mardi 27 octobre 2020

« 20 juin 1789, le serment du Jeu de paume » de Lucie Cariès

Arte diffusera le 1er novembre 2020, dans le cadre de « Quand l'histoire fait dates » (Zahlen schreiben Geschichte), « 20 juin 1789, le serment du Jeu de paume » (20. Juni 1789, Der Ballhausschwur) de Lucie Cariès. Aspirant à des réformes, le Tiers Etat, une partie du clergé et de la noblesse, convoqués pour les Etats Généraux à la demande du roi Louis XVI, s'étant proclamés « Assemblée nationale ». décident de ne pas se séparer tant qu'ils n'auront pas donné une constitution au royaume de France.
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Nommé au Collège de France en 2015, Patrick Boucheron dirige l’« Histoire mondiale de France » (Seuil, 2017) présentant "les nouvelles grandes dates mondiales qui ont façonné l’hexagone", "mettant en valeur les colonisés et l’islam" et assumant une "islamophilie systématique". Un anti-« Lieux de mémoire » du professeur Pierre Nora.

Un best-seller analysé dans « Histoire de l'islamisation française 1979-2019 » (Ed. L’Artilleur), controversé, critiqué notamment par Pierre Nora (« Politiquement, l’objectif est de lutter, « par une conception pluraliste de l’histoire, contre l’étrécissement identitaire qui domine aujourd’hui le débat public »).

Et fustigé par Eric Zemmour : « En près de 800 pages et 146 dates, on ne déviera pas de la ligne du parti: tout ce qui vient de l’étranger est bon. Les invasions barbares sont des « migrations germanique s» ; la défaite des Gaulois leur permit d’entrer dans la mondialisation romaine ; les conquérants arabes étaient bien plus brillants que les minables défenseurs carolingiens ; les martyrs chrétiens de Lyon venaient d’ailleurs et saint Martin était hongrois. Les théologiens chrétiens doivent tout au grand talmudiste Rachi ; « l’honteux traité de Troyes » de 1420 (qui donnait le royaume de France à la monarchie anglaise) est une heureuse tentative de construire la paix perpétuelle par l’union des couronnes ».


Quant à Alain Finkielkraut, il a estimé : 
« Je découvre, effaré, que ni Rabelais, ni Ronsard, ni La Fontaine, ni Racine, ni Molière, ni Baudelaire, ni Verlaine, ni Proust n’y figurent. Et si Mauriac est cité, ce n’est pas pour son œuvre, c’est pour sa critique honteusement réactionnaire du féminisme. Ainsi s’éclaire le sens de « monde » pour les nouveaux historiens. Mondialiser l’histoire de France, c’est dissoudre ce qu’elle a de spécifique, son identité, son génie propre, dans le grand bain de la mixité, de la diversité, de la mobilité et du métissage. Et c’est répondre au défi islamiste par l’affirmation de notre dette envers l’Islam. De manière générale, l’Histoire mondiale de la France remplace l’identité par l’endettement. Ici doit tout à ailleurs. De la France, patrie littéraire, ce qui surnage, c’est la traduction des Mille et Une Nuits par Antoine Galland et l’audace qui a été la sienne d’ajouter au corpus original des histoires que lui avait racontées un voyageur arabe venu d’Alep.
Instructif aussi est le récit de l’invasion musulmane de 719 à Narbonne, où les cultures se sont mêlées avant que les Francs, hélas, n’arriment par la force cette ville à leur royaume. Ceux qui, en revanche, croient pouvoir mettre au crédit de la France naissante la première traduction latine du Coran par l’abbé de Cluny Pierre le Vénérable en 1143, sont avertis que cette démarche n’était pas inspirée par la curiosité mais par une volonté de dénigrement. Et peu importe le fait que l’Islam de son côté ne pouvait pas même envisager de traduire les Écritures saintes des religions antérieures à son avènement.
Nos éminents universitaires n’ont que l’Autre à la bouche et sous la plume. Ouverture est leur maître mot. Mais ils frappent d’inexistence Cioran, Ionesco, Kundera, Levinas, tous ces étrangers qui ont enrichi notre philosophie et honoré notre littérature. Car c’est à ce «notre» qu’ils veulent faire rendre l’âme...
Le dégoût de l’identité a fait place nette de la culture. Les façonniers de l’Histoire mondiale de la France sont les fossoyeurs du grand héritage français.
« Une histoire libre », dit le journal Libération pour qualifier ce bréviaire de la bien-pensance et de la soumission, cette chronique tout entière asservie aux dogmes du politiquement correct qui ne consacre pas moins de quatorze articles aux intellectuels sans jamais mentionner Raymond Aron, ni Castoriadis, ni Claude Lefort, ni aucun de ceux qui ont médité la catastrophe totalitaire et la bêtise de l’intelligence au XXe siècle…
« Histoire jubilatoire », ajoute Libération. Ce mot – le plus insupportablement bête de la doxa contemporaine – convient particulièrement mal pour une histoire acharnée à priver la France de son rayonnement et à l’amputer de ses merveilles.
Il n’y a pas de civilisation française, la France n’est rien de spécifiquement français: c’est par cette bonne nouvelle que les rédacteurs de ce qui voudrait être le Lavisse du XXIe siècle entendent apaiser la société et contribuer à résoudre la crise du vivre-ensemble.
Quelle misère! »
« Dans cette deuxième saison de la série" « Quand l'histoire fait date », "aussi érudite et ludique que la précédente, le médiéviste Patrick Boucheron, professeur au Collège de France, poursuit son exploration alerte des dates marquantes de l’histoire, des trésors artistiques ornant la grotte de Lascaux, en 18 000 avant notre ère, au coup d’État militaire contre le président chilien Salvador Allende, le 11 septembre 1973 ». 

