jeudi 18 janvier 2024

« Golda Maria » de Hugo Sobelman et Patrick Sobelman

Arte diffusera le 23 janvier 2024 à 23 h 30 « Golda Maria », documentaire de Hugo Sobelman et Patrick Sobelman. « Le bouleversant récit de vie d'une rescapée d'Auschwitz, grand-mère et arrière-grand-mère des deux réalisateurs, père et fils. Un précieux document de mémoire familiale à la portée universelle. »


« En octobre 1994, le producteur Patrick Sobelman filme chez elle sa grand-mère Golda Maria Tondovska, alors âgée de 84 ans. »

« Face caméra, la vieille dame évoque ses souvenirs – une petite enfance en Pologne à demi oubliée, l'émigration de sa famille en Allemagne pour fuir les pogroms et, avec l'arrivée de Hitler au pouvoir et les premières persécutions, son départ précipité de Berlin pour la France avec l'un de ses frères. »

« Tandis que sa famille émigre en Palestine, Golda reste à Paris, où elle épouse un juif polonais, comme elle. » Il s’agit de la Palestine mandataire.

« Après l'exode vers Marseille, en zone libre, en 1941, Golda est arrêtée à l'été 1944 avec une partie de sa famille et entassée dans l'un des derniers convois vers Auschwitz-Birkenau. À leur arrivée, son petit garçon de 4 ans, Robert, est aussitôt envoyé à la mort… »

« Redécouvrant, trente ans plus tard, le témoignage brut et très riche de Golda, décédée en 2010 à l'âge de 102 ans, Patrick Sobelman et son fils Hugo en ont fait un film poignant, porteur d'une mémoire familiale à la portée universelle. »

« On y lit le tâtonnement de la mémoire, l'émergence confuse de bribes de souvenirs, et les images, terriblement précises, des persécutions et des camps, que Golda a gardées pour elle des décennies durant. » 

« Ces expériences traumatiques qu'elle n'avait pas pu, au sortir de la guerre, raconter à ses propres enfants se dénouent dans un récit-fleuve, véritable rempart contre l'oubli. »

Hors compétition, Berlinale 2020

Né en 1988, Hugo Sobelman a déclaré : « Maria a été chassée de son pays de naissance, puis de son premier pays d’accueil… En montant le film, j’ai immédiatement pensé aux migrants, à ces gens déracinés qui espèrent trouver une terre d’accueil et s’y sentir bien. Jusqu’à l’âge de 40 ans, filant entre les frontières, Maria n’a jamais vécu en paix. Si ça, ça ne nous raconte pas quelque chose sur la situation actuelle ! » Comment peut-on dresser un tel parallèle, infondés, entre les "migrants" et Maria, déportée rescapée de la Shoah ?! Ces "migrants" sont majoritairement des hommes, bien vêtus et arborant des marques célèbres, dotés de téléphones portables à la technologie hypersophistiquée, aidés par des ONG, affirmant venir chercher soit un emploi, soit une protection médicale gratuite (AME) soit des allocations sociales en France. Beaucoup commettent des actes de délinquance. Ils ne sont pas, sauf exceptions, persécutés dans leurs pays d'origine (Algérie, Maroc, etc.) - des ONG leur fournissent des récits biographiques mensongers clés-en-main -, il ne sont pas déportés contre leur gré, ni convoyés dans des trains à bestiaux, ni assassinés pour ce qu'ils sont.

Le dossier pédagogique surprend par sa conception étroite : la carte de la France de 1940 à 1944 omet ses territoires d'outre-mer : protectorats (Maroc, Tunisie), départements (Algérie)... Donc le nombre de Juifs visés par les politiques antisémites du régime de Vichy et de l'Allemagne nazie est sous-estimé. Les statuts des Juifs s'y sont pourtant appliqués.

Ce dossier mentionne la "Palestine" au lieu de "Palestine mandataire".


ANNETTE WIEVIORKA

« Elle est assise. Un camaïeu bleu - le canapé, les vêtements, les yeux, le reflet dans ses cheveux blancs- attestent la sérénité de la vieille dame, digne et élégante. Elle raconte. La caméra filme le visage et les mains. De temps en temps, rarement, une photo de famille, un extrait d'archives ponctuent le récit.
Maria-Golda, née juive en Pologne en 1910, raconte une histoire que nous avons déjà entendue, que nous connaissons. L'émigration en Allemagne, Dantzig, Berlin. L'arrivée de Hitler au pouvoir, la fuite vers la France, le quotidien si difficile des réfugiés, l'invasion de la France, le début des persécutions, le nomadisme pour échapper à l'arrestation, Marseille, La Bourboule, Clermont-Ferrand. L'arrestation. Drancy, Birkenau, Bergen Belsen, Raghun.
La libération à Theresienstadt et le retour.
Pourtant, ce récit est unique, parce qu'il raconte ce que l'on n'entend pas, ou si peu. Maria ne raconte pas à un interviewer anonyme, mais à son petit-fils, Patrick, dans l'intimité d'une conversation qui est aussi pour elle la quête de sa vérité. "Quelque chose s'ouvre", "Mon cerveau s'est ouvert", quelque chose s'est ouvert dans mon cerveau". C'est le mécanisme même de la mémoire qui est donné à voir dans une langue qui cherche l'exactitude des mots, une diction parfaite et un accent qui porte la trace du yiddish, un accent que l'on entend plus dans nos villes alors qu'elle proclame avoir cette langue en horreur (fièrement "moi, je parlais l'allemand").
Dans la grande histoire, il y son histoire. Celle de la rencontre bienheureuse alors qu'elle est dans la détresse de l'immigrante, d'une femme qu'elle a beaucoup aimée, qui devient, quand elle épouse son fils, sa belle-mère ; le bonheur absolu et dont elle ne s'est jamais lassé, de la naissance de leur fille, Simone qu'elle confie à son mari en 1942 pour leur permettre le passage en Suisse alors qu'elle reste, elle, en France. Elle rêve d'y assister à une fête de la libération analogue à celle du 11 novembre 1918. Mais elle dévoile aussi, sans rien dire, qu'elle est enceinte, qu'elle s'avorte seule, manque de mourir et est hospitalisée. Elle tentera en vain de passer en Suisse à son tour. 
Et malgré le nomadisme à travers la France c’est tout de même l’arrestation, à l'arrivée sur la rampe de Birkenau, dans l'ignorance de ce qu'est le lieu... A l'arrivée sur la rampe de Birkenau, dans l'ignorance de ce qu'est le lieu, elle confie son petit, Robert, trois ans et demi, à sa belle-mère arrêtée avec elle.
Comment vit une mère après un tel drame ? C'est une question que nous nous posons tous, et que nous n'osons pas poser. Maria répond. Elle a vécu le reste de ses jours avec l'image de Robert en elle, jamais oublié, le voyant dans chaque enfant qu'elle regardait avec tendresse, probablement aussi dans Gérard, son second fils, né après la guerre. Pourtant, elle dit avec force et montre qu'elle a été heureuse, que ses enfants, ses petits-enfants lui ont apporté du bonheur. Nous sommes loin du stéréotype apparu ces dernières années chez tant de survivants affirmant qu'ils ne sont jamais sortis d'Auschwitz.
Les dernières images du film montrent la famille dans des vacances au bord de la mer. Le camaïeu bleu s’ouvre sur l'immensité de l'océan, sur l'avenir qui est aussi celui de la mémoire quand plus aucun survivant ne sera parmi nous. Il indique une voie de la transmission, celle à Patrick, le petit fils, et à Hugo, l'arrière-petit-fils à qui on doit ce film. Et désormais à nous tous. »


ENTRETIEN AVEC PATRICK ET HUGO SOBELMAN
Entretien réalisé en janvier 2020 par David Ezan pour  Trois couleurs

« En 1994, qu’est-ce qui vous a décidé à interroger votre grand-mère, Maria, sur ses souvenirs de la Shoah ?
Patrick Sobelman : En 1992, j’ai produit un documentaire pour la télévision, Premier convoi (réalisé par Pierre Oscar Lévy), qui raconte le trajet du premier convoi de juifs de France, déportés le 27 mars 1942 de Drancy à Auschwitz. Ce film a changé beaucoup de choses pour moi et, inconsciemment, il m’a plongé dans l’histoire de ma famille.
Je me suis dit : « Si on a passé tout ce temps sur l’histoire de ces douze survivants, pourquoi ne pas interroger ma grand-mère ? » Entre temps, mes enfants Hugo et Théo étaient nés. Je savais qu’ils ne connaîtraient pas longtemps Maria et qu’elle avait une histoire à raconter. L’idée était de garder ces archives et de les leur montrer. Aussi, j’avais une grande complicité avec elle et ça me semblait presque facile de l’interroger.
C’était comme une évidence. Les images ont été enregistrées sur trois jours, avec une petite caméra amateur, dans des conditions rudimentaires. Toutes ces années, je n’ai eu de cesse de les recopier sur les nouveaux supports pour être sûr qu’elles ne se perdent pas. C’est devenu une obsession.

Qu’est-ce qui, 25 ans plus tard, a déclenché le désir d’en faire un film ?
Patrick Sobelman : Ma femme est allée en Pologne, à Auschwitz… En revenant, elle m’a convaincu qu’il fallait que je monte le témoignage de ma grand-mère. Je me suis dit qu’elle avait raison. Pour le montage, j’ai très vite pensé à mon fils Hugo, réalisateur ; il fallait que ce film se fasse en famille.
Hugo Sobelman : La première fois que Patrick m’en a parlé, il voulait faire un film d’archives, pour la famille, et éventuellement pour le remettre au mémorial de la Shoah.
Mais au fur et à mesure, on a vu qu’il y avait quelque chose de plus fort. La matière initiale est minimale mais il y a ces quelques gros plans, que mon père a tournés à la fin des 3 jours, qui me racontaient beaucoup plus que tout ce que j’avais vu précédemment.
En y ajoutant des musiques que Maria aimait, on a eu une grande émotion. C’est comme ça qu’on a décidé d’aller plus loin.

