapping d'un bébé par un jeune escroc incompétent sème la panique en Arizona... Farce loufoque et cavalcade déjantée : le deuxième film, désopilant, des frères Coen," - Joel Coen et Ethan Coen sont nés respectivement en 1954 et en 1957 dans une famille juive ashkénaze - "avec Nicolas Cage, Holly Hunter et John Goodman en têtes de gondole ».
« C'est une question d'envergure. Il ne braque ni les banques ni les convoyeurs de fonds, seulement les petits supermarchés et les épiceries de nuit. Mais H.I. McDunnough est un si piètre voleur qu'il finit toujours par réintégrer la cellule qui lui est réservée dans la prison de Tempe, en Arizona. Il commence d'ailleurs à y prendre goût : il y a remarqué Edwina, une jeune policière qui ne semble pas insensible à ses charmes. Quelques incarcérations plus tard, le couple antinomique s'installe ensemble. Mais la jeune femme déprime : elle ne peut avoir d'enfant malgré son désir de maternité. Les deux tourtereaux apprennent la naissance de quintuplés chez un riche commerçant local. Un enfant en moins dans le lot, cela ne devrait pas poser de problème, se convainquent H.I.et Edwina, qui vont dans le même mouvement s'improviser kidnappeurs et jeunes parents… »
« C'est un film rempli jusqu'à ras bord d'ingrédients euphorisants et complètement secoués. Pour leur deuxième long métrage, les frères Coen prennent le contre-pied du précédent, Sang pour sang, un polar beaucoup plus sombre. Passant de la fantaisie débridée à l'absurdité délirante, en empruntant au burlesque et en le truffant de références pop et cinématographiques, ils mettent en images un cartoon trépidant, dans lequel John Goodman, Nicolas Cage et Holly Hunter s'en donnent à cœur joie ».
« Au fil de scènes devenues cultes, on croise (en vitesse accélérée) les ombres de Tex Avery, Mad Max, Chaplin, Sergio Leone ou Evil Dead, dans un joyeux foutoir foutraque. Ce remède absolu à la sinistrose annonce l'inventivité et le sens de la dérision de certaines œuvres futures du duo (Fargo, notamment), mais aucune d'elles ne cherchera à égaler le côté déjanté de ce pastiche de haute volée. »
"Un multirécidiviste spécialisé dans les braquages ratés rencontre l’amour de sa vie, une policière, lors de ses fréquents séjours en prison. Désespéré à l’annonce de la stérilité de sa femme, il décide de voler un bébé à un richissime industriel local, dont l’épouse vient d’accoucher de quintuplés. Rien ne va se passer comme prévu… L’imagination des frères Coen est irriguée par leur érudition en matière de culture populaire américaine. Après la littérature policière dans leur premier film Sang pour sang, c’est dans la bande dessinée et le dessin animé qu’ils puisent leur inspiration pour mettre en scène Arizona junior. Et dans plein d’autres choses encore. Cette accumulation gourmande participe au rythme frénétique et à l’humour déjanté de cette course-poursuite dans les paysages familiers de l’Amérique profonde, transformés en un gigantesque manège pour adultes. Nicolas Cage adopte l’allure dépenaillée et hagarde d’un coyote de cartoons, mis à rude épreuve par le devoir conjugal, le désir de maternité de sa dulcinée et l’inquiétante présence de ses acolytes – des évadés à moitié débiles – comme de ses adversaires – un motard chasseur de primes tout droit sorti de Max Max ou d’un western de Sergio Leone. La virtuosité tapageuse de la mise en scène, avec une caméra aux déplacements acrobatiques, rappelle la proximité des frères Coen avec Sam Raimi, dont le premier Evil Dead était lui aussi un cartoon hystérique en prises de vues réelles. Sam Raimi réalisera d’ailleurs son propre hommage au film noir, l’ultra-stylisé Mort sur le gril (Crimewave, 1985), co-écrit par ses amis Joel et Ethan. Arizona Junior n’est pas une simple parodie délirante sous influence de Tex Avery, Chuck Jones ou les productions Hana-Barbera telles Tom et Jerry. On y discerne déjà l’admiration des Coen pour les grands scénaristes-réalisateurs de comédies Billy Wilder, Frank Tashlin et Preston Sturges, peintres satiristes de l’Americana, passés maîtres dans le burlesque, l’humour noir mais aussi les histoires de couples et la folie douce d’Américains ordinaires", a analysé Olivier Père.
Le film est classé en 31e position dans la liste 100 Years... 100 Laughs (100 années... 100 rires) de l'American Film Institute.
"Les Frères Coen en 5 minutes"
France, 2015, 7 min
Disponible du 16/03/2017 au 13/05/2025
"Tout est vrai (ou presque) - Joel & Ethan Coen" de Nicolas Rendu
Auteur : Udner - Nicolas Rendu et Vincent Brunner
France, 2018, 3 min
Disponible du 27/02/2019 au 15/01/2025
« Arizona Junior » de Joel Coen et Ethan Coen
Etats-Unis, 1987, 94 minutes
Scénario : Ethan Coen et Joel Coen
Production : 20th Century Fox
Producteur/-trice : Ethan Coen
Image : Barry Sonnenfeld
Montage : Michael R. Miller
Musique : Carter Burwell
Avec Nicolas Cage, Holly Hunter, John Goodman, Trey Wilson, William Forsythe, T.J. Kuhn, Frances McDormand
Sur Arte le 30 mars 2020 à 20 h 55
Visuels : © 1987 20th Century Fox Film Corporation
Les frères Joel Coen, né en 1954, et Ethan Coen, né en 1957, ont grandi à Saint Louis Park (Minnesota) près de Minneapolis. Leur mère est Rena Neumann, historienne de l'art à l'université d'État de Saint Cloud, et leur père Edward Coen, économiste à l'université du Minnesota - une "mère beaucoup plus religieuse que le père", avait confié Ethan Coen. Leur sœur est Deborah Ruth Coen, psychiatre. Dans leur prime jeunesse, les frères Coen ont fréquenté le camp Herzl, camp de vacances estivales organisées par des mouvements juifs sionistes. Un camp auquel s'était rendu Bob Dylan.
