dimanche 19 mai 2019

Bernard Natan (1886-1943)


Juif roumain, Bernard Natan (1886-1943) arrive en 1906 à Paris. Après un engagement courageux lors de la Première Guerre mondiale, cet entrepreneur français visionnaire développe sa société Rapid films, rachète en 1929 Pathé - une coquille presque vide -, redresse un cinéma français moribond après la Première Guerre moderne, le modernise dans les années 1920 et 1930, révolutionne la technologie cinématographique dans le monde, produit des chefs d’œuvres et édifie un groupe médiatique - cinéma, radio, télévision - florissant malgré la crise économique et les défaillances de banquiers. Ce qui suscite jalousie et convoitise. Rendu responsable de l’effondrement de Pathé en 1935, diffamé, ce producteur passionné est condamné à tort pour fraude en 1939 et 1941. Déchu de sa nationalité, il est livré aux Allemands, et déporté le 25 septembre 1942 à Auschwitz-Birkenau où il est assassiné peu après. Depuis deux décennies, les travaux universitaires de Gilles Willems, « Pathé-Natan. La véritable histoire », par André Rossel-Kirschen, neveu du producteur, "L'Affaire Bernard Natan. Les années sombres du cinéma français" de Dominique Missika, et Natan, documentaire irlandais de Paul Duane et David Cairns, ont réhabilité ce magnat génial et pionnier.  Le 19 mai 2019, de 22 h 35 à 23 h 30, France 5 diffusera "1940 - Main basse sur le cinéma français", de Pierre-Henri Gibert.

Henri Alekan (1909-2001), directeur de la photographie
L'acteur Roschdy Zem, un « coeur qui bat pour la paix » selon SaphirNews

Bernard Natan ? Le « nom de ce juif roumain né Tannenzapf, immigré à Paris en 1905 et assassiné à Auschwitz en 1943, est tombé dans l'oubli ». Arte désignerait-elle ainsi un chrétien ou un musulman dont le nom est oublié ? Et en se trompant sur l'année du meurtre ?

Bernard Natan « fut pourtant le patron du cinéma français dans l'entre-deux guerres. Propriétaire de Pathé, rebaptisé Pathé-Natan, il bâtit des studios rue Francoeur à Paris - qui abritent aujourd'hui la prestigieuse école de cinéma La Fémis -, ouvrit cinquante salles en France et produisit une soixantaine de films, parmi lesquels ceux de Maurice et Jacques Tourneur, Marcel L'Herbier ou René Clair ».

« Juif le plus puissant du cinéma français »
Natan Tannenzaft nait en 1886 à Jassy ou Iasi, dans le royaume de Roumanie, dans une famille juive ayant une cristallerie.

Ce jeune homme arrive en France en 1905.

En 1909, il travaille comme chimiste dans un laboratoire de Charles Pathé, en est renvoyé, puis est engagé comme projectionniste dans une salle de cinéma de la rue Ménilmontant, un quartier populaire à Paris. Là, il rencontre Marie-Louise Chatillon qu’il épouse. Le couple a deux enfants, deux jumelles.

En 1910, il fonde avec trois associés Ciné Actualités, société de production. Bilan : une trentaine de films produits dont L’Adjudant Grinchepi (130 m), À qui le Pôle ? (120 m).

En janvier 1911, Natan Tannenzaft, alors âgé de 25 ans, est condamné à quatre mois de prison pour « outrages aux bonnes mœurs », pour avoir diffusé vers 1910 des films pornographiques. Au vu de la faiblesse de sa condamnation – il encourait une peine de deux ans d’emprisonnement -, il est vraisemblable qu’il a diffusé, comme de nombreuses entreprises cinématographiques, des films « grivois » destinés au public des foires. 

Neveu et biographe de Bernard Natan, André Rossel-Kirschen a visionné les films pornographiques réalisés entre 1920 et 1926 et dans lesquels Bernard Natan aurait joué. Or, l’acteur supposé être Bernard Natan a la vingtaine, alors que Bernard Natan approchait alors de la quarantaine. 

Une condamnation qui alimentera à la fin des années 1930, sous le régime de Vichy et au-delà le mythe de « Bernard Natan pornographe, réalisateur et acteur » de films gays et sado-masochistes. 

En 1913, il fonde un atelier de tirage de films, Rapid Films qui s’imposera parmi les laboratoires cinématographiques les plus importants. 

Il crée aussi Rapid Publicité qui deviendra Jean Mineur, puis Médiamétrie.

