dimanche 25 octobre 2020

« Abou Dhabi, le Louvre des sables » de Julie Peyrard

Arte diffusera le 28 octobre 2020 « Abou Dhabi, le Louvre des sables » (Der Louvre in Abu Dhabi - Eine neue Oase der Kunst) de Julie Peyrard. « Inauguré en 2017, le Louvre Abou Dhabi accumule les défis : un musée créé de toutes pièces, un bâtiment pharaonique conçu par Jean Nouvel, une collection extraordinaire qui a l'ambition de retracer toute l’histoire de l’art de l’humanité ». Une institution controversée, issue d'un accord signé sans respect des règles de forme internes au célèbre musée parisien, à la fin du second mandat du Président Jacques Chirac, et lésant financièrement le Louvre.

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Le 8 novembre 2017, le Président de la République Emmanuel Macron a inauguré le musée dénommé Louvre Abu Dhabi, situé sur l'île de Saadiyat (« île du bonheur ») et conçu par l'architecte Jean Nouvel, qui avait élaboré l'aberrant musée du quai Branly (bâtiments éloignés cachés par la végétation, parcours labyrinthique pour arriver aux salles d'exposition).

Le Président Emmanuel Macron a déclaré :
"Ce Louvre du désert et de la lumière que vous avez voulu c'est évidemment un lien pour au moins les trois décennies qui viennent, mais je le crois très profondément, bien davantage encore.
Mais c'est surtout la réponse que la France à vos côtés doit pour lutter contre tous les obscurantismes... Dans cette région tous les grands monothéismes sont nés et l'islam est né de ce palimpseste de cultures et de civilisations qui font que de manière indétricotable, irréductible, nos religions sont liées, nos civilisations sont liées ; et que ceux qui veulent faire croire où que ce soit dans le monde que l’islam se construit en détruisant les autres monothéismes sont des menteurs et vous trahissent".

Le Président Emmanuel Macron omet de qualifier les "obscurantismes" et sanctuarise l'islam. Hormis le terrorisme islamiste, qui a cruellement frappé notamment la France, on s'interroge sur les "obscurantismes" évoqués par le chef de l'Etat.

De plus, un palimpseste est "parchemin dont la première écriture, grattée ou lavée, a fait place à un nouveau texte" (Larousse) Le Président Emmanuel Macron déclare donc que l'islam est né de l'effacement des écritures pré-islamiques, notamment le judaïsme et le christianisme ?! Et n'explique pas en quoi "nos civilisations" seraient liées.

Il se contredit en qualifiant de "menteurs" ou de "traitres" ceux qui "veulent faire croire où que ce soit dans le monde que l’islam se construit en détruisant les autres monothéismes". C'est le "en même temps" macronien.

Par ailleurs, quid du patrimoine islamique datant de l'époque du prophète Mahomet et détruit par la monarchie saoudienne par des travaux grandioses dont la nature est susceptible, selon le site Oumma.com, de transformer La Mecque en "Las Vegas du "royaume wahhabite" ? 

Human Rights Watch (HRW) avait critiqué les conditions de travail des travailleurs migrants, souvent originaires du sous-continent indien, chargés de la construction de l'édifice : salaires non payés, droit de grève non reconnu dans cet Etat, confiscation des passeports par les employeurs, etc.

« C’est la première fois que le plus grand musée du monde s’exporte de cette façon hors des frontières de l’Hexagone », en l'occurrence aux Emirats Arabes Unis (EAU). Un an après son ouverture au public, le musée a accueilli un million de visiteurs, principalement des touristes originaires d'Inde. 

« Pour Abu Dhabi, c'est la première réalisation du “hub” culturel que l’émirat a initié pour préparer l’”après pétrole” et asseoir son influence dans la région et le reste du monde ».

