jeudi 18 janvier 2024

« La maison pour tous. Une photographie sociale dans les années 80 »

Le musée des Arts décoratifs présente l’exposition « La maison pour tous. Une photographie sociale dans les années 80 ». En 1983, l'entreprise Maisons Phénix commande un projet à Marc Netter, fondateur d'une agence de communication. Celui-ci organise ce projet dénommé la "sociophotographie". A Carros, ville des Alpes-Maritimes, accompagnés par la journaliste Colette Etcheverry, les photographes Sabine Weiss, Jean Dieuzaide, Bernard Gille, Guy le Querrec, Emil Schulthess et Jacques Winderberger documentent, au-delà de l'urbanisme et de l'architecture, la vie des Carossois. Sur les 450 photographies de cette série donnée au MAD, une centaine de clichés de cinq de ces six photographes sont réunies dans cette exposition.


À l’occasion de Paris Photo et de Photo Days, le musée des Arts décoratifs présente, dans l’exposition « La maison pour tous. Une photographie sociale dans les années 80 » : « plus de 100 photographies accompagnées d’affiches, films publicitaires, livres ou magazines issus des collections du musée mettent en lumière pour la première fois le fonds photographique donné par Marc Netter en 2023. »

« Ce fonds illustre l’utopie sociale de la ville nouvelle à travers une enquête photographique menée en 1983 dans la ville de Carros (Alpes-Maritimes). Sabine Weiss, Jean Dieuzaide, Bernard Gille, ou encore Guy le Querrec et Jacques Windenberger, mettent en image l’utopie de la maison pour tous et questionnent le quotidien des habitants et les espaces de vie privés et publics. »

« Le commissariat est assuré par Sébastien Quéquet, en charge des collections photographiques du musée des Arts décoratifs, assisté de Joana Bravo ».

Dans les années 1960, un parc industriel avait offert des emplois diversifiés à la population, locale ou plus lointaine, qui jouit d'installations sportives, d'activités culturelles pour ses loisirs, etc.

Dans Carros-le-Neuf, est très actif le curé quadragénaire, fondateur du club de basket ball, président d'une association de radioamateurs.

Depuis le début des années 1970, la vie est rythmée par le carnaval.

Si les cadres supérieurs privilégient les maisons individuelles - constitution d'un patrimoine, réalisation d'un rêve -, des familles immigrées nombreuses vivent, heureuses, en HLM. Les autorités politiques, nationales et locales, favorisaient l'accès à la propriété, rêve de couples.

C'est une époque charnière. En 1983, les Trente Glorieuses sont finies. Nous sommes dix ans après la crise économique de 1973, la France sous la Présidence de François Mitterrand adopte en mars un deuxième plan de rigueur. L'année se clôt avec la Marche pour l'égalité et contre le racisme ou « Marche des Beurs » (Arabes, à l'envers).

Dans cette ville nouvelle, des sujets politiques apparaissent : les élections municipales, l'opposition à l'énergie nucléaire et la crainte des déchets de centrales nucléaires, "la défense de la laïcité dans le cadre du projet de loi Savary visant à rapprocher les établissements scolaires publics et privés, le régime autoritaire de Hosni Moubarak en Egypte".

Quarante ans, la diversité ethnique, religieuse et sociale de Carros a-t-elle perduré ? 

Quid des maisons individuelles en 2024, menacées peut-être par la politique initiée depuis une dizaine d'années au prétexte de la "transition énergétique" ou du "réchauffement climatique", et caractérisée par des normes étatiques rigoureuses - Diagnostic de performance énergétique (DPE) - imposées aux propriétaires tancés de financer des travaux onéreux, à la pertinence non prouvée - si le climat se réchauffe, pourquoi calfeutrer les logements ? Le revêtement apposé sur des façades permet l'évacuation vers l'extérieur de la condensation des appartements ? -, et à la rentabilité inconnue ? Une forme de spoliation : si le DPE indique certaines lettres, par exemples, F ou G, le bien immobilier ne pourra bientôt plus être assuré, mis en location ou vendu comme logement. Ou bien, il le sera à un prix inférieur à celui du marché ou en subissant une moins-value. Des atteintes très graves au droit de propriété protégé notamment par l'article 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 qui le qualifie ainsi : « inviolable et sacré ». 