Le film laisse un large espace d’expression à Maria, où s’entrecroisent l’anecdotique et l’universel. Comment avez-vous procédé au montage ?
H. S. : Il y avait initialement entre 9 et 10 heures de rushes. Le plus gros travail était de déterminer ce qui méritait d’être dans le film et ce qui concernait uniquement la famille. Maria aborde beaucoup de sujets dont certains sont purement intimes, comme son rapport à sa fille, à ses petits-enfants, à son mari… Parfois, on s’arrêtait sur des choses qui pouvaient paraître anodines mais qui en racontaient tellement sur sa personnalité ! On savait qu’il fallait d’abord que le spectateur apprenne à la connaître, qu’il sache l’élève qu’elle était en Allemagne, son attachement à la France, son indifférence au mariage quand elle a rencontré Pierre… Quitte à ce que le film prenne son temps. C’est un pari ! Il faut la connaître pour comprendre son émotion.

Hugo, que saviez-vous de votre arrière-grand-mère et de son histoire avant de découvrir ces images ?
H. S. : Je l’ai bien connue car j’avais 22 ans lorsqu’elle est décédée. J’allais déjeuner chez elle tous les mercredis et je suis très proche de sa fille – ma grand-mère.
P. S. : C’était la gardienne du temple familial ! Son appartement était un lieu de ralliement.
H. S. : Mais je ne lui ai jamais posé de questions sur son passé de son vivant. J’en ai posé certaines à mon père ou à ma grand-mère mais j’ai découvert 90% de ce qu’on entend dans le film en visionnant les rushes.
Le souvenir que j’ai d’elle, c’est lorsqu’on regardait des VHS de Platini en mangeant des bonbons sur son canapé. C’est le rapport que j’ai au décor qu’on voit dans le film. J’ai découvert un autre pan de sa vie.

On comprend dans le film que Maria avait très peu parlé de ses souvenirs de la Shoah avant ces trois jours d’entretien. Comment l’expliquez-vous ?
P. S. : Elle disait qu’elle n’avait pas parlé après la Libération parce que ce n’était pas audible. Elle pensait que personne ne la croirait. 
Et il fallait vivre ; si on parle du passé, on ne vit pas le présent. Dans le film, Maria dit : « maintenant, je parle », parce qu’elle sait qu’elle va bientôt mourir, qu’il faut parler pour l’histoire et pour les autres. Mais quand on a 38 ans et qu’on revient de l’enfer, je comprends qu’on ne puisse pas en parler.

Comment le dialogue s’est-il installé entre vous ?
P. S. : Ça s’est passé très facilement parce que je crois qu’elle avait envie de parler.
Elle n’attendait que ça. D’ailleurs, les deux premiers jours elle est en tailleur, très apprêtée, avec des perles ! De mon côté, je n’avais rien préparé, je me suis laissé guider. J’avais une seule question en tête : « On est en 1945, tu as 35 ans, tu viens de perdre ton fils et plusieurs membres de ta famille, tu reviens d’un an dans l’enfer absolu. Comment trouves-tu la force de vivre ? » Mon obsession était d’avoir la réponse à cette question mais, pour y arriver, je savais qu’il fallait commencer par demander : « Tu es née où et quand ? » Quand je revois le film aujourd’hui, je trouve que je laisse passer plein de choses sans rebondir !
H. S. : Je trouve que c’est cette naïveté qui fait tout le charme du film. C’est ce qui m’a le plus ému et c’est d’ailleurs pour cette raison qu’on a décidé de garder les interventions de Patrick au montage.

Maria fait preuve d’un grand attachement à la France, au point de risquer sa vie pour ne pas la quitter. Comment l’expliquez-vous ?
H. S. : Elle l’explique d’abord par son amour pour la littérature, qu’elle découvre en Allemagne, et par la liberté que la France symbolise pour elle qui a dû fuir la Pologne puis l’Allemagne. Elle s’est construite intellectuellement en Allemagne mais sa vie a réellement démarré en France puisqu’elle y a rencontré son mari et y a eu ses enfants.
P. S. : Dans le livre qu’il a écrit sur sa grand-mère, Idiss, Robert Badinter parle de l’idéal que représentait la France, jusqu’à un passé très récent, aux yeux des émigrés d’Europe centrale. C’était la France de la Révolution, des Droits de l’homme, des valeurs universelles… Maria y a cru extrêmement fort. Quand il s’agissait, pour elle et sa famille, de fuir les pogroms, la France était une terre d’accueil avec un droit d’asile.

La sobriété avec laquelle vous filmez Maria évoque les films de Claude Lanzmann. Son approche vous a-t-elle influencé ?
P. S. : J’ai été très marqué par Shoah, et peut-être autant par un autre film extraordinaire de Lanzmann, Sobibor, 14 octobre 1943, 16 heures, où un homme raconte comment, à 19 ans, il a tué un Allemand pour sauver sa peau. C’est un plan fixe sur un vieil homme qui parle et c’est le plus grand thriller que j’ai jamais vu. Mais dire que j’ai pensé à Lanzmann en filmant ma grand-mère, ce serait mentir ! En revanche, je fais partie de cette génération qui pense que sa démarche, son obsession de documenter le passé en en recoupant les moindres détails, est la seule possible.

Même si vous y ajoutez quelques images d’archives, le film reste en grande partie centré sur les entretiens avec Maria face caméra. Rester avec elle le plus possible était une évidence ?
H. S. : Oui, on ne voulait pas illustrer sa vie mais suivre ce qu’il se passait en elle. Il était parfois beaucoup plus intéressant de rester dans son regard. En revanche, quand elle parle de son rapport à la France à la fin de la Première Guerre mondiale, j’avais besoin de l’illustrer parce qu’elle avait ces images-là en tête. Quand je me permets de mettre une musique presque joyeuse lorsqu’elle raconte qu’elle va chercher son visa et qu’elle est à deux doigts de se faire agresser sexuellement, c’est parce qu’elle le raconte avec une telle douceur, comme si c’était une aventure de jeunesse, que j’ai eu envie de suivre son émotion.
P. S. : Ce qui nous a sauté aux yeux, c’est aussi à quel point on la regarde plus qu’on ne l’écoute, ou à quel point on l’écoute parce qu’on la regarde. Certains disent qu’on regarde ses mains, d’autres son visage, d’autres sa coquetterie quand elle remet sa jupe, d’autres remarquent lorsqu’elle s’avance puis se recule après avoir dit quelque chose d’important… Elle se met en scène ! Et puis il faut assumer la longueur, assumer le gros plan fixe d’une image et d’un son bancals. Ça fait partie de l’ADN du film, il ne fallait surtout pas casser ça.

D’où vient la musique qui ponctue le film ?
P. S. : Très vite, on s’est dit qu’il fallait mettre du klezmer, qui est la musique de son enfance.
Il se trouve qu’on a une passion commune pour Giora Feidman, un clarinettiste klezmer argentin. C’est un immense musicien et on a pioché dans son répertoire.
H. S. : La musique a été déterminante. J’ai passé une semaine à essayer plein de styles différents jusqu’au jour où My Yiddishe Mama m’est venue (chanson traditionnelle du folklore juif ashkénaze) - dans le générique de fin, on l’entend jouée à la clarinette par mon petit-frère Noé, en hommage à Maria. La musique, compte tenu de la gravité du discours de mon arrière-grand-mère, apporte une vraie respiration.

Pendant le film, on ne voit que Maria jusqu’au moment où vous révélez Pierre, son mari, assis à côté d’elle. Quel sens donnez-vous à son apparition ?
P. S. : Je ne suis pas loin de penser que c’est le moment qui me bouleverse le plus. Mon grand-père ne parlait plus beaucoup à ce moment-là, il était très malade, il décède 6 mois après cet enregistrement. Ce n’est pas moi qui lui ai demandé de se mettre à côté de sa femme pour l’écouter, mais il l’a fait pendant les 3 jours. Lorsqu’on le voit à la fin, il ne dit rien et se cache du soleil aveuglant, qui vient de la fenêtre, pour se remettre dans l’ombre. Je trouve cette image incroyable parce qu’elle résume sa propre vie ; celle de quelqu’un qui a vécu avec une rescapée des camps et dont l’histoire personnelle n’existe pas à côté.
La guerre telle qu’il l’a vécue lui, pendant laquelle il a quand même fait beaucoup de choses, n’existe pas parce que celle de Maria prend toute la place. Cette image ne dit que ça pour moi, et elle me bouleverse d’autant plus que j’adorais mon grand-père, qui était extrêmement généreux et qui m’a aidé lorsque je démarrais mon activité de producteur.

Quel est votre rapport, en tant que producteur et père de famille pour l’un, jeune trentenaire pour l’autre, à la notion de transmission ?
P. S. : C’est ce qui m’anime le plus aujourd’hui, probablement parce que j’ai 63 ans. Transmettre à mes enfants et à mes élèves, redonner un peu de ce que j’ai reçu. J’ai la chance de vivre une vie formidable, d’avoir eu des parents formidables, une vie professionnelle pleine, de merveilleux enfants, Hugo, Théo, Émile et Noé. Évidemment, ce film représente la rencontre de tout ça. 
H. S. : J’ai l’impression que ce film était une suite logique de la relation que j’entretiens avec mon père. Pouvoir penser un film ensemble, le voir grandir ensemble, c’est comme une masterclass qui n’en finit plus. 

D’autant plus sur un tel sujet, qui a une grande valeur sentimentale pour tous les deux. Vous terminez d’ailleurs le film par une sorte de panorama généalogique de votre famille et des enfants qui sont nés depuis. Qu’est-ce que cela signifie ?
P. S. : Ça, c’est 100% Hugo !
H. S. : C’est encore une fois en rapport avec l’émotion de Maria, quand elle dit, à la fin : « Il n’y a pas de vie s’il n’y a pas l’amour des enfants. » Elle a refait un enfant après la Libération, en 1948. Et il y a ce moment magnifique où elle raconte que dès qu’elle voyait un enfant, elle lui distribuait des bonbons. La vie continue et elle continue dans la joie. C’est une victoire absolue !
C’est une revanche, en toute douceur, sur l’enfer qu’elle a pu vivre. Sans Maria, toute cette descendance qui a participé au film n’existerait pas. C’était une manière de rendre hommage à son état d’esprit et de terminer le film par la vie, parce que c’est un film de vie et non pas un film de mort.
C’est essentiel dans son discours.
P. S. : Sinon, on aurait terminé le film sur elle qui raconte que lorsqu’on lui a proposé une indemnité pour la perte de son fils, elle a répondu qu’un enfant n’a pas de prix ; c’est très émouvant mais c’est aussi très dur. Hugo a eu une idée magnifique.

