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vendredi 21 septembre 2018

Serge Ivanovitch Charchoune (1888-1975)


La galerie Le Minotaure et la galerie Alain Le Gaillard présentent l'exposition Monochromes de Serge Charchoune (1888-1975) accompagnée d'un catalogue passionnant. Proche de Juan Gris, Man Ray et Picabia, ce peintre abstrait, attiré par le dadaïsme, passionné par la musique, a fait œuvre d’écrivain, de dramaturge et de poète.  Le 23 septembre 2018,  dans le cadre d'Un dimanche à la galerie, la galerie Le Minotaure sera ouverte de 12 h à 18 h. Rendez-vous au 2 rue des Beaux-arts.


« La peinture de Charchoune est une musique toute de finesse, elle joue sur les rapports subtils de demi-tons, de quart-de-tons, elle est parfaitement invisible dans les reproductions en noir et blanc. Il faut attendre que la photographie et la reproduction en couleur aient fait suffisamment de progrès pour permettre aux revues et aux livres d’art de faire connaître au grand public ce que nous savons tous, nous les peintres. Il a tout inventé et c’est peut-être aussi parce que ses intuitions géniales ont été exploitées par d’autres qu’il est le plus grand de nous tous et cela il faudra bien le reconnaître un jour », a déclaré Nicolas de Staël, qui avait une œuvre de Charchoune.

Serge Charchoune (1888-1975) est un peintre difficile à classer tant il a évolué au gré de ses voyages et rencontres artistiques, sans jamais demeurer longtemps dans un groupe.

Picasso aurait dit : « Pour moi, il y a deux peintres : Juan Gris et Charchoune ! »

Peintre et écrivain
Serge Ivanovitch Charchoune est né en 1889 dans une famille Juive de Bougourouslan, dans la province russe de Samara.

Il étudie à l’école de commerce de Simbirsk (1900-1905), puis manifeste un intérêt pour la peinture. Il échoue à intégrer l’Ecole des Beaux-arts de Moscou car il déteste dessiner.

A Moscou, en 1910, ce jeune homme se lie d’amitié avec les peintres Michel Larionov et Gontcharova. 

Il déserte l’armée russe en 1912 et fuit à Berlin (Allemagne), puis arrive à Paris où il suit les cours à l’Académie russe de Marie Vassilieff, puis à l’Académie cubiste La Palette. Il a pour professeurs Metzinger et Le Fauconnier.


Quand éclate la Première Guerre mondiale en 1914, il se réfugie à Barcelone, en Espagne, avec d’autres artistes d’avant-garde, tels Picabia, Gleizes ou les Delaunay. Là, il fait la connaissance de Marie Laurencin et Arthur Cravan, découvre avec émerveillement les azulejos espagnols aux motifs géométriques, et la galerie Josep Dalmau présente ses œuvres « ornementales », les premières d’art abstrait dans ce pays.

Lors de la révolution russe (1917), Charchoune veut gagner les rangs du corps expéditionnaire russe de France, mais la grippe espagnole qu’il contracte l’en empêche.

En mai 1920, après le festival Dada à la salle Gaveau de Paris, il entre dans le mouvement Dada, et côtoie Tzara, Breton, Arp, Ernst, Picabia, Man Ray et Paul Eluard. Il crée le Palata Poetov (« La Chambre des Poètes »), puis en 1922 à Berlin la revue Perevoz Dada (« Le Transbordeur Dada »).

Deux ans plus tard, il est séduit par la Russie post-révolutionnaire, mais, lors d’une soirée à l’initiative des poètes Maïakovski, Essenine et Koussikov, est dissuadé d’y aller par la danseuse Isadora Duncan, critique à l’égard de la révolution russe.

Il expose en Allemagne – galerie Der Sturm -, à Paris, et il est influencé à la fin des années 1920 par l’anthroposophie de Rudolf Steiner, notamment dans sa « période puriste » visible en 1926 et 1927 dans la galerie Jeanne Bucher et la galerie Aubier. La Grosse Berliner Ausstellung montre ses œuvres aux côtés de celles de Lissitzky, Pougny et Iawlensky.