Penser l’habitation
« En France, depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, les pouvoirs publics s’interrogent sur l’adéquation entre les politiques d’urbanisme et le vécu des habitants. »

« De nouveaux projets sont lancés par l’Etat, les municipalités ou encore les partis politiques, qui nourrissent un débat sur la ville, le quartier et l’habitat. »

« Le monde de la culture s’empare également de la question, des la fin des années 1940 avec plusieurs grandes expositions qui introduisent le sujet à l’instar de l’Exposition internationale de l’habitation et de l’urbanisme. »

« Le sujet devient même muséal en 1972, lorsque le musée des Arts décoratifs organise l’exposition « Paysages urbains ». 

« Le projet « socio-photographie » engage en 1983 par la société Maisons Phenix et Marc Netter s’inscrit pleinement dans ces perspectives de réflexion. »

Une enquête socio photographique dans les années 1980
« En avril 1983, Marc Netter, commissaire d’exposition et fondateur d’une agence de communication, invite six photographes à porter leurs regards sur la ville nouvelle de Carros ».

« Sabine Weiss, Jean Dieuzaide, Bernard Gille, Guy le Querrec, Emil Schulthess et Jacques Winderberger dressent, au-delà d’une représentation de la ville et de son architecture, une typologie des grands moments de l’existence humaine : de l’enfance a la vieillesse, de la rue à l’intimité de la maison, du contexte politique aux relations familiales. »

« Chacun d’entre eux s’intéresse à la fonction sociale de la photographie en suivant le quotidien des habitants. »

« Infrastructures urbaines et architecturales sont la toile de fond de ce photoreportage qui parvient à capter le contexte social de l’époque, où affiches et tags transcrivent les inquiétudes nationales et internationales comme l’avancée du nucléaire ou les questions de laïcité. »

« Au cœur de ces moments de vie, la Maison pour tous, association similaire aux maisons des jeunes et de la culture, est le lieu des échanges et de dialogue sur la collectivité dans la ville. »

Les habitants dans l’œil des photographes
« La journaliste Colette Etcheverry se rend sur place pour écouter et documenter le quotidien, les rêves, les espoirs, mais aussi les craintes et les désillusions des Carossois. »

« Aucun des photographes présents à Carros n’étant sociologue, il est intéressant d’observer ce qui focalise leur attention et la manière dont ils choisissent leurs compositions, établissent des séries photographiques, construisent une narration, sélectionnent les moments et les sujets. »

« Les photographes appliquent leur vision personnelle de la photographie ; Jean Dieuzaide se passionne pour l’architecture et Sabine Weiss tend à capter la vie quotidienne des foyers. »

Une ambition pour la photographie
« Le photoreportage fait, la même année, l’objet d’un colloque lors des Rencontres d’Arles regroupant photographes, sociologues, philosophes, architectes et personnalités politiques. Ils s’interrogent sur la nature même de la photographie et le rôle du photographe comme pourvoyeur d’images. »

« La notion de photographie documentaire est alors au centre des débats, posant alors l’interrogation suivante : la photographie peut-elle servir d’instrument pour la sociologie, la société, le citoyen ? »

« L’exposition replace cette enquête visuelle dans l’histoire de la photographie, donnant une importance nouvelle à ces images. »


JEAN DIEUZAIDE [1921-2003]
« Photographe d’architecture, de natures mortes et du quotidien, Jean Dieuzaide sillonne le sud de la France, l’Espagne et le Portugal. Il dresse un inventaire photographique des richesses médiévales dans une exposition itinérante, « L’art roman du soleil », qui fait étape au musée des Arts décoratifs en 1962. Jean Dieuzaide est membre fondateur des Rencontres internationales de la photographie à Arles en 1970. Il œuvre pour la reconnaissance artistique de la photographie, notamment à travers la galerie du Château d’eau à Toulouse, qu’il initie en 1974. »

BERNARD GILLE [NÉ EN 1952]
« Bernard Gille est le plus jeune des photographes présents à Carros. Né au Luxembourg, il s’installe à Arles en 1982 pour perfectionner son apprentissage de la photographie d’art et devient l’assistant et le coordinateur de Lucien Clergue pour l’organisation des Rencontres d’Arles en 1983 et 1984. Arrivé plus tardivement que les autres à Carros, il a laissé moins d’épreuves dans le fonds photographique. »