De 1914 - déclenchement de la Première Guerre mondiale – à 1916, le royaume de Roumanie choisit la neutralité. Puis il opte pour l’Entente. Occupée par les armées des empires allemand et austro-hongrois ainsi que de la Bulgarie, il capitule, et à la fin du conflit se retrouve dans le camp des vainqueurs.

Dès le 2 août 1914, Natan Tannenzaft s’engage comme volontaire étranger dans la Légion étrangère. Il combat pendant 21 mois au front. En 1916, il est gazé. Cité deux fois à l’ordre de sa division, la 97e. Il est libéré un mois avant la fin de la guerre avec le grade de sergent.

En 1921, ce décoré de la Croix de guerre obtient la nationalité française et prend pour nouveaux prénom et nom Bernard Natan.

Pressentant l’essor du cinéma en France, il assure à Rapid Film un développement rapide et majeur par une intégration verticale : il achète des immeubles de la rue Francoeur et de la rue Cyrano de Bergerac, regroupe dans une même zone ateliers, studios de montage et de production, en particulier des prises de vues des Jeux olympiques de 1924, des matches de tennis et des combats de boxe.

Plein d'imagination, il crée le bonus accompagnant la sortie d'un film, et les premiers spots publicitaires.

Dès 1924, il siège au sein du comité directeur de la Chambre syndicale de la Cinématographie. Trésorier, il en est élu vice-président en 1929.

En 1926, il édifie rue Francoeur deux studios de tournage de films inaugurés par Paul Painlevé, alors ministre de la Guerre, et crée avec Henri Diamant-Berger et le Britannique John Maxwell la société Les Productions Natan qui produit des films tels Education de Prince (1927) par Henri Diamant-Berger, La Madone des Sleeping (1928) de Maurice Gleize et Marco de Gastyne, La Merveilleuse vie de Jeanne d’Arc de Marco Gastine. Il rentabilise ses investissements en co-produisant des films tournés dans ses studios de la rue Francoeur : L’Argent (1928) de Marcel L’Herbier.

Il collabore avec le grand studio hollywoodien Paramount.

En mars 1929, il achète la société Pathé, la plus grande entreprise de cinéma française. En fait, une coquille quasi-vide : Charles Pathé a achevé dès 1928 de céder les actifs de sa société – filiales étrangères, usine de films vierges à Vincennes -, car il ne croyait pas depuis 1918 en la rentabilité de cette activité économique. Restent à Pathé des participations mineures, un atelier de tirage de pellicules à Joinville, une participation dans la société Pathé Baby et la production de Pathé Rural, des appareils de format réduit (17,5 mm) dont l’exploitation depuis un an est déficitaire. Charles Pathé vend pour 50 millions de francs des actions de contrôle de la société Pathé. Une fusion entre Pathé et Rapid Films, qui valait 25 millions de francs de l’époque, rendue possible grâce aux banquiers Bauer & Marchal. La société nouvelle s’appelle Pathé-Natan.

Au début des années 1930, la France est atteinte par la Grande dépression, la crise qui avait éclaté en octobre 1929 aux Etats-Unis. De plus, l’avènement du cinéma parlant induit des problèmes financiers - adaptation des salles de cinéma et des studios de tournage au son, etc. – et artistiques : comédiens à l'excellente diction, dialoguistes ciselant de bons mots.

En quelques années, malgré ce contexte économique déprimé, Bernard Natan construit une grande société cinématographique, de la production à la distribution de films, et modernise le marché français. Comment ? Il achète les 19 salles de cinéma du circuit Fournier, en acquiert ou en construit plusieurs autres dont Le Marignan et L’Ermitage sur les Champs-Elysées. Il dirigera 62 salles de cinéma en France et en Belgique qu’il dote d’équipements sonores grâce au procédé RCA dont il a la licence de distribution en France. De plus, il achète la société Cinéromans, soit sept studios de Joinville, des salles et le contrôle de la société de distribution Pathé Consortium. Équipés pour le parlant, les studios de la rue Francoeur et de Joinville sont réputés pour leur modernité. En outre, Bernard Natan et son frère Emile vont produire les premiers films français parlants : Les Trois Masques et Chiqué.

Bernard Natan acquiert un autre studio, la Société des cinéromans d’Arthur Bernède et Gaston Leroux, ce qui adjoint la manufacture électronique et la projection. 

La presse française fustige Natan dans des articles à relents antisémites.

