dimanche 23 juillet 2023

Le trafic de drogues

Le trafic de stupéfiants, qui a généré 
250 milliards de dollars de revenus en 2021, selon l'Office des Nations unies contre la Drogue et le Crime, représente une menace grave pour la santé publique, pour l'avenir des sociétés - économie souterraine - et pour la permanence des Etats. Arte diffusera le 25 juillet 2023 à 20 h 50 « Histoire du trafic de drogue », série documentaire en trois épisodes de Julie Lerat et Christophe Bouquet, puis à 23 h 35 « Drogue, armes, argent Enquête sur le financement du terrorisme » de Duki Dror.

Une problématique Fondation Casip-Cojasor 
L’affaire Krief, exemple d’antisémitisme d’Etat (version courte)

Comment lutter contre une activité dangereuse et illégale quand on l'intègre dans le calcul du PIB (Produit intérieur brut) de son pays ? "Cannabis, cocaïne et autres drogues génèrent en France une activité économique estimée à 2,7 milliards d’euros par an, soit 0,1 point de produit intérieur brut, selon l’Institut national de la statistique et des études économiques. Pour la première fois, l’Insee a intégré le trafic de drogue, illégal, dans la mesure de la croissance, après des années de discussion. Espagne, Royaume-Uni, Italie… d’autres pays européens avaient déjà commencé en 2014 à adopter un nouveau calcul tenant compte de la consommation de stupéfiants et des activités liées à celle-ci, à la demande de l’office européen de statistique, Eurostat."

Selon l'Office des Nations unies contre la Drogue et le Crime, le trafic de stupéfiants, qui a généré 250 milliards de dollars de revenus en 2021, un montant "supérieur au PIB de la Finlande (236 milliards) ou de la Colombie (237 milliards)."

En 2020, selon l'INSEE, les Français ont dépensé 4,2 milliards d'euros "pour s'approvisionner en cannabis, cocaïne, héroïne, crack et autres produits stupéfiants. Faut-il y voir un effet des longs mois de confinement ? C'est en tout cas 7% de plus que l'année précédente et surtout deux fois davantage qu'en 2009 (2,08 milliards). À titre de comparaison, les achats de livres n'ont pesé, la même année, que 3,75 milliards dans le budget des consommateurs." 

"Entre les importateurs, les grossistes, les logisticiens, les revendeurs, les « choufs » (guetteurs) et les « nourrices » (ceux qui cachent les produits chez eux), le marché de la came fait travailler beaucoup de monde en France. « Un nombre important d'intermédiaires dont le trafic de drogue n'est pas la principale source de revenus », précise l'Insee qui évalue cette activité à 21 000 équivalents temps plein. Soit 0,08% de la main d'oeuvre nationale. Mais sans déclaration à l'Ursaff, ni charges sociales." Cette économie fait vivre des familles entières.

"En décembre 2020, le ministère de l'Intérieur dénombrait 4000 supermarchés de la drogue, ou « fours » dans le jargon des trafiquants. Un chiffre que l'action des forces de l'ordre aurait permis de ramener à 3275 un an plus tard. La géographie, elle, ne change pas. Les points de deal se concentrent dans les zones géographiques les plus densément peuplées, au cœur des métropoles régionales à forte population étudiante et dans les départements périurbains ou situés à proximité des grandes agglomérations. Et dans la France rurale aussi.

"Chaque jour en France, 900 000 personnes vapotent, fument ou mangent du cannabis, sous l'une ou l'autre de ses différentes formes - herbe, résine ou huile. Selon l'Observatoire français des drogues et des tendances addictives, le nombre d'amateurs réguliers, s'adonnant en moyenne dix fois par mois à leur goût du cannabis, s'élèverait à 1,4 million. Les adeptes plus occasionnels seraient, eux, 5 millions. Près de la moitié des adultes y aurait déjà goûté. Ces chiffres placent l'Hexagone en tête du classement européen des pays consommateurs, devant le Danemark et l'Espagne." 