« Mobilisant son talent de conteur, associé à une animation qui s’appuie sur une riche iconographie, et convoquant éclairages de spécialistes et approche réflexive, l’historien bouscule notre regard sur vingt événements majeurs et les traces qu’ils ont laissées dans les mémoires, en les replaçant dans une perspective globale et en assumant les incertitudes de la science historique ». 

Le Serment du Jeu de paume
« Entrelaçant plaisir du récit, techniques d’animation et esprit critique, Patrick Boucheron dévoile vingt nouvelles enquêtes sur les grandes dates qui ont marqué l’histoire et la mémoire des hommes ».

Afin de trouver une solution à la crise financière qui affaiblit le royaume, le roi Louis XVI organise au printemps 1989 les Etats généraux - noblesse, clergé et Tiers Etat (financiers, marchands, juristes) - qui s'ouvrent les 4-5 mai 1789. 

Le monarque espère qu'y sera votée la levée d'impôts par les 1200 députés réunis et espérant des réformes. C'est la première réunion des Etats généraux depuis... 1614. 

« Que s’est-il passé le 20 juin 1789 à Versailles ? » 

« Chassés de leur lieu de réunion habituel, après s’être autoproclamés "Assemblée nationale", les députés du Tiers Etat, et certains du clergé et de la noblesse, se réfugient dans une salle de sport, le Jeu de paume, où ils jurent de ne pas se séparer avant d’avoir donné une Constitution à la France ».

"Construite en 1686, cette salle de jeu est une propriété privée. La famille royale, et le roi surtout, s'y rendait afin de pratiquer la paume, ancêtre du tennis. Le 7 Brumaire de l'an II (28 octobre 1793), un décret de la Convention acquiert cette salle pour la Nation". 

Cet évènement historique a été peint après 1791 par Jacques-Louis David (1748-1825) dans un tableau conservé au Musée Carnavalet et demeuré inachevé. 

"L'esprit conservateur des ordres privilégiés faisait piétiner les états généraux. De leur côté, les délégués progressistes demandaient le vote par tête, et non par ordre, seul capable d'obtenir des réformes. La situation était encore bloquée le 17 juin 1789, lorsque le tiers état, bientôt rejoint par une partie du clergé, se proclama « Assemblée nationale ». De simples mandataires convoqués pour voter des impôts nouveaux, ils devenaient des députés de la Nation". 

