dimanche 29 avril 2018

Destinations Auschwitz. Convois des déportés tatoués


En 2002, le Mémorial-musée du maréchal Leclerc a rendu hommage à 4 500 hommes et femmes déportés de Compiègne (France) à Auschwitz (Pologne) en raison de leur engagement dans la Résistance. 82 000 Français ont été déportés au titre de la répression. Cartes, affiches, livres, photographies, journaux, témoignages audiovisuels et objets façonnés par les déportés (actes de résistance et de préservation de la dignité) présentent le contexte historique et la vie dans les camps. Didactique, cette exposition s’attachait aussi aux déportés envoyés à Auschwitz depuis les camps de Dachau, Mauthausen et Buchenwald. Un catalogue accompagnait l’exposition. Article republié en cette Journée de la commémoration des héros, victimes de la déportation dans les camps de concentration au cours de la guerre 1939-1945.
« Le nom d’Auschwitz reste associé au génocide des Juifs et des Tziganes. Ce complexe concentrationnaire a aussi été la destination de 4 500 hommes et femmes déportés au titre de la répression. Ce sont les « déportés tatoués » ainsi appelés car le numéro de matricule était tatoué sur leur avant-bras gauche. C’était le signe distinctif d’un passage par Auschwitz », camp de concentration, centre d’extermination dans les chambres à gaz et vaste complexe industriel. Les autres déportés avaient un matricule qui était « soit un bracelet soit un numéro cousu sur leur veste. Tous ces déportés ont été les témoins oculaires du génocide  ».

Cette exposition didactique retrace l’histoire des trois convois des 6 juillet 1942, 24 janvier 1943 (composé de 230 femmes) et 27 avril 1944, partis de Compiègne. Ils emportaient Marie-Claude Vaillant-Couturier, Danielle Casanova, l’écrivain Charlotte Delbo, le poète et journaliste Robert Desnos, Hélène Solomon (fille de Paul Langevin), des ouvriers, patrons d’entreprises, étudiants, artisans, prêtres, employés, lycéens, députés, journalistes (Max Rénier), etc. Toutes « régions de France, religions et familles politiques » confondues.

Est aussi décrit le « contexte général du système concentrationnaire nazi pendant la guerre et de la répression exercée par le gouvernement de Vichy complice de l’occupant à l’égard des résistants » (Christine Levisse-Touzé).

En mars 1933, les SA humilient publiquement Bernard Kuhnt, député social démocrate, traîné dans un tombereau à ordures dans Chemnitz. La lecture du statut des Juifs du 3 octobre 1940 glace : court, concis, pris sans aucune pression allemande, ce texte définit la « race juive » qu’il exclut de pratiquement toutes les fonctions, publiques ou privées. En 1939, un Livre blanc publié en Grande-Bretagne dénonce les atrocités commises par les Nazis dans les camps d’internement. Sont aussi affichés des photos de déportés, des textes de Primo Levi et Robert Antelme, etc.

La consultation d’un CD-Rom permet d’approfondir certains thèmes.


Destinations Auschwitz, Des déportés tatoués, par le Mémorial du Mal Leclerc et le Musée Jean Moulin. Ed. Paris-Musées

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Cet article a été publié par Actualité juive. Il a été publié sur ce blog le 29 mars 2016.

dimanche 22 avril 2018

« Martin Buber, itinéraire d'un humaniste » par Pierre-Henry Salfati


« Martin Buber, itinéraire d'un humaniste » (Martin Buber, Religionsphilosoph und Humanist) est un documentaire par Pierre-Henry Salfati. Une exploration de la vie et de la pensée de Martin Buber (1878-1965), philosophe, conteur et pédagogue juif né à Vienne et mort à Jérusalem. Une œuvre féconde résultant d’une pensée dense articulée autour du dialogue avec l’autre.  Arte rediffusera ce documentaire le 25 avril 2018 à 2 h 10.

« Toute sa vie, ce militant du parti des « Juifs heureux » (contre une conception lacrymale de l'histoire du Judaïsme) a promu un sionisme humaniste et une religion ouverte à l'autre ».

« Étrangement méconnu en France, le philosophe Martin Buber (1878-1965) est l'un des penseurs majeurs du judaïsme au XXe siècle ». « L'émergence du sionisme, le nazisme et la création de l'État d'Israël ont particulièrement nourri et habité sa réflexion ».

« Témoin du conflit judéo-arabe, il a été le premier à plaider pour une solution à deux États. À travers ses écrits, il n'a cessé d'appeler au respect des populations du Proche-Orient, en mettant en garde Israël et ses alliés contre les risques encourus ».

Dialogue
Né dans une famille juive viennoise – son grand-père, vivant en Galicie, était renommé pour son savoir concernant la tradition et la littératures juives -, Martin Buber maîtrise plusieurs langues dès l’enfance : allemand, yiddish, hébreu, français, polonais. Une enfance marquée par le divorce de ses parents et son rapprochement avec ses grands-parents qui l’élèvent. Buber  découvre la Haskala (Lumières juives) et le hassidisme (mouvement de renouveau juif fondé au XVIIIe siècle).

Lors de sa période d’éloignement du judaïsme, il étudie Kant et Nietzsche.

En 1896, il étudie à Vienne la philosophie et l’histoire de l’art.

Deux ans plus tard, il s’engage dans le mouvement sioniste. Il diverge avec Theodor Herzl sur la voie, politique et culturelle, à suivre. Il souligne l’importance de créer des bibliothèques et musées juifs, fonder une université hébraïque…

A Zurich, il fait la connaissance de Paula Winkler, qu’il épousera. Un mariage durable, jusqu’au décès de son épouse en 1958.

En 1902, il publie Der Jude, magazine sioniste.

Après avoir (re)découvert le judaïsme hassidique en 1903, il se distancie du mouvement sioniste et s’attelle à son œuvre. L’année suivante, parait sa thèse Beiträge zur Geschichte des Individuationsproblems (« Contributions à l'histoire du problème de l'individuation »).

Suivent Die Geschichten des Rabbi Nachman (1906), recueil sur le rabbi Nahman de Bratslav, figure du mouvement hassidique, Die Legende des Baalschem (La Légende du Baal Shem Tov, 1908), fondateur du hassidisme. Buber s’intéresse aussi à l’analyse des mythes.

