lundi 5 décembre 2022

« Le procès - Prague 1952 » de Ruth Zylberman

Arte diffusera le 6 décembre 2022 à 22 h 55 « Le procès - Prague 1952 » (Prag, 1952: Der Slánský-Prozess) de Ruth Zylberman. « Au travers d’archives récemment exhumées et de poignants témoignages, une reconstitution abyssale du procès de Prague en 1952, à l’origine du livre "L’aveu" d’Artur London, adapté à l’écran par Costa-Gavras. Un film remarquable de Ruth Zylberman ("Les enfants du 209 rue Saint-Maur – Paris Xe"). »


« À Prague en 2018, des ouvriers découvrent, dans un entrepôt abandonné, des bobines de film qui y avaient été dissimulées depuis la chute du mur de Berlin : les images glaçantes d’effroi du procès Slansky, tournées à l’époque à des fins de propagande ». 

« En 1952, en pleine guerre froide et au sommet d’une terreur stalinienne imprégnée d’antisémitisme, quatorze hauts dirigeants du régime communiste, juifs pour la plupart, déclarés "traîtres trotskistes-titistes-sionistes", sont accusés de conspiration contre l’État ».

« Parmi eux, Rudolf Slansky, ex-secrétaire général du Parti et ami du président Klement Gottwald, qui précipitera sa chute ; Artur London, ancien brigadiste international et membre de la Résistance française rescapé des camps ; et le brillant économiste Rudolf Margolius ».

« Par la torture et les menaces, lors d’un macabre simulacre de justice méthodiquement mis en scène, ces hommes sont contraints à faire l'aveu public de leur culpabilité, récitant par cœur des crimes imaginaires et appelant à une sentence. À quoi pensent-ils lors de cette descente aux enfers qu’ils cautionnent officiellement ? Onze d'entre eux seront condamnés à mort et pendus. »

« À partir de ces archives exceptionnelles récemment restaurées et d'une plongée dans celles de l’omniprésente police secrète, mais aussi au travers de leur correspondance, Ruth Zylberman retrace la trajectoire complexe de ces trois hommes, et recueille le témoignage poignant de leurs familles brisées ».
 
« À l’heure de la dictature du prolétariat dans des démocraties populaires satellites du grand frère soviétique, ces communistes, aveuglés par leur dévotion à un Parti "qui ne se trompe jamais", ont été détruits par le monstre qu’ils ont contribué à créer ». 

« Dans un monde ravagé par l’indistinction délétère entre vérité et mensonge, celui-ci, devenu loi, parvient à subvertir, au-delà même du champ politique, les liens élémentaires de la société humaine ». 

« En reconstituant, avec une rigoureuse précision, ce procès, trame du livre L’aveu d’Artur London adapté à l’écran par Costa-Gavras, Ruth Zylberman met au jour les mécanismes d’une dérive abyssale aux échos contemporains. »


« Au travers de la trajectoire de trois de ses victimes, Ruth Zylberman 
("Les enfants du 209 rue Saint-Maur – Paris Xe") met magistralement au jour les rouages de l’effroyable machine du procès de Prague, aux résonances contemporaines. Entretien. Propos recueillis par Sylvie Dauvillier. »

« Pourquoi avez-vous eu envie de revisiter le procès de Prague ? 
Ruth Zylberman : Au-delà de mon intérêt ancien pour l’histoire du communisme et pour la Tchécoslovaquie, j’ai été saisie par la découverte en 2018 des images de ce procès dans les malles d’une entreprise en liquidation judiciaire, probablement dissimulées par un fonctionnaire du Parti qui aspirait à en tirer profit. Accompagnés d’archives audio, ces rushes, en mauvais état et aujourd’hui restaurés, avaient été montés dans les années 1950 par le Parti communiste pour une diffusion au cinéma, mais finalement jamais montrés, hormis cinq minutes qui circulaient. À l’époque, le public n’avait eu écho du procès Slansky qu’à la radio. Ces archives continuent de me hanter, en posant une question métaphysique vertigineuse à laquelle je n’ai pas de réponse : que se passe-t-il dans la tête de ces hommes qui confessent des crimes imaginaires ? Avouent-ils pour protéger leur famille, avec l’espoir d’échapper à la mort ou par sacrifice pour le Parti, selon le motif du livre Le zéro et l’infini d’Arthur Koestler, inspiré des procès de Moscou, avant même celui d’Artur London, L’aveu ? 