Les effets sur la santé de la consommation de stupéfiants ou de substances psychoactives s'avèrent graves : désocialisation accompagnée de l'isolement, baisse de la vigilance et de la concentration, délinquance - vol, prostitution - pour payer sa dose, risques cardiaques ou d'accidents vasculaires cérébraux (AVC), troubles psychiatriques, dépendance, surdose parfois mortelle, accidents, dépression, cancers, infections liées à des injections, etc. 
Par ses dimensions supranationales, par son pouvoir financier, le trafic de stupéfiants menace les Etats : contrôle de ports et de parcelles du territoire national, corruption de politiciens, menaces de mort visant des dirigeants, etc. Un contre-Etat tentaculaire.

Penser que la légalisation de stupéfiants pourrait mettre un terme à ce trafic semble un leurre dangereux. Les trafiquants trouveront vraisemblablement des parades : stupéfiants rendus chimiquement plus inducteurs d'effets escomptés plus intenses, plus durables, ou plus puissants, techniques de marketing par le prix cassé, absence de bureaucratie et de taxes caractéristiques des Etats, etc. La création, par exemple à Paris près de la gare du Nord, de "salles sécurisées" destinées aux personnes dépendantes des stupéfiants a transformé les abords en lieux de délinquance, sales, encombrés de seringues et autres objets de drogués...

Maroc
"Peuple abandonné et livré à lui-même, les Rifains émigrent comme leurs aînés. Ils s'installent dans le nord, puis suivent l'emploi vers les houillères de Wallonie, et enfin dans les Flandres et aux Pays-Bas en plein boom. Le Benelux et le Nord-Pas-de-Calais comptent en 2015 près d'1,5 millions de « Marocains », en majorité Rifains. Après 1968 et la chute de la French Connection, les chimistes corses passés dans le Rif transforment le chanvre en pâte base pour l'exportation. La commercialisation du haschisch suit l'émigration rifaine, ouvrant les portes des marchés européens en Espagne, en France et au Benelux. Avec Anvers, la Belgique devient une plaque tournante. Le commerce et le trafic de drogue deviennent inséparables, et ces activités pallient les licenciements qui frappent en masse mineurs, sidérurgistes et salariés du textile. Les Rifains se concentrent dans des quartiers qui s'homogénéisent à Roubaix, Tourcoing, Bruxelles-Molenbeek, Rotterdam, Liège… Une partie de cette jeunesse belge frappée par le chômage et la crise se tourne vers le fondamentalisme religieux, alors que la police belge n'a aucune expérience en la matière, à l'inverse de la police française plus expérimentée, et qui laisse travailler les services marocains auprès de leurs ouailles. Austérité ancestrale et culture insulaire, hostilité viscérale au régime marocain et à son islam, rejet de l'Etat qui rappelle la Sicile, liberté religieuse à tous vents, réseaux mafieux structurés par 40 ans de business (10 milliards de $ de chiffre d'affaires annuel) au profit des mafias du Rif et de leurs obligés, du Maroc au Benelux, liberté de mouvement depuis Schengen, absence de surveillance policière efficace, antécédents historiques désastreux, ressentiment, culture de la violence dans un univers hostile, chômage de masse… la base arrière de Molenbeek a une très longue histoire. Pour la première fois, il va peut être falloir poser la question de l'économie de la drogue", a écrit Pierre Vermeren, Normalien et agrégé d'histoire, professeur, spécialiste de l'histoire du Maghreb contemporain à l'université de Paris-I Panthéon-Sorbonne et membre du laboratoire IMAF (Institut des mondes africains), dans Le Figaro (2 décembre 2015).

Le Maroc a été classé "premier producteur mondial de résine de cannabis (haschich) par l'Office des Nations unies contre la drogue et le crime (UNODC) dans son rapport 2020. Bien supérieurs aux estimations de ce rapport – 47 500 hectares en 2018 –, les chiffres officiels dévoilés cette semaine à Rabat font état de « 55 000 hectares cultivés en 2019 ». 