En 1908, avec Gustav Landauer, Erich Mühsam et Margarethe Faas-Hardegger, il est parmi les fondateurs de la Sozialistischer Bund.

Lors de la Première Guerre mondiale, il contribue à fonder la Commission nationale juive qui vise à améliorer les conditions de vie des Juifs d’Europe de l’Est.

En 1921, avec le philosophe Franz Rosenzweig dont vient de paraître L’Etoile de la Rédemption, il crée Freies Jüdisches Lehrhaus, « Libre maison d’études juives » à Francfort.

1923 marque la publication de Ich Und Du (Je et Tu).

Après avoir mis un terme à Der Jude en 1924, Buber initie avec Rosenzweig la traduction de la Bible de l’hébreu en allemand - Verdeutschung (« germanification »).

Il débute son enseignement de la philosophie religieuse juive à l'université Johann Wolfgang Goethe de Francfort-sur-le-Main.

L’avènement du nazisme met un terme à son activité professorale.

Buber met en place l’organisme central d’éducation adulte juive.

En 1938, il fait son aliyah. Il enseigne la sociologie à l’université hébraïque de Jérusalem, et œuvre au sein du parti Yi’houd à l’amélioration des relations entre Juifs et Arabes en Palestine sous mandat britannique. Il prône alors un Etat bi-national et démocratique en Eretz Israel.



1946 voit la publication des Voies de l’Utopie de Buber.

C’est la période où Buber donne des conférences en Europe et aux Etats-Unis, et entame un processus de resserrement des relations avec les intellectuels allemands.

En 1951, le Prix Goethe de l’université de Hambourg couronne son œuvre centrée sur la rencontre essentielle dans toute vie, le dialogue fondé sur deux bases – réciprocité et responsabilité - et la religion. L’être humain se construit dans le dialogue avec l’autre, en découvrant « l’altérité d’autrui ».

Martin Buber « a échangé des milliers de lettres avec les plus brillants esprits du siècle dernier. Son ouvrage majeur, Je et tu, a nourri les discours de Martin Luther King et les chansons de Leonard Cohen ».

Le Prix Israël en 1958 et le Prix Erasme à Amsterdam en 1963 distinguent cet intellectuel qui décède en 1965 à Jérusalem.

Pierre Henry Salfati (Je suis venu vous dire...) a réalisé un des premiers documentaires « consacrés à ce grand penseur. Il y « retrace son parcours et fait résonner sa voix à partir d'archives inédites, couplées à des témoignages de chercheurs et d'universitaires ».

On ne peut que déplorer les horaires tardifs de diffusion.

Dans La trahison des clercs d'Israël, Pierre Lurçat stigmatise leur cécité à l’égard de la réalité, leur préférence pour des « principes abstraits et éternels au détriment des nécessités vitales de l’heure dont dépendaient l’existence concrète du peuple juif ». Un aveuglement persistant qui les incite à adopter un processus pervers d’inversion du réel : ces membres de l’intelligentsia juive reprochent aux Juifs les vices de leurs ennemis implacables : dirigeants nazis ou arabes.

L’auteur désigne Brith Chalom (Alliance pour la paix) réunissant des intellectuels allemands dont Martin Buber et Gershom Scholem. Prétendant « réconcilier politique et morale », ce groupe a privilégié, dans son analyse du conflit au Proche-Orient, la « question arabe » soluble, selon Brith Chalom, par la coexistence pacifique entre Juifs et Arabes dans un Etat binational. La négation du sionisme politique.

Le 11 juin 2017, de 19 h à 21 h, l'Union Libérale Israélite de France proposa la conférence De Vienne à Jérusalem, Martin Buber, avec Dominique Bourel, Directeur du Cnrs. "Martin Buber (1878-1965) est un des grands penseurs du judaïsme moderne. Après un engagement sioniste durant sa vie d’étudiant, durant lequel il pose les fondements de l’université hébraïque de Jérusalem, il fait découvrir le hassidisme et devient rapidement le porte parole de la renaissance juive entre les deux guerres". 

« Martin Buber, itinéraire d'un humaniste » par Pierre-Henry Salfati
2015, 57 min
Sur Arte les 12 octobre à 23 h 55 et 19 octobre 2016 à 3 h 45, 25 avril 2018 à 2 h 10

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Les citations sont d'Arte. Cet article a été publié le 9 octobre 2016, puis le 12 juin 2017.

lundi 16 avril 2018

« Printemps 48 - L'Europe à l'heure de la guerre froide » par Mathias Haentjes


Arte diffusera le 17 avril 2018 à 22 h 35 « Printemps 48 - L'Europe à l'heure de la guerre froide », documentaire par Mathias Haentjes. « 1948 : moins de trois ans après la fin de la Seconde Guerre mondiale, la tempête gronde de nouveau sur le Vieux Continent ». 


L’année 1948 reste comme une date marquante de l’immédiat après-guerre. Et ce, dans les domaines politiques, économiques, culturels et sportifs.

Guerre froide
L’Assemblée générale des Nations unies adopte la Déclaration universelle des droits de l’homme et la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide.

En 1948, sont instituées des organisations, régionales ou internationales, majeures. Entre en vigueur le GATT (Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce) qui en 1949 sera remplacé par l'OMC (Organisation mondiale du commerce).

Le 16 avril est fondée à Paris l’OECE (Organisation européenne de coopération économique, future OCDE) chargée de répartir l’aide américaine fournie dans le cadre du plan Marshall.

Le 26 octobre, le Conseil consultatif de l’Organisation du traité de Bruxelles met sur pied un « Comité pour l’étude et le développement de l’unité européenne », dont les travaux induisent l’institution du Conseil de l’Europe le 5 mai 1949. Les cinq signataires approuvent le principe d’une alliance atlantique.

Le 7 mai, s’ouvre le Congrès de la Haye ou « Congrès de l’Europe », visant une Europe unie, sous la présidence de Winston Churchill. Ce qui aboutit à la création du Conseil de l’Europe (5 mai 1949).

Tandis que se poursuit la Guerre civile grecque (1946-1949), « les anciens Alliés se déchirent et un rideau de fer sépare désormais les Européens. Alors que les communistes accèdent au pouvoir en Tchécoslovaquie » - coup de Prague (20-27 février), « la rupture est consommée entre le Yougoslave Tito et Staline, et Berlin est soumis à un blocus qui se transforme en épreuve de force ».