"Pour faire obstacle à cette décision proprement révolutionnaire, la Cour fit fermer, le 20, la salle des séances. Les députés se rendirent alors dans une salle de jeu de paume toute proche. Ils y proclamèrent que, quel que soit le lieu où ils étaient réunis, là se trouvait l'Assemblée nationale, et ils jurèrent solennellement de ne pas se séparer avant d'avoir donné une constitution à la France. Le serment fut signé par tous les représentants sauf un, dont on respecta la liberté d'opinion. Cet épisode fondateur marqua une étape décisive, et il fut largement répercuté par l'image". 

"Au sein de cette vaste iconographie, aucune oeuvre n'eut la force du projet de David. On sait qu'il ne put l'achever, le cours des choses allant plus vite que l'élaboration d'une vaste toile. Il demeure la grande ébauche de Versailles, de nombreux dessins préparatoires et un grand lavis, achevé, qui servit de modèle à l'édition d'une gravure. Le tableau de Carnavalet reproduit sans doute cette oeuvre dont il a les mêmes dimensions. On y voit l'astronome Bailly, président de l'Assemblée, debout sur une table, lisant le texte du serment. Au premier plan, on reconnaît certains protagonistes de cette Révolution commençante, comme Mirabeau, Grégoire ou Barnave. La pose et le bras tendu des députés évoquent le tableau des Horaces, mais il y a ici plus qu'une référence antique. Les acteurs, dont aucun ne nous tourne le dos, semblent jouer leur rôle comme sur une scène de théâtre. Mais il s'agit, ici, du théâtre de l'Histoire". Une oeuvre ambitieuse de commande, au lyrisme affirmé par un peintre néo-classique et député à la Convention.

Ce serment du 17 juin 1789 dans le quartier Saint-Louis, près du château de Versailles, par 300 députés du Tiers Etat, des députés du clergé et de la noblesse lors des Etats généraux de 1789 marque une date majeure dans la Révolution française. 

S'affirme la souveraineté nationale et s'annonce une séparation des pouvoirs.

Les membres unis de ces trois ordres forment une « Assemblée nationale constituante ». 

En résulteront l'abolition des privilèges (4 août 1789), la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen (26 août 1789) - "tous les hommes naissent et demeurent égaux en droit" et que "nul ne doit être inquiété pour ses opinions religieuses" -, et les grands principes de la Constitution (fin 1791).

"Ce que les Juifs obtiennent par les premières réformes de la Révolution c'est le droit de résidence dans n'importe quel point du royaume ; mais au milieu des bouleversements sociaux profonds et multiples qu'entraîne la Révolution, celle possibilité nouvelle ne sera que très rarement utilisée. Les Juifs de Paris n'ont plus à  subir de contrôle spécial et leur droit de résidence dans la capitale n'est plus remis en cause. Ils sont assez nombreux à  s'engager dans la Garde nationale. Les seuls à  pouvoir participer aux opérations électorales locales de 1789 sont les Juifs portugais. Ceux des autres provinces sont seulement admis à  présenter des requêtes exprimant leurs vœux devant l'Assemblée constituante". A Paris, dans les années 1780, les Juifs s'étaient regroupés dans le quartier Saint-André-des-Arts, situé sur la rive gauche de la Seine, près du pont Saint-Michel et de Saint-Germain-des-Prés. Là, ils fréquentaient une synagogue.

"Une première étape en faveur des Juifs est franchie le 28 janvier 1790 quand l'Assemblée constituante accorde les droits de citoyen actif aux Juifs "connus sous le nom de Portugais, Espagnols et Avignonnais... A la veille de se séparer, l'Assemblée constituante finit par voter le 27 septembre 1791 l'abolition de toute discrimination concernant les Juifs. Ce décret s'applique à  tous les Juifs résidant en France, sans exception : il marque leur complète émancipation. Mais le décret exige que, du même coup, les Juifs renoncent à  tout ce qui avait fait d'eux jusqu'ici une minorité solidement organisée. Le terme de "Nation juive" portugaise ou d'Alsace est donc définitivement extirpé du langage ; mais les structures communautaires, les pouvoirs des syndics ou des préposés, les juridictions rabbiniques, les taxations pour les caisses de charité, tout cela est aboli du même coup".