Depuis quelques années, le Maroc s'est engagé dans la culture légale du cannabis à visée médicale.

Bolivie
En Bolivie, dont il acquiert la nationalité, Klaus Barbie avait pris le nom de « Klaus Altmann ». Directeur d’une entreprise d’exploitation de bois, Barbie dirigea une compagnie maritime (1966-1971) et effectua le trafic de drogues et d’armes pour des dictatures militaires sud-américaines.

« Histoire du trafic de drogue »
Arte rediffusera le 25 juillet 2023 à 20 h 50 « Histoire du trafic de drogue », série documentaire en trois épisodes de Julie Lerat et Christophe Bouquet.
« Histoire du trafic de drogue. L'ère des Empires » ou « comment, deux siècles durant, les pouvoirs en place ont fait naître et prospérer le commerce des drogues, envers occulté du libre-échange. Cette fresque dense et limpide pulvérise les idées reçues en démontrant l'impasse de la prohibition. »

« Le trafic de drogue a été inventé par un État : le Royaume-Uni. Au XIXe siècle, la Couronne britannique inonde la Chine d’opium pour renflouer ses caisses. Dès l’origine, l’opium, l’héroïne et la cocaïne deviennent des instruments politiques entre les mains des États. Grandes puissances, industries pharmaceutiques, banques, services secrets : tous ont joué un rôle dans la propagation des drogues et dans l’émergence des plus grandes organisations criminelles. » 

« Héroïne, cocaïne : deux produits qui pèsent aussi lourd dans l'économie mondiale que le pétrole ou le textile. Ces drogues, responsables en deux siècles de millions de morts, ont d'abord été mises au point, le plus légalement du monde, par l'industrie pharmaceutique occidentale. »

« Les systèmes bancaires et les services secrets du monde entier, en lien plus ou moins direct avec des organisations criminelles, ont contribué à les faire prospérer. »

« La répression s'est toujours révélée impuissante à mettre fin à ce commerce immensément lucratif, car le secteur des stupéfiants, "le plus agile du monde", selon l'un des passionnants analystes interrogés ici, parvient à se recomposer chaque fois qu'un coup lui est porté. »

« Surtout, les masses d'argent qu'il injecte dans l'économie mondiale ne cessent de remodeler les frontières d'une légalité dont Julie Lerat et Christophe Bouquet (Mafia et République) démontrent la porosité. »

« Tissant avec fluidité archives, lumineux entretiens et, dans la dernière partie, séquences de reportages, leur brillant traité de géopolitique mondiale dévoile les logiques cachées du trafic de drogue et ses liens organiques avec les pouvoirs en place. »

« Des guerres de l’opium à la naissance de la French Connection, des années hippies à l’ascension des grands barons de la drogue, d’Escobar à El Chapo, des montagnes afghanes à Wall Street, se dessine une histoire politique des drogues. Une enquête historique et mondiale en trois épisodes. »


Épisode 1 - L’ère des empires 
« Le trafic de drogue n’a pas été inventé par une mafia mais par les puissances coloniales européennes, au XIXe siècle. » 
« Au XIXe siècle, l'opium se répand à travers toute l'Asie, sous l'impulsion des puissances coloniales.  Parallèlement, l'industrie pharmaceutique occidentale découvre des produits miraculeux : morphine, cocaïne, héroïne. L’addiction devient un fléau mondial et un enjeu de santé publique. »

« Quand la prohibition s’impose au début du XXe siècle, l'interdit donne naissance aux premiers réseaux du trafic de drogue qui voient le jour au Mexique, en France, en Chine… « Ces réseaux criminels ne vont pas cesser de chercher la protection des États. »

« Ils connaissent un essor sans précédent pendant la guerre froide : entre les mains des services secrets, les drogues deviennent un instrument géopolitique. »

« Les États-Unis en paient le prix : en 1970, un tiers des soldats américains au Vietnam est accro à l’héroïne. Un an plus tard, dans un discours historique, le président Richard Nixon lance la guerre contre les drogues. »


« Une nouvelle génération de trafiquants émerge à la fin des années 1970, qui recherche à la fois l’argent et le pouvoir ».