Par ce blocus, l’Union soviétique interrompt le 23 juin les communications ferroviaires entre Berlin et l’Allemagne de l’Ouest. Pour le contrer, les Occidentaux mettent en place le 26 juin un pont aérien vers Berlin-Ouest.

« Au printemps 1948, des événements marquants viennent accentuer les divisions ».

« Des images d’archives, des citations d’auteures de l’époque (Anna Seghers, Simone de Beauvoir) et des témoignages, notamment ceux de l’historien français Marc Ferro, du comédien allemand Günter Lamprecht et de l’écrivaine russe Maya Turovskaya, font revivre l’incertitude et la crainte qui prévalaient en cette année mouvementée ».

Aux Etats-Unis, le président Harry S. Truman est réélu.

Le 31 juillet, le procès  d’Alfried Krupp prend fin par le verdict rendu par le tribunal militaire américain de Nuremberg. Il est condamné à douze ans de prison et ses biens sont confisqués. En 1951, le Haut-commissaire américain l’amnistie et Krupp récupère sa fortune personnelle.

Le 21 novembre, le Comité antifasciste juif en Union soviétique est dissous au prétexte qu’il serait un « centre de propagande antisoviétique », après l’assassinat de son président Solomon Mikhoels le 7 janvier. Les dirigeants soviétiques initient une campagne pour détruire ce qui demeure de la culture juive (1948-1952).

Des purges dans des Partis communistes d’Europe de l’Est évincent, éliminent des adhérents jugés peu sûrs.

En février, un accord entre le gouvernement de la République populaire de Bulgarie et de l’Agence juive reconnait le droit des Juifs à l’émigration. De septembre 1948 à septembre 1949, 38 000 Bulgares émigrent.

Le 9 mai, la Tchécoslovaquie devient une « démocratie populaire » sous l’orbite de l’URSS (Union des républiques socialistes soviétiques). Des procès visent les fascistes et les opposants, ou présentés comme tels, au régime.

Le 4 août, la République populaire roumaine décrète le « régime général des cultes » plaçant les religions sous le contrôle de l’Etat.

Le congrès mondial des intellectuels pour la paix se tient à Wroclaw du 25 au 28 août. Y participent Vercors, Marcel Prenant, Pierre Seghers, Aimé Césaire, Picasso, Fernand Léger, Paul Éluard et Irène Joliot-Curie.

Le 25 août, Franco rencontre les deux fils du défunt roi Alphonse XIII, Jacques-Henri de Bourbon (1908-1975), « duc d’Anjou et de Ségovie » et Jean de Bourbon (1913-1993), « comte de Barcelone », qui prétend au trône, près de Saint-Sébastien. Ils décident que le jeune Juan Carlos de Bourbon (né en 1938, fils de Jean de Bourbon) et son frère Alphonse (né en 1941) étudieraient en Espagne.

Le 6 septembre est couronnée la reine Juliana des Pays-Bas, fille de la reine Wilhelmine qui a abdiqué le 4 septembre.

« C’est aussi à ce moment-là que l’État d’Israël voit le jour ». Plutôt revoit le jour après le vote sur le plan de partage de la Palestine mandataire.

Le 11 octobre 1947, Abdul Rahman Azzam Pasha, premier Secrétaire général de la Ligue arabe, a déclaré au quotidien égyptien Akhbar al Yom : “Ce sera une guerre d'extermination et un massacre capital, dont on parlera comme des massacres de Tartares ou des guerres des Croisés... Chaque combattant considère la mort au nom de la Palestine comme le plus court chemin vers le Paradis... Cette guerre sera une opportunité pour de vastes pillages”.



Le 14 novembre 1947, et dans un discours comminatoire au Comité politique de l’Assemblée générale de l’ONU, Heykal Pasha, délégué égyptien, annonce un exil d'environ un million de Juifs vivant dans le monde musulman :
« Les Nations unies… ne devraient pas perdre de vue le fait que la solution proposée risque de mettre en danger un million de juifs vivant dans les pays musulmans. La partition de la Palestine risque de créer dans ces pays un antisémitisme même plus difficile à extirper que celui que les Alliés étaient en train d’éradiquer en Allemagne… Si les Nations unies votaient pour la partition de la Palestine, elles pourraient être responsables du massacre d’un grand nombre de juifs ».

« Un million de Juifs vivent en paix en Egypte [et dans d’autres pays musulmans] et apprécient tous les droits de la citoyenneté. Ils n’ont aucun désir d’émigrer en Palestine. Cependant, si un Etat juif était créé, nul ne pourrait empêcher des troubles. Des émeutes pourraient éclater en Palestine, se répandre à travers tous les Etats arabes et risquent de mener à une guerre entre deux races ».
Ce qui suppose une coordination entre les pays arabes selon un modèle dégagé par le professeur Shmuel Trigano  : isolement, marginalisation et exclusion juridiques, économiques et politiques par un « statut des juifs », pogroms, expulsions, etc.

Le Conseil juif institue le 30 mars un cabinet provisoire composé de treize ministres sous l’autorité de David Ben Gourion et d’un Parlement de 37 membres.

Le 14 mai 1948 à minuit, a lieu le retrait de la Grande-Bretagne, dont le mandat a expiré, et est proclamé l’Etat d’Israël qui a accepté le plan de partage onusien et sortira vainqueur de sa guerre d'Indépendance.

Le jeune Etat affronte la guerre déclenchée par le refus du monde musulman d’un Etat juif, réédifié par des anciens dhimmis en Eretz Israël, sa terre ancestrale, son berceau historique, biblique.

Les Juifs combattent au sein de diverses organisations - Irgoun, groupe Stern, légion juive, Haganah – contre la Ligue arabe, l’Égypte, la (Trans)Jordanie, l’Irak, la Syrie, le Liban (1948), l'Arabie saoudite, le Jihad al-Muqadas, l’Armée de libération arabe, des volontaires étrangers, dont d’anciens nazis...

Le 26 mai, est créée Tsva Haganah leIsrael (Tsahal) ou Armée de défense d’Israël » .

A l’appel de dirigeants arabes et de Palestine, constatant la fuite de leurs leaders, craignant les Juifs qui pourtant les invitent à rester, les Arabes de la Palestine mandataire abandonnent leurs foyers et se dirigent vers des pays Arabes limitrophes, notamment le Liban et la Syrie.

