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dimanche 10 août 2014

Interview de Richard D. Heideman, président du B'nai B'rith International


Avant de participer au Congrès Sioniste Mondial à Jérusalem le 17 juin 2002, Richard D. Heideman, avocat, alors président du B'nai B'rith (BB) International et membre du Comité national de l'Anti-Defamation League (ADL) créé par le BB en 1913. a rencontré au printemps 2002 les responsables du CRIF et du Quai d’Orsay, ainsi que les ambassadeurs d’Israël et des Etats-Unis. Il a aussi assisté au succès de la Journée européenne de la culture juive. S’il a encouragé le dialogue, il a conjuré les politiques et la communauté Juive à agir efficacement contre l’antisémitisme. Le 8 août 2014, le BB International a écrit à Matthias Behnke, Haut commissaire onusien pour les droits de l'homme, pour lui exprimer son "inquiétude à l'égard du manque de transparence des nombres de victimes civiles publiés par les Nations unies durant le conflit d'Israël contre le Hamas dans la bande de Gaza. Bien que Behnke a dit au New York Times que l'ONU utilise des groupes de défense des droits de l'homme pour calculer et catégoriser les victimes et a déclaré qu'il n'était "pas compliqué" d'obtenir ces chiffres, il a refusé d'identifier ces groupes consultés par l'ONU et la méthodologie utilisée. A une époque où l'ONU ne peut pas établir la véracité de ses "évaluations" - ou ne peut pas fournir l'assurance que ces chiffres ne sont pas influencés par "des autorités locales" contrôlées entièrement ou en partie par des belligérants, nous attendons des institutions onusiennes qu'elles ne diffusent pas" ces informations. Interview réalisée au printemps 2002.

Depuis l’Intifada II déclenchée en septembre 2000, les Juifs sont victimes en Europe d’une vague d’agressions antisémites d’une intensité exceptionnelle. Comment analysez-vous cette situation ?

Richard D. Heideman : Les médias présentent Israël comme l’Etat qui agresse et opprime les Palestiniens, traités en underdogs (sous-chiens) selon l’expression anglaise. Ce qui nourrit la haine d’une frange des Arabes à l’égard d’Israël.

La distinction entre Israéliens et Juifs est devenue ténue.

L’antisémitisme ancien coexiste avec cet antisémitisme.

Que pensez-vous de l’attitude des Pouvoirs publics en France depuis 21 mois ?

R. H. : Le gouvernement avait répondu de manière incomplète et tardive, sans condamner immédiatement les actes antisémites.

Que retirez-vous de vos entretiens avec le CRIF et Renaud Donnedieu de Vabres, secrétaire d’Etat aux Affaires européennes ?

R. H. : Le CRIF a une conscience aiguë de la situation. Il est déterminé à résoudre ce problème seul. Le gouvernement est décidé à réagir immédiatement aux actes antisémites, et pas seulement par des condamnations verbales. Il envisage une action répressive et préventive, par l’éducation.

Quelles actions pourraient stopper cette judéophobie ?

R. H. : Le B'nai B'rith est inquiet par ce déferlement de haine anti-juive et anti-Israël dans le monde.

Je suis venu en France pour me rendre compte de la situation et établir un plan d’actions.

Je propose trois étapes. D’abord, une mesure immédiate et globale : il faut recenser et informer des actes contre les Juifs et les autres minorités. Puis, une fois la véracité des faits avérée, la communauté juive et le gouvernement doivent envoyer un message immédiat, clair et coordonné pour déclarer leurs refus de tels actes et le gouvernement doit adopter les mesures appropriées. Car les Juifs, comme toute minorité, ont droit à la sécurité. Enfin, l’enseignement de la tolérance et de la compréhension des autres est nécessaire et doit être coordonné par les responsables publics, de la communauté et d’ONG. Le B'nai B'rith est prêt à apporter son savoir-faire acquis depuis 160 ans.

Aux Etats-Unis, on s’attend à ce que les dirigeants politiques réagissent immédiatement à tout acte d’antisémitisme ou de racisme. S’ils restaient inactifs, ils seraient critiqués et devraient rendre des comptes. La communauté réagirait par son vote lors des élections auxquelles ils se présenteraient.

Dans un Etat de droit, chaque citoyen a droit à une égale protection. C’est l’obligation des autorités politiques, policières et judiciaires.

En France, une association comptabilise les actes antisémites. Et le Congrès Juif européen va créer une instance pour effectuer ce travail en Europe...

R. H. : Le B’nai B’rith coopère avec les organisations juives afin d’appliquer des programmes sans gaspiller les énergies.

Quelles sont les modalités de cet enseignement de la tolérance ?

R. H. : Il doit être dispensé dans les foyers familiaux, à l’école, dans les lieux de culte juifs, chrétiens et musulmans, et lors d’activités péri-scolaires.

Il est inconcevable que la vérité sur la Shoah ne soit pas enseignée dans les écoles.

On peut mobiliser les parents par les clergés, en organisant des réunions.

Nous devons favoriser un climat qui rendent inacceptable la non-participation de la hiérarchie d’autres religions.

Quid des médias ?

R. H. : Les médias doivent assurer un traitement équilibré et honnête pour contribuer à cet enseignement et faire cesser la haine d’Israël. Ils doivent qualifier les terroristes d’assassins.

Aux Etats-Unis, des équipes de Juifs et non Juifs surveillent les médias et organisent des campagnes. Quand une information imprécise est diffusée, elles contactent le rédacteur et le journaliste et présentent la vraie information ainsi qu’une demande de rectification.

Aux Etats-Unis, le lobbying s’exerce dans un cadre légal. En France, il se déploie souvent officieusement...

R. H. : Le B’nai B’rith prône le dialogue afin d’influencer les décideurs dans le sens souhaité. En mai dernier, à Washington, il a offert son expertise à la délégation du CRIF. En matière de lobby, chaque pays a son approche, ses pratiques, que le B’nai B’rith respecte.

Le 11 juin 2002, l’ADL a noté une recrudescence de l’antisémitisme aux Etats-Unis, surtout parmi les Hispaniques et les Noirs. Comment l’expliquez-vous ?

R. H. : Nos sondages mensuels ont indiqué une telle montée, surtout depuis l’Intifada II. Les médias en sont responsables par leur traitement du conflit au Proche-Orient.

Avec internet, les informations sont diffusées 24 h sur 24 h, en privilégiant quelques images. Quand vous voyez un jeune jeter une pierre contre un tank, vous avez l’impression qu’Israël est très fort, soutenu par la force américaine, face à un Palestinien faible. Cela évoque David contre Goliath. Ce qui induit des réactions négatives, surtout chez ceux qui s’estiment mal traités, contre le Puissant. C’est un phénomène humain.

C’est devenu trop à la mode non seulement de critiquer Israël, mais aussi de l’attaquer, dans les médias mais aussi dans les organisations onusiennes et forums internationaux. Dans cette configuration, la distinction entre Juifs et Israéliens est devenue bien ténue, même aux Etats-Unis.

Les Américains ont constaté avec un vif plaisir que le Président Bush a condamné l’antisémitisme...

Cet article a été publié en 2002 par Actualité juive.

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