L'objectif des EAU dans le cadre du soft power et de sa rivalité avec le Qatar ? "Accueillir près de 75 millions de visiteurs avant 2030 et de faire d’Abu Dhabi une destination culturelle de premier plan. L’ouverture du Louvre Abu Dhabi reflète une stratégie plus générale de recherche de visibilité à l’international. Ce musée s’ancre sur une île destinée à faire d’Abu Dhabi un véritable hub culturel international, remarquons d’ailleurs la coïncidence entre l’ouverture du Louvre des sables et l’une des plus grandes foires d’art contemporain de la région (Abu Dhabi Art du 8 au 11 novembre). L’île de Saddiyat, conçue comme un complexe touristico-culturel, accueillera à terme un musée Guggenheim Abu Dhabi, un musée national Sheikh Zayed, une cité des arts, un musée maritime, un hall de concert ou encore un campus de la New York University (qui a ouvert ses portes en 2010)", a écrit Timothée Houzel dans "Louvre Abu Dhabi : ceci n’est pas (qu’)un musée" le 7 novembre 2017.

Louvre lésé

Dès 2006, le projet de création d'un Louvre hors de France a induit une polémique dirigée par Françoise Cachin, ancienne directrice du musée d'Orsay et signataire avec Jean Clair, conservateur général honoraire et écrivain, et Roland Recht, professeur au Collège de France, de la tribune "Les musées ne sont pas à vendre" (Le Monde, 13 décembre 2006). 

Signée par plus de 5 000 personnes, dont des historiens d'art, des universitaires et des conservateurs, une pétition s'opposait à ce « Las Vegas des sables », cette « dérive terrible de l'éthique du travail des musées ». 

Ancien ministre socialiste de la Culture, Jack Lang a soutenu ce projet reconnaissant le « talent français  (Le Monde, 1er février 2007).


Localisé dans un "district culturel", le Louvre Abu Dhabi résulte d'un accord intergouvernemental signé le 6 mars 2007 entre la France et l'émirat d'Abou Dabi, représentés respectivement par Renaud Donnedieu de Vabres, ministre de la Culture à la fin du second mandat du Président de la République Jacques Chirac, et Sultan ben Tahnoun Al Nahyane. 

Cet accord prévoit une coopération culturelle sur trente ans. Il est mis en oeuvre par l'Agence France-Muséums dont les actionnaires sont douze des principaux musées français.

En échange de l'utilisation uniquement de son nom dans la dénomination "Louvre Abu Dhabi", le Louvre devait recevoir 400 millions d'euros. Durant les dix années suivant son ouverture, le Louvre Abou Dabi accueille en prêt des œuvres provenant des collections françaises : 300 à l'origine à 200 au cours des années suivantes. Durant quinze ans, la France fournit au Louvre Abu Dabi quatre expositions par an. Elle aide le musée à se constituer une collection spécifique visant à remplacer les œuvres prêtées par les musées hexagonaux. Ce qui soulève des conflits d'intérêts : disposant de moyens financiers moins importants que les EAU, le Louvre doit lui aussi enrichir ses collections, et proposer des expositions de haut niveau dans son palais historique à Paris et au Louvre-Lens.

Quant aux EAU, ils doivent verser 965 millions d'euros sur trente ans au bénéfice du musée du Louvre et d'autres musées. 

Mal négocié par la France, irrégulier dans la forme, non respecté par les EAU, cet accord lèse financièrement le musée du Louvre. La Tribune de l'art a consacré plusieurs enquêtes au Louvre Abu Dhabi. Cette revue a dénoncé "l’installation des collections [qui] s'est faite sans que les précautions indispensables que le Louvre exige de tous les musée emprunteurs soient respectées", l'absence de consultation et d'information du Louvre dirigé par  Jean-Luc Martinez  sur l'achat du "Salvator Mundi" par les EAU...

En janvier 2018, La Tribune de l'art a révélé :

"L’article 14 de l’accord intergouvernemental de 2007 entre la France et Abu-Dhabi, qui prévoyait que le Louvre bénéficierait d’un intéressement pour toute utilisation commerciale du nom Louvre, n’avait pas été appliqué. Le chiffre exact de cette redevance, au minimum 8 %, devait d’ailleurs être négocié pour chaque contrat, et rien ne pouvait se faire sans l’accord du Louvre.