« La première puissance mondiale part en guerre contre les drogues : avec leur bras armé, la DEA (Drug Enforcement Administration), les États-Unis frappent fort. Mais le trafic de drogue ne meurt jamais. Il se déplace, se transforme, s’adapte. »
« Alors que la guerre contre les drogues progresse partout dans le monde, une nouvelle génération de trafiquants émerge à la fin des années 1970, plus puissante que jamais. Ces criminels ne sont pas seulement avides d’argent, mais aussi de pouvoir. »

« Si Pablo Escobar est le plus emblématique de tous, Toto Riina en Sicile, Khun Sa dans le Triangle d’or, Félix Gallardo au Mexique, ont bouleversé le destin de leur pays et fait exploser le trafic de drogue à l’échelle mondiale. »

« Ils défient les États, menacent les pouvoirs en place. Il faudra près de vingt ans pour que les États s’organisent et mettent au point des stratégies pour faire tomber les barons de la drogue ». 


Épisode 3 - Les territoires perdus 
« Les trafiquants de drogue d’aujourd’hui ont muté. L’invisibilité est leur arme... »

« Le trafic s’est morcelé, voire atomisé sous les coups portés par la police. Les trafiquants d’aujourd’hui ont muté. L’invisibilité est leur arme. Le trafic s’enracine dans des zones hors de contrôle : des zones de guerre, comme l’Afghanistan ou la Colombie, où une guerre d'intensité variable se poursuit. » 

« Au Mexique, les cartels ont fait entrer le pays entier dans une spirale de violence sans précédent, inqualifiable, et partout, le bilan de la guerre contre les drogues n’est qu’un décompte macabre. » 

« Faciles à fabriquer et à dissimuler, les drogues de synthèse, comme le fentanyl, cinquante fois plus puissant que l'héroïne, annoncent la quatrième génération à venir : celle des trafiquants en blouse blanche. » 

« Aux États-Unis, les antidouleurs prescrits sur ordonnance ont ouvert la voie aux opioïdes, qui sèment la mort à l'échelle d'une épidémie. »



« 1839-1860 Première et seconde guerres de l’opium.
1882 La France ouvre sa manufacture de l’opium à Saïgon, administrée par la Régie française de l’opium.
1914 Les États-Unis votent le Harrison narcotics tax act, qui limite l’usage de la morphine, de la cocaïne et de l’héroïne à la médecine. C’est le début de la prohibition des drogues. 
1951 La CIA soutient les soldats chinois du Kuomintang repliés en Birmanie, qui vont devenir en quelques années les principaux trafiquants en Asie du Sud-Est.
1970 Près d’un tiers des soldats de retour du Vietnam sont accros à l’héroïne. Aux États-Unis, on estime qu’il y a alors entre 400 000 et 500 000 héroïnomanes. En 1971, Richard Nixon lance la guerre contre les drogues.
1982 En Colombie, Pablo Escobar est élu député suppléant.
1985 Au Mexique, le meurtre de l’agent de la DEA (Drug Enforcement Administration), Enrique Camarena, révèle l’existence d’un puissant cartel de la drogue, le cartel de Guadalajara, dirigé par Félix Gallardo.
1986 Les enquêtes des juges de Palerme, emmenés par Giovanni Falcone, permettent l’ouverture du Maxi-procès. Mais le parrain de la Mafia, Toto Riina, devenu richissime grâce au trafic d’héroïne, est en cavale. 
1989 En Birmanie, dans l’État Shan, on estime que Khun Sa produit à lui seul 80 % de l’héroïne mondiale.
1996 Les Talibans prennent le pouvoir à Kaboul et vont faire de l’Afghanistan le premier producteur d’héroïne au monde.
1998 Signature du Plan Colombie, le plus grand plan de lutte anti-drogue jamais financé par les États-Unis.
2001 Au Mexique, le parti unique au pouvoir depuis 60 ans, le PRI, perd les élections. Aucune force politique ne contrôle plus les cartels. 
2006 Le président mexicain Felipe Calderon envoie l’armée combattre les cartels.
2018 Le fentanyl, un analgésique opioïde, tue pas loin de 32 000 personnes aux États-Unis ».