Leur film A Serious Man relate la vie d'une famille juive dans le Minnesota dans les années 1950. Joel Cohen indiqua : "La condition juive dans la diaspora est ce qui nous a intéressés : le passage de ce que nous montrons dans le prologue - le shtetl en Europe de l'Est - à la réalité que nous avons vécue, l'étrangeté de cette transformation, sa spécificité." Et Ethan Cohen de renchérir : "... Des juifs dans les plaines du Midwest, c'est une chose extraordinaire. Qui est rendue plus bizarre par le souvenir du shtetl. Et cette histoire de modernité. "
Pour Joel Coen, "Bien sûr, l'héritage juif est à la source d'une grande part de la modernité, mais la communauté juive existe comme une entité traditionnelle dans un contexte de modernité, avec ces cheminées modernes, la musique pop. Sans l'avoir vécu, nous l'avons vu. A Minneapolis, il y avait une communauté Loubavitch quand nous étions enfants. Nous avions déjà conscience de ce contraste entre cette communauté juive du Vieux Monde et les années 1960... Rétrospectivement, il nous semble logique que les gens fassent le lien avec le Livre de Job, parce que les malheurs s'abattent sur Job comme sur Larry Gopnik. Mais c'était la foi de Job qui était mise à l'épreuve, alors que c'est la résignation de Larry face à l'état des choses qui est remise en question – il n'est pas particulièrement croyant ou religieux... Le rabbin qui nous a conseillés pendant le tournage a montré le film à un autre rabbin qui est professeur au séminaire juif de théologie - il forme d'autres rabbins. Il a dit qu'il aimerait utiliser notre film dans le cadre de cette formation, pour montrer ce qu'il ne faut pas faire."
« Si Joel Coen est le plus souvent mentionné comme seul réalisateur aux génériques de leurs films, son frère reste également très impliqué, en marge de son activité de producteur ».
« Connus dans le monde entier comme les « frères Coen », Joel et Ethan Coen vivent à New York et travaillent ensemble depuis leur premier film Sang pour sang, Grand Prix du Festival de Sundance en 1984. Ils écrivent, dirigent et produisent leurs films à deux, même si jusqu’à Ladykillers (2004) Joel est crédité comme réalisateur et Ethan comme producteur. On compte parmi leurs films Arizona junior (1987), Barton Fink (1991), Fargo (1996), The Big Lebowski (1998), O’Brother (2000), No Country for Old Men (2007), Burn After Reading (2008), A Serious Man (2009), True Grit (2010) et Inside Llewyn Davis (2013). Encensés par la critique, ils ont reçu quatorze nominations aux Oscars dont deux seulement à titre individuel ; et ils ont remporté l’Oscar du meilleur scénario pour Fargo (1997), celui du meilleur film, meilleur réalisateur et meilleure adaptation pour No Country for Old Men » (2008).
« Palme d’or en 1991 pour Barton Fink, les frères Coen font partie de l’histoire du Festival de Cannes où ils ont présenté neuf films, distingués par le Prix de la mise en scène pour Fargo en 1996 ainsi que pour The Barber, l’homme qui n’était pas là en 2001, et par le Grand Prix pour Inside Llewyn Davis en 2013. » Dans sa filmographie : Hail, Caesar ! En 2024, Ethan Coen a réalisé Drive-Away Dolls.
« En quarante ans de carrière, ils ont inventé leur propre langage, marqué notamment par un regard cynique et désopilant sur l’American way of life. ARTE dévoile les secrets de fabrication du cinéma façon Ethan et Joel Coen avec un documentaire inédit, précédé du jubilatoire Fargo. »
« Si Joel Coen est le plus souvent mentionné comme seul réalisateur aux génériques de leurs films, son frère reste également très impliqué, en marge de son activité de producteur ».
En 2011, à l'université de Tel Aviv (Israël), les réalisateurs Joel et Ethan Coen ont reçu le Dan David Prize dans la section Présent, décerné aux personnes ayant apporté une « contribution exceptionnelle à l'humanité » et doté d'un million de dollars pour « un partenariat créatif unique dans l'histoire du cinéma ». Joel Coen a déclaré que leur mère avait vécu dans le mandat britannique de Palestine avant la création d'Israël en 1948. « Notre mère a essayé de nous convaincre de venir ici pendant de très nombreuses années. Mais bon, la vie nous réserve des surprises – nous avons été très occupés », a-t-il déclaré. Le Prix indiquait que leur premier film, Blood Simple, montrait leurs capacités de « jeunes cinéastes dont la maîtrise des genres cinématographiques, la comédie noire et la capacité à apporter une complexité narrative à des intrigues apparemment simples sont devenues les marques de fabrique de leurs films futurs ». Leur « impressionnante filmographie » avait « récolté d'innombrables Prix ».