Louvre n’a rien touché sur aucune des opérations menées par Abu-Dhabi en utilisant le nom du Louvre. Si le Louvre et Abu-Dhabi ont enfin signé le contrat d’exécution de l’accord de 2007, ce n’est que le 8 novembre dernier (soit après la publication de nos deux articles), et ce contrat est très défavorable au Louvre (les 8 % minimum deviennent 8 % maximum)." 

"Sans que le Louvre parisien en ait été informé, un partenariat que l’on imagine juteux a été noué par le Louvre Abu Dhabi et Etihad, compagnie aérienne nationale. Elle a pu utiliser la marque et l’image du Louvre émirien sur ses avions, billets et cartes d’embarquement. Pour toute justification, les Émirats arabes unis ont assuré qu’une telle action ne faisait pas partie de l’accord mais d’une «opération de communication» rendue possible par le forfait des 400 millions d’euros que reverse le pays du golfe sur 15 ans pour pouvoir utiliser la marque, hors utilisation commerciale. Pour s’en assurer, l’institution parisienne a demandé de lire le contrat entre la compagnie et le musée, ce qui lui a été refusé. Le procureur regrette que, par la suite, «les dirigeants de l’établissement public [le Louvre] aient renoncé à faire trancher le différend».

En outre, la Cour des Comptes a relevé en 2019 : « Outre son caractère financièrement préjudiciable, l’accord de 2018 présente plusieurs irrégularités […] ce contrat, qui lèse manifestement les intérêts financiers du Louvre, n’a pas été soumis à l’approbation préalable du conseil d’administration ce qui constitue une irrégularité au regard des règles internes de l’établissement ».

"Or, remarque encore le procureur, l’État français est garant de la bonne exécution de cet accord-intergouvernemental. Certaines clauses du contrat d’exécution violant des dispositions de ce traité, elles devraient être tenues pour nulles. Le procureur pense donc qu’il « serait de l’intérêt de l’établissement public de faire reconnaître cette nullité par les tribunaux français […] puis de renégocier en conséquence le contrat de licence de marque », a résumé Didier Rykner (La Tribune de l'art29 mai 2019).

Et Didier Rykner de conclure : "La balle est désormais dans le camp des ministères de la Culture et des Affaires Étrangères qui ont deux mois (jusqu’à mi-juillet donc) pour répondre à la communication du procureur de la Cour des Comptes. Clairement, la responsabilité de Jean-Luc Martinez dans cette affaire apparaît écrasante, et on ne comprendrait pas comment il pourrait désormais demeurer à son poste. Quant aux relations avec les émiriens, elles doivent sans hésiter être clarifiées dans un sens conforme au traité qu’ils ont signé et donc favorable au Louvre".


"Furûsiyya. L’art de la chevalerie entre Orient et Occident"

En 2020, le Louvre Abu Dhabi a présenté l'exposition "Furûsiyya. L’art de la chevalerie entre Orient et Occident" dont les commissaires sont Elisabeth Taburet-Delahaye et Michel Huynh, musée national du Moyen Âge, et Carine Juvin, musée du Louvre. 

Un titre qui dresse un parallèle infondé entre la chevalerie chrétienne médiévale et ces guerriers musulmans combattant dans le cadre du djihad. Ce dernier mot était occulté dans l'exposition.

La Furûsiyya, « culture de guerre » est née en Iraq à l’époque abbasside ; elle se répand ensuite dans l’ensemble du monde musulman, et notamment en Égypte. Elle s’y diffuse lentement, dès le Xe siècle, du fait de l’impulsion des militaires qui s’emparent du pouvoir. Elle connaît sa plus grande diffusion sous les Mamelouks égyptiens. Les sultans en font un véritable outil de communication avec leurs sujets ; l’élite religieuse s’en empare, pour plaire aux sultans et aux grands émirs et les instruire. Sous les Ottomans, la furūsiyya s’étiole mais ne s’éteint pas." (Abbès Zouache, « Une culture en partage : la furūsiyya à l’épreuve du temps », Médiévales, 64 | printemps 2013)

"Le cheval arabe était considéré comme le véritable symbole du jihad et l’instrument par excellence des conquêtes arabo‑musulmanes du VIIe siècle. Il constitua à certains égards un substrat de l’idéologie du guerrier du début de l’époque mamelouke" (Mehdi Berriah, « Le cheval arabe chez les Mamelouks baḥriyya entre pragmatisme, symboles et représentations (XIIIe–XIVe siècles) », Arabian Humanities, 8 | 2017,  DOI : https://doi.org/10.4000/cy.3398).