Entretien avec la coréalisatrice Julie Lerat

« Des guerres de l’opium du XIXe siècle à la sanglante dérive du Mexique des cartels, la série documentaire Histoire du trafic de drogue révèle en trois volets vertigineux la géopolitique occulte des stupéfiants. Entretien avec sa coréalisatrice, Julie Lerat. Propos recueillis par Irène Berelowitch ».

« Comment avez-vous approché ce très vaste sujet, puis mené l’enquête ?
Julie Lerat : Avec le coréalisateur Christophe Bouquet, nous sommes partis de sa série documentaire Mafia et République qui, déjà, racontait comment les services secrets français avaient utilisé le trafic de drogue pendant la guerre d’Indochine. Nous avons eu envie de continuer à suivre ce fil. Il nous est apparu très vite que cette histoire ne pouvait être que mondiale. Or nous nous sommes rendu compte qu’elle n’avait pas encore été racontée en tant que telle. Il existe un nombre restreint de spécialistes qui connaissent très précisément un aspect de la question ou une zone géographique. Nous avons construit cette fresque historique en lisant énormément puis en les interviewant longuement. Ce sujet, par nature occulte, suscite énormément de fantasmes et de rumeurs, une quasi-mythologie. Il a fallu creuser, vérifier, revérifier… Ça tenait parfois du puits sans fond.

Comment avez-vous déterminé les lieux de tournage ?
Le Mexique était incontournable, car c’est le pays qui paie aujourd’hui le plus lourd tribut au trafic de drogue. En l’espace de vingt-quatre heures à Acapulco, devenu l’un des points les plus chauds en la matière, nous avons vu les chefs de la police locale se faire arrêter et avons assisté à l’exhumation d’un corps. La Colombie, elle aussi, était un passage obligé : on ne peut pas raconter cette histoire sans aller à Medellín. Pour les zones de conflit, en Colombie et en Afghanistan, nous avons travaillé avec des journalistes de confiance, qui ont une très bonne connaissance du terrain. Nous avons fait un passage dans le Triangle d’or, entre la Birmanie et la Thaïlande, mais nous avons aussi puisé dans les archives extraordinaires tournées dans les années 1960 et 1970 par le journaliste britannique Adrian Cowell dans l’intimité de Khun Sa, l’un des quatre “barons”[avec le Colombien Pablo Escobar, l’Italien Totò Riina et le Mexicain Félix Gallardo, NDLR] au centre du deuxième épisode.

Avez-vous découvert des faits inédits ?
Il n’y a pas de véritable «scoop», mais beaucoup d’épisodes historiques restés méconnus du grand public. Ce qui est inédit, c’est leur synthèse : nous ramassons deux cents ans d’histoire en nous intéressant aux rapports entre les États, les drogues et les trafiquants, pour mettre en lumière des logiques qui vont bien plus loin que la simple corruption. Ce que nous avons essayé de montrer, c’est que les drogues sont un instrument de pouvoir, non seulement aux mains des trafiquants, mais aussi des dirigeants. Elles sont addictives, leur demande ne tarit jamais, et elles rapportent énormément d’argent. C’est une manne financière qui a servi bien des causes, en particulier des intérêts d’État.