"En dépit des tensions et des antagonismes au sein même des Assemblées révolutionnaires qui succèdent à  la Constituante après septembre 1791, malgré la Terreur et la réaction thermidorienne, le principe de l'émancipation des Juifs n'est plus jamais remis en question. La constitution de l'an III (1795) l'intègre automatiquement, sans discussion nouvelle".

« Le temps retrouvé »
(Arte mag n° 36. Le programme du 29 août au 4 septembre 2020)

« Pour sa deuxième saison, Quand l’histoire fait dates offre une exploration audacieuse de grands événements et de leurs représentations. Entretien avec son concepteur, l’historien Patrick Boucheron. Propos recueillis par Benoît Hervieu-Léger ».

« Quels critères ont guidé votre approche pour ces vingt nouveaux épisodes ?
Patrick Boucheron : Nous avons radicalisé notre proposition initiale ! Depuis sa conception, la série interroge les diverses manières de faire événement.
Elle propose une collection de problèmes davantage que de périodes. Nous avons, cette fois-ci, voulu aller plus loin en retenant des dates dont on cherche l’événement, comme l’an mil. Nous avons joué sur le contre-factuel * dans l’épisode sur la mise à sac du palais d’été de Pékin en 1860. 
Nous avons même poussé l’audace jusqu’à dater un événement qui n’a pas eu lieu. Au IVe siècle, l’empereur Constantin est censé avoir donné la moitié de son empire au pape. Le texte de la donation est un faux. Le non-événement a pris une importance que l’événement réel n’aurait pas eue.

La représentation de l’histoire compterait donc plus que l’histoire elle-même ?
Une date a l’apparence de l’évidence, comme Marignan en 1515.
Or derrière chaque date il y a une petite intrigue aussi captivante à explorer que le récit en soi. C’est pourquoi la série inclut deux fils narratifs : le récit que l’on raconte et nous-mêmes en train de le raconter. Cette approche se lit en particulier dans l’épisode sur la révolution religieuse d’Akhenaton, en Égypte ancienne. À la fin de sa vie, Freud, miné par la maladie et l’exil, a voulu en percer le mystère pour expliquer la montée du nazisme et de l’antisémitisme à son époque. La solution aux énigmes du présent se trouve parfois dans le passé.
L’histoire de l’esclavage et de la colonisation resurgit depuis l’affaire George Floyd.

Un épisode aurait-il pu faire écho à ce présent si enraciné dans le passé ?
La question de la justice et de l’égalité, aiguisée par la crise sanitaire, est abordée avec la Déclaration d’indépendance des États-Unis, en 1776. Ce moment marque la première affirmation des droits universels de l’humain dans un pays dont on sait qu’il détruit les nations indiennes et qu’il deviendra esclavagiste. La “question noire”, déjà traitée dans la première saison avec la libération de Mandela, revient maintenant avec le pèlerinage du roi malien Mansa Moussa en 1324.
Nous aurions certes pu aborder plus frontalement la question de la décolonisation. Elle apparaît malgré tout dans l’épisode sur le massacre des Algériens, à Paris le 17 octobre 1961. L’événement pose clairement la question du racisme, de la violence policière et du legs colonial en France.

* Type de raisonnement qui consiste à imaginer l’issue nouvelle d’un événement historique, après avoir modifié l’une de ses causes. »


France, 27 min
Sur Arte le 1er novembre 2020 à 17 h 35
Disponible du 29/08/2020 au 29/04/2021
Visuels :
Le 20 juin 1789, les députés du Tiers-Etat, réunis dans la salle du Jeu De Paume à Versailles, jurent ensemble de ne plus se séparer tant qu' ils n' auront pas donné de constitution à la France. Que s' est-il réellement passé ce jour-là à Versailles ? Et qui sont ces hommes qui, en se rassemblant, par leur serment, ont imposé le peuple comme corps politique et inventé la souveraineté nationale ?
© Les films d' Ici

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