"Interrogé sur le boycott d'Israël par les musiciens et cinéastes en raison de sa politique et de ses actions, le scénariste et réalisateur Ethan Coen a déclaré : « Face aux vrais problèmes, les gens réagissent avec le cœur et pensent que c'est la bonne chose à faire. Nous ne partageons pas cet avis, nous ne pensons pas que ce soit la meilleure façon de régler ces problèmes. »
"L'héritage juif des frères transparaît dans plusieurs de leurs films, notamment dans « A Serious Man » (traduit en hébreu par « The Good Jew »). Malgré les nombreuses références à la culture juive dans leurs œuvres, ils nient que leur identité juive influence nécessairement leur travail cinématographique. « Il y avait des personnages juifs, mais quant à savoir si nos origines influencent notre travail cinématographique, qui sait ? On n'y pense pas. Il est indéniable que notre héritage juif influence notre vision des choses. Nous avons grandi dans une communauté juive, mais nous n'avions jamais envisagé de raconter une histoire qui traite d'Israël. Nous ne connaissons pas vraiment Israël ; nous écrivons des histoires américaines. C'est tout ce que nous connaissons. Nous souhaitions venir ici depuis longtemps, mais la vie en a décidé autrement. Nous sommes ravis de cette opportunité. Nous passerons quelques jours à l'Université de Tel Aviv », a expliqué Joël Coen à Haaretz.
En mars 2024, le réalisateur juif britannique Jonathan Glazer, oscarisé pour son film « Zone of Interest » (La Zone d'intérêt), avait déclaré lors de la cérémonie des Oscar : mon producteur James Wilson et moi “Notre film montre le pire de la déshumanisation. Elle a façonné notre passé et notre présent". "L'occupation a conduit à un conflit pour tant de personnes innocentes. Qu'il s'agisse des victimes du 7 octobre en Israël ou de l'attaque en cours à Gaza, de toutes les victimes de cette déshumanisation, comment résister ?" Dans une lettre ouverte publiée le 18 mars 2024, plus de 1 000 créatifs et dirigeants juifs avaient dénoncé le discours de Glazer, l'accusant d'alimenter « la haine antisémite croissante dans le monde ».
En avril 2024, Variety a publié la lettre de plusieurs centaines d'artistes hollywoodiens, dont Joel Coen, soutenant Jonathan Glazer :
« Nous avons été consternés de voir certains de nos collègues du secteur déformer et dénoncer ses propos. Leurs attaques contre Glazer constituent une dangereuse diversion par rapport à l'escalade de la campagne militaire israélienne, qui a déjà tué plus de 32 000 Palestiniens à Gaza et plongé des centaines de milliers d'autres au bord de la famine. Nous pleurons toutes les victimes de la guerre en Palestine et en Israël depuis trop longtemps, notamment les 1 200 Israéliens tués lors des attaques du Hamas le 7 octobre et les 253 otages.Les attaques contre Glazer ont également un effet paralysant sur notre secteur, contribuant à un climat plus général de répression de la liberté d'expression et de la dissidence, qualités pourtant essentielles à notre profession. Glazer, Tony Kushner , Steven Spielberg et d'innombrables autres artistes de tous horizons ont dénoncé le massacre de civils palestiniens. Nous devrions tous pouvoir en faire autant sans être accusés à tort d'alimenter l'antisémitismeNous devrions pouvoir nommer l'apartheid et l'occupation israéliens – tous deux reconnus comme tels par les principales organisations de défense des droits humains – sans être accusés de réécrire l'histoireNous sommes des Juifs fiers qui dénonçons l'instrumentalisation de l'identité juive et de la mémoire de la Shoah pour justifier ce que de nombreux experts en droit international, y compris d'éminents spécialistes de la Shoah , ont qualifié de « génocide en devenir ». Nous rejetons le faux dilemme entre la sécurité des Juifs et la liberté des Palestiniens. Nous nous joignons à tous ceux qui appellent à un cessez-le-feu permanent, incluant le retour en toute sécurité de tous les otages, l'acheminement immédiat de l'aide humanitaire à Gaza et la fin des bombardements et du siège de Gaza par Israël.Nous honorons la mémoire de l'Holocauste en disant : Plus jamais ça pour personne ».
Cinémathèque française
En 2013, la Cinémathèque française a proposé la rétrospective « Joel et Ethan Coen. Les fabulistes de l’absurde » ainsi présentée par Serge Kaganski. Ces auteurs ont donné une leçon de cinéma.
« En presque trente ans de carrière, les frères Coen ont in
tégré la short list enviable des cinéastes américains les plus aimés et attendus dans le monde. Contemporains de David Lynch, Jim Jarmusch, Michael Mann, Tim Burton, David Fincher, Quentin Tarantino ou de leur ami de jeunesse Sam Raimi, ils ont à peu près le même statut de super auteurs internationaux oscillant entre l’indépendance financière, la singularité esthétique, les concessions ponctuelles aux grands studios et le succès, un pied dans le système hollywoodien, l’autre en dehors.
tégré la short list enviable des cinéastes américains les plus aimés et attendus dans le monde. Contemporains de David Lynch, Jim Jarmusch, Michael Mann, Tim Burton, David Fincher, Quentin Tarantino ou de leur ami de jeunesse Sam Raimi, ils ont à peu près le même statut de super auteurs internationaux oscillant entre l’indépendance financière, la singularité esthétique, les concessions ponctuelles aux grands studios et le succès, un pied dans le système hollywoodien, l’autre en dehors.