Quelle est l’intention de votre film ? 
Pour qui ignore leur contexte, ces images, contrairement à celles, monstrueuses, d’assassinats de masse, comme la Shoah par balles, recèlent une violence cachée. Le processus du film a consisté à parvenir à les lire non seulement d’un point de vue historique, mais aussi humain, et à permettre d’en mesurer toute la violence radicale. Car derrière le défilé de ces accusés en costume noir qui comparaissent à ce procès somme toute lointain, elles racontent une destruction de l’être humain, qui happe les consciences. C’est ce que nous avons tenté, avec ma monteuse Svetlana Vaynblat et mon assistante Catherine Radosa, de faire émerger.

Qui sont les trois protagonistes de votre film ? 
Chacun de ces accusés juifs, à la personnalité très différente, représente un type de communiste. Homme de pouvoir, le secrétaire général Rudolf Slansky a donné son nom au procès. Jeune idéaliste dans les années 1920, ce double et proche du président Klement Gottwald, qui a contribué à l’accession au pouvoir du Parti, est devenu un stalinien sans pitié, portant une responsabilité dans la dérive totalitaire et la répression du régime qui finira par l’écraser. Il a sa part de tragédie. À Moscou en 1943, sa fille aînée Nadia a été enlevée dans des circonstances mystérieuses, par le NKVD semble-t-il, et jamais retrouvée. Auteur de L’aveu, Artur London est aussi un apparatchik. Cet ancien membre du Komintern, qui a combattu avec son épouse Lise en Espagne et dans la Résistance avant d’être déporté à Mauthausen, incarne la figure du communiste à la carrière internationale. Apolitique avant-guerre, l’économiste Rudolf Margolius, lui, n’est pas un homme de pouvoir, mais après les accords de Munich et l’abandon de la Tchécoslovaquie par les démocraties occidentales, le communisme apparaît à ce rescapé des camps comme la seule rupture possible avec le fascisme et le nazisme. Cet homme de bonne volonté, qui me bouleverse, est broyé par un système dont il ne maîtrise pas les rouages. 

Ce procès tient de la véritable machine de guerre… 
Les rapports de police et les descriptions de filatures montrent les abîmes inouïs d’absurdité d’une société placée sous le boisseau sécuritaire. Torturés pendant des mois, les accusés ont été renourris avant le procès. L’un d’eux d’ailleurs a perdu son pantalon au cours de l’audience, provoquant un éclat de rire général. Faux avocats, faux témoins, aveux rédigés… : rien n’est laissé au hasard. Profondément marqués, les enfants de ces accusés l’expriment avec lucidité : si certains d’entre eux ont pu être coupables historiquement, cet effroyable procès n’en reste pas moins inique. À l’inverse du récit édifiant, la quête de vérité pour penser l’histoire doit tenir compte des trajectoires de chacun, auxquelles on puisse se relier. Je voulais que le film ouvre une réflexion plus large sur le totalitarisme et le conformisme. L’instrumentalisation de la vérité et du mensonge ne pervertit pas seulement l’espace politique et social, mais aussi les liens les plus intimes, familiaux, l’humanité même – en témoigne Lise London, aveuglée par sa croyance absolue dans le Parti. D’où l’urgence de faire ce film aujourd’hui. »


« Le procès - Prague 1952 » de Ruth Zylberman
France, Russie, 2021, 70 min
Coproduction : ARTE France, Pernel Media 
Sur Arte le 6 décembre 2022 à 22 h 55
Disponible du 29/11/2022 au 03/02/2023
Visuels :
Rudolf Slansky
Arthur London
Rudolf Margolius
Arthur London
Michel, Françoise et Gérard London
Marta Slanska
© D.R.PERNEL MEDIA

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Les citations sont extraites du site d'Arte

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