Cela tient-il aussi à la prohibition ?
Oui, car l’interdit maximise le profit, et crée des zones grises. Cela a permis aux États de s’en servir de diverses manières. Au Mexique, le trafic a fait partie intégrante du système politique. Il a même constitué pendant des années l’un des socles du pouvoir, qui en a fait une manière de gouverner. En pleine guerre froide et au moment de la décolonisation, on a vu les services secrets français et américains encourager le trafic d’opium au Laos pour des buts politiques différents, mais en s’appuyant sur les mêmes tribus. Avec toujours un même effet boomerang : le trafic finit tôt ou tard par causer des ravages au sein même du pays qui a cherché à en tirer profit.

Vous montrez aussi que la politique répressive des États, officielle celle-là, n’a jamais fonctionné…
On ne peut pas interdire la circulation des drogues dans un système où l’on encourage celle de tous les autres biens. Le trafic va de pair avec le libre-échange. Mais pour les États, les drogues sont un enjeu de santé publique, et pour nos sociétés, c’est une question morale : on condamne l’addiction, le plaisir, et on stigmatise les consommateurs. On continue donc d’investir la quasi-totalité des ressources dans une répression inefficace, au détriment de la prévention. La question se réduit en général à une alternative entre interdiction et légalisation, alors que selon les cultures, selon les produits, il serait possible de réguler le commerce et l’usage des drogues. »

Article paru dans ARTE Magazine en février 2020 à l'occasion de la première diffusion de la série documentaire Histoire du trafic de drogue.

« Drogue, armes, argent Enquête sur le financement du terrorisme »
La chaine franco-allemande ARTEe diffusera le 25 juillet 2023 à 23 h 35 « Drogue, armes, argent Enquête sur le financement du terrorisme », documentaire allemand de Duki Dror (2022).

« Comment l'administration Obama a enterré une investigation sur le financement criminel du Hezbollah pour sauver un accord sur le nucléaire iranien. Avec des témoins de premier plan, une captivante enquête sur un cas d'école de realpolitik. »

« Afin de mener à bien les négociations sur le nucléaire iranien, qui aboutiront au médiatique accord de Vienne en 2015, l'objectif phare de sa politique étrangère, l'administration Obama n'a pas hésité à geler le projet "Cassandra", une vaste investigation portant sur le financement illicite du Hezbollah. »

« Tout commence en 2008 lorsque, dans une installation ultrasecrète de Virginie, l'agence américaine antidrogue (la DEA, Drug Enforcement Administration) s'emploie à mettre au jour les ressources criminelles qui alimentent les caisses du mouvement chiite basé au Liban et soutenu par l'Iran. »

« La DEA sait que l'organisation, pour poursuivre ses activités militaires et terroristes, se livre, à hauteur d'un milliard de dollars par an, au trafic de cocaïne et d'armes ainsi qu'au blanchiment d'argent à partir de la "région des trois frontières" (Argentine, Brésil et Paraguay). »

« À l'heure où le régime des mollahs tente d'exporter sa révolution et de s'implanter en Amérique du Sud, l'organisation devient ainsi l'un des plus importants cartels de la drogue au monde. »

« Six ans plus tard, avec l'aide d'agences de sécurité étrangères, la DEA est prête, preuves à l'appui, à arrêter les dirigeants de ces puissants réseaux narcoterroristes, ainsi qu'à saisir les comptes bancaires liés : une opération qui constituerait son plus grand succès depuis la capture du baron de la drogue Pablo Escobar deux décennies plus tôt. »

« Mais parce que l'enquête se rapproche dangereusement du premier cercle du pouvoir à Téhéran, que Washington cherche alors à ménager, y compris en se gardant d'intervenir directement dans la guerre en Syrie, l'agence, censurée, n'obtient pas l'autorisation de passer à l'action. »

« Avec un accès exclusif aux enquêteurs de la DEA, à des agents du Mossad, à des journalistes d'investigation comme à des hauts fonctionnaires du gouvernement américain, ce documentaire lève le voile sur les dessous, encore jamais racontés, d'un des dossiers géopolitiques les plus sensibles de l'époque : l'accord sur le nucléaire iranien. »