Parallèlement à son activité de peintre, illustrée par cette « Composition puriste » (1927), il écrit des poèmes et romans (Dolgolikov).


La crise financière de 1929 met un terme au soutien que lui apportait André Level, qui s’associa en 1904, avec des membres de sa famille et des amis, pour former « la Peau de l’ours » chargée d’acheter les œuvres de jeunes artistes – Nabis, cubistes - afin de décorer leurs maisons et de constituer un investissement artistique. Parmi les peintres repérés par ce groupe : Picasso, Matisse, Bonnard, Derain…


Charchoune traverse plus d’une décennie difficile, caractérisée par la solitude et la pauvreté. Précurseur , il pratique le dripping.

En 1942, il s’installe dans un atelier cité Falguière.

A partir de 1943, il est aidé par le collectionneur Roger Dutilleul et par le marchand d’art Edwin Livengood.

Après la Seconde Guerre mondiale, son œuvre méditative laisse une plus grande place à l’eau et à la musique dans des compositions abstraites, très pensées. Explorant les grands formats, cet artiste crée aussi des tableaux monochromes. La musique est une source d’inspiration et l’environnement acoustique de ses créations.


Les années 1960 marquent la reconnaissance internationale du peintre par des rétrospectives dans de prestigieux musées : à New York, à Zürich – exposition sur le dadaïsme en 1965 -, à Paris - Musée national d’Art moderne en 1971 -, à Milan.


Serge Charchoune décède en 1975, et est inhumé au cimetière russe de Sainte-Geneviève-des-Bois.

A l’été 2006, à l’initiative de Madame Irina Antonova, directrice du Musée Pouchkine, et de deux collectionneurs privés, le musée Pouchkine de Moscou et le musée d’État Russe de Saint-Pétersbourg ont consacré une rétrospective à Charchoune avec une soixantaine de tableaux.


La galerie Le Minotaure et la galerie Alain Le Gaillard ont présenté l'exposition Ecole de Paris, les Russes (20 mars-16 mai 2015) avec des œuvres notamment de Serge Charchoune  (1888-1975).

La galerie Le Minotaure présenta l'exposition Ecole de Paris, les Russes (20 mars-16 mai 2015) avec des œuvres notamment de Serge Charchoune.

Monochromes
La galerie Le Minotaure et la galerie Alain Le Gaillard présentent l'exposition Monochromes de Serge Charchoune (1888-1975). accompagnée d'un catalogue passionnantVernissage le 11 septembre 2018 dès 17 h.