D’après vous, comment Maria aurait réagi au fait que son témoignage devienne un film de cinéma ?
H. S. : Sa fille, ma grand-mère, dit en toute bienveillance que c’était une star. Elle avait un comportement de star donc elle n’aurait sûrement pas été surprise de se voir sur un écran immense – contrairement à nous, qui sommes hallucinés ! Je pense qu’elle serait flattée et heureuse.

Qu’est-ce qui vous semble important dans le fait de diffuser ce film aujourd’hui ?
P. S. : La une du Libération du samedi 25 janvier, à l’occasion des commémorations du 75ème anniversaire de la libération d’Auschwitz, disait : « Si tu t’en sors, surtout, raconte… » Si ce film doit avoir une résonance, elle est pour tous ceux qui n’ont rien à voir avec cette histoire.
Si ça peut éveiller une conscience sur un pourcentage, même faible, des 34% de jeunes qui disent ne pas connaître la Shoah… Les témoignages de gens comme Maria peuvent rendre l’humanité meilleure. C’est un espoir fou, certes, mais qui en vaut la peine. Aussi, je pense que c’est important de connaître ses racines. Les plus beaux compliments que j’ai reçus sur le film, c’est « Pourquoi je n’ai pas filmé ma grand-mère ? » ou « Je devrais filmer ma grand-mère ! » Nos aïeux, nos vieux, on a tendance à les laisser pourrir dans des EHPAD aujourd’hui. C’est atroce ! Dans la culture africaine, par exemple, les vieux sont des sages. Ils sont sous l’arbre et ils racontent leur histoire. Ils nous enseignent quelque chose.
H. S. : Maria a été chassée de son pays de naissance, puis de son premier pays d’accueil…
En montant le film, j’ai immédiatement pensé aux migrants, à ces gens déracinés qui espèrent trouver une terre d’accueil et s’y sentir bien. Jusqu’à l’âge de 40 ans, filant entre les frontières, Maria n’a jamais vécu en paix. Si ça, ça ne nous raconte pas quelque chose sur la situation actuelle ! »

« Golda »
Par Jean-Claude Grumberg
5 décembre 2021

« Il fallait, disent justement les auteurs, que ce film se fasse en famille. Et il fallut que Golda, revenant de l’enfer, ait la volonté et le courage de refonder une famille pour que cette famille d’après l’horreur symbolise la victoire des survivants sur la barbarie.
Il y a peu, en vacances dans le midi, j’ai lu dans un journal local que l’un des doyens de l’humanité venait de s’éteindre en Israël, et que ce bien plus que centenaire se trouvait être un survivant d’Auschwitz. J’ai éprouvé alors une fierté et une joie irrésistibles. Et c’est cette même fierté, cette même joie, que j’ai éprouvées en découvrant la personnalité de Golda, sa détermination, son courage, sa force et son humour.
Oui, Golda nous dit sans le dire qu’il faut vivre, et si nécessaire survivre, et surtout qu’il faut transmettre et transmettre encore pour que ceux qui nous survivront aient la même détermination, le même courage, la même envie de faire des films en famille, la famille des humains, qui triomphera elle aussi des nouvelles barbaries qui ne manqueront pas d’être au rendez-vous de l’histoire.
Merci à Hugo et Patrick, merci à Simone et à Golda, grâce à vous, grâce à elle, ma maigre famille s’agrandit. Je ne suis plus seulement fils de déporté, je suis également de la famille de Golda, de la famille des survivants. »

« I. LES LIENS AVEC LES PROGRAMMES DE LYCÉE
1.1 HISTOIRE
TERMINALE GÉNÉRALE (TRONC COMMUN)
RÉFÉRENCE PROGRAMME : Fragilité des démocraties, totalitarismes et Seconde Guerre mondiale (1929-1945)
Le chapitre prévoit l’étude de la Seconde Guerre mondiale et notamment « crimes de guerre, violences et crimes de masse, Shoah, génocide des Tsiganes. La France dans la guerre : Occupation, collaboration, régime de Vichy, Résistance ».
TERMINALE (SPÉCIALITÉ HISTOIRE-GÉOGRAPHIE, GÉOPOLITIQUE ET SCIENCES POLITIQUES)
RÉFÉRENCE PROGRAMME : Histoire et mémoires
Le chapitre prévoit l’étude du génocide dans la littérature et le cinéma.
TERMINALE (VOIES TECHNOLOGIQUES)
RÉFÉRENCE PROGRAMME : Totalitarismes et Seconde Guerre mondiale
Le chapitre prévoit l’étude de :
- « L’affirmation des totalitarismes et la guerre » et notamment « les crimes de guerre, violences et crimes de masse, les génocides des Juifs et des Tsiganes ;
- La France dans la guerre : le régime de Vichy, l’Occupation, la collaboration, la Résistance ».
CYCLE TERMINAL (VOIE PROFESSIONNELLE)
RÉFÉRENCE PROGRAMME : Guerres européennes, guerres mondiales, guerres totales (1914-1945)
Le chapitre prévoit :
- Le second conflit mondial plonge le monde dans une guerre totale. Les belligérants s’appuient sur une intense « propagande.
Les populations civiles sont les principales victimes (bombardements, famines, travail forcé, répressions et persécutions).
En Europe, le régime nazi, antisémite et raciste, et ses alliés organisent et mettent en oeuvre les génocides des Juifs et des Tsiganes, et prévoient de réduire en esclavage les populations slaves de l’est de l’Europe.
En France, le régime de Vichy né de la défaite de 1940 suscite diverses réactions : attentisme, collaboration, résistance.
Les colonies françaises d’Afrique sont, avec la résistance intérieure, l’assise de la France libre du général de Gaulle.

1.2 ENSEIGNEMENT MORAL ET CIVIQUE
SECONDE
RÉFÉRENCE PROGRAMME : Axe 2 - Garantir les libertés, étendre les libertés : les libertés en débat
Le chapitre prévoit l’étude de la reconnaissance des différences, la lutte contre les discriminations et la promotion du respect d’autrui : lutte contre le racisme, l’antisémitisme, la xénophobie ; lutte contre le sexisme, l’homophobie, la transphobie ; lutte contre les discriminations faites aux personnes porteuses d’un handicap. »

« II. PISTES DE RÉFLEXIONS
1. UN DOCUMENTAIRE DE FAMILLE
« Maria ne raconte pas à un interviewer anonyme, mais à son petit-fils, Patrick, dans l'intimité d'une conversation qui est aussi pour elle la quête de sa vérité. « Quelque chose s'ouvre », « Mon cerveau s'est ouvert », « quelque chose s'est ouvert dans mon cerveau ». C'est le mécanisme même de la mémoire qui est donné à voir. » Annette Wieviorka

1.1. EN 1994, PATRICK SOBELMAN FILME SA GRAND-MÈRE PENDANT TROIS JOURS.
En 2020, il décide d’en faire un film avec l’aide de son fils Hugo.
Nombreux sont les documentaristes qui ont décidé d’affronter leur propre histoire familiale pour en faire un film. Les non-dits, les secrets familiaux font d’excellents sujets de films, qu’ils soient de fiction ou documentaires. Patrick et Hugo Sobelman explorent ici l’histoire de leur famille par le prisme de Golda Maria, femme juive née en 1910 en Pologne, qui a traversé le continent pour vivre en France et a ensuite été déportée pendant la Seconde Guerre mondiale.
Si les réalisateurs cherchent à apporter une pierre à l’édifice de l’histoire de la Shoah et de l’histoire des Juifs en Europe au XXème siècle, ils font aussi et surtout un film de famille dont l’objectif est de transmettre une histoire familiale, parfois difficile à raconter. Patrick Sobelman fait de sa démarche personnelle – celle de filmer sa grand-mère avant qu'elle ne meure – un geste artistique et historique. Filmer Golda Maria permet de créer une archive qui pourra être montrée même après sa mort. Il fait entrer son histoire personnelle dans la « grande Histoire ». Cette archive sera à la fois un film de famille, transmis de génération en génération, mais aussi un document historique, témoin d'une vie représentative de celles de millions de personnes au XXème siècle.
Les témoignages de rescapés des camps sont nombreux et ont augmenté de manière exponentielle avec le temps. Dans le cas de Golda Maria, il lui aura fallu 50 ans pour raconter entièrement son histoire à son petit-fils. Elle admet même qu’elle n’a jamais raconté à sa propre fille (Simone, la mère de Patrick) ce qu’elle raconte aujourd’hui devant la caméra.
Elle décrit la raison pour laquelle cela a mis autant de temps et pourquoi les récits de la Shoah ont émergé si tardivement.
Elle évoque Robert Faurisson (militant négationniste, qui a notamment publié le 29 décembre 1978, une tribune dans Le Monde intitulée « Le Problème des chambres à gaz, ou la rumeur d'Auschwitz ») et raconte un échange qu’elle a eu un jour : « Je vais chez le boucher, je rentre. Et la femme du boucher me dit « Vous voyez madame ?! Il n’y avait pas ce que vous avez raconté ». Je l’ai prise par le col, je croyais la tuer. C’est son mari qui lui a dit « Laisse tomber, elle ne sait pas ce qu’elle dit ». Et ça c’était une histoire normale. Tu comprends pourquoi on n’a pas voulu raconter ? Parce qu’on s’est dit que ce n’était pas possible.
Nous-mêmes on se demandait si c’était vrai. On ne voulait même pas y croire. C’est pour ça qu’on ne voulait pas raconter. »
Contrairement à certains documentaires qui cherchent à explorer des secrets de famille (on peut penser à Carré 35 d'Eric Caravaca), ici, c'est une histoire connue de toutes et tous. Les enfants de Golda Maria savaient qu'elle avait été déportée, Simone l'ayant même vue revenir des camps. Cependant, jamais aucun d'eux ne lui avait demandé de raconter cette histoire. C’est ce que fait aujourd’hui Patrick Sobelman avec son film, afin que cette histoire ne soit plus jamais tue.