« Au fil du récit, jalonné d'attentats sanglants - depuis celui perpétré en 1994 à Buenos Aires par un kamikaze du Hezbollah et planifié par Téhéran - et d'assassinats de magistrats, le film remonte les réseaux du mouvement chiite jusqu'au commerce de voitures d'occasion en Afrique de l'Ouest, en même temps que le cours de l'histoire récente des relations entre l'Iran et les États-Unis. »

« Éclairée par des témoins de premier plan, qui détaillent leurs méthodes d'investigation, une édifiante immersion dans les coulisses de la realpolitik, où l'intérêt politique prime sur l'État de droit. »


"Décriminaliser la drogue, le modèle portugais"
« ARTE Regards » relate « Des histoires d’Européens. L’Europe dans sa diversité en reportages quotidiens : une plongée dans des réalités inédites, du lundi au vendredi à 13 heures et à tout moment sur le Net. »

Arte diffusera le 8 août 2023 à 13 h 00, dans le cadre d'ARTE Regards, "Décriminaliser la drogue, le modèle portugais" de Thomas Dandois. "Au Portugal, les drogués ne sont pas considérés comme des délinquants mais comme des malades qui doivent être soignés. En 2001, le pays a fait le choix de décriminaliser l'usage de toutes les drogues. Une décision qui a entrainé une baisse drastique du nombre de toxicomanes."
 
"Au Portugal, à la chute de la junte militaire en 1975, la drogue devient vite un enjeu de santé publique. Le pays découvre la liberté. Il découvre également la drogue, notamment l'héroïne qui fait des ravages pendant deux décennies. En 2000, le pays compte plus de 100.000 toxicomanes, soit 1% de la population. Toutes les classes sociales sont touchées."

"Le gouvernement adopte un changement radical dans son approche. La loi change. Lorsqu'une personne est interpelée elle est dirigée vers une "commission de dissuasion de la toxicomanie", composée de médecins, de conseillers juridiques et de travailleurs sociaux. On propose un accompagnement médical, social et psychologique personnalisé. Les patients montrant une réelle volonté de sortir de la dépendance peuvent se voir offrir un travail et même un logement pris en charge à 80% par l'État."


« Histoire du trafic de drogue » de Julie Lerat et Christophe Bouquet
France, 2020, 3 X 52’
Coproduction : Arte France, Yami 2, Naoko Films, Umedia et Rtbf 
Visuels :
Champ de pavot
Pablo Escobar
© YAMI
Sur Arte :
1er épisode : les 25 juillet 2023 à 20 h 50, 05 août 2023 à 9 h 25
Visuels :
Gravure montrant des fumeurs d' opium en Indochine
Gravure colorisée du XIXème siècle montrant des fumeurs d' opium de la haute bourgeoisie
© YAMI
2e épisode : les 25 juillet 2023 à 21 h 45, 05 août 2023 à 10 h 20
Visuels :
Mc Coy et Khun Sa
Barons de la drogue au " maxi-procès"
Ville de Corleone en Italie
Opération de découverte d' un laboratoire
© YAMI
3e épisode : les 25 juillet 2023 à 22 h 40, 05 août 2023 à 11 h 15
Visuels :
Militaires à Acapulco
Paysan cultivant de la coca
Inspection d' une fosse en Colombie
© YAMI
Sur arte.tv du 23/06/2023 au 23/08/2023

Allemagne, 2022, 1 h 31
Sur Arte le 25 juillet 2023 à 23 h 35
Sur arte.tv du 24/07/2023 au 22/10/2023
Visuels :
© Getty Images
© Zygote Film/GBF
© Zygote Film/GBF/Getty Images
© Zygote Film/GBF

France, 2021, 33 min
Production : Memento
Sur Arte les 8 août 2023 à 13 h 00, 09 août 2023 à 4 h 05
Disponible du 07/03/2022 au 24/01/2026
Visuels : DR

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