"Né en 1889 dans une petite ville de la province russe de Samara, Serge Charchoune, alors que la plupart de ces collègues s’engagent dans les grèves politiques de 1905, préfère s’isoler devant une toile blanche.
Ayant échoué le concours d’entrée aux Beaux-arts (il détestait le dessin), en 1909 il se rend à Moscou où il découvre l’avant-garde venue de France, notamment le fauvisme et le cubisme. Il fréquente également les cercles artistiques locaux se liant d’amitié avec Mikhail Larionov et Natalia Gontcharova.
Il arrive en France en 1912 et s’inscrit à l’académie russe de Marie Vassilieff. A Paris il admire la rigueur du cubisme de Le Fauconnier grâce auquel il expose pour la première fois au Salon des Indépendants en 1913.
Durant la Première Guerre mondiale il rejoint à Barcelone Albert Gleizes, Marie Laurencin, Les Delaunay et Francis Picabia. La découverte de l’art hispano-mauresque donnera les bases pour toute son oeuvre postérieure. Ses toiles de l’époque sont les premiers exemples d’art abstrait en Espagne. Elles reprennent les compositions, les formes géométriques et les arabesques des azulejos.
De retour en France en 1919, il participe activement au mouvement Dada : fréquente les réunions du café de la Certa, publie des dessins dans la revue 391 lancée par Picabia et prend part à de nombreuses manifestations comme le Salon dada ou la réalisation de l’œuvre l’oeil Cacodylate.
En 1922, séduit par le succès de la révolution de 1917, il se rend à Berlin pour tenter de passer en Russie. Pourtant, découragé par l’expérience d’Isadora Duncan, il reste en Allemagne plus d’un an et y développe son idée de « cubisme ornemental ».
En 1923, il rentre à Paris et s’y établit définitivement. Il vit les dernières heures du mouvement dada et se rapproche du purisme. Ses toiles font une place plus importante à l’objet devenu monumental. Mais dès les années 1929-1931 il s’éloigne du courant lancé par Ozanfant et Janneret et renoue avec les arabesques et les motifs ornementaux.
Le crack boursier de 1931 a de terribles répercussions sur l’artiste russe qui perd son marchand André Level. Charchoune connaît à ce moment une période d’isolement et de grande difficulté financière.
Son activité devient plus littéraire que picturale, il fréquente de nombreux intellectuels russes dans les soirées littéraires auxquelles il participe.
En 1943, soutenu par le collectionneur Roger Dutilleul, il installe son atelier à la Cité Falguière. Il reprend les articulations cubistes et réalise de nombreuses séries sur le thème de la nature morte. Au cours de ces années, il s’intéresse à la musique et ses toiles se chargent d’instruments.
A partir de 1948, la couleur réapparaît dans ses compositions grâce à sa série dédiée à la mer.
Dans les années 1950, le thème de la musique prend une place majeure dans son oeuvre. Il travaille plus précisément la matière et réduit sa palette de couleurs."

"Pour la rentré 2018 et à l’occasion du Parcours des mondes, les galeries Le Minotaure et Alain Le Gaillard préparent l’exposition consacrée à Serge Charchoune. Benoît Sapiro proposera cette fois-ci de se focaliser sur une partie de l’œuvre de l’artiste jusqu’alors peu – ou pas – explorée par les expositions précédentes (tant individuelles que collectives), à savoir la peinture monochrome. Car, côté de Kazimir Malévitch, Charchoune fut un des pionniers du genre."

 "Le monochrome entre dans l’histoire de l’art moderne en 1915 avec le Carré noir (suivi en 1918 par Carré blanc sur fond blanc) de Malévitch qui constitue en quelque sorte la pierre angulaire du genre. Depuis, plusieurs expositions et publications scientifiques y furent consacrées. Paradoxalement, l’œuvre de Serge Charchoune, un des pionniers comme nous l’avons dit, en est régulièrement absente, de même qu’on mentionne rarement son nom en parlant des origines de l’art abstrait, de l’aventure dada, et ainsi de suite. Peu sont ceux qui reconnaissent l’impact du peintre sur le développement de la peinture au XXème siècle. A l’époque, les œuvres de Charchoune étaient appréciées en premier lieu par ses pairs : peintres, poètes, architectes et un cercle très restreint des collectionneurs."

« Charchoune, vous avez de la noblesse, et cela devrait suffire pour attirer l’attention des connaisseurs sur ces œuvres cristallines ou chaudes, discrètes, mélodiques et intelligentes. On n’atteint là que pourvu du double don conjugué avec la parcimonie et dispensée par le Dieu des Arts : la force et la finesse. Vous avez de la veine, Charchoune. Je souhaite aux amateurs d’avoir celle de m’entendre à temps. » Ces paroles d’Amedée Ozenfat provenant de la préface qu’il écrivit pour l’exposions du peintre russe en 1927 seraient-elles restées lettre morte ? L’exposition que nous proposons veut y donner une réponse, digne de la peinture qu’elle défend. Ainsi, notre objectif sera de replacer la peinture monochrome de Charchoune à la fois dans l’histoire du genre que dans l’œuvre de l’artiste lui-même."