1.2 LA PLACE DU DOCUMENTARISTE
La démarche de Patrick Sobelman pose aussi la question de la place du documentariste face à son sujet. Une idée reçue et relativement fausse au sujet du documentaire, est celle de l’objectivité de cet exercice, en opposition à la subjectivité associée à la fiction. Comme si, parce que l'on filme le réel, les images auraient alors une vérité objective et indiscutable.
La démarche du documentariste est forcément teintée de subjectivité. Que ce soit par le choix du sujet, les personnes filmées ou interviewées, le choix du cadre, du montage… Tout est mis en scène, de la même manière que dans une fiction.
Néanmoins, on peut se poser la question du rapport du documentariste à son sujet. Il ou elle ne sera jamais complètement objectif mais sa relation au sujet ou aux personnes interrogées peut avoir un impact sur ce qui ressort à l'écran ou ce que ces personnes disent. Une des difficultés d’un documentariste peut ainsi être de gagner la confiance du ou des sujets interrogés. Dans le documentaire Adolescentes de Sébastien Lifschitz, on est justement frappé par la proximité et l'intimité créées entre le documentariste et les deux jeunes filles qu'il suit, alors qu'il ne les connaissait pas avant de commencer le film. Ce lien, cette confiance, sont essentiels pour dévoiler ce qui n'est pas forcément visible au premier abord. C'est un travail dans le temps, en profondeur.
Dans le cas de GOLDA MARIA, la position de Patrick Sobelman, documentariste, face à Golda Maria, semble facilitée par leur relation, celle d’un petit-fils face à sa grand-mère. Cependant, si cette proximité et cette intimité qui existent déjà entre eux lui facilitent l'accès à ce récit, elles peuvent aussi avoir des inconvénients. Il reconnaît lui-même dans le dossier de presse : « Quand je revois le film aujourd’hui, je trouve que je laisse passer plein de choses sans rebondir ! ». À noter que cela peut-être un choix : doit-on laisser la personne interrogée dérouler son récit ou est-il nécessaire de l’orienter en lui posant des questions, en rebondissant ?
Dans GOLDA MARIA, les choix sont faits de manière à laisser absolument toute la place à Golda Maria et à son récit. Et par cela, ce n’est pas juste ce qu’elle raconte qui est mis en valeur, mais aussi qui elle est et ce que ses souvenirs bousculent en elle : « Ce qui nous a sauté aux yeux, c’est aussi à quel point on la regarde plus qu’on ne l’écoute, ou à quel point on l’écoute parce qu’on la regarde. Certains disent qu’on regarde ses mains, d’autres son visage, d’autres sa coquetterie quand elle remet sa jupe, d’autres remarquent lorsqu’elle s’avance puis se recule après avoir dit quelque chose d’important… Elle se met en scène ! » (Patrick Sobelman)

ACTIVITÉ PÉDAGOGIQUE N°1
QUESTIONS :
1. À votre avis, la position du documentariste est-elle différente s’il connaît la personne interrogée ? En quoi le rapport
entre les deux personnes peut-il influencer le discours et la façon d’être de la personne interrogée ? Pensez-vous que cela enlève à l’objectivité du récit ?
2. À votre tour, réfléchissez à quelqu’un que vous aimeriez interviewer (famille ou proche). Quel lieu et quel cadre choisiriez-vous ? Pourquoi ? »

2. LES JUIFS EN EUROPE DANS LA PREMIÈRE PARTIE DU XXÈME SIÈCLE CONTEXTUALISATION HISTORIQUE
L'histoire de Golda Maria avant d'être déportée, est celle de millions de juifs au XXème siècle en Europe. Née en 1910, elle raconte comment elle et sa famille ont d'abord émigré en Allemagne après la Première Guerre mondiale, puis en France au début des années 30 avec l'arrivée d'Hitler au pouvoir. C'est alors le début d'une longue errance à travers la France et l'Europe pour Golda Maria.
2.1 L’IMMIGRATION JUIVE EN EUROPE ET EN FRANCE AVANT LA SECONDE GUERRE MONDIALE
Golda Maria nait en Pologne en 1910 à Burzenin au centre de la Pologne. Ses parents décident de partir pour l’Allemagne en 1917 en passant par Dantzig. Golda Maria arrive en France en 1933 ou 1934. C’est ici qu’elle rencontrera d’abord sa belle-mère, puis son mari ainsi que sa belle-famille.
En France à la veille de la Seconde Guerre mondiale, la population juive totale oscille entre 300 000 et 330 000 âmes, soit moins de 1 % de la population française. Même s’il y a toujours eu une immigration juive en France, l’arrivée de Juifs d’origine étrangère sur le territoire français remonte aux années 1880. Au lendemain de la Grande Guerre, l’immigration juive européenne s’accroît. La France devient une terre d’immigration pour les Juifs mais aussi pour les Italiens, les Polonais, les Arméniens et beaucoup d’autres nations victimes de persécutions ou de l’intolérance.
L’arrivée des Juifs en France, à la fin du XIXème siècle, est liée aux pogroms qui éclatent en Russie à la mort du roi Alexandre II.
Cette immigration concerne essentiellement des Juifs russes, roumains et polonais. C’est le cas des parents de Joseph Kessel, Samuel et Raïssa Lesk, nés dans la Russie impériale et arrivés en France à la fin du XIXème siècle. En 1914, les Juifs immigrés représentent près de 16% des Juifs de France.
Cette immigration se fait en plusieurs vagues. Après 1918, il s’agit de l’arrivée de Juifs polonais, des Etats baltes (devenus soviétiques), hongrois et roumains ; dans les années 1930, des Juifs d’Allemagne et d’Autriche qui fuient les premières persécutions antisémites. Les Juifs immigrés s’installent surtout à Paris, autour de la Place de la République, de la Bastille, Belleville et Montmartre, la rue des Rosiers et son Pletzl (métro Saint-Paul). 60 % de ces immigrés travaillent dans le secteur industriel ou artisanal.
La France représente un véritable espoir pour un grand nombre d’entre eux : « Un pays où l’on se déchire sur le sort d’un petit capitaine juif est un pays où nous devons aller sans attendre » répétait le père du philosophe Emmanuel Levinas à son fils en souvenir de l’affaire Dreyfus.
Les Juifs étrangers sont porteurs d’une conception du judaïsme nouvelle pour la France liée à l’attachement de leurs parents aux prescriptions religieuses. Leur identité juive est marquée du sceau de l’Europe centrale et de l’Est : ils s’expriment régulièrement en Yiddish, langue vécue comme l’expression d’un attachement à une culture. Les enfants de ces immigrés juifs nouvellement arrivés en France fréquentent l’école publique, laïque et républicaine ; elle constitue pour eux un véritable moteur d’intégration. En 1939, moins de 2% des enfants juifs sont scolarisés dans les écoles juives. Entre 1927 et 1940, environ 50 000 Juifs sont naturalisés français. Cependant, au cours des années 1930, une série de mesures sont prises visant à limiter l’immigration (10 août 1932, loi restrictive vis-à-vis de l’immigration) ou prévoyant l’internement des étrangers (novembre 1938 : décret pour l’internement des « réfugiés indésirables »). Ces mesures s’inscrivent dans le contexte d’une recrudescence de l’antisémitisme au cours des années 1930.

ACTIVITÉ PÉDAGOGIQUE N°2

L’IMMIGRATION JUIVE EN FRANCE – TÉMOIGNAGES
« En Bessarabie, le XXème siècle débuta par des pogroms d’une violence inouïe, notamment à Kichinev1. Des Juifs furent massacrés, les violences et les pillages se succédèrent. Les fils de Schulim et d’Idiss, Avroum (23 ans) et Naftoul (21 ans) décidèrent de quitter la Russie. Comme des cousins étaient établis à Paris et s’y trouvaient bien, ils suivirent leur exemple et gagnèrent la ville lumière, la ville mythique de la liberté pour les Juifs du Yiddishland. A Paris, ils vécurent d’abord chez des cousins, au coeur du quartier du Marais, puis ils s’installèrent rue de l’Epée-de-Bois, dans le quartier de la place Monge, dans un atelier qui servait aussi d’entrepôt. Ils achetaient à bon compte des vêtements usagers dans les quartiers bourgeois.
Personnages familiers de la scène parisienne, tôt le matin, ils tiraient la charrette et poussaient leur cri aux oreilles des habitants : « Achetons vêtements usagés, mesdames ! » Puis, affaires faites, ils retournaient avec leurs fripes dans le Marais et les confiaient à des tailleurs qui les retapaient, les recousaient. Le lendemain, ils reprenaient la charrette et parcouraient les rues populaires de la Bastille et de la République en criant : « Beaux vêtements à vendre, mesdames, beaux vêtements ! » Les chalands s’arrêtaient, tâtaient l’étoffe, tiraient sur les boutons, examinaient à contre-jour les vestes pour voir si elles étaient usées. Et le marchandage commençait, pratique millénaire. À ce commerce-là, Avroum et Naftoul gagnaient suffisamment pour envoyer de quoi vivre aux parents restés en Bessarabie ».
Robert Badinter, Idiss, Fayard, 2018, pp. 27-28.
1 En avril 1903, la ville de Kichinev fut le théâtre de l’un des pogroms les plus violents et meurtriers organisés contre les Juifs. Avec la complicité des autorités locales, une partie de la population s’en prit aux juifs de la ville : une cinquantaine de personnes furent tuées et plusieurs centaines blessées sans compter les maisons et boutiques juives pillées ou détruites. Le second pogrom se déroula à Kichinev en octobre 1905, causant la mort d’une vingtaine de personnes.