De 1929 à 1935, la compagnie Pathé-Natan engrange 100 millions de francs de profits, et produit plus de 70 films : Le Roi des resquilleurs (1930) de Pierre Colombier avec Georges Milton et Hélène Perdrière, Au nom de la Loi (1932) de Maurice Tourneur avec Gabriel Gabrio et Charles Vanel, Les Croix de bois (1932) de Raymond Bernard avec Pierre Blanchar, Charles Vanel, Raymond Aimos, Antonin Artaud et Paul Azaïs, Les Misérables (1934) de Raymond Bernard, sur une musique d’Arthur Honegger, avec Harry Baur, Charles Vanel, Orane Demazis et Jean Servais. Les meilleurs artistes - Marcel L'Herbier, Jacques de Baroncelli, René Clair, Jean Grémillon, Jacques Prévert, Maurice et Jacques Tourneur – créent des chefs d’œuvres et de jeunes acteurs – Jean Gabin, Gisèle Casadesus et Renée Saint-Cyr - débutent grâce à Bernard Natan. Natan ouvre aussi une cinquantaine de salles de cinéma.

A l'instar des studios hollywoodiens, Bernard Natan dispose de ses studios modernes à Paris et à Joinville, d'équipes artistiques et techniques fidèles, et distribue les versions françaises de films étrangers, dont les dessins animés de Mickey Mouse produits par Walt Disney.

Et assure la post-synchronisation (doublage) de nombreux classiques étrangers, comme M le maudit, de Fritz Lang.

Bernard Natan relance la production des films d'actualité Pathé Journal, qui avaient disparu en 1927, et développe Pathé Rural par des films sonores. Sans oublier les projecteurs Pathé-Baby, à usage amateur et familial.

A L’Ermitage, Bernard Natan diffuse des films d’art et d’essai.

Ce visionnaire érudit et père affectueux achète les brevets du Pr Chrétien pour l'Hypergonar, futur cinémascope, et ceux de télévision Baird, ainsi qu’un poste de radiodiffusion : Radio Ile de France.

En novembre 1929, il crée la première compagnie de télévision en France baptisée Télévision- Baird-Natan.


En 1930, avec Fernand Vitus, il s’empare de Radio Vitus, stadio de radio parisienne, et crée une société anonyme, Radio-Natan-Vitus, qui s’imposera en empire radiophonique.

Ce programme ambitieux a été financé par une augmentation de capital – de 55 à 160 millions de francs – et l’émission de 100 millions d’obligations. Les banquiers Bauer et Marchal y contribuent à hauteur de la moitié. Pour pallier à la crise de trésorerie générée par l’absence d’octroi de crédits, des irrégularités sont commises, qui susciteront des poursuites pénales.

Natan veut promouvoir un cinéma français, face au cinéma américain à une époque d'essor de la radio, de balbutiements de la télévision, d'une presse populaire aux tirages élevés. Dans son groupe, il emploie plusieurs membres de sa famille. Le cinéma offre alors un spectacle complet - attractions, actualités, films - à un public large.. Paradoxalement, ses films n'ont pas été distribués aux Etats-Unis. Mais certaines scènes de bataille des Croix de bois ont été réutilisées par Hollywood.

Généreux, discret, il envoie régulièrement et anonymement un chèque à Méliès, un des pionniers du cinéma, qui, ruiné, tenait un modeste stand de jouets à la gare Montparnasse (Paris).

« Affaire Dreyfus du cinéma »
« Dès la fin de 1930, des manœuvres avérées sont entreprises par des industriels (avec, semble-t-il, la collaboration de Charles Pathé) pour récupérer à bon compte la société Pathé et ses nouveaux actifs. Une violente campagne de presse à tonalité antisémite et xénophobe est déclenchée. On annonce tous les ans la déconfiture de la société qui survit pourtant en cette période de crise générale. Au début de 1936, à la suite de manœuvres tortueuses, le Tribunal de Commerce nomme un administrateur provisoire qui s'empresse de déclarer la faillite : « Le passif estimé à 60 millions de francs ne pourra jamais être comblé », déclare le Tribunal. Bernard Natan, évincé de la société (qui contrairement à la légende poursuit son activité bénéficiaire), va s'efforcer de continuer à produire un grand nombre de films : La Maison du Maltais, Katia, Cavalcade d’Amour, etc. dans les studios de Saint-Maurice dont Paramount lui a cédé la concession. Son frère Émile a de son côté fondé la société Les Films Modernes qui réalisera plusieurs films couronnés de succès : Mayerling, Le Roi, Quadrille, et après-guerre : Trois Télégrammes, Manèges, Violettes Impériales, jusqu'à sa mort en 1962. La bataille pour le contrôle de la société va entraîner l'arrestation de Bernard Natan fin décembre 1938, à une époque où la propagande antisémite connaît des sommets difficiles à imaginer de nos jours. Il sera condamné en 1939 et en 1941. Déchu de la nationalité française, il sera livré [par le régime de Vichy] aux Allemands et déporté le 25 septembre 1942 à Auschwitz » où il est assassiné quelques semaines plus tard, relate André Rossel-Kirschen, neveu (1926-2007) et biographe de Bernard Natan. 