LA DISTORSION DES FILMS DE GENRE
« Le premier film des Coen, Sang pour sang, est un coup de maître, un film qui contient tous les ingrédients qui feront leur cinéma : relecture particulière d’un genre canonique (et/ou d’un matériau mythique, les frères puisant leur inspiration aussi bien chez Cain, Hammett ou Chandler, que dans la mythologie grecque ou dans la Bible), dialogues extrêmement précis et volontiers non-sensiques, récit en forme d’engrenage fatal fondé sur des méprises, personnages antipathiques, stylisation formelle virtuose mais au service du récit, goût pour l’humour noir voire le grotesque, fétichisme des objets, vêtements et visages. Sur une intrigue à la James Cain (une femme et son amant projettent d’assassiner l’encombrant mari…), Sang pour sang semble a priori reproduire un récit et un genre mille fois pratiqués, d’Assurance sur la mort aux multiples versions du Facteur sonne toujours deux fois. Mais le ton des Coen, leur style, leur approche, sont totalement neufs, comparables au maniérisme d’un Sergio Leone. Les frères s’emparent des motifs du film noir et les dilatent, les triturent, les retournent, les poussent dans le rouge du surlignage. Prenons leur détective privé. En lieu et place de l’habituel dur en imper et chapeau mou, ils nous présentent un homme obèse, transpirant à grosses gouttes, habillé d’un ridicule costume jaune canari et se déplaçant dans une Coccinelle de la même couleur. Si les privés du cinéma sont souvent à la limite de la légalité, ils ont une éthique, s’affranchissent des règles pour le bien, tout au moins pour retrouver le coupable. Le privé de Sang pour sang est lui corrompu jusqu’à la moelle, pratique toutes formes de chantages, non pour coincer un assassin mais pour exploiter à son profit personnel une affaire criminelle. Les Coen déplacent ainsi tous les codes du noir. Leur femme fatale est jolie certes, mais n’a rien du glamour d’une Lauren Baccall ou d’une Lana Turner : c’est une épouse de la middle-class, comme on en trouve des milliers au Texas ou ailleurs. De son côté, l’amant est physiquement sexy mais n’a rien d’un héros : il paraît complètement dépassé par les événements, voire abruti. Ce travail de sape sur les clichés d’un genre, les deux frères l’appliquent aussi aux situations et à la mise en scène. Quand les amants tuent le mari, ce n’est pas d’un simple coup de feu, mais par un tabassage nocturne interminable qui se termine par un enterrement vivant. Les Coen soulignent tous les détails qui inscrivent le film dans le Texas : bottes de cowboys, chemises western, chaleur humide, pales de ventilateurs, musique country, atmosphère poisseuse tant climatiquement que psychologiquement… Ils insistent aussi sur des détails triviaux qui informent sur les états corporels des personnages : sang, sueur, vomi. Tout ce travail d’accentuation, de distanciation ou de torsion de figures archi répertoriées, concourt à une relecture post-moderne du film noir que les Coen déclineront à tous les genres hollywoodiens : burlesque (Arizona Junior), comédie farcesque (The Big Lebowski), gansgter movie (Miller’s Crossing), western (Fargo, No Country for Old Men), screwball comedy (Intolérable cruauté), fable (Le Grand saut), film de prison (O’ Brother), espionnage (Burn After Reading), comédie familiale (A Serious Man), (un)success story (Inside Llewyn Davis), le plus souvent en mixant plusieurs genres dans un même film. »
LE HEROS « COENNIEN » FACE AU CHAOS DE L’EXISTENCE
« Si les Coen sont unanimement reconnus pour leur talent de storytellers, de dialoguistes et de virtuoses visuels, deux types de reproches ont souvent cours à leur sujet : une certaine vacuité d’une part, un certain cynisme d’autre part. Leurs récits seraient de belles mécaniques qui tourneraient à vide, privées de regard ou de perspectives sur notre monde, peuplées de personnages stupides que les frères observeraient avec un sourire narquois du haut de leur intelligence et de leur toute puissance de créateurs. Cette réserve nous apparaît très injuste en regard de la plus grande part de leur filmographie. Le héros « Coennien » typique est en effet un raté, du moins un être qui ne triomphe pas : le gangster de Miller’s Crossing prend beaucoup de coups, l’écrivain new-yorkais de Barton Fink est angoissé par la pression hollywoodienne, le « dude » de The Big Lebowski est un chômeur un peu simplet qui se réfugie dans le haschisch et le bowling, les protagonistes de *Fargo ou No Country… courent (presque) tous à leur perte, les agents de la CIA de Burn After Reading ne comprennent plus leur métier ni leur vie privée, le père de famille de A Serious Man est assailli de problèmes, le chanteur de Inside Llewyn Davis court d’échec en échec, etc. Une vraie galerie de bras cassés, d’éclopés de la vie, de vaincus de l’existence, dont les avanies sont en effet souvent désopilantes, mais d’un rire qui se fige en grimace. Les Coen les prennent-ils tous de haut ? Rien n’est moins sûr. S’ils font de ces personnages les (anti)héros de leurs films, s’ils leur consacrent autant de temps et d’énergie, c’est déjà le