« Mon père avait 19 ans quand il a décidé de partir, laissant derrière lui sa femme et son premier enfant. C'était en 1919.
La Pologne, auparavant partagée entre la Russie et l'Allemagne, venait juste d'obtenir son indépendance grâce au traité de Versailles. L'antisémitisme y sévissait depuis toujours, ses manifestations les plus violentes étant les pogroms.
Ça ne s'arrangeait pas : le tout premier président de la République avait déclaré qu'il y avait trop de Juifs en Pologne, que deux millions et demi d'entre eux devaient partir. Une vague d'immigration s'est ensuivie vers l'ouest de l'Europe et l'Amérique. Mon père était conscient qu'il n'avait pas d'autre avenir en Pologne que la pauvreté. Éduqué dans une yeshiva ainsi qu'à l'école polonaise, il connaissait bien la culture juive, mais en même temps, il était déjà dans la modernité, imprégné des nouvelles idées sionistes. Deux des frères de mon père ont également émigré, l’un en Palestine, l'autre en France. […] En 1919, mon père s’est d’abord arrêté en Allemagne, cette Allemagne des années 1920 dont le développement culturel le fascinait. […]
Puis il a continué vers la France. Il cherchait un endroit où sa famille et lui pouvait vivre décemment. Il y avait eu l'affaire Dreyfus, mais aussi la réhabilitation de Dreyfus grâce au courage d'Émile Zola et d'un certain nombre d'intellectuels français. Mon père avait lu Balzac et Zola traduits en yiddish. Beaucoup de Juifs s'arrêtaient alors en France et disait : « Heureux comme Dieu en France. » Pourtant, il y avait des antagonismes entre les Juifs français et les Juifs étrangers. Pour les Juifs français, c'était les Juifs étrangers qui nourrissaient l'antisémitisme parce qu'ils étaient pauvres.
Mes parents, certes, sont arrivés très pauvres – même sans rien, avec pour seul bien leur seule force de travail et leur intelligence. La France n’aurait dû être qu’une première étape sur la route de l'Amérique ou de la Palestine. Mais comme cette première étape était extraordinaire par comparaison avec la Pologne, ils se sont dit que s'ils partaient trop loin, ils ne pourraient pas retourner voir leur famille. Alors ils ont choisi de s'installer en France. »
Marceline Loridan-Ivens, Ma Vie Balagan, 2008, pp 42-44

« Cette partie du 11ème arrondissement était en effet majoritairement composé de Juifs du Levant, venus de l’Empire ottoman, de la Grèce, de la Turquie, mais comptait aussi une importante communauté ashkénaze ayant fui la haine et la pauvreté de la Pologne. Ces Juifs cohabitaient avec d’autres étrangers, des Espagnols, des Italiens et quelques familles françaises modestes. Tous ces gens se mélangeaient, fréquentaient les mêmes cafés, les mêmes bistrots, et allaient danser ensemble le samedi soir. Chacun se débrouillait comme il pouvait pour survivre, sans prêter beaucoup d’attention à la nationalité des voisins. On entendait bien parfois « sale Polack » ou « crevure d’Espagnol », mais l’écume d’une bière effaçait vite ces insultes presque complices. »
Ariane Bois, Le monde d’Hannah, Robert Laffont, 2011.

QUESTIONS :
« 1. Quelles raisons obligent les Juifs d’Europe de l’Est à rejoindre la France ? Pourquoi, au début du XXe siècle, la France semble être une terre d’accueil pour les Juifs ?
2. Quels autres pays sont envisagés par les Juifs ? Pourquoi ?
3. Où se retrouvent les communautés juives à Paris ? »

2.2 LES MESURES ANTIJUIVES DE LA FRANCE OCCUPÉE
« Le 3 septembre 1939, deux jours après l’invasion de la Pologne, la Grande-Bretagne et la France déclarent la guerre à l’Allemagne. Le 10 mai 1940, les troupes de la Wehrmacht lancent une grande offensive contre la Belgique, la Hollande et la France, provoquant l’exode de millions de réfugiés. Le 14 juin, l'armée allemande entre dans la capitale.
Appelé en sauveur, le maréchal Philippe Pétain signe une convention d’armistice le 22 juin 1940. Une ligne de démarcation sépare le territoire entre la zone Nord occupée par les Allemands et la zone Sud dite « libre ». Cumulant tous les pouvoirs, Philippe Pétain devient le chef de l’État français dont le gouvernement siège à Vichy. Dans le cadre de la politique de collaboration qui débute en octobre 1940, les Français sont tenus d’appliquer les ordonnances allemandes en zone occupée, tandis que le régime de Vichy est autorisé à mener la politique de son choix dans les deux zones (sous réserve des Allemands en zone Nord). Entre 1940 et 1942, plus de 200 textes législatifs, promulgués par les autorités allemandes et françaises, prennent pour cible les Juifs français et étrangers, qui font l'objet d'une politique de stigmatisation et d'exclusion. »

« À l’exception notable de René Cassin, peu de Juifs quittent le territoire dès juin 1940. Comme le fait remarquer André Kaspi au sujet de la zone occupée, Paris est bien la ville de tous les dangers. La capitale compte la plus importante communauté juive et, en même temps, le plus grand nombre de soldats et officiers allemands. Les affiches de propagande antijuives rendent l’atmosphère irrespirable mais cela n’empêche pas la population juive de rester. Pour la plupart, installés depuis longtemps et attachés à leurs intérêts, c’est même là où ils se sentent le mieux. D’autres estiment ne pas avoir le choix. Un grand âge, peu de moyens, pour les étrangers une langue française mal maîtrisée ou aucune solution de repli en province ou à l’étranger, sont autant de raisons qui peuvent expliquer cet état de fait. 
Et, pourquoi partir ? Certains Juifs se disent qu’ils pourront endurer les épreuves et que, de toute façon, ni le maréchal ni l’opinion n’accepteront qu’on leur inflige le même sort que ceux d’Allemagne ou de Pologne.
Les premières mesures, à la fois d’identification et d’exclusion ne tardent pourtant pas à se faire ressentir. Victimes d’une double législation, ils sont contraints de se faire recenser et, dans la foulée, perdent leurs emplois à cause du Statut des Juifs dès octobre 1940.
Les premières rafles viennent bouleverser les familles juives. Le 14 mai 1941, ce sont environ 3.700 hommes étrangers (des maris, des frères, des fils) qui sont arrêtés et privés de leur liberté en région parisienne. Le piège déguisé en billet vert, soit une simple convocation pour contrôle d’identité, divise. Bien que certains se méfient et choisissent la clandestinité, la majorité estime n’avoir rien à se reprocher et décide de s’y rendre avant d’aller au travail.
Les deux autres rafles des mois d'août et décembre 1941 achèvent de plonger la communauté dans la consternation. Les associations juives sont dissoutes et remplacées par l’UGIF (Union générale des Israélites de France), créé en novembre 1941 par le régime de Vichy à la demande des Allemands. Dirigé par André Baur, cet organisme est chargé d’organiser l’assistance, notamment auprès des internés (soins et colis de nourritures) et de leurs familles.
En effet, au sein des camps de Pithiviers, de Beaune-la-Rolande et de Drancy, l’oisiveté s'additionne aux souffrances matérielles. Un semblant de vie s’organise mais les internés s’interrogent sans cesse sur les raisons de leur infortune.
Certains s’évadent et se réfugient en zone sud. »

QUELQUES DATES CLES 

« • 27 septembre 1940 : Première ordonnance allemande relative au recensement des Juifs en zone occupée.
3 octobre 1940 : Le régime de Vichy promulgue le Statut des Juifs.
14 mai 1941 : Rafle dite du « billet vert » : environ 3.700 hommes juifs étrangers, en majorité des Polonais, sont arrêtés et internés dans les camps de Pithiviers et de Beaune-la-Rolande dans le département du Loiret.
20-24 août 1941 : Rafle du XIème arrondissement à Paris : 4 232 (ou environ 4 200) hommes juifs arrêtés sont internés dans un camp aménagé dans la cité de la Muette à Drancy.
12 décembre 1941 : Rafle dite « des notables » : 743 Juifs français sont arrêtés et internés au camp de Compiègne-Royallieu dans le département de l’Oise.
20 janvier 1942 : Conférence de Wannsee qui planifie l’assassinat des Juifs d’Europe.
27 mars 1942 : Départ de France du premier convoi de Juifs à destination d’Auschwitz.
7 juin 1942 : Le port de l’étoile jaune devient obligatoire pour les Juifs de plus de 6 ans en zone occupée.
16-17 juillet 1942 : Rafle du Vél’ d’Hiv’, environ 13 000 Juifs (dont 4.115 enfants) sont arrêtés.
28 août 1942 : Grande rafle de la zone " libre ", environ 10 000 Juifs sont arrêtés.
9 novembre 1942 : Allemands et Italiens envahissent la zone " libre ".
8 septembre 1943 : L’Italie signe une convention d’armistice avec les Alliés. L’ensemble du territoire est désormais sous
occupation allemande.
31 juillet 1944 : Départ du convoi 77 pour Auschwitz, dernier grand convoi organisé depuis Drancy.
17 janvier 1945 : Les SS évacuent Auschwitz et jettent sur les routes 58 000 détenus («Marches de la mort»).
27 janvier 1945 : Découverte d’Auschwitz par l’Armée soviétique. »

ACTIVITÉ PÉDAGOGIQUE N°3
« LE TÉMOIGNAGE DE GOLDA MARIA ET LES MESURES ANTIJUIVES.
Golda Maria : C’est 41, c’est le recensement des Juifs. C’est ce moment où tous les Juifs doivent aller au commissariat.
Patrick : C’est Mars 41.
Golda Maria : C’est ça. Il doit aller, il ne va pas. On nous dit qu’ils vont faire quelque chose avec les hommes pas avec les femmes. Eux ils ont juste le temps de prendre le train, tout était bouclé. C’est là où le père de Zelie s’est présenté au commissariat. Lui il est parti, il dit : « On me convoque je n’ai rien de fait de mal, pourquoi j’y vais pas ? ».
Lui on l’a interné à Beaune-la-Rolande. »
Golda Maria, extrait du film

QUESTIONS :
« 1. Que doivent faire les Juifs en zone occupée en octobre 1940 ?
2. Quelles informations figurent sur les fiches de recensement ?
3. Selon vous, à quoi peuvent-elles servir dans le cadre des persécutions ?
4. . Qui adresse la convocation de mai 1941 ?
5. Que doivent faire les Juifs étrangers ? Sous quel motif ?
6. Selon vous, pourquoi une majorité a-t-elle répondu favorablement à la convocation ?