Et d’ajouter : « Entre temps, la Société Nouvelle, créée pour l'exploitation de Pathé Cinéma, découvre qu'il n'y a pas de passif, qu'elle a toujours été bénéficiaire, et qu'elle est en mesure de rembourser (avec paiement d'indemnités de retard) les créanciers et les possesseurs d'obligations. L'affaire (dont 90% des actifs sont constitués par les apports de Bernard Natan) va poursuivre, avec des hauts et des bas, son activité jusqu'à son rachat par Chargeurs en 1992, pour 1 milliard 200 millions de francs. Mais la légende de « l'escroc Natan, responsable du détournement de centaines de millions de francs, qui a ruiné l'Empire Pathé », va prospérer et est toujours présente dans toutes les histoires du cinéma ».

Agent principal hostile à Bernard Natan, Robert Dirler a des accointances avec l'Allemagne nazie. Il est nommé à la tête de Pathé Cinéma, et le soir-même le tribunal de commerce prononce la liquidation de l'affaire. Des journalistes, dont Marcel Lapierre, se servent de rumeurs pour diffamer Bernard Natan, le discréditer sans étayer leurs allégations. Le journal Match crée la légende de "Natan acteur pornographe".

Confiant en la justice française, Natan reste en France. "Ses ennemis veulent le déposséder de ses biens et arrivent à leur fin. Il fallait des boucs-émissaires", observe Serge Klarsfeld, qui insiste sur le succès éclatant de Natan.

Cette cabale antisémite nourrie par une presse souvent stipendiée a incité des historiens à qualifier l’affaire Natan d’« affaire Dreyfus du cinéma ». Natan ne trouve d'appui ni à gauche ni à droite. Qui propageait ces rumeurs ? Charles Pathé ? Pas de preuve. D'anciens rivaux ?


« Ces rumeurs étaient destinées à le détruire », précise Serge Bromberg, spécialiste des débuts du septième art.


En 1938, Natan est arrêté. Il explique avoir payé les dettes en déposant un brevet. Sous la IIIe République, il est condamné pour escroquerie à 4-5 ans de prison.

Filmé lors d'une audience judiciaire, Bernard Natan tente de cacher son visage derrière un journal, puis déclare : "Ce n'est pas une comédie. C'est une tragédie". Mais sa voix est trafiquée pour ressembler à celle nasillard de Mickey.

La défaite de la France en 1940 est imputée aux Juifs par les antisémites. En 1941, sous le régime de Vichy, les Allemands montent l'exposition Le Juif et la France qui attire élèves et adultes, ainsi que des Juifs curieux. L'exposition antisémite souligne "l'influence des Juifs dans les activités économiques. Le visage de Natan y apparaît plus grand que celui des autres, comme un prédateur", explique Serge Klarsfeld, président des Fils et filles des déportés juifs de France (FFDJF).

Le 9 septembre 1942, Bernard Natan écrit une dernière lettre bouleversante à ses filles.

Déportation
Déchu de la nationalité française, il devient apatride, et envoyé au camp de Drancy, un camp de transit situé près de Paris et surveillé par des policiers français. Le 23 septembre 1942, la veille de la première rafle contre les Juifs roumains, la justice française le livre aux Allemands. Le 25 septembre 1942, le convoi 37 transporte notamment Bernard Natan au camp d'Auschwitz-Birkenau. La Gestapo informe Eichmann sur Natan. Avec René Blum, frère de l'ancien Président du Conseil socialiste Léon Blum, c'est la seule personnalité française sur laquelle une information sera communiquée à la hiérarchie nazie.

Le 28 janvier 1943, Natan parvient à écrire à sa famille. Il est tué en 1943. La date exacte de son assassinat est inconnue.

Réhabilitation tardive
En 1944 et 1948, Pathé engage des poursuites judiciaires contre Bernard Natan, qui est condamné par contumace en 1949, donc, sous la IVe République, dans une France républicaine.