signe que ces personnages les intéressent. Le moteur thématique ou philosophique des Coen n’est pas tant la bêtise que l’impossible maîtrise de tous les paramètres d’une vie. Barton Fink peut écrire, mais il ne peut pas contrôler les ambitions mercantiles des patrons des studios. Le « serious man » fait tous ses efforts pour être un bon professeur, un bon époux et un bon père, mais il est impuissant face à la tricherie d’un de ses étudiants, à la jalousie de ses collègues, à la violence d’un voisin, à l’infidélité de sa femme ou aux turbulences de sa progéniture. Llewyn Davis a beau écrire les plus belles chansons, l’impéritie de son manager ou l’indifférence du public lui échappent. Le non-sens comique et tragique de la vie, l’impuissance des personnages s’incarne souvent dans les dialogues, merveilles de rythme et d’humour. Dialogues qui ferment souvent l’échange au lieu de le développer, prenant la forme de deux monologues étanches l’un à l’autre. Voir la conversation entre le « dude » Lebowski et son puissant homonyme. Ça ne communique pas entre eux, pas plus qu’entre le professeur d’université et sa femme/ses enfants/le parent d’élève coréen/ les rabbins dans A Serious Man. La parole n’est pas vecteur de progression dialectique et de résolution mais d’impasse, d’enfermement dans son quant-à- soi, son problème, sa névrose. La vérité la plus profonde de l’homo Coennus est peut-être résumée par le superbe personnage de gangster joué par Gabriel Byrne dans Miller’s Crossing. Byrne traverse le film tel un somnambule hébété, perpétuellement roué de coups, pris en tenaille entre deux gangs rivaux. A-t-il trahi son camp pour passer de l’autre côté ? A-t-il fait semblant de passer de l’autre côté pour piéger l’organisation rivale et faire triompher son gang ? A-t-il mis en scène les événements ou en a-t-il été le jouet ? Est-il Ulysse, Machiavel ou un simple bouchon de liège porté par le cours des choses ? Le film n’en décide pas et laisse ces questions ouvertes. Miller’s Crossing résume la morale des frères Coen, bien différente de celle du cinéma hollywoodien majoritaire : pas de héros taillés d’un seul bloc, pas de victoire triomphale, pas de manichéisme, pas de personnage sympathique suscitant d’emblée l’adhésion du spectateur, pas de happy ending dans leur cinéma. Au contraire : de l’ambiguïté morale, des failles, des échecs, des névroses indépassables, des questions sans réponses, des situations indécidables, des apories dramaturgiques, des fins parfois heureuses, parfois tragiques, parfois en forme de points de suspension ou d’interrogation. Ces failles morales, ces impasses scénaristiques ne sont pas réservées aux personnages dont le spectateur pourrait dire « quel loser ! Heureusement que je suis plus malin que ça ». Non, ce que subissent les protagonistes des Coen, nous le traversons tous à un moment ou un autre de nos vies et nul doute que les deux frères s’y reconnaissent aussi et s’y projettent. Loin de surplomber cyniquement leurs créatures, les Coen les accompagnent : elles incarnent sinon la lettre de leur vécu, du moins leurs peurs, leur inquiétude. Comment imaginer qu’ils n’ont jamais connu l’angoisse de la page blanche de Barton Fink, la crainte de l’insuccès de Llewyn Davis ou les problèmes familiaux du « serious man » ? L’ethos profond du cinéma des frères Coen est à chercher du côté de Kafka : une humilité lucide et inquiète face au chaos indéchiffrable de l’existence dont il faut aussi savoir sourire pour conjurer le désespoir. »
« Il y a sans doute une part profondément juive dans le travail d’Ethan et Joel Coen, bien qu’ils ne soient pas religieux et que la judéité ne soit pas un thème dominant de leur cinéma. Mais l’humour juif ashkénaze (qui commence par se moquer de soi-même et de ses pires épreuves) imprègne leurs films, parfois de façon flagrante. A Serious Man débute par un conte yiddish qui fait figure de rareté absolue dans le cinéma américain contemporain, prologue dont le ton comique et sombre imprégnera tout le film. Leur filmographie abonde en déclinaisons américaines contemporaines de personnages typiques du folklore yiddish : on y reconnaît au fil des films des « schnorers » (mendiants/ ratés), des « shmucks » (crétins), des « shlemils » (maladroits), des « slimazls » (malchanceux), des rabbins évidemment, et bien sûr des « mensh » (des hommes droits, des « serious men »), le plus drôle et paradoxal de ce défilé étant peut-être Walter Sobchak, le goy converti et devenu ultra sioniste joué par John Goodman dans The Big Lebowski (où apparaissent également les Nihilistes, une bande de punks crypto-nazis). Brassant les genres hollywoodiens et les redistribuant à leur sauce, mixant comédie, tragédie, sens de l’absurde et saillies grotesques, profondément américain et souterrainement ashkénaze, tel est le cinéma protéiforme, érudit, existentiel, moraliste et infiniment savoureux d’Ethan et Joel Coen. »
« Les frères Coen, l'envers du rêve américain »
Arte diffusera le 8 décembre 2025 à 22 h 35 « Les frères Coen, l'envers du rêve américain », documentaire de Sarah Aspinall.