2.3 « RESTER VIVANT » : UNE FORME DE RÉSISTANCE ?
« En 2011, Jacques Fredj, directeur du Mémorial de la Shoah écrit « Rester vivant est la première forme de résistance que les Juifs opposent aux nazis. » L’expression « rester vivant » peut aussi bien se comprendre physiquement que spirituellement.
Par exemple, malgré les restrictions, les Juifs s’organisent pour maintenir leur judaïsme.
Au sein du camp de Pithiviers, Jacob Waintrob monte un spectacle de théâtre.
Des organisations juives telles que les Éclaireurs israélites de France (EIF) basculent dans la clandestinité et mettent en place des activités pour les jeunes. On rit, on chante, on joue.
Robert Badinter dans Idiss ne manque pas d’humour pour décrire sa découverte de l’exposition « Le Juif et la France ». Un rire salvateur qui permet une mise à distance : « En dépit de l’interdiction de notre mère, mon frère et moi nous y rendîmes en septembre 1941. Ce que nous vîmes nous fit rire, mais, par prudence, après notre sortie de l’exposition. À l’époque, jeunes adolescents juifs dans Paris occupé, le rire était notre meilleure défense contre cette campagne de haine qui s’étalait partout. »

2.4 LA RAFLE DU VÉL' D'HIV'
« La rafle des 16 et 17 juillet 1942 représente un tournant dans l’opinion juive : la violence, l’ampleur et, surtout, les scènes déchirantes d’arrestations des mères avec leurs enfants sont un terrible signal d’alerte.
Du côté des autorités, la rafle est vue comme un échec. De nombreuses personnes ont choisi de quitter leur domicile, prévenues par les organisations juives qui prennent au sérieux des informations issues de fonctionnaires comme les policiers eux-mêmes. En effet, l’UGIF reçoit des demandes inhabituelles début juillet, laissant présager le pire, mais le directeur de l'époque prend la décision de ne pas prévenir la population craignant de semer la panique. Cependant, des membres de l’Union ainsi que des mouvements de résistance comme celui des communistes juifs effectuèrent un porte à porte et diffusèrent un manifeste appelant chacun à quitter son domicile.
Mais où fuir ? Des questions matérielles se posent pour certaines familles, le lieu et les conditions de la cachette. Certains partent chez des amis, et par précaution, les hommes se cachent tandis qu’on estime que les femmes et les enfants ne risquent rien.
Malgré cela, ce sont plus de 13 000 Juifs dont 4 115 enfants qui sont arrêtés et enfermés dans des conditions épouvantables au Vel’d’Hiv.
Le consistoire proteste, il écrit une lettre adressée à Philippe Pétain et Laval où il insiste sur « l’étendue et la cruauté d’une persécution qui atteint un degré de barbarie que l’histoire a rarement égalée ».
Dans une autre lettre, il demande qu’« un traitement humain soit accordé à ceux qui resteraient condamnés à prendre le chemin de la déportation ». Il n’y a plus aucune ambiguïté sur le sort qui attend les Juifs qui restent en zone occupée (et les rafles de l’été en zone libre montrent que désormais le danger est partout).
Les Juifs réagissent différemment face à l’inconnu que représente la déportation. Certains croient aux rumeurs évoquant de nouveaux territoires à l’Est leur étant destinés, espèrent le retour de ceux qui sont déjà partis et décident de rester. Mais, pour la majorité, le choix de la clandestinité s’impose : enlever les étoiles, se procurer des faux-papiers, fuir, se cacher, gagner des refuges à l’étranger, combattre et, surtout, mettre les enfants à l’abri. 
Le 16 juillet 1995, 53 ans après la rafle du Vel' d’Hiv, le président Jacques Chirac reconnaît officiellement la responsabilité de l’Etat français :
« La France, patrie des Lumières et des droits de l’Homme, terre d’accueil et d’asile, la France, ce jour-là, accomplissait l’irréparable (…) Oui, la folie criminelle de l’Occupant a été secondée par les Français, par l’Etat français ».
ZOOM SUR ANNETTE MULLER
RESCAPÉE À L’ÂGE DE 9 ANS, TÉMOIGNE DES CONDITIONS DANS SON
LIVRE LA PETITE FILLE DU VÉL' D'HIV PUBLIÉ PAR LE CERCIL EN 2009.
EXTRAIT :
« Soudain j’ai entendu des coups terribles contre la porte. On s’est dressé le cœur battant. Les coups ébranlaient la porte et résonnaient dans la maison. Ça tapait fort dans mon cœur, dans ma tête. Je tremblais de tout mon corps. Deux hommes sont entrés dans la chambre, grands avec des imperméables beiges. « Dépêchez-vous, habillez-vous, ont-ils ordonné. On vous emmène ». Brusquement, j’ai vu ma mère se jeter à genoux, se traînant, enserrant les jambes des hommes beiges, sanglotant, suppliant : « Emmenez-moi, mais je vous en prie, ne prenez pas mes enfants ». (…)
« Nous étions installés sur les gradins, pressés contre d’autres gens, appuyant la tête sur les ballots ou les valises. En bas, sur la grande piste, on voyait des boxes et des gens qui gesticulaient. On entendait un bourdonnement de voix, comme une clameur discontinue et sans cesse on voyait ces mouvements désordonnés de la marée humaine sur les gradins. Au milieu du bruit confus, toute la journée, des haut-parleurs appelaient des noms ». (…) Cependant, Michel (son frère) et moi avions soif. Nous voulions aller aux cabinets. Mais impossible de passer dans les couloirs de sortie et, comme les autres, nous avons dû nous soulager sur place. Il y avait de la pisse et de la merde partout. J’avais mal à la tête, tout tournait, les cris, les grosses lampes suspendues, les hauts parleurs, la puanteur, la chaleur écrasante. Assise près de nous sur les gradins, une femme très belle serrait un petit garçon aux boucles brunes, au teint mat délicatement rosé ».

ACTIVITÉ PÉDAGOGIQUE N°4
« Dans les camps d’internement, nombre de témoins racontent que le silence se fait à l’arrivée des enfants. Tous décrivent leur effroi à la vue de ces petits portant leurs sacs trop lourds, leur solitude, leurs visages désorientés et terrifiés. Certains internés comprennent qu’on leur a menti et éprouvent une angoisse de mort. »
« On nous a trompé et menti. (…) notre fin est imminente »
Mot jeté du convoi 72 par Paul Wohlman
© Mémorial de la Shoah

QUESTIONS :
1. Qui est chargé de la surveillance du camp de Beaune-la-Rolande ?
2. Quelles sont les différentes forces de l’ordre présentes lors de la rafle d’août 1941 ?
3. Présentez la nature et l’auteur du document.
4. Décrivez le document. Quelle technique est utilisée ?
5. Selon vous, pourquoi des Juifs dessinent-ils à Drancy ?
6. De quoi cette oeuvre témoigne-t-elle en août 1942 ?
7. Comment pouvez-vous dater le message de Paul Wohlman ?
8. Dans quel convoi Golda Maria a-t-elle été déportée ?
9. Combien de convois sont partis de France vers les centres de mise à mort ?
Consultez pour vos recherches le site https://klarsfeld-ffdjf.org/#

« 3. RÉCITS, ARCHIVES ET LIEUX DE MÉMOIRE. GOLDA MARIA, ENTRE SOUVENIR ET OUBLI
3.1 LA VIE ET LE PARCOURS DE GOLDA MARIA
Née en Pologne en 1910 à Burzenin (centre de la Pologne)
Passage par Dantzig
Arrivée à Berlin en 1917 ?
Départ pour Paris en 1933/34
Une fois à Paris, plusieurs possibilités :
- partir en Palestine (ce que feront son frère et ses parents)
- partir en Grande-Bretagne (mais ils n'acceptaient que les couples mariés)
- rester en France (ce que fait Golda Maria)
Départ pour Marseille, en zone libre, au printemps 1941
- volonté de partir pour les Etats-Unis
Finalement partent pour Aurillac puis La Bourboule
Pierre, son mari et Simone, sa fille, partent en Suisse en 1942
Passage à Aix-les-bains, puis Grenoble pour rencontrer un passeur.
Annemasse, Saint-Julien-en-Genevois, à la frontière.
Capturée par les Allemands le 1er mai 1944
Emprisonnée à Drancy
Part par l'avant-dernier convoi, le 75, vers Auschwitz-Birkenau
3 mois puis départ pour Bergen-Belsen
Camps de Raguhn
Puis Theresienstadt en 1945
Retour à Paris où elle a vécu le reste de sa vie (jusqu'en 2010)

ACTIVITÉ PÉDAGOGIQUE N°5

QUESTIONS :
« 1. À partir de des lieux évoqués par Golda Maria, réalisez :
• Une carte retraçant le parcours de Golda Maria en Europe.
• Une double-frise chronologique avec les souvenirs de Golda Maria et les grandes dates de la période.
2. Rédigez une courte biographie de Golda Maria.
3. En quelques lignes, écrivez l’histoire de deux personnages de la photographie de groupe en vous inspirant de celle de Golda Maria.
4. D’après la photo de groupe, choisissez deux personnages et écrivez leur histoire en vous inspirant de celle de Golda Maria. 
5. Comment les réalisateurs intègrent-ils les photographies de famille dans le récit oral (ou le témoignage) de Golda Maria dans le film ?
6. Qu’apprennent-elles aux spectateurs sur sa famille ?
7. Que peut-on dire de la famille de Golda Maria en découvrant les photos tout au long du film ? »

3.2 LE TRAVAIL D’HISTORIEN
« Les nombreux témoignages de rescapés des camps ont permis au fur et à mesure du temps de reconstituer ce qui s'était passé au coeur d'Auschwitz, de Bergen-Belsen et de l'ensemble des camps de concentration et centres de mise à mort.
Cependant, comme on le voit dans le film, les témoignages sont parfois fragiles. Les personnes qui racontent, surtout si leur récit arrive longtemps après les faits, peuvent avoir oublié des choses, refuser d'en raconter certaines ou transformer certains éléments - volontairement ou non. Notamment dans le cas d'épreuves traumatiques, comme celle des camps, la mémoire et le cerveau font un travail de préservation qui fait parfois oublier certains détails. On voit dans le récit de Golda Maria, ces moments de doutes, d'hésitations, d'oublis, de confusions, d'incohérences chronologiques. "Je ne sais pas", "je ne sais plus"... Golda Maria raconte cette histoire 50 ans plus tard, il n'est pas étonnant que les faits ne soient plus aussi précis dans sa mémoire.
C'est pour cette raison que les historiens qui étudient cette période ne s'appuient pas uniquement sur les récits de personnes ayant vécu dans les camps. Pour tout travail documentaire historique, les chercheurs disposent de plusieurs types de sources permettant de recouper les informations et de combler les lacunes ou les oublis dans les récits. »
« A/ LES DIFFÉRENTS TYPES DE SOURCES HISTORIQUES :
• les sources muettes : Ce sont les vestiges, c'est-à-dire tous les restes du passé comme les monuments, les objets d’art, les ossements, les outils, les bijoux, les armes, les pièces de monnaie…
• les sources écrites : Ce sont les textes de lois, les textes religieux, les documents administratifs et tous les écrits des contemporains de l’époque (journaux, livres…). On trouve aussi dans ces sources les documents iconographiques (gravures, portraits, dessins, caricatures, photographies...) et les documents audiovisuels (films, enregistrement d'une entrevue sur cassette, reportage, documentaire…)
• les sources orales : Ce sont les témoignages qui peuvent être faits par des témoins directs d’un événement. Ils existent donc pour des périodes récentes. Ces sources orales peuvent être enregistrées afin d’être conservées.
https://www.universalis.fr/encyclopedie/histoire-histoire-et-historiens-sources-et-methodes-de-l-histoire/ »