Pendant plus d’un demi-siècle, historiens du cinéma – Maurice Bardèche et Robert Brasillach -, journalistes – Michel Boujut -, dictionnaires du cinéma (Larousse), universitaires - Charles Slade - ont véhiculé l’image fausse de « l’escroc » Bernard Natan.

Les travaux universitaires de Gilles Willems dans les années 1990, « Pathé-Natan. La véritable histoire », par André Rossel-Kirschen, neveu du producteur Bernard Natan et résistant, en 2004 ainsi que Natan, documentaire irlandais de Paul Duane et David Cairns en 2013 et promu par le producteur et historien du cinéma Serge Bromberg, ont réhabilité Bernard Natan, magnat génial et pionnier : « À travers des archives rares, mais aussi le témoignage émouvant de ses petites-filles et l'éclairage d'historiens, ce documentaire retrace l'extraordinaire et tragique destin d'une des figures les plus marquantes, et pourtant oubliée, du cinéma mondial ». Grâce leur en soit rendue. Curieusement, aucun documentariste français n’a été réalisé sur Bernard Natan.


Un hommage à Bernard Natan, a été rendu le 26 novembre, à 18 h au siège de la Fémis (Ecole nationale supérieure des métiers de l'image et du son), 6 rue Francoeur, 75018 Paris, qui abrita la société Rapid films, dirigée par Bernard Natan, Juif français né en Roumaniepionnier visionnaire du cinéma français, producteur talentueux, spolié - une spoliation évoquant celle du Dr Lionel KriefÉtaient présents Françoise Ickowicz et Lenick Philippot, petites-filles de Bernard Natan, Serge Klarsfeld, dont l’oncle Henry était un ami de Bernard Natan, Jérôme Seydoux, dirigeant de Pathé, et Frédérique Bredin, présidente du CNC (Centre national du cinéma). Rien n'indique dans la plaque la judéité de Bernard Natan.

Présenté depuis 2013 dans de nombreux festivals, Natan, documentaire irlandais de Paul Duane et David Cairns, est diffusé pour la première et l’unique fois par Arte à… la mi-août 2016, et en deuxième partie de soirée.

"Natan le fantôme de la rue Francoeur"
Les 9 et 16 juillet 2017, Ciné + Classic diffusa Natan, le fantôme de la rue Francoeur, documentaire de Francis Gendron (2016). "En 1927, Bernard Natan, Français d'origine roumaine, né Natan Tannenzapf, inaugure les studios de cinéma de Montmartre. Quelques années plus tard, il prend la direction de la firme Pathé qui devient Pathé Natan. Très vite, il propulse "la firme au coq" dans une vaste réorganisation industrielle. Bernard Natan va profondément réorganiser l'entreprise et en assurer le succès. Mais la crise des années 1930 plonge l'économie française dans la tourmente. Les industries du cinéma ne sont pas épargnées. Pathé Natan devient la proie de divers repreneurs tandis que la presse quotidienne d’extrême droite et antisémite mène campagne pour détruire la légitimité de son chef, qui finira devant les tribunaux. En butte à une campagne antisémite, Bernard Natan, devenu "le juif le plus haï de France", est placé sous mandat de dépôt en 1938. Déchu de sa nationalité française par le Maréchal Pétain, il est extrait de prison le 23 septembre 1942 par la police française et livré aux autorités allemandes du camp de Drancy, d'où il est déporté vers Auschwitz-Birkenau, où il mourra deux mois plus tard". Le 10 mars 2019, à 22 h, viàGrandParis diffusera Natan, le fantôme de la rue Frankoeur de Francis Gendron.