« Retraçant quarante ans de carrière de Joel et Ethan Coen, un portrait truffé d’entretiens inédits avec plusieurs de leurs acteurs fétiches (George Clooney, Jeff Bridges, Tilda Swinton, John Malkovich...), qui décryptent avec humour leur méthode de travail. »
« Depuis plus de quarante ans, Joel et Ethan Coen fascinent et déconcertent les cinéphiles. Révélés au grand public par leur deuxième long métrage Arizona Junior (1987) avant d’enchaîner les succès, les deux frères ont inventé au fil de leur riche carrière un langage cinématographique qui n’appartient qu’à eux. »
« Revisitant tous les genres – thriller, comédie, drame, western, comédie musicale ou film d'espionnage – à coup de scénarios décapants et de dialogues millimétrés, ils ont créé un monde peuplé d'imbéciles et de rêveurs, de meurtriers et de moralistes, portant un regard cynique et désopilant sur l’American way of life. »
« Ensemble, ils ont remporté pratiquement toutes les distinctions possibles : quatre Oscars et deux Bafta Awards (pour Fargo et No Country for Old Men), une Palme d'or en 1991 pour Barton Fink, sans compter les nombreux prix décernés par la critique. »
« Personnalités discrètes toujours restées loin des projecteurs, les Coen ont longtemps entretenu leur image de "réalisateur à deux têtes", avant de surprendre à nouveau leur public en décidant il y a quelques années d’une séparation à l’amiable, pour continuer à tourner chacun de leur côté. »
« Retraçant la carrière de ces deux fous du septième art, ce documentaire dévoile les secrets de fabrication d'Ethan et Joel Coen, scénaristes et réalisateurs interchangeables au sein d’une même entité bicéphale. »
« Outre des interviews d’archives et des extraits de leurs opus communs, il convoque dans de savoureux entretiens inédits quelques-uns des comédiens les plus emblématiques de leur filmographie : George Clooney, Jeff Bridges, Tilda Swinton, John Malkovich, Tim Blake Nelson ou encore Oscar Isaac et Kathryn Hunter. Tous disent leur plaisir à travailler avec le tandem, dont ils soulignent l’exigence pointilleuse et l’élégance, mêlées d’un goût certain pour l’absurde, jusque dans leur direction d’acteurs… »
"Tout est vrai (ou presque) - Joel & Ethan Coen"
Arte diffuse sur son site Internet "Tout est vrai (ou presque) - Joel & Ethan Coen" ((Fast) die ganze Wahrheit - Joel & Ethan Coen) de Nicolas Rendu. "La série quotidienne qui raconte les grandes personnalités avec de petits objets. Toujours aussi jubilatoire, Tout est vrai (ou presque) revient en force avec plus de couleurs et un habillage légèrement modifié qui fait la part belle aux jeux de mains pour brosser avec malice le portrait des personnalités. Aujourd’hui : ils ont dit : "Si vous pouvez rire, pleurer, avoir peur et bander en même temps, c’est la pizza royale." Quand Joel et Ethan Coen parlent de leurs films"."Les Frères Coen en 5 minutes"
"Les Frères Coen en 5 minutes" (Die Coen-Brüder in 5 Minuten) est visible sur le site de la chaîne franco-allemande. "Des années après la Palme d’or de "Barton Fink" , l’année 2013 marquera le grand retour cannois des frères Coen avec un Grand Prix du jury pour "Inside Llewyn Davis". A l'occasion de la diffusion du film le 21 mai, voici l'essentiel de la prestigieuse carrière des réalisateurs, en 5 minutes chrono."
« Arizona Junior »

Dans le cadre de son « printemps du polar », ARTE diffusa le 30 mars 2020 « Arizona Junior » (Raising Arizona), film américain écrit et réalisé par Joel et Ethan Coen (1987).
"Un couple formé d'une ancienne policière et d'un ancien braqueur se désespère de n'avoir pas d'enfant. Il imagine kidnapper un des quintuplés d'un businessman pour l'élever comme leur enfant... Un film inclassable et drôle avec Nicolas Cage, Holly Hunter et John Goodman".
« Le kidnapping d'un bébé par un jeune escroc incompétent sème la panique en Arizona... Farce loufoque et cavalcade déjantée : le deuxième film, désopilant, des frères Coen," - Joel Coen et Ethan Coen sont nés respectivement en 1954 et en 1957 dans une famille juive ashkénaze - "avec Nicolas Cage, Holly Hunter et John Goodman en têtes de gondole ».
« C'est une question d'envergure. Il ne braque ni les banques ni les convoyeurs de fonds, seulement les petits supermarchés et les épiceries de nuit. Mais H.I. McDunnough est un si piètre voleur qu'il finit toujours par réintégrer la cellule qui lui est réservée dans la prison de Tempe, en Arizona. Il commence d'ailleurs à y prendre goût : il y a remarqué Edwina, une jeune policière qui ne semble pas insensible à ses charmes. Quelques incarcérations plus tard, le couple antinomique s'installe ensemble. Mais la jeune femme déprime : elle ne peut avoir d'enfant malgré son désir de maternité. Les deux tourtereaux apprennent la naissance de quintuplés chez un riche commerçant local. Un enfant en moins dans le lot, cela ne devrait pas poser de problème, se convainquent H.I.et Edwina, qui vont dans le même mouvement s'improviser kidnappeurs et jeunes parents… »« C'est un film rempli jusqu'à ras bord d'ingrédients euphorisants et complètement secoués. Pour leur deuxième long métrage, les frères Coen prennent le contre-pied du précédent, Sang pour sang, un polar beaucoup plus sombre. Passant de la fantaisie débridée à l'absurdité délirante, en empruntant au burlesque et en le truffant de références pop et cinématographiques, ils mettent en images un cartoon trépidant, dans lequel John Goodman, Nicolas Cage et Holly Hunter s'en donnent à cœur joie ».
« Au fil de scènes devenues cultes, on croise (en vitesse accélérée) les ombres de Tex Avery, Mad Max, Chaplin, Sergio Leone ou Evil Dead, dans un joyeux foutoir foutraque. Ce remède absolu à la sinistrose annonce l'inventivité et le sens de la dérision de certaines œuvres futures du duo (Fargo, notamment), mais aucune d'elles ne cherchera à égaler le côté déjanté de ce pastiche de haute volée. »"Un multirécidiviste spécialisé dans les braquages ratés rencontre l’amour de sa vie, une policière, lors de ses fréquents séjours en prison. Désespéré à l’annonce de la stérilité de sa femme, il décide de voler un bébé à un richissime industriel local, dont l’épouse vient d’accoucher de quintuplés. Rien ne va se passer comme prévu… L’imagination des frères Coen est irriguée par leur érudition en matière de culture populaire américaine. Après la littérature policière dans leur premier film Sang pour sang, c’est dans la bande dessinée et le dessin animé qu’ils puisent leur inspiration pour mettre en scène Arizona junior. Et dans plein d’autres choses encore. Cette accumulation gourmande participe au rythme frénétique et à l’humour déjanté de cette course-poursuite dans les paysages familiers de l’Amérique profonde, transformés en un gigantesque manège pour adultes. Nicolas Cage adopte l’allure dépenaillée et hagarde d’un coyote de cartoons, mis à rude épreuve par le devoir conjugal, le désir de maternité de sa dulcinée et l’inquiétante présence de ses acolytes – des évadés à moitié débiles – comme de ses adversaires – un motard chasseur de primes tout droit sorti de Max Max ou d’un western de Sergio Leone. La virtuosité tapageuse de la mise en scène, avec une caméra aux déplacements acrobatiques, rappelle la proximité des frères Coen avec Sam Raimi, dont le premier Evil Dead était lui aussi un cartoon hystérique en prises de vues réelles. Sam Raimi réalisera d’ailleurs son propre hommage au film noir, l’ultra-stylisé Mort sur le gril (Crimewave, 1985), co-écrit par ses amis Joel et Ethan. Arizona Junior n’est pas une simple parodie délirante sous influence de Tex Avery, Chuck Jones ou les productions Hana-Barbera telles Tom et Jerry. On y discerne déjà l’admiration des Coen pour les grands scénaristes-réalisateurs de comédies Billy Wilder, Frank Tashlin et Preston Sturges, peintres satiristes de l’Americana, passés maîtres dans le burlesque, l’humour noir mais aussi les histoires de couples et la folie douce d’Américains ordinaires", a analysé Olivier Père.