ACTIVITÉ PÉDAGOGIQUE N°6
« QUESTIONS :
1. Listez les différents types d’archives ?
2. Préciser quelles archives sont versées et dans quels lieux ?
3. Qui peut les consulter ? »

B/ LES LIEUX DE MÉMOIRE
« Selon Pierre Nora, « un lieu de mémoire dans tous les sens du mot va de l'objet le plus matériel et concret, éventuellement géographiquement situé, à l'objet le plus abstrait et intellectuellement construit ». Il peut donc s'agir d'un monument, d'un personnage important, d'un musée, d'archives, tout autant que d'un symbole, d'une devise, d'un événement ou d'une institution. Cette notion englobe autant l’histoire des lieux ou des objets que la façon dont cette histoire s’est construite, est racontée et évolue. Elle lie l’histoire et la mémoire.
« Un objet », explique Pierre Nora, « devient lieu de mémoire quand il échappe à l'oubli, par exemple avec l'apposition de plaques commémoratives, et quand une collectivité le réinvestit de son affect et de ses émotions ».
ACTIVITÉ PÉDAGOGIQUE N°7
« QUESTIONS :
1. Qu’est-ce qu’un « lieu de mémoire » ? Donnez des exemples.
2. Comment peuvent-ils être valorisés ?
3. Doivent-ils nécessairement être reconnus par des institutions ?
4. Quels lieux rencontrés par Golda Maria peuvent avoir cette qualification ? Pourquoi ? »

ZOOM SUR LE MEMORIAL DE LA SHOAH
« UN LIEU DE MÉMOIRE ET UN MUSÉE DÉDIÉ A LA SHOAH ET AUX AUTRES GÉNOCIDES DU XXÈME SIÈCLE
Inauguré par Simone Veil et le Président Jacques Chirac le 27 janvier 2005, le Mémorial de la Shoah agrandi et rénové, est en Europe le plus grand centre de recherche, d’information et de sensibilisation sur l’histoire du génocide des Juifs pendant la Seconde Guerre mondiale. C’est un lieu de mémoire, de pédagogie et de transmission.
Le Mémorial de la Shoah travaille également depuis plus de 15 ans à l’enseignement des autres génocides du XXème siècle tels que le génocide des Tutsi au Rwanda, le génocide des Arméniens, celui des Hereros et des Namas en Namibie.
À l’entrée du Mémorial, le visiteur découvre Le Mur des Noms, pierre gravée, qui porte les noms des 76 000 hommes, femmes et enfants juifs déportés (dont 11 400 enfants) de France entre 1942 et 1944.
Au coeur du Mémorial, sous le parvis, la crypte est le tombeau symbolique des six millions de Juifs morts sans sépulture. En son centre reposent les cendres de victimes, recueillies dans les centres de mise à mort.
Au même niveau que la crypte, le « fichier juif » déposé au Mémorial en décembre 1997. Plusieurs fichiers réalisés entre 1940 et 1944 par la Préfecture de la Seine recensent les identités des Juifs recherchés et arrêtés en région parisienne ainsi que les fichiers des internés des camps de Drancy et des camps du Loiret.
L’exposition permanente décrit le sort des Juifs pendant la Seconde Guerre mondiale et les mécanismes qui ont abouti à l’extermination de près de six millions d’entre eux. Photographies, documents originaux, affiches, correspondances privées, objets, films… mettent en regard l’histoire collective et des destinées individuelles. Elle se termine par le Mémorial des enfants où quelque 4 000 photographies rappellent le sort des enfants juifs déportés de France.
Des expositions temporaires et de nombreux « Rendez-vous à l’Auditorium » (projections, rencontres, conférences…) sont proposés tout au long de l’année, ainsi qu’un programme de sensibilisation adapté au milieu scolaire. Le Mémorial reçoit chaque année plus de 3 000 groupes scolaires et forme plus de 8 000 professionnels.
Le Mémorial propose également de nombreuses sources de documentation, accessibles à tous. Dans la salle de lecture, chacun peut avoir accès à l’exceptionnelle richesse du fonds documentaire avec 50 millions de pièces d’archives, 400 000 photographies et 80 000 ouvrages, 2 500 témoignages, 14 500 films – relatifs à l’histoire des Juifs en France et en Europe sous l’Occupation.
Le Mémorial regroupe aujourd’hui 6 sites en France :
-le Mémorial de la Shoah de Paris
-le Mémorial du site de Drancy (Seine-Saint-Denis)
-le CERCIL Musée - mémorial des enfants du Vel d’Hiv à Orléans (Loiret)
-le Centre culturel Jules Isaac de Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme)
-le lieu de mémoire du Chambon-sur-Lignon (Haute-Loire)
-la gare de Pithiviers (inaugurée en 2022)
Mémorial de la Shoah - Musée et centre de documentation Mémorial de la Shoah (memorialdelashoah.org)
Visite virtuelle - Mémorial de la Shoah
https://www.memorialdelashoah.org/le-memorial/les-espaces-du-musee-memorial/visite-virtuelle.html »

4. UN CAS D’ÉCOLE AUTOUR DE MARCELINE LORIDAN-IVENS
« Marceline Loridan-Ivens, née Marceline Rozenberg le 19 mars 1928 à Épinal de parents immigrés juifs polonais.
Arrêtée en 1944, avec son père, à Bollène dans le Vaucluse, elle passera par la prison Sainte-Anne à Avignon et le camp de Drancy avant d’être déportée à Auschwitz par le convoi 71. Elle survivra à Birkenau, puis à Bergen-Belsen et Theresienstadt.

LA VOIX MANQUANTE, FRÉDÉRIQUE BERTHET :
Ils sont 4 000 rescapés juifs à être revenus en France en 1945. Autant de voix qui ont pu être entendues mais qui ne se sont pas toutes exprimées. « Dans cette communauté d’expérience, Marceline Loridan-Ivens inscrit une singularité liée à sa trajectoire, à son art. Elle seule est cinéaste. » Elle est l’une des premières à avoir raconté dans un film son expérience de la Shoah : Chronique d’un été de Jean Rouch et Edgar sorti en 1961. Elle a, par la suite, largement et sous plusieurs formes témoigné de cette expérience. « Marceline Loridan-Ivens a rejoint les acteurs de la vivace « ère du témoin » avec des conférences, des témoignages filmés, des mises en scène créatives d’elle-même. Et en particulier une autofiction tournée à Birkenau, La Petite Prairie aux bouleaux (2003), deux entretiens fleuves filmés au Mémorial de la Shoah et à l’INA (2005), une autobiographie balagan – « bordélique », selon son propre mot installé en yiddish sur la couverture (2008) –, un spectacle visuel et musical où elle raconte sur scène sa propre vie (2013-2014), une lettre à son père devenue succès littéraire (2015) ».
L’ouvrage de Frédérique Bethet est exemplaire pour comprendre le travail d’historien. En partant de Chronique d’un été, elle commence par analyser les apparitions à l’écran de Marceline Loridan-Ivens : autant la construction des plans, que le montage et la bande-son. À l’aide des rushes de tournage, Frédérique Berthet analyse la réorganisation des scènes tournées pour mettre en lumière l’écriture même du documentaire et la place du documentariste. Elle mentionne des phrases, des dialogues, coupés au montage, réfléchit à ce qui est tu, sous-entendu, « manquant ». L’autrice décortique le film et la construction du personnage de Marceline, la façon dont les réalisateurs intègrent petit à petit son histoire personnelle et l’histoire de la Shoah dans le film. Chronique d’un été fait ainsi date dans l’histoire du cinéma et celle de la Shoah, car pour la première fois, il donne la parole à une rescapée.
Après cette analyse, Frédérique Berthet retrace le parcours de déportation de Marceline, en se rendant sur chacun des lieux de ce voyage terrible. Elle invoque alors non seulement les différents récits de Marceline (écrits autobiographiques, interviews filmées, fiction cinématographique) mais aussi toutes les ressources que met l’Histoire à sa disposition. Elle se rend sur chaque lieu, documente ces déplacements, étudie la façon dont la mémoire de ces lieux est gardée vivante – mémorial, plaques commémoratives, réinvestissement en lieu d’exposition ; dans les archives, elle cherche les éléments qui recoupent le récit de Marceline, des registres, des fiches d’enregistrement consultables dans les archives départementales ou nationales, au Mémorial de la Shoah… Par ce travail, elle réfléchit à la mémoire des lieux et au-delà de l’histoire de la déportation, c’est son historiographie qui est le sujet du livre. Qui a raconté cette période, comment, à qui, sous quelle forme ?
L’EXEMPLE DE LA PRISON SAINTE-ANNE À AVIGNON
La prison Sainte-Anne a été construite au XIXème siècle sur le site d'une ancienne « Maison des insensés ». Elle se trouve au cœur de la ville historique d'Avignon, à l'intérieur des Remparts, en contrebas immédiat du rocher des Doms qui fait terrasse pour le Palais des Papes. Il n'y a aucune plaque sur ses murs pour rappeler l'usage politique qui lui fut assigné dans l'internement des Juifs de Vaucluse, l'hommage étant en quelques sortes délocalisé dans la large liste des « Juifs déportés de Vaucluse » accrochée de l'autre côté du rocher, près des terrasses du palais. Accolée au flan de la prison Sainte-Anne, rue Banasterie, une chapelle – la chapelle des Pénitents Noirs de la Miséricorde – forme un point d'articulation extérieur original de ce bâti 250 mètres de longueur et 62 mètres de largeur. […] Conçue en pierre de taille, Sainte-Anne combine un plan à cour centrale fréquent dans les prisons en France avant 1839 et un plan trapézoïdale ou rectangulaire à multiples cours plus singulier. […] La « maison d'arrêt et de correction » est ouverte à l'issue d'un gigantesque le chantier qui transforma les quartiers nord-est de la ville et expropria au passage des habitants, entre Rhône et palais. Les premiers prisonniers y furent installés au mois d'août 1871. […] Pour des raisons qui tiennent à la vétusté d'un bâtiment devenu incapable de fournir un cadre décent pour les prisonniers et le personnel, d'une part, et aux embellissements voulu pour Avignon à l'intérieur de ses remparts, dans la zone historique et touristique d'autre part, les détenus de Sainte-Anne ont tous été transféré en mars 2003 dans un nouveau centre pénitentiaire construit spécialement sur la commune du Pontet, à 9 km de là. »
Frédérique Berthet, La Voix Manquante (2018)

ACTIVITÉ PÉDAGOGIQUE N°8
« 1/ FAIRE DES RECHERCHES AVEC UN DES DEUX LIEUX DE MÉMOIRES SUIVANTS :
Mémorial du camp de Rivesaltes
Drancy - Mémorial de la Shoah

QUESTIONS :
1. Placer le Mémorial sur une carte ? Pourquoi ce lieu ?
2. Que nous raconte ce Mémorial ?
3. Pourquoi faut-il y aller ?
4. Que va-t-on y apprendre ?

