dimanche 27 septembre 2015

« Corps en résistance », de Valérie Jouve


Le Jeu de Paume  présente l’exposition « Corps en résistance » (Bodies, Resisting) de Valérie Jouve. Des clichés en grands formats, sans titre, sans grand intérêt artistique, et avec un caractère politique biaisé, en faveur de la « Palestine », revendiqué par la photographe. Un catalogue partial d’interview de Valérie Jouve par Marta Gili, directrice de ce musée, exprime ce même parti pris politique.


Lors du vernissage presse, Marta Gili, directrice de ce musée, avait présenté cette exposition de Valérie Jouve comme « un projet qui lui tenait à cœur depuis des années ». Elle a annoncé que l’exposition sera présentée à la Fundación Luis Seoane, à La Corogne (Espagne). On se demande pourquoi.

Un bla bla bla verbeux annonce ainsi cette exposition située au premier niveau du musée : la « démarche de Valérie Jouve (née à Firminy, France, en 1964) interroge la capacité des corps à résister face à la normalisation sociale et urbaine. Depuis le début des années 1990, ses différents ensembles photographiques – que l’artiste désigne sous le terme corpus – opèrent une inlassable exploration tant des manières d’habiter l’espace que du rapport que nous entretenons à la ville et au territoire. Afin de réinvestir les possibles des lieux qu’elle photographie, elle ne précise pas leur localisation, esquissant un espace trouble et fictif. Formant un ensemble ouvert, complété par l’artiste au fil du temps, chaque corpus est nommé Sans titre et identifié par un sous-titre générique entre parenthèses : Les Personnages, Les Façades, Les Passants, La Rue, Les Situations, Les Arbres… » De quoi désorienter les visiteurs.

En plus des photographies de Personnages, qui « ne sont pas des portraits mais des mises en scène résultant d’une étroite collaboration avec un modèle autour d’une idée commune » et sont présentés à l’échelle quasi réelle, cadrés assez serrés dans un lieu urbain qui se déploie en arrière-plan », et autres séries, l’exposition présente deux films, Grand Littoral et Traversée.

Traversée (2012) « s’apparente à un road-movie tendre, une traversée de la Palestine – où Valérie Jouve s’est rendue pour la première fois en 2008 –, menée par le trio décalé et improbable d’une enfant, d’un marionnettiste et de sa marionnette. Ces personnages, traités avec une forme volontaire de naïveté, agissent comme les passeurs de ce territoire : ils lui ré-insufflent la réalité de la vie quotidienne en dehors du conflit dramatique qui s’y déroule, créant ainsi une sorte d’utopie ».

Un diaporama couleurs s’intitule « 6 villes palestiniennes » (2011-2013, 26 minutes) : Bethléem, Hébron, Jéricho, Jérusalem, Naplouse, Ramallah. Il a été réalisé lors de son séjour à Jérusalem. La caméra filme des paysages, ruraux et urbains, la barrière de sécurité anti-terrorisme dans sa partie murale, la ville de Jérusalem en plongée…

Je l’ai interrogée sur cette vidéo : « C’est le [seul] lieu que je nomme. On refuse de le nommer. Ce travail est fait car je reconnais la Palestine, car ce territoire a une identité très différente de son voisin, Israël… Je peux donner un regard sur cette identité arabe de la Palestine… Un territoire ne peut pas tenir six villes aussi énormes, différentes sans qu’il y ait un pays… Là, où il y a une langue, un territoire culturel, et une population cohérente, il y a un pays. Ce travail, c’est une petite reconnaissante de la Palestine… Ce sont les civils que je connais le plus de la Palestine. Vous ne verrez pas Gaza, car je ne voulais pas donner un nom à cette Palestine. J’ai choisi les villes que j’ai le plus côtoyées… Un travail très documentaire… Il y a 140 images. J’ai parfois convoqué ces images sur les murs dans l’exposition ». Quand j’ai rappelé à Valérie Jouve que notamment Jérusalem est la capitale de l’Etat Juif, qu’elle est mentionnée dans la Bible, la photographe m’a répondu : « J’ai des amis chrétiens qui se fichent de la Bible ».