Des combats âpres ont lieu en particulier à Deir Yassin, où les terroristes se cachent parmi les civils, tandis qu’un convoi médical visant à rejoindre l’hôpital Hadassa au mont Scopus à Jérusalem est attaqué, et ses membres assassinés.

Médiateur de l’ONU, le comte suédois Folke Bernadotte est tué le 17 septembre à Jérusalem par des membres du groupe Lehi.

Un congrès palestinien se réunit à Gaza et rejette les propositions de ce médiateur onusien. Il proclame l'indépendance de la Palestine et le 23 septembre le Gouvernement de toute la Palestine dirigé par Ahmad Hilmi Pacha.  Le 30 septembre, l'assemblée constituante composée de 83 membres du Haut Comité arabe, des comités nationaux, des chambres de commerces et des municipalités vote l'investiture du nouveau gouvernement et choisit comme président le grand mufti de Jérusalem al-Husseini auquel l'Egypte avait interdit l'entrée à Gaza. Est rétablie la milice palestinienne Jaysh al-Jihad al-Muqaddas. Mais le 2 octobre, à Amman (TransJordanie), un congrès palestinien nie toute légitimité au « gouvernement de toute la Palestine » et elle assure le désarmement de tous ses membres dans les territoires sous son contrôle. Ce gouvernement est reconnu par l'Égypte et l'Irak le 12 octobre, par la Syrie et le Liban le 13, par l'Arabie saoudite le 15 et par le Yémen le 16. La Grande-Bretagne exerce des pressions pour que les Etats-Unis ne reconnaissent pas ce gouvernement de « toute la Palestine ». Devant l'offensive militaire israélienne, ce gouvernement fuit au Caire. L'Egypte contrôle la bande de Gaza à l'issue de la guerre, et met un terme à l'existence de ce gouvernement en 1959.

Le 11 décembre, l’Assemblée générale de l’ONU adopte la résolution 194.

Dans son Autobiographie politique, l’essayiste Bat Ye’or se souvient de cette année pour les Juifs dans son Egypte natale :
« La guerre israélo-arabe de 1948 empira la situation. Le 13 mai 1948 la censure fut proclamée et le lendemain la loi martiale. Dans la nuit, la police arrêta quelque six cents Juifs et les emmena menottés en prison. De nombreux autres vinrent les rejoindre et les arrestations continuant, les juifs furent internés dans des camps près d’Héliopolis, d’Aboukir et de Port-Saïd, les femmes séparées des hommes. Le 15 mai, en réponse à la déclaration d’indépendance de l’État d’Israël, sept États arabes lui déclarèrent la guerre. Le 24 mai le gouvernement instaura des cours martiales, interdit aux Juifs de quitter le pays, supprima tous les journaux juifs et mit sous séquestre les biens des personnes soupçonnées de sionisme. Une liste de suspects fut dressée. Du jour au lendemain des gens expulsés de leur travail furent privés du droit de se défendre devant les tribunaux ; ceux qui tentaient de les aider furent eux-mêmes poursuivis. La police ferma les centres culturels et les clubs juifs et interdit toute réunion. À la recherche d’indices elle effectuait régulièrement des fouilles nocturnes dans les maisons et les synagogues. L’angoisse s’empara de toute la communauté
Le 6 juin des explosions ébranlèrent des magasins juifs et une semaine plus tard, la populace attaqua deux fois le quartier juif de Zuweleh au Caire, tuant les habitants dans les maisons, les rues, les lieux publics et détruisant les maisons. Le 20 juin le dynamitage de douze maisons dans le quartier de la secte juive des Karaïtes fit de nombreux tués et blessés. Le 28 juin des bombes explosèrent dans les grands magasins juifs, causant un nombre considérable de morts et de blessés et la destruction de cinq cents commerces. La campagne de terreur anti-juive continua avec l’expulsion hors de certains quartiers de familles entières dans les vingt-quatre heures. Les meubles n’ayant pu être déménagés étaient pillés sur les trottoirs ou vendus à vil prix. Jusqu’en septembre des explosions répétitives dévastèrent le quartier juif. En juillet, des bombardements simulés par le gouvernement égyptien, faisant tirer du canon à ras des maisons, excita la fureur de la foule qui se répandit dans les rues du Caire. Conduite par des meneurs, hurlant et pillant, elle attaqua tous les Européens aux cris de « Juifs ! Juifs ! » prenant à partie de nombreux étrangers. L’Américain Stephan Haas et le Français Henri Gaillard, furent tués à coups de couteau. Les États-Unis, la France, la Grèce, l’Italie protestèrent. Le calme revint quand le Royaume Uni menaça de rétablir l’ordre en faisant marcher sur le Caire ses troupes postées sur le canal de Suez.
Des émeutes similaires, parfois plus meurtrières, se déroulèrent dans tous les pays arabes de l’Irak au Maghreb, alimentant chez les jeunes un mouvement de départs clandestins vers Israël alors agressé militairement par les armées arabes. Dans le nouvel État hébreu la milice musulmane d’Amin al-Husseini qui avait servi dans les armées de l’Axe, trois ans plus tôt, menait sa guérilla. Après l’armistice de 1948 entre les pays arabes et l’État d’Israël, l’humiliation de la défaite et la rage des officiers préparèrent le terrain des futures révolutions arabes. Les emprisonnements, les expulsions arbitraires, les discriminations dans tous les domaines professionnels, l’ambiance antisémite de haine et de terreur, réduisirent sensiblement la communauté. Les gens partaient en secret. Soudain un chuchotement nous apprenait que X ou Y avait définitivement quitté le pays. Malgré ces circonstances, le comportement des Égyptiens en général demeura correcte. Les domestiques n’assassinèrent pas leurs maîtres même si la police les avait chargés de les espionner. Les pogroms, les tueries, les viols, les bombes s’intégraient à une politique d’État et à la stratégie des Frères musulmans pour faire fuir les Juifs. Mais le peuple, quand il n’était pas l’instrument de meneurs ne manifesta pas de violence spontanée. Au cours d’une émeute contre les juifs au Khan Khalil – vieux quartier commercial – un bawab sauva la vie de Jo, mon futur beau-frère, en le dissimulant dans un immeuble. Moi-même, plus tard, je fis l’objet d’attentions particulières de mes amis égyptiens. Eux aussi d’ailleurs – propriétaires fonciers ou apparentés à la famille royale destituée et ruinée par la révolution nassérienne, ou classes aisées éduquées –étaient victimes de la répression révolutionnaire et de la campagne d’arabisation forcenée déferlant dans les années cinquante sur tout le Moyen-Orient.
La guerre de 1948 contre Israël avait traumatisé les officiers égyptiens. Ils attribuèrent à la corruption, à l’armement défectueux et aux vices du régime une défaite rendue d’autant plus cuisante par la nature méprisable de l’ennemi. Désormais un groupe d’officiers nationalistes alliés aux Frères musulmans mobilisera la nation pour écraser Israël, chasser l’Angleterre haïe et se débarrasser du régime royal exploi¬tant le peuple par le maintien de ses privilèges.
De son côté la confrérie des Frères musulmans intensifia les actes terroristes et les manifestations monstres culminant en émeutes et pillages qui désorganisèrent la vie des grandes agglomérations. Sabotages et attaques se multiplièrent contre les bases anglaises situées sur le canal de Suez. Après la signature du deuxième armistice avec Israël, les Frères musulmans dynamitèrent les entreprises juives en Égypte et firent abattre Nokrachi Pacha, président du Conseil et artisan de l’armistice. En représailles, le Guide suprême de la Confrérie fut lui-même assassiné.
À la fin de 1949, l’Association des Officiers Libres s’organisa et nomma un Comité Exécutif de cinq membres : Gamal Abdel Nasser, Kamal al-Din Husayn, Khaled Mohyeddine, Hassan Ibrahim, Abdel Mun’im abd al-Rauf ».
Le 12 juin, éclatent des émeutes antijuives à Tripoli, en Libye.