Le film est classé en 31e position dans la liste 100 Years... 100 Laughs (100 années... 100 rires) de l'American Film Institute.
« Miller's Crossing »
Arte diffusa le 26 avril 2021 « Miller's Crossing » de Joel Coen et Ethan Coen, avec John Turturro Gabriel Byrne, Marcia Gay Harden, Jon Polito, J.E. Freeman et Albert Finney.
« En pleine prohibition, les intérêts divergents et les amours enchevêtrées de truands mettent le feu aux poudres... Fourmillant d’humour noir, le film de gangsters revu et corrigé par les frères Coen. »
« Dopé par la prohibition, le gang irlandais de Leo prospère. Un soir, l'irascible Caspar, le chef des mafieux italiens, lui réclame la peau de Bernie, un bookmaker véreux. Amoureux de Verna, la sœur de Bernie, Leo envoie promener Caspar, ce que désapprouve Tom, son bras droit. Pour lui, il y a plus à perdre à mécontenter l’Italien qu’à se débarrasser du parieur. Les motivations de Tom, qui couche en secret avec Verna, paraissent troubles. À force de jouer double jeu, il se retrouve dans une situation inextricable. »
« Troisième film des frères Coen, Miller’s Crossing, du nom du bois où l’infortuné Bernie, à qui John Turturro prête son magnétisme retors, se lance dans une ébouriffante supplication pour avoir la vie sauve, est un savoureux mille-feuille d’influences ».
« S'inspirant des romans noirs de Dashiell Hammett, le duo y laisse libre cours à son mauvais esprit et à son goût de la parodie, du Parrain, dont il désacralise les codes mafieux, aux policiers vénéneux des années 1940. »
« Le scénario, virtuose, prend des virages inattendus, tisse des dialogues ciselés et des triangles amoureux explosifs, tout en réglant joyeusement son compte à une société corrompue jusqu’à la moelle ».
« Un polar élégant aux intérieurs cossus, dynamité par une pléiade d’excellents acteurs – notamment Albert Finney en truand sentimental –, dont certains deviendront des fidèles des Coen. À noter l’apparition éclair, mais efficace, de leur future égérie, Frances McDormand, en secrétaire lançant un regard assassin au malotru qui la reluque. »
« Fargo »
Arte diffusera le 8 décembre 2025 à 20 h 55 « Fargo » de Joel Coen et Ethan Coen.
« Hiver 1987, à Minneapolis. Un enlèvement bidon tourne à la tragédie sanglante... Pour leur sixième film au scénario ahurissant, l’humour décapant et subtil des frères Coen est servi par des acteurs hors pair : William H. Macy, Steve Buscemi et Frances McDormand. »
« Hiver 1987, à Minneapolis. Jerry Lundegaard, directeur commercial dans l’entreprise de son beau-père Wade Gustafson, est un homme roublard et veule. Ne parvenant pas à soutirer à ce dernier l’argent nécessaire à ses fumeux projets, il fomente avec deux hommes de main l'enlèvement de sa propre femme afin de toucher de Wade une rançon d’un million de dollars. Avec une maladresse consternante, les deux malfrats, Grimsrud et Showalter, kidnappent l’épouse. Mais sur la route, ils abattent froidement un policier qui les avait arrêtés... »
« La nervosité des protagonistes, leur balourdise et leur amateurisme transformeront un banal enlèvement en une spirale meurtrière. »
Autour des deux ravisseurs règne une atmosphère loufoque, faite de dialogues hargneux et décalés, d’actes violents et absurdes, que l’humour acide des frères Coen rend particulièrement savoureux. »
En contrepoint, le milieu de la police transpire une rare humanité : on y parle peinture, pêche et états d’âme. La commissaire enceinte jusqu'aux yeux, Frances McDormand, cache sous des abords rustiques des trésors de perspicacité. »
« Au chaos des événements répond une facture classique (fil narratif continu, équilibre des plans). Certaines images, magnifiquement cadrées par Roger Deakins, rappellent ainsi les photographies d’André Kertész. Ce savant mélange de raffinement et de trivialité fait de Fargo un film capital – et hautement comique. »
Prix de la mise en scène, Cannes 1996 – Meilleurs actrice (Frances McDormand) et scénario, Oscars 1997
« Le film débute sur un mensonge : l’histoire que les frères Coen vont nous raconter, soit disant inspirée d’un fait-divers, a été totalement inventée par eux. Fargo (1996) s’inscrit dans la longue généalogie du cinéma criminel américain, comme leur premier film Sang pour sang en 1984, mais aussi dans une tradition fabulatrice qui est aussi celle de Orson Welles, avec des longs métrages qui accordent aux mots, à la performance des acteurs et à une certaine maestria narrative une importance primordiale », a analysé Olivier Père .