GUY LE QUERREC [NÉ EN 1941]
« D’abord reporter photographe en Afrique, Guy Le Querrec fonde avec huit autres photographes l’agence Viva en 1972. La structure vise à produire des reportages collectifs et de fond sur la société française, en rupture avec le caractère immédiat et spectaculaire de l’actualité. Le reportage « La Famille en France » se penche ainsi sur les relations familiales dans différents milieux sociaux. Guy Le Querrec entre chez Magnum en 1976. Aux Rencontres d’Arles de 1983, parallèlement à la « sociophotographie », il présente un spectacle alliant photographies et jazz joué en live. Cette musique est un sujet qu’il a exploré durant toute sa carrière. »

SABINE WEISS [1924-2021]
« Sabine Weiss travaille d’abord dans la mode en tant qu’assistante de Willy Maywald puis ouvre son propre studio en 1950. Elle réalise des photographies pour Vogue, Life ou Paris Match. Dans l’Europe d’après-guerre, elle saisit les différents modes de vie des pays qu’elle visite dans le cadre de commandes pour des revues. Représentante de la photographie humaniste qui fait des gens de la rue ses sujets favoris, Sabine Weiss s’inscrit aussi dans la photographie publicitaire et le portrait, utilise des techniques photographiques variées, et réalise des épreuves en noir et blanc ou en couleurs. »

JACQUES WINDENBERGER [NÉ EN 1935]
« Jacques Windenberger est d’abord rédacteur pour la presse écrite puis intègre l’agence de presse photographique Keystone. Il devient rapidement indépendant. Ses sujets de prédilection sont la vie quotidienne, l’urbanisme et le travail, qu’il documente de manière rigoureuse à travers des séries réalisées dans la durée. La photographie a un rôle social selon lui : il présente sa démarche dans le livre La photographie. Moyen d’expression et instrument de démocratie (1965). Il y énonce le concept d’« information-participation photographique » qui est une invitation à la responsabilité civique et politique par la photographie. »



Du 8 novembre 2023 au 28 janvier 2024
107, rue de Rivoli, 75001 Paris
Tél. : +33 (0) 1 44 55 57 50
Du mardi au dimanche de 11 h à 18 h. Nocturne le jeudi jusqu’à 21 h dans les expositions temporaires
Visuels :
Jean Dieuzaide (1921-2003) —
Entrée de la Maison pour tous, rue des Oliviers, près de la mairie
Carros, avril 1983
Tirage gélatino-argentique
© Les Arts Décoratifs
© Jean Dieuzaide

Jean Dieuzaide (1921-2003) —
Garçon à vélo devant le supermarché Sodim au mur peint d’un paysage avec des colombes, rue des Arbousiers
Carros, avril 1983
Tirage gélatino-argentique
© Les Arts Décoratifs
© Jean Dieuzaide

Sabine Weiss (1924-2021) —
Madame C., 56 ans, femme au foyer résidant dans un HLM rue du Bosquet
Carros, 21 avril 1983
Tirage gélatino-argentique
© Les Arts Décoratifs
© Sabine Weiss, collections Photo Elysée

Sabine Weiss (1924-2021) —
Garçon et son chien
Carros, 16 avril 1983
Tirage gélatino-argentique
© Les Arts Décoratifs
© Sabine Weiss, collections Photo Elysée

Bernard Gille (né en 1952) —
Garçons jouant aux pistolets, sur le terrain proche de la rue des Arbousiers
Carros, avril 1983
Tirage gélatino-argentique
© Les Arts Décoratifs
© Bernard Gille

Jean Dieuzaide (1921-2003). 
Groupe de garçons avec un chien devant un immeuble orné d’une peinture murale. 
Carros, avril 1983.
Tirage chromogène
© Les Arts Décoratifs © Jean Dieuzaide

Sabine Weiss (1924-2021) —
Jeunes gens fumant dans une voiture et tenant un écriteau « DÉFENSE DE FUMER »
Carros, 20 avril 1983
Tirage gélatino-argentique
© Les Arts Décoratifs
© Sabine Weiss,
collections Photo Elysée

Jean Dieuzaide (1921-2003) —
Chantier avec des escaliers préfabriqués en béton
Carros, avril 1983
Tirage gélatino-argentique
© Les Arts Décoratifs
© Jean Dieuzaide

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