En juillet 1948, les autorités irakiennes interdisent aux Juifs de quitter le pays. Des amendes aux montants élevés pénalisent les Juifs. En septembre 1948, est exécuté Shafik Adass, millionnaire juif.

Au Maroc, 7 et 8 juin 1948, éclatent des émeutes anti-juives à Oujda et Jerrada.

Au Yémen, l’imam Ahmad contraint "les Juifs à transmettre aux Yéménites leur savoir faire dans les métiers de l’artisanat et du commerce avant de quitter le pays". Les Juifs sont accusés de crime rituel.

En Afrique du sud, le parti national forme une gouvernement composé d’Afrikaners.

En Inde, Gandhi est assassiné le 30 janvier par un brahmane à Delhi. Le gouvernement de Nehru mène une politique économique favorisant l’industrie et les infrastructures dans un cadre planifié.

Le Pakistan est dirigé par le Premier ministre, Liaqat Ali Khan,

Le Japon adopte une loi sur l’eugénisme. Est rendu le verdict du tribunal militaire international de Tokyo, ouvert en 1946, contre des dirigeants politiques et militaires japonais.

Pendant la guerre civile chinoise, Tchang Kaï-chek, cumule les fonctions de chef de l’armée et du gouvernement, ainsi que de Président de la République de Chine, et combat les troupes communistes menées par Mao.

Le 16 février est proclamée la République populaire de Corée du nord où Kim Il-sung est élu Premier ministre de cette République populaire démocratique de Corée (RPDC) le 9 septembre. En Corée du sud, une assemblée constitutionnelle adopte une constitution le 12 juillet, et Syngman Rhee y est élu président le 20 juillet. Le 15 août, s’achève l’occupation américaine de la Corée du sud, et est proclamé la République de Corée.

En Birmanie, Malaisie et République d’Indonésie, surgissent des insurrections fomentées par des communistes.

Culture
Parmi les artistes décédés en 1948 : Isidor Achron (1892-1948), pianiste, frère du violoniste et compositeur Joseph Achron, et Alexander Aaronsohn (1888-1948), journaliste pour Do'ar ha-Yom créé à Jérusalem (1919), écrivain. Alexander Aaronsohn a co-fondé Nili, groupe d'espionnage pour la Grande-Bretagne au Moyen-Orient pendant la Première Guerre mondiale. Il a vécu aux États-Unis (de 1915 à 1917). Il est le frère de l’agronome sioniste Aaron Aaronsohn (1876-1919).

Le 20 avril 1948, a lieu la première représentation au Théâtre La Bruyère du spectacle Les Branquignols, mis en scène par Robert Dhéry (1921-2004), sur une chorégraphie signée par son épouse Colette Brosset (1922-2007).

Sports
C’est à Londres, cité de résistance et bombardée, que le Comité international olympique (CIO), confie la tache de relancer en 1948 le cycle olympique interrompu à Berlin (1936). Les performances réalisées lors des Jeux Olympiques d’été à Londres (29 juillet–14 août 1948) sont souvent inférieures à celles de 1936, car les organismes sont affaiblis. Ces jeux estivaux de la XIVe olympiade de l'ère moderne en 1948 symbolisent le monde libre et la résistance au nazisme. Ils sont les premières à être diffusés à la télévision, medium naissant. Y sont représentées 59 nations ayant envoyé 4 104 athlètes, dont 390 femmes, concourant à 136 épreuves dans 17 disciplines sportives. Parmi ces sportifs : Alfred Nakache (1915-1983), nageur d’Auschwitz.

Le 6 octobre est présentée au Salon de l’automobile de Paris  la Citroën 2 CV, dont la production prendra fin… en juillet 1990.


Sur Arte le 17 avril 2018 à 22 h 35

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samedi 14 avril 2018

Les terroristes islamistes de retour en Europe


Des musulmans européens ont rejoint les rangs de l'Etat islamique (ISIS ou ISIL) pour faire le djihad en Syrie. Certains y ont commis des attentats terroristes islamistes, d'autres y ont fondé des familles, quand ils n'ont pas emmené avec eux femme et enfants... Les revers militaires d'ISIL ont induit plusieurs conséquences pour eux : arrestations et procédures judiciaires sur place, tentatives de fuir pour rejoindre leur pays d'origine, etc. 
Combien sont-ils ces terroristes islamistes européens à avoir quitté la Syrie, ou un autre pays en plein chaos, pour revenir en Europe ?

En juillet 2017, Radicalisation Awareness Network (RAN), organisme de l'Union européenne, a publié le rapport Responses to returnees:Foreign terrorist fighters and their families.