Le 2 octobre 2017, de 19 h 30 à 22 h, FARBAND – Union des Sociétés Juives de France (Farband-USJF) proposa la projection de Natan, le fantôme de la rue Francoeur, de Francis Gendron, en présence de Francis Gendron et d'Alain Braun, réalisateur. Cette vidéo-projection était précédée d'un buffet casher et suivie de thé, café, pâtisseries. "Après une trilogie sur les producteurs et un film sur Jean Zay, ministre du cinéma,  Francis Gendron dresse ici le portrait d’un des personnages les plus importants de l’industrie cinématographique de l’avant-guerre, oublié des historiens du cinéma. Bernard Natan, né Natan Tannenzaft le 18 juillet 1886 de parents juifs à Iași en Roumanie, est un producteur franco-roumain qui a contribué à fonder l'industrie du cinéma en France. En février 1929, il acquiert la société Pathé, qui est alors la plus grande compagnie de cinéma de France. Très vite, Bernard Natan propulse "la firme au coq" dans une vaste réorganisation industrielle. Il construit le plus grand réseau de salles de cinéma, produit plus de 65 longs-métrages de fiction, modernise les studios et les salles pour les adapter au cinéma parlant. Il relance le Pathé Journal. Le succès est si évident que la Revue cinématographique française lui consacre un numéro spécial en 1934 : « Une grande firme, un chef, Bernard Natan ».  Mais la reprise de Bernard Natan coïncide avec la Grande Dépression de 1929 qui atteint tous les secteurs de l'économie alors que Pathé subissait déjà une situation financière difficile. Et il  est attaqué sans répit par la presse française qui critique sa façon de diriger son groupe. Plusieurs de ces attaques sont d'ordre antisémite. Il devient « le juif le plus haï de France ». En 1935 Pathé tombe en banqueroute. Les autorités françaises inculpent Bernard Natan pour escroquerie. Il est accusé d'avoir créé des sociétés fictives, et de mauvaise gestion des affaires. On l'accuse même d'avoir caché ses origines roumaines et juives en changeant de nom. Il est arrêté et emprisonné en 1939. En 1942, il est déchu de la nationalité française et, apatride, est envoyé au camp de Drancy. Le gouvernement français le livre ensuite aux forces d'Occupation allemandes le 23 septembre 1942. Il est alors envoyé au camp de concentration d'Auschwitz, par le Convoi No. 37, en date du 25 septembre 1942, où il meurt quelques mois plus tard, probablement en 1943. Son nom roumain, Natan Tannenzapf, figure sur le mur des noms du Mémorial de la Shoah".

Le 10 mars 2019, viàGrandParis diffusa Natan, le fantôme de la rue Frankoeur de Francis Gendron.

Sorti le 19 juin 2019, ce film est projeté au cinéma le Saint-André des Arts. "Natan, Le fantôme de la rue Francoeur, de Francis Gendron (2018, 1h22). "En août 1929 Pathé Cinéma ouvre un nouveau chapitre dans l’histoire du cinéma français. L’Assemblée extraordinaire de la société approuve le plan de redéploiement de la firme proposé par Bernard Natan, le nouvel administrateur délégué. Sa première déclaration aux actionnaires est d’une grande clarté : « L’avènement du film parlant est venu donner à l’industrie cinématographique une cadence plus rapide, il faut nous adapter avec la même rapidité à cette cadence. L’invention du film sonore et parlant a tout ramené à zéro ». Tout ce qui manque à cette société pour redevenir la première firme française va être créé. Rapidement, sous la nouvelle enseigne Pathé Natan, la compagnie acquiert les studios de Joinville, réorganise ceux de Montmartre et installe et perfectionne la technique sonore dans tous les secteurs afin de posséder les meilleurs instruments de production existants. Par un investissement considérable, Pathé Natan se dote du plus important circuit d’exploitation, lequel accueille chaque semaine plus de 500 000 spectateurs dans des salles sonorisées et modernisées. Des liaisons efficaces sont organisées entre les départements de production afin de ne plus laisser les films dormir longtemps dans leurs boîtes. Pathé Natan, tout en améliorant la qualité de sa production, obtient des succès populaires considérables avec des films tels que : Accusée, levez-vous !, Le roi des resquilleurs."

"En 1931, Pathé Natan a reconstruit l’empire Pathé des années 1910 et renforce ainsi le prestige de la firme Pathé. Bernard Natan est considéré comme le producteur le plus clairvoyant et tenace de l’industrie. Il est aussi, par ailleurs, l’homme le plus critiqué, attaqué et calomnié du cinéma français. À plusieurs reprises, le pacte entre les actionnaires subit les assauts des membres minoritaires du Conseil d’administration. En 1932, la confiance traduite par un investissement cumulé de plusieurs dizaines de millions apporte de nouvelles possibilités. Ces fonds permettent de poursuivre les activités de la maison mère et ses filiales ; ils placent Pathé Natan dans une dynamique d’innovation sur l’ensemble du périmètre cinématographique. L’écran large, la couleur, la télévision sont l’objet de recherches et sont présentés lors d’événementiels au grand public (Foire de Paris, Journées nationales du cinéma). Cet état de veille permanent aux innovations ouvre un futur au monde cinématographique tant du point de vue technique, qu’artistique ou économique".