2/ VOUS POUVEZ VOUS PRÊTER À CET EXERCICE AVEC D’AUTRES LIEUX HISTORIQUES QUI AURAIENT EU PLUSIEURS TYPES D’UTILISATION, VOIRE UNE RÉHABILITATION.
Mémorial de la Shoah
http://www.memorialdelashoah.org/
Institut International pour la mémoire de la Shoah
https://www.yadvashem.org/fr.html
Musée du camp d’Auschwitz
http://auschwitz.org/en/
Musée du camp de Mauthausen
https://www.mauthausen-memorial.org/
Musée du camp de Natzweiler-Struthof
http://www.struthof.fr/home/

POUR ALLER PLUS LOIN :
Au-delà de l’histoire, il y a la fiction. Des auteurs se sont essayés à des exercices stylistiques. À partir de photos et de documents d’archives, ils ont imaginé la vie fictive de personnes bien réelles.
Francette, BD, Une autre image
« Au début des années 2000, sur un trottoir de Saint Ouen, des documents furent abandonnés. Trouvés par hasard, ils ont été conservés 15 ans dans une armoire avant d'être lus. Voici l'histoire de Françoise Tournier, surnommée Francette, née en 1914 à Saint-Félix de Sorgues et morte en 1994 à Paris. C'était une femme croyante, discrète et ordonnée. Elle s'était vouée à l'éducation des jeunes filles protestantes. Elle est morte célibataire dans une maison de retraite de la maladie d'Alzheimer. Mêlant documents originaux, enquêtes et bandes dessinées d'une trentaine d'auteurs et autrices, ce livre tente de faire revivre son souvenir par le rêve et l'humour. »
Les Gens dans l’enveloppe, Isabelle Monin et Alex Beaupain, Roman et CD, Le Livre de Poche
« En juin 2012, j’achète à un brocanteur sur Internet un lot de 250 photographies d’une famille dont je ne sais rien.
Les photos m’arrivent dans une grosse enveloppe blanche quelques jours plus tard. Dans l’enveloppe il y a des gens, à la banalité familière, bouleversante. Je décide de les inventer puis de partir à leur recherche. Un soir, je montre l’enveloppe à Alex. Il dit : « On pourrait aussi en faire des chansons, ce serait bien. » Les gens dans l’enveloppe, un roman, une enquête, des chansons. »

III- QUE RESTE-T-IL D’UN FILM DANS LES MÉMOIRES ?
Après avoir découvert le film en salle nous vous proposons un travail spécifique à partir d’extraits que nous vous fournirons sur demande.
ACTIVITÉ PÉDAGOGIQUE N°9
1. EXTRAIT 1 :
01h13min50sec > 01h17min22sec
QUESTIONS :
1. De mémoire pouvez-vous décrire la scène des invitations à Bergen Belsen ?
2. Si vous vous en souvenez, décrivez le lieu.
3. De quelle manière cette scène a-t-elle été tournée ?
4. Sur quel sujet Patrick relance-t-il sa grand-mère ?
5. Quelle question pose Golda Maria à Patrick à la fin de la scène ?
PISTES DE RÉPONSES :
Maria raconte comment les détenues s’invitaient les unes chez les autres à manger alors qu’elles n’avaient rien. Se racontaient les plats.
Puis la caméra coupe.
On entend Patrick Sobelman dire qu'ils sont un jour plus tard, qu’ils n’ont pas tourné la veille. Le cadre est un peu différent, on voit plus le canapé à la droite de Golda Maria et moins le fond de la pièce qu’on voyait un peu plus tôt. On voit une place vide à ses côtés.
Patrick la relance au sujet d’un évènement évoqué plus tôt, quand elle a raconté qu’en 1942, elle était enceinte et que c’est la raison pour laquelle elle n’a pas suivi son mari Pierre en Suisse. Elle raconte alors comment elle a fait en sorte d’avorter, sans utiliser le mot.
À partir de ce moment-là le cadre change beaucoup plus que dans la première partie du film.
Golda Maria questionne Patrick : « ça filme encore ? »

2. EXTRAITS 2 ET 3 :
« Deux extraits à mettre en parallèle :
Arrivée à Auschwitz 1 : 04 : 58 > 1 : 07 : 09 / Robert longtemps après 1 : 38 : 29 > 1 : 39 : 45
QUESTIONS :
1. En quelques lignes décrivez ces deux extraits ?
2. Pouvez-vous les replacer dans le film ?
3. Quels sont les partis pris des réalisateurs lors de ces récits ?
4. Quels sont vos sentiments sur ce choix de montage ?

PISTES DE RÉPONSES :
Golda Maria raconte son arrivée au camp et sa séparation avec Robert et sa belle mère adorée, leurs morts, assassinés dans les chambres à gaz le jour même.
Plus tard dans le film elle raconte ce qu'elle a vécu après la perte de Robert pendant des années, sur cet extrait les réalisateurs ont fait le choix de mettre des images de films de famille à la plage. Mise à distance et pudeur de la part des réalisateurs de ne pas filmer le visage de Golda Maria à ce moment ?

3. EXTRAIT 4 :
01h44min23sec > 01h46min18sec

QUESTIONS :
1. Après visionnage, quel a été votre sentiment quand vous avez découvert les dernières images du film ?
2. Comment les réalisateurs ont-ils choisi de nous faire ressentir cette rencontre non attendue ?
3. À qui appartient le récit ?
PISTES DE RÉPONSES :
On voit l’émotion monter chez Golda Maria
Et là on voit une coupe et d’un coup Golda Maria est accompagnée. Il y a quelqu’un à côté d’elle. Elle qui était seule à l’écran jusqu’à présent, seule face à la caméra, seule sur son canapé. D’un coup, elle ne l’est plus. On voit le bras puis tout le corps de Pierre, son mari. Les réalisateurs laissent un temps de silence quand on le voit enfin apparaître. Puis on rebascule sur Golda Maria, qui lui parle mais lui ne répond pas. C’est son récit à elle, il a été à ses côtés mais il ne l'a pas vécu personnellement.

IV - RESSOURCES
FILMOGRAPHIE SÉLECTIVE SUR LA SHOAH
• DU CÔTÉ DES DOCUMENTAIRES
Shoah de Claude Lanzmann, 1985
Nuit et Brouillard d'Alain Resnais, 1955
Chronique d'un été de Jean Rouch et Edgar Morin, 1961
• DU CÔTÉ DES FICTIONS
La Petite Prairie aux bouleaux de Marceline Loridans-Ivens, 2003
Le fils de Saul de László Nemes, 2015
La Liste de Schindler de Steven Spielberg, 1993
• SUR LE DOCUMENTAIRE
Carré 35 de Eric Caravaca, 2017
La Découverte ou l'ignorance - Histoire de mes fantômes bretons de Vincent Jaglin, 2014
Histoire d’un secret de Mariana Otero, 2003
BIBLIOGRAPHIE SÉLECTIVE
• TÉMOIGNAGES
Robert Badinter, Idiss, Fayard, 2018
Ariane Bois, Le monde d’Hannah, Robert Laffont, 2011
Primo Levi, Si c’est un homme, Paris, Juillard, Pocket, 1988
Marceline Loridan-Ivens, Ma Vie Balagan, Robert Laffont, 2008
Simone Veil, Une vie, éditions Stock, 2007
Collection Témoignages de la Shoah https://www.fondationshoah.org/memoire/collection
• OUVRAGES GÉNÉRAUX
Georges Bensoussan, Atlas de la Shoah, Autrement, 2014
Tal Bruttmann et Christophe Tarricone, Les cent mots de la Shoah, PUF, 2016
André Kaspi, Les Juifs pendant l’Occupation, Seuil, 1997
Pierre Nora, Les Lieux de mémoire, Quarto, 1997 (3 tomes)
Annette Wieviorka, Déportation et génocide. Entre la mémoire et l’oubli, Hachette, Paris, 1995

Autrice du dossier pédagogique : Jeanne Frommer
Ce dossier pédagogique a été écrit avec la participation du Mémorial de la Shoah.
Fanny Levin - Médiatrice du Service Pédagogique
Sophie Gagnard - Médiatrice du Service Pédagogique
Hubert Strouk - Responsable adjoint du Service Pédagogique  »


« Golda Maria » de Hugo Sobelman et Patrick Sobelman
France, 2020, 116 min
Production : Ex Nihilo, GoGoGo Film
Production : Muriel Meynard et Carine Ruszniewski
Montage : Hugo Sobelman
Montage son et mixage : Najib El Yafi
Etalonnage : Guillaume Schmitter
Avec le soutien du Centre national de la cinématographie, de la Fondation pour la Mémoire de la Shoah, la Fondation Rothschild
Sur Arte le 23 janvier 2024 à 23 h 30
Sur arte.tv du 16/01/2024 au 21/02/2024
Visuels :
Documentaire sur Golda Maria par Hugo et Patrick Sobelman : témoignage de cette femme bataillant avec ses souvenirs pour raconter et transmettre une mémoire essentielle
© Archive personnelle Golda Maria


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Les citations sur les films proviennent d'Arte, du dossier de presse et du dossier pédagogique.

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