Les 19 et 20 octobre 2017, lors de la réunion du G7 sur l'île d'Ischia (Italie), "entre 25 000 et 30 000 personnes d'une centaine de nationalités différentes (dont 5 000 viennent d'Europe) forment ce contingent entraîné qui pourrait essaimer à travers la planète et obliger de nombreux pays à faire face à cette "diaspora du retour", a récemment expliqué le ministre italien de l'Intérieur, Marco Minniti, qui présidera ce G7. "Il s'agit de la plus grande légion étrangère jamais vue", a insisté M. Minniti en soulignant l'importance pour l'Europe de "disposer d'un processus de contrôle aux frontières sous peine de courir le risque que ces combattants ne viennent s'ajouter au terrorisme spontané".

"Les revers de l'État islamique (EI), en Irak et en Syrie, précipitent le retour des combattants étrangers de l'organisation djihadistes vers leurs pays d'origine ou d'autres zones de djihad". Selon le rapport Beyond the Caliphate: Foreign Fighters and the Threat of Returnees "publié le 24 octobre 2017 par le Soufan Group et The Global Strategy Network, ils sont près de 5 600 provenant de 33 pays différents à avoir quitté l'espace irako-syrien pour avoir "pris le chemin du retour". Ce qui représente "un immense défi de sécurité pour ces Etats".

Le rapport "révèle un record de recrutement de Marocains et de Tunisiens avec, respectivement, 1 623 et 2 926 djihadistes, dont 198 et 800 seraient de retour. Loin derrière ces deux voisins, l’Algérie comptait 170 départs de terroristes, dont presque la moitié (87) sont, d’après ce rapport, rentrés avant janvier 2016. La Jordanie qui compte parmi les plus grands pourvoyeurs de terroristes pour Daech, estimés à 3 000, aurait enregistré 250 retours en mai 2017. L’Arabie Saoudite, sur les 3 244 djihadistes enrôlés en Syrie et en Irak, plus d’un quart (750) seraient déjà de retour au pays des Lieux Saints. Entre temps, 400 des 3 417 djihadistes russes seraient de retour dans leur pays natal. A la même date, 300 des 915 terroristes partis d’Allemagne auraient regagné leur pays".

Ce "rapport du centre américain montre que le nombre de terroristes qui rejoignent Daech à partir d’Europe est supérieur à celui des terroristes venant des pays du Sud. Avec 5 717 de départs, les pays de l’Union européenne viennent en troisième position, après les pays issus de l’ex-URSS (8 717), et les pays du Moyen-Orient (7 054). Le danger pour les pays européens est que, comme l’indique le rapport, un quart des terroristes qui avaient rejoint Daech seraient rentrés chez eux. Par exemple, sur les 1 910 djihadistes partis de France, 271 seraient de retour à la date d’août 2017. En Grande-Bretagne, ce chiffre était plus proche de la moitié, avec 425 des 850 combattants qui avaient rejoint l’organisation terroriste". 

"En moyenne, ce sont 20% à 30% des djihadistes étrangers venus d'Europe y sont déjà revenus - bien qu'ils soient 50% au Royaume-Uni, au Danemark et en Suède. Des milliers d'autres qui se sont battus pour l'EI sont bloqués près des frontières de la Turquie, de la Jordanie ou de l'Irak et cherchent à retourner dans leurs pays par des moyens détournés. 

 "Ils seraient environ 700 encore en zone irako-syrienne et chercheraient à rentrer en France, pour poursuivre leur djihad pour certains".

Ce rapport insiste aussi sur le problème représenté par "le retour des familles de djihadistes étrangers qui rentrent également vers leurs pays d'origine, dont certains n'ont connu que la propagande de l'Etat islamique et la violence extrême de ses membres. Le rapport chiffre à 460 le nombre d'enfants français qui ont rejoint les rangs de l'EI et environ 320 femmes".   

Cependant," les services de renseignement ne sont pas complètement démunis face à la menace des revenants et cela est notamment dû à la relative qualité de l'administration de l'Etat islamique. En effet, les campagnes militaires victorieuses contre l'EI ont permis aux forces soutenues par la coalition internationale contre Daech de mettre la mains sur des milliers de pages de contenus administratifs où sont répertoriés les identités réelles et les kunya (nom de guerre) de certains combattants étrangers de l'EI. Le matériel informatique saisi sur des membres du groupe terroriste a produit les mêmes effets. Ainsi, une liste de surveillance de près de 19.000 identités a pu être établi par Interpol".

En outre, certains de ces djihadistes s'efforcent "de rejoindre de nouvelles zones de combats où des ramifications de l'Etat islamique sont présentes comme la Libye, le Sinaï égyptien ou encore l'Afghanistan", ou l'Asie du sud-est.

France
Pour la France, Gérard Collomb, ministre de l'Intérieur, "avait fait savoir en août que 271 djihadistes français, dont 54 mineurs, avaient déjà fait leur retour dans le pays et avaient été interpellés". 

Le 15 octobre 2017, Florence Parly, ministre des Armées, a déclaré au Grand rendez-vous Europe 1/Les Echos/CNews : "S’il y a des djihadistes qui périssent dans ces combats, je dirais que c’est tant mieux. Nous ne pouvons rien faire pour empêcher leur retour. Nous pouvons poursuivre le combat pour neutraliser le maximum de djihadistes."

Le 19 octobre 2017, le général Jean-Pierre Bosser, chef d’état-major de l’armée de Terre, a estimé lors d’une présentation des moyens de l’armée de Terre à Versailles-Satory : "L’armée se prépare au retour éventuel en France de djihadistes appartenant à l’État islamique".

"D’après les dernières estimations, ils seraient entre 500 et 700 à se battre en Syrie et en Irak dans les rangs de l’EI. “C’est une crainte de les voir revenir sur le territoire national, a ainsi souligné le général Jean-Pierre Bosser. On étudie avec beaucoup de précision quels sont leurs modes d’action. Les services de renseignement œuvrent de leur côté pour pouvoir cibler de façon assez précise ces gens”.

Le général Bosser a aussi "rappelé que l’opération militaire Sentinelle “vise aussi à étudier des scénarios de crise” liés à d’éventuels retours. Pour mémoire, l’opération Sentinelle peut mobiliser jusqu’à 10 000 hommes (3 000 le sont en permanence, 3 000 sont déployés sur des événements spéciaux et 3 000 sont en réserve)".