"Pour populariser l’ensemble de ses activités, Natan s’adresse aux spectateurs de cinéma. Il lance le magazine L’image confié à Roland Dorgelès et Le Cinéma partout et pour tous destiné aux abonnés du format 9.5 mm (Pathé Kid). Afin d’écarter les problèmes de trésorerie inhérent au plan de développement décidé par les assemblées statutaires, Natan recherche inlassablement des financements supplémentaires. Fin 1932, la crise économique et sociale frappe à son tour la France et entraîne la baisse de fréquentation des salles déclenchant un marasme dans le cinéma français. En 1934, plusieurs sociétés sont en faillite ou en liquidation judiciaire. La maison Pathé Natan semble résister mieux que toutes les autres. Mais en 1935, un coup mortel lui est porté par le Crédit du Nord qui refuse de lui accorder les crédits saisonniers. La raison évoquée par le banquier est la chute de l’action cinématographique en Bourse. Cela provoque la démission de Natan. Aux diffamations et rumeurs classiques s’ajoute un antisémitisme d’une violence inouïe venue de l’extrême droite antiparlementaire, lors du procès de l’affaire SEBAGI où il est condamné à quatre ans de prison."

"Sous le gouvernement de Vichy, Natan devient l’objet d’une haine totale. En 1942, il est « le Juif le plus haï de France ». Il est frappé de la déchéance de la nationalité en mars 1942 et le 23 septembre, il est saisi par la Police de la 5ème section et remis aux autorités allemandes de Drancy. Le 25 septembre, il est dans le convoi n° 37 parmi les 1004 Juifs français et étrangers à prendre la destination d’Auschwitz. Le même jour, le commandant du camp Rothke envoie un télex à Adolf Eichmann pour lui confirmer que « le producteur de films à scandale Natan Tanenzapf, déchu de la nationalité française, est bien dans le convoi 37 qui part pour Auschwitz ».

"Le documentaire Natan le fantôme de la rue Francoeur raconte la véritable histoire de Bernard Natan, resté pendant plus de 80 années enfermé dans la légende noire de l’escroc juif pornographe. Ce film apporte plusieurs documents inédits. Les témoignages des petites filles de Bernard Natan Lenick et Françoise relatent l’enfance de leur grand-père et précisent l’environnement familial et social de Bernard Natan à Jassi en Roumanie. D’autres personnalités, en rapport avec l’activité cinématographique, interviennent : Lucien Aguettand, chef décorateur de plus de 100 films, décrit l’organisation des studios Pathé Natan de Montmartre et de Joinville. Marco de Gastyne, réalisateur de la super production La merveilleuse vie de Jeanne d’Arcdresse un portrait de Bernard Natan et Raymond Bernard, grand réalisateur de l’époque, raconte les objectifs de Natan lorsqu’il lui demande de réaliser Les Croix de bois et le triptyque de l’adaptation des Misérables. Max Douy, célèbre décorateur (Le diable au corps, de Claude Autant-Lara) décrit la rigueur du travail des studios Natan au début des années 30. Charles Vanel, l’imposant acteur de Pathé Natan, livre quelques secrets de tournage de nombreux films, notamment pour les Gaîtés de l’escadron avec Gabin, Raimu et Fernandel. Enfin, l’historien Jacques Choukroun, spécialiste de l’histoire économique du cinéma français (1928- 1939), inscrit l’intervention de Lucien Rebatet dans la mise en place du concept de l’escroc juif paru notamment dans le brûlot Les tribus juives du cinéma en 1942. Au Mémorial de la Shoah, face au Mur des Noms, Serge Klarsfeld fondateur de l’association « Fils et filles de déportés juifs de France » éclaire par son témoignage, les fondements de la haine portée sur Bernard Natan. Plusieurs documents issus de la Fondation Pathé Seydoux, des Archives Nationales, de la Cinémathèque française, de la Police et issus de Lobster Films restituent l’histoire de l’animateur du cinéma français Bernard Natan. Le film s’achève par la lecture dramatique de la lettre de Natan écrite en prison à l’attention du ministre de la justice du régime de Vichy."