Et Olivier Père d’observer : « Un pauvre – et sale – type (formidable William H. Macy) qui veut investir dans l’immobilier engage deux truands pour kidnapper sa propre épouse car son beau-père est très riche et il pense qu’il va payer la rançon pour la libération de sa fille. Mais absolument rien ne va se passer comme prévu… Fargo est film sur la malchance poussée jusqu’à l’absurde, sur le conflit entre la banalité de l’existence et un enchaînement incontrôlable de morts violentes. Une étrangeté familière imprègne tout le film, nourri des valeurs de l’Amérique – Le Minnesota où se déroule l’action est sensé être l’état le plus poli des Etats-Unis, mais cela cache une répression terrible de la violence, toujours prête à exploser. Fargo est une tranche saignante et rigolarde d’Americana, qui cultive une esthétique de la banalité et aussi de la neige – les étendues blanches du paysage rendent encore plus impressionnantes les giclées de sang qui scandent le récit. »
« Auteurs 100% américains sans aucune référence culturelle exogène les frères Coen sont les bardes de l’Amérique profonde, en particulier de ce Midwest où les frères ont grandi – ils sont natifs de Minneapolis, Minnesota et Fargo s’évertue à restituer l’accent et les expressions langagières cocasses des habitants de cet état réputé pour ses lacs et ses réserves naturelles. Fargo se caractérise avant tout par sa galerie personnages excentriques, inquiétants ou stupides (ou les trois à la fois) tels ce duo de gangsters psychopathes, un petit bavard agité (Steve Buscemi) et une grande brute taiseuse (Peter Stormare) dont le comportement erratique et les querelles vont déclencher la majorité des catastrophes qui se succèdent dans le film », précise Olivier Père.
Et Olivier Père conclut : « Comme souvent dans la première moitié de la filmographie des frères Coen ce conte de la folie ordinaire se pare d’une fascination amusée pour l’idiotie sous toutes ses formes. Au milieu de cette nasse d’hommes sans qualités surnage une femme à l’intelligence et au professionnalisme extraordinaires, shérif enceinte jusqu’aux yeux qui mène l’enquête après la découverte des premiers meurtres. Ce personnage débonnaire allie gentillesse non feinte, détermination et esprit de déduction infaillible, véritable Colombo au féminin merveilleusement interprété par Frances McDormand, qui remporta un Oscar bien mérité pour ce rôle… »
« Les frères Coen, l'envers du rêve américain » de Sarah Aspinall
Allemagne, Royaume-Uni, 2025, 54 mn
Coproduction : ZDF/ARTE, Kinescope Film, BBC
Sur Arte le 8 décembre 2025 à 22 h 35
Sur arte.tv du 08/12/2025 au 07/03/2026
Visuel : © Louis Caulfield
France, 2015, 7 min
Disponible du 16/03/2017 au 13/05/2025
"Tout est vrai (ou presque) - Joel & Ethan Coen" de Nicolas Rendu
Auteur : Udner - Nicolas Rendu et Vincent Brunner
France, 2018, 3 min
Disponible du 27/02/2019 au 15/01/2025
« Arizona Junior » de Joel Coen et Ethan CoenEtats-Unis, 1987, 94 minutes
Scénario : Ethan Coen et Joel Coen
Production : 20th Century Fox
Producteur/-trice : Ethan Coen
Image : Barry Sonnenfeld
Montage : Michael R. Miller
Musique : Carter Burwell
Avec Nicolas Cage, Holly Hunter, John Goodman, Trey Wilson, William Forsythe, T.J. Kuhn, Frances McDormand
Sur Arte le 30 mars 2020 à 20 h 55
Visuels : © 1987 20th Century Fox Film Corporation
« Miller's Crossing » de Joel Coen et Ethan Coen
Etats-Unis, 1990
Auteur : Dashiell Hammett
Scénario : Joel Coen et Ethan Coen
Production : Circle Films, Twentieth Century Fox
Producteur : Ethan Coen
Image : Barry Sonnenfeld
Montage : Michael R. Miller
Musique : Carter Burwell
Avec John Turturro (Bernie Bernbaum), Gabriel Byrne (Tom Reagan), Marcia Gay Harden (Verna Bernbaum), Jon Polito (Johnny Caspar), J.E. Freeman (Eddie Dane), Albert Finney (Leo O‘Bannon), Mike Starr (Frankie)
Sur Arte le 26 avril 2021 à 22 h 55
« Fargo » de Joel Coen et Ethan Coen
Etats-Unis, 1996, 1 h 34 mn
Production : PolyGram Film Productions
Producteur : Ethan Coen
Scénario : Ethan Coen, Joel Coen
Image : Roger Deakins
Montage : Roderick Jaynes
Musique : Carter Burwell
Avec Frances McDormand (Marge Gunderson), William H. Macy (Jerry Lundegaard), Steve Buscemi (Carl Showalter), Peter Stormare (Gaear Grimsrud), Kristin Rudrüd (Jean Lundegaard), Harve Presnell (Wade Gustafson), Tony Denman (Scotty Lundegaard)
Sur Arte les 8 décembre 2025 à 20 h 55, 23 décembre 2025 à 22 h 40
Sur arte.tv du 07/12/2025 au 06/01/2026
Visuels : © 1996 Metro-Goldwyn-Mayer Pictures Inc./All rights reserved
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Les citations sont extraites du site d'Arte. Cet article a été publié le 30 mars 2020, puis le 22 avril 2021.








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