"Sur un millier de Français partis en zone djihadiste irako-syrienne, environ 300 y sont morts et 700 adultes (dont 300 femmes) s'y trouvent encore.  Plus de 240 personnes ont regagné la France depuis les zones de combats djihadistes de Syrie et d'Irak depuis 2012, dont une majorité sont en prison, a déclaré Gérard Collomb, ministre de l'Intérieur, le 26 octobre 2017,  au Sénat".

"Interrogé par la sénatrice centriste Nathalie Goulet, pour qui les retours de jihadistes en France et en Europe depuis la Syrie et l'Irak "constituent une cause d'inquiétude à bref, moyen et long terme", Gérard Collomb a jugé que "ce problème" était "parfaitement pris en charge aujourd'hui" en France. Selon lui, les accords passés entre la Turquie et la France pour maîtriser les flux migratoires permettent à Paris "d'avoir un regard particulièrement attentif sur celles et ceux qui reviennent des théâtres de guerre syro-irakiens", dont certains pourraient vouloir commettre des attentats en France".

"Plus de 240 majeurs et plus de 50 mineurs, dont la plupart ont moins de 12 ans", "sont revenus depuis 2012 sur le sol français", a détaillé le ministre. Depuis 2015, les femmes, hommes majeurs et les "quelques mineurs combattants" sont systématiquement placés en garde à vue, et "une très grande majorité", "plus de 130, est actuellement en prison", a-t-il ajouté. Les autres, en liberté, "sont tous l'objet d'un suivi administratif" (services de renseignements) ou "judiciaire".

"Nous ne pourrons pas nous en sortir autrement qu'en confortant nos frontières", or "Frontex (l'agence en charge des frontières extérieures de l'UE) fonctionne mal", et il faut davantage de "moyens" en "hommes" et en "matériel", a jugé Nathalie Goulet. Selon elle, parmi les "revenants", "les femmes présentent un danger à peu près équivalent aux hommes" et les enfants ont "un fort potentiel de dangerosité à terme".

"Selon la justice française, en juin 2017, sur un millier de Français partis en zone jihadiste irako-syrienne, environ 300 y avaient trouvé la mort et 700 adultes (dont 300 femmes) s'y trouvaient encore, avec quelque 400 enfants. Le groupe jihadiste Etat islamique (EI) a depuis perdu beaucoup de terrain en Syrie et surtout en Irak au terme de combats qui ont décimé ou dispersé un partie de ses troupes".

Le 7 novembre 2017, Valérie Boyer, députée Les Républicains, a interrogé le Premier ministre Edouard Philippe sur des Français ayant combattu dans les rangs de l'Etat islamique et de retour en France : “Comment ont-ils pu revenir ? Sont-ils en liberté ? Dans le cas contraire, où sont- ils retenus ? Où sont-ils enfermés ? Quelles mesures précises comptez-vous prendre face à ces revenants en France comme à l’étranger ?”

Ministre auprès du ministre de l’Intérieur Gérard Collomb, Jacqueline Gourault lui a répondu : “Tous les majeurs font systématiquement l’objet d’un placement en garde à vue et de poursuites judiciaires du fait de la qualification criminelle retenue et du suivi particulier de ces situations par le procureur de la République de Paris. Les peines prononcées sont d’une grande sévérité”.

“La majorité des adultes est actuellement incarcérée. Les autres, et notamment ceux qui n’ont pas pris un rôle direct aux combats, font l’objet d’un suivi soit au travers d'un contrôle judiciaire renforcé soit par un service de renseignement. Tous les mineurs font l’objet d’un suivi systématique par le juge des enfants”, a déclaré Jacqueline Gourault.

"Le mot “majorité” a fait en effet tiquer les élus Républicains. Pendant le discours de la ministre de Gérard Collomb, certains se sont révoltés et n’ont pas hésité à étriller Jacqueline Gourault sur les réseaux sociaux. “‘La majorité des Français revenant de Syrie sont en prison’. Et le reste de ces terroristes ? Ils ne reviennent pas du ClubMed! #Laxisme #QAG”, a fustigé sur Twitter Pierre-Henri Dumont. “Inquiet de la réponse de Gourault à la question de #ValerieBoyer sur retour & suivi des djihadistes. Sommes-nous encore protégés ? #DirectAN”, s’est interrogé Patrice Verchère".

“#QAG. Très grave la ministre de l'intérieur répond "majorité" des djihadistes de retour est en prison. Pas tous ! #DirectAN @lesRepublicains”, s’alarme Olivier Marleix. “Que fait le Gouv contre les terroristes qui reviennent ? De simples gardes à vue... Que faisons-ns des mineurs ? Réponse : nous les suivons”, a taclé Valérie Boyer".

Quelques jours après les attentats terroristes islamistes dans l'Aude et l'assassinat - ou attentat terroriste islamiste ? - antisémite de Mireille Knoll le 23 mars 2018, Christophe Castaner, délégué général de La République en Marche (LREM) et secrétaire d’Etat auprès du Premier ministre chargé des Relations avec le Parlement, a déclaré  le 25 mars 2018, après les attentats terroristes à Carcassonne et Trèbes : « Environ 700 Français sont partis faire le djihad, environ 300 sont morts sur place. Il reste selon nos chiffres 258 adultes qui pourraient revenir. (...) Il vaut mieux les suivre, les accueillir, les emprisonner lorsque des actes criminels ont été commis, pour faire en sorte que l'on puisse identifier le risque ». Alors que la France manque de moyens humains pour surveiller les milliers de fichés S et analyser les informations recueillies ! Les djihadistes déjà présents sur le territoire, plus ceux infiltrés parmi les migrants, cela ne suffit pas !?

En avril 2018, les Kurdes ont annoncé leur volonté de remettre en liberté la centaine de djihadistes français qu'il avaient "capturés lors de l'offensive contre Daech" et détiennent dans le nord de la Syrie, "dans des camps ou des prisons". La "France ne souhaite pas les rapatrier".