"Le Fantôme du cinéma français"
La Manufacture des livres a publié en janvier 2021 "Le Fantôme du cinéma français. Gloire et chute de Bernard Natan" de Philippe Durant. "Bernard Natan, émigré d’origine roumaine, a 34 ans quand il fonde sa première société de production cinématographique. Entrepreneur visionnaire, passionné par le 7ème art et certain de son essor malgré les crises économiques et politiques de l’entre-deux guerres, il investit sans relâche, modernise, transforme en précurseur. Production, diffusion, premiers films parlants, importation des dessins animés de Walt Disney en France, il est de toutes les avancées modernes du grand et du petit écrans, à l’instar des Goldwyn, Mayer et Warner américains. Il acquiert en 1929 le groupe Pathé qu’il tentera de sortir de la faillite. Ses difficultés économiques, les attaques constantes des médias et une cabale publique sur fond d’antisémitisme, le conduiront à son emprisonnement en 1939 puis à sa déportation en 1942, jusqu’à sa mort dans le camp d’Auschwitz. Personnage fascinant et pilier français du cinéma des années 1920 et 1930, Bernard Natan deviendra le monstre sacré oublié du cinéma, l’investisseur génial dont la mémoire fut sacrifiée aux heures noires de l’Histoire."

Alfred Greven
Le 19 mai 2019, de 22 h 35 à 23 h 30, France 5 diffusa "1940 - Main basse sur le cinéma français", de Pierre-Henri Gibert. "En 1940 naît à Paris la Continental, société de production de films créée par l'occupant. A sa tête, Alfred Greven, producteur cinéphile et homme d'affaires opportuniste. Pendant les années d'occupation, sous les directives de Goebbels, il s'assure les services des meilleurs artistes et techniciens du cinéma français pour produire des films à succès, hautement divertissants, et, stratégiquement, sans aucun message de propagande. En parallèle, il profite de la spoliation des biens juifs pour racheter cinémas, studios et laboratoires, et prendre ainsi le contrôle de toute la chaîne de fabrication des films. Son objectif est de créer un second Hollywood en Europe".

"L'Affaire Bernard Natan"
En 2023, Denoël a publié "L'Affaire Bernard Natan. Les années sombres du cinéma français" de Dominique Missika.

"À la tête de la firme Pathé-Natan, Bernard Natan règne sur le cinéma français des années 1930. Victime d’une campagne de presse, il est lynché, lâché, emprisonné et disparaît en 1942.
Qui était Bernard Natan ? Un capitaine d’industrie, un visionnaire, un fou de cinéma ? En 1929, il succède à Charles Pathé à la tête de la firme qu’il fait prospérer. Moderniser, produire, distribuer, rien ne lui résiste. Bernard Natan est de toutes les révolutions du septième art : le parlant, la couleur, les premiers dessins animés de Walt Disney…"

"Mais dans la France des années 1930, l’extrême droite se déchaîne contre ce Juif roumain né Nahum Tanenzaph. Sous l’Occupation, l’ancien combattant de la Grande Guerre est la cible de la presse collaborationniste. Emprisonné pour une affaire financière, il est déchu de sa nationalité par Vichy à la suite d’un procès fantoche, déporté et assassiné à Auschwitz."

"Celui qui fut l’un des pionniers du septième art a été effacé. En puisant dans les archives, Dominique Missika braque les projecteurs sur celui qui est devenu une « légende noire ». Elle en tire un récit poignant qui remet le nom de Bernard Natan à sa juste place au générique de l’histoire du cinéma français."

"Une légende oubliée du cinéma français enfin réhabilitée."


Dominique Missika, "L'Affaire Bernard Natan. Les années sombres du cinéma français". 2023. 256 pages. 140 x 205 mm. EAN : 9782207178621. 20.00 € 
  
Philippe Durant, "Le Fantôme du cinéma français. Gloire et chute de Bernard Natan". La Manufacture des livres, 2021. 208 pages. Cahier-photos 8 pages couleursISBN 978-2-35887-714-5

André Rossel-Kirschen, Pathé-Natan. La véritable histoire. Les Indépendants du 1er siècle, Pilote 24, 2004. 302 pages. 978-2912347404

Screenworks, Irlande, 2013, 66 min
Sur Arte le 16 août 2016 à 22 h 20

Visuels : © Screenworks

Articles sur ce blog concernant :
Articles in English
Les citations non sourcées sont d'Arte. Cet article a été publié le 16 août 2016, puis les 9 juillet et 2 octobre 2017, 19 mai 2019.

3 commentaires:

  1. Edifiant mais triste de voir cet acharnement contre Natan Bernard.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. "Et assure la post-synchronisation (doublage) de nombreux classiques étrangers, comme M le maudit, de Fritz Lang."

      Bizarre d'écrire ça sachant que le film a été tourné en allemand et aussi en français avec des acteurs français !!

      PS : Vous ne trouvez pas que cette réhabilitation tourne à la béatification ?

      Supprimer
    2. Pourriez-vous me donner des informations sur la version française de "M le Maudit" ? Merci d'avance.
      En quoi mon article serait-il une "béatification" ?

      Supprimer