"Depuis ses origines, jusqu’aux recherches plus récents des avant-gardes américaines (Barnett Newmann, Mark Rothko, Agnès, Martin, Robert Ryman, Ad Reinhardt…) et européennes (Yves Klein, Groupe Zéro, Piero Manzoni, Lucio Fontana, Roman Opalka…) d’après-guerre, le monochrome était un procédé artistique allant au-delà de la simple remise en cause des manières traditionnelles d’envisager la création. Le Carré noir, exposé lors de la fameuse « dernière exposition futuriste 0.10 » est accroché en hauteur, à l’angle de deux murs, à place traditionnellement réservée aux icônes dans les maisons russes, ce qui passe aux yeux du public pour blasphématoire. Le Carré noir n’est pas simplement une proposition radicale dans un contexte social et artistique révolutionnaire. Il est une icône quasiment religieuse. De la même manière qu’il en sera un peu plus tard pour Wladyslaw Strzeminski, le monochrome n’est pas un degré zéro de la peinture, mais un rebond vers l’infini créatif : « J’ai troué l’abat-jour bleu des limitations colorées, je suis sorti dans le blanc, voguez à ma suite, camarades aviateurs, dans l’abîme, j’ai établi les sémaphores du Suprématisme. […] Voguez ! L’abîme libre blanc, l’infini sont devant vous », écrivait Malévich dans le catalogue de l’exposition Création non-figurative et suprématisme (1919)."

"Charchoune commence son aventure avec le monochrome autour de 1923 quand, après sa période berlinoise, il retourne à Paris et s’intéresse aux idées de Rudolf Steiner, explorant les méandres de l’anthroposophie qui lui donne un nouvel élan créateur. Ses œuvres tendent désormais à l’épure. Il trouvera la confirmation de ses recherches quelques années plus tard se confrontant d’abord aux œuvres (1925) et ensuite au personnage même (1927) du théoricien du purisme, Amédée Ozenfant. Cette rencontre qui constitue pour lui une vraie révolution intellectuelle qui marquera toute son activité à venir. La période puriste des années 1926-29, peut être considérée comme la plus aboutie dans le parcours du peintre, exprimant le mieux sa personnalité et sa vision de l’art."

"Jusqu’à la fin de sa carrière Charchoune, jamais satisfait, changera de style maintes fois encore, mais le monochrome deviendra comme un fil rouge, un thème dans la musique, qui disparaît et revient, est l’objet de variations, repris, modifié, opposé ou… superposé, mais ne se perd jamais. C’est la période puriste que l’on doit approfondir pour accéder à l’essence de l’œuvre de Charchoune. Ce que cette exposition se donne justement pour objectif…"


Le 23 septembre 2018,  dans le cadre d'Un dimanche à la galerie, la galerie Le Minotaure sera ouverte de 12 h à 18 h. Rendez-vous au 2 rue des Beaux-arts.


Du 11 septembre au 3 novembre 2018. Vernissage le 11 septembre 2018 dès 17 h.
Jusqu’au 16 mai 2015
2, rue des Beaux Arts. 75006 Paris
Tél. : 01 43 54 62 93
Du mardi au samedi de 11 h à 13 h et de 14 h à 19 h
Vernissage le 19 mars 2015 à 18 h.

Et à la galerie Alain Le Gaillard
19 Rue Mazarine 75006 ParisFrance
Tel. : 33 1 43 26 25 35

Visuels
Charchoune, Serge
Composition Cubisme Ornemental
1922
Huile sur toile
47 x 38 cm
Signé en bas à droite « S.Charchoune»

Affiche
Composition inspirée par Beethoven, variation n°3, 1959, Huile sur toile, 50 x 100 cm

Cubisme ornemental, 1922, Huile sur toile, 47 x 38,5 cm

Nature morte blanche au citron/Citronade, C. 1925, Huile sur toile, 24 x 41 cm

Violon blanc, 1946, Huile sur toile, 65 x 50 cm

Solo du violon, 1946, Huile sur toile, 81 x 65 cm

Monochrome, 1959

A lire sur ce blog :
Cet article a été publié en une version concise par L'Arche, et sur ce blog le 20 mars 2015, puis le 11 mai 2015.

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