"Les autorités kurdes disent avoir jugé environ 700 djihadistes, tous syriens. Ici, le système judiciaire n’est reconnu par personne, mais ce sont pourtant ses règles qui s’appliquent. Aucun étranger n’est encore passé devant ces tribunaux. "Nous attendons des consignes de leur gouvernement", indique Abdulbasset Ausso, l'un des dirigeants de cet appareil judiciaire. Au micro d'Europe 1, l'homme explique qu'il commence à s'impatienter. "Ça ne peut pas durer éternellement, nous n’avons pas assez de place. Et ils nous coûtent cher ! Leur nourriture, leurs soins… Il faut bien s’en occuper", dénonce-t-il. "Et si on les juge, certains de ces étrangers seront condamnés à un an de prison. Après cette année de prison, je les relâche où ? Ce sont vos citoyens, ils ont des passeports français. Il faut assumer", lâche-t-il, arguant que "la Russie, elle, a repris presque tous ses prisonniers, y compris ceux qui ont combattus".

"On peut libérer tous ces membres de Daech". D'autres cadres locaux vont plus loin. Mizkeen Ahmad, une influente conseillère politique au sein de l’administration kurde, en veut à la coalition depuis la prise de la ville kurde d’Afrine par la Turquie. Pour elle, c’est une trahison qui doit avoir une conséquence. "L’Europe ne nous a pas aidés à Afrine, pourquoi on continuerait à s’occuper de vos prisonniers de Daech ? On en a capturé des milliers et personne ne nous a soutenus. Dont acte", s'agace-t-elle au micro d'Europe 1. "On peut libérer tous ces membres de Daech. On va les relâcher hors de nos frontières… dans quels pays ils iront, et où ils commettront une attaque ? Peu importe, il faut prendre cette décision", menace Mizkeen Ahmad. Pour l’instant, ce n’est qu’une menace, mais elle est claire. "Les Occidentaux défendent leurs intérêts ici", avance-t-elle. "Qu’ils n’oublient jamais que nous avons aussi les nôtres."

Allemagne

« Guerriers d’Allah en Europe » (Nidals Liste. Gotteskrieger in Europa) est un documentaire réalisé par Ahmet Senyurt et Ulrich Hagmann. « Ancien membre de l’Armée syrienne libre devenu détective privé, Nidal Kouba aide les autorités allemandes à débusquer les terroristes présumés, infiltrés parmi les réfugiés fuyant la guerre civile. Une mission à haut risque ».

Né en Syrie, Nidal Kouba arrive en Allemagne en 1985 avec sa famille qui demande l'asile politique. « Installé en Allemagne depuis 1985, le Syrien Nidal Kouba crée son entreprise, et rentre en 2011 en Syrie. Il s'engage dans l'ASL (Armée syrienne libre), "rassemblement de groupes rebelles", et y combat pendant trois ans et devient officier de presse. Il "observe les fractures se creuser dans la société syrienne". De nombreux soldats de l'ASL ont rejoint les rangs de al Nosra et d'ISIS (Etat islamique, ISIL).

"Retourné combattre dans l’ASL au lendemain de l’échec du printemps arabe, Nidal Kouba travaille désormais outre-Rhin comme détective privé : il est chargé de débusquer des terroristes présumés, anciens membres de l’ASL, infiltrés parmi les réfugiés fuyant la guerre civile ». Nidal Kouba "s'est constitué un réseau d'hommes de confiance", dont Hamzeh, qui observent et interrogent des jeunes Syriens en Allemagne sur leur parcours, leurs motivations, pour tenter de démasquer ceux qui "jouent la comédie".

Il "exerce une activité à haut risque". « Avec les membres de son réseau, il travaille en étroite collaboration avec les autorités judiciaires allemandes ». Le documentaire souligne le rôle majeur des autorités allemandes pour repérer les terroristes qui se mêlent aux migrants arrivant en Allemagne qui les accueille à l'initiative surprenante de la chancelière Angela Merkel, pour enquêter sur les témoignages, notamment de migrants, qui leur sont adressés à propose de suspects. Tarek "rejoint l'Allemagne via la route des Balkans. Il est soupçonné de desseins terroristes"... Courroucé, il évoque son "humiliation et la pression exercée sur lui", puis devient menaçant en indiquant qu'il pourrait rejoindre Daech. Responsable de la police, M. Jacobs souligne à partir d'un migrant dénommé Belkacem, qui s'est fait enregistrer sous de multiples identités dans divers Etats européens, les failles des services de sécurité de l'Union européenne et de ses Etats membres.

« Pour que les informations collectées puissent être légalement exploitées dans une procédure judiciaire, les enquêteurs comme lui doivent être entendus en qualité de témoins ».

« Devenus hommes à abattre pour les organisations terroristes, ils mettent leur vie en jeu. Sept mois durant, Nidal Kouba a accepté d’être suivi par une équipe de tournage, dans ses enquêtes qui le mènent aux quatre coins de l’Europe ».

« Des missions guidées par une immense soif de justice et de liberté ».

Arte diffusera le 14 avril 2018 à 2 h 35,  dans le cadre de Vox Pop, "Les djihadistes européens" (IS-Kämpfer aus Europa). "Quelle justice pour les djihadistes européens ? Entre 3 000 et 6 000 Européens auraient combattu au Moyen-Orient au nom du djihad. En Irak, ils sont aujourd’hui une centaine en attente de jugement et risquent la peine de mort. Leur sort divise les États européens, partagés entre respect du droit et tentation de l’exception. Invité de ce numéro : l’avocat William Bourdon, qui a porté plainte contre la France pour son refus de rapatrier ses djihadistes. Avec un tour d’Europe des correspondants et un reportage en Belgique sur ce sujet".

"Les djihadistes européens" par Nicolas Thepot
Présentation: Jean-Paul Lepers
France, 2018, 29 min.
Sur Arte le le 14 avril 2018 à 2 h 35

« Guerriers d’Allah en Europe  » par Ahmet Senyurt, Ulrich Hagmann
Magnéto Presse, 2017, 90 min
Sur Arte le 7 novembre 2017 à 22 h 15

Visuels
Avant d'aller en Suède : Nidal et un ami vérifient le nom du suspect sur la liste.
Nidal Kouba (à gauche) et Hamzeh Ghadban (Milieu) discutent avec Tarek N. (à droite). Il est soupçonné d'avoir combattu pour une milice liée à la l'El en Syrie.
Nidal Kouba regarde un reporter de guerre dans une caserne d'Alep.
Nidal Kouba en mission de recherche.
© BR/Christoph Castor

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Articles in English
Les citations sur le documentaire sont d'Arte et du film. Cet article a été publié le 6 novembre 2017.