"Dans le monde arabo-musulman, et plus particulièrement dans sa partie orientale, le mot furûsiyya désigne beaucoup plus que la simple équitation ou cavalerie. C’est un concept très vaste qui recouvre l‘ensemble des disciplines théoriques et pratiques que doit connaître et maîtriser un soldat d’élite pour être capable d’affronter n’importe quelle situation. Un soldat d’élite à cette époque, c’est avant tout un cavalier. Mais il peut être désarçonné ou devoir démonter. Il peut aussi être amené à participer au siège d’une ville ou à utiliser la diplomatie ou la ruse. La furûsiyya désigne donc l’équitation, l’art de bien monter à cheval, mais aussi l’hippologie, l’hippiatrique (si le soldat doit soigner sa monture lors d’une expédition), la maréchalerie (s’il lui faut la ferrer), les techniques et technologies de guerre : maniement des armes, à cheval mais aussi à pied, telles que l’arc, la lance, la masse d’armes, l’épée, les engins de sièges et les armes incendiaires, les ruses et tactiques de guerre (pour les utiliser soi-même et comprendre les manœuvres de l’ennemi), la diplomatie, diverses pratiques utiles au combat, comme la natation (au cas où on devrait traverser une rivière par exemple) et la lutte (pour un éventuel corps à corps) ainsi que la chasse et le polo, considérés comme des entraînements à la guerre ; la chasse permettant d’acquérir adresse et endurance, et le geste du polo étant très proche de celui du sabre." (Qantara)

"Cette exposition, coorganisée par le musée de Cluny - Musée national du Moyen Âge et le musée du Louvre, propose un panorama de la culture chevaleresque médiévale dans les mondes européen et islamique à travers environ 150 oeuvres (armes et armures, domaine équestre, objets et manuscrits), dans une présentation immersive, jalonnée de dispositifs de médiation."

"L’art des cavaliers d’élite, la furûsiyya en Orient, la culture chevaleresque en Occident, nés parallèlement vers les 8e-9e siècles et puisant à des sources en partie communes, ont tissé tout au long du Moyen Âge des liens multiples, encore largement méconnus. Ce ne sont pas seulement les principales armes défensives ou offensives, mais aussi les valeurs et les ambitions, les substituts et les formes parallèles à l’affrontement guerrier, les épopées, romans et poèmes mêlant récits de prouesses au combat et d’aventures amoureuses que l’exposition propose de mettre en regard".

"Grâce aux prêts généreux du musée de Cluny et du musée du Louvre (départements des Arts de l’Islam, des Antiquités orientales, des Objets  d’Art et des Sculptures), ainsi que d’une dizaine d’institutions françaises et internationales (BnF, musée de l’Armée, The Metropolitan Museum, Furusiyya Art Foundation, Chester Beatty Library...), l’exposition offre une synthèse novatrice entre deux univers qui n’avaient jamais fait l’objet de regards communs, relevant le défi de donner aux objets et aux images le soin de relater une histoire séculaire, qui n’est pas seulement celle  d’affrontements, mais aussi celle de cultures en partage".

Du 1er Juillet 2020 au 18 Octobre 2020
Visuels :
Furûsiyya,
© Department of Culture and Tourism - Abu Dhabi Photo by Seeing Things / Ismail Noor

« Abou Dhabi, le Louvre des sables » de Julie Peyrard 

France, 2017, 26 min

Sur Arte le 28 octobre 2020 à 03 h 10

Disponible du 20/10/2020 au 02/11/2020

Les citations sur le film proviennent d'Arte.

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