Je me suis éloignée de Valérie Jouve et de journalistes ignares qui la soutenaient en lançant un « Salut les ignares ! »

Curieusement, Hélène Hadas-Lebel  – Prix 2009 de la Coopération féminine remis sous l'égide de la Fondation du judaïsme français - sur RCJ  et Noémi-Colombe Bromberg (Actualité juive hebdo, 27 août 2015), qui ont chroniqué l’exposition « Germaine Krull (1897-1985). Un destin de photographe », montrée au rez-de-chaussée, ont omis de critiquer celle sur Valérie Jouve.

Pourtant, sous la direction de Marta Gili, le Jeu de Paume a présenté en 2013 l’exposition Phantom House (Foyer fantôme) d’Ahlam Shibli glorifiant les terroristes palestiniens, gommant la judéité du photographe André Kertész, etc. Et Valérie Jouve est une photographe ayant déjà exposé des clichés sur des « Palestiniennes ».

L’exposition est accompagnée d’un catalogue avec des textes d’Arlette Farge et de Marie-José Mondzain, et un entretien de Valérie Jouve avec Marta Gili et Pia Viewing. Le tout financé par le ministère de la Culture et de la Communication.

La direction de Marta Gili oriente le Jeu de Paume vers une direction politique, financée par l’argent public. Cela répond-il à la mission du service public culturel ?


Jusqu’au 27 septembre 2015
Au Jeu de Paume
1 place de la Concorde. 75008 Paris
Tel. : +33 1 47 03 12 50
Le mardi de 11 h à 21 h et du mercredi au dimanche de 11 h à19h

Visuels :
Affiche
Valérie Jouve — Sans titre (Les Personnages avec Josette),
1991-1995
C-print, 100 x 130 cm,
© Valérie Jouve / ADAGP, Paris 2015
Courtesy de la galerie Xippas, Paris

Valérie Jouve — Sans titre (Les Situations), 1997-1999
C-print, polyptyque 6 photographies, 80 x 100 cm chaque
Numéro d’inventaire : FNAC 09-556 (1 à 6)
Centre National des Arts Plastiques, Paris
© Valérie Jouve / ADAGP, Paris 2015

Valérie Jouve — Sans titre (Les Façades), 2000-2002
C-print, 80 x 100 x 3,5 cm
© Valérie Jouve / ADAGP, Paris 2015
Courtesy de la galerie Xippas, Paris

Valérie Jouve — Traversée, détails, 2012
Film 16 mm, durée 18 min
© Valérie Jouve / ADAGP, Paris 2015
Courtesy de la galerie Xippas, Paris

Catalogue
Valérie Jouve — Sans titre (Les Figures avec Tania Carl),
2011-2012,
C-print, 160 x 200 cm
© Valérie Jouve / ADAGP, 2015
Courtesy de la galerie Xippas, Paris

A lire sur ce blog :
Les citations sont extraites du dossier de presse.

jeudi 17 septembre 2015

Le peintre Charles Lapicque (1898-1988)


Première rétrospective depuis 40 ans (Musée de La Poste, 2008), hommages - exposition itinérante labellisée d’intérêt national aux musées de l’Hospice St Roch à Issoudun, Unterlinden à Colmar (2009), et de l’Abbaye-Sainte-Croix aux Sables d’Olonne (jusqu’au 14 février 2010), livres se sont succédées pour honorer le peintre Charles Lapicque, reconnu Juste parmi les Nations, à l’occasion du 110e anniversaire de la naissance de ce peintre et du 20e anniversaire de sa mort. Un « dérangeur » à l’œuvre diverse et singulière. A Besançon, la Citadelle présente, dans le cadre de l'exposition Bêtes d'expo ! des félins peints par Charles Lapicque.


Rattaché à la Nouvelle Ecole de Paris, Charles Lapicque est « un des artistes les plus originaux du XXe siècle, un novateur, notamment dans son utilisation de la couleur et de l’espace ».

Grâce à sa formation scientifique, cet ingénieur a assimilé et effectué des études complexes sur l’optique et en a retranscrit dans son art novateur les conclusions.

Recherches chromatiques
Orphelin, le jeune Charles Lapicque est confié à ses grands-parents, puis pris en charge par un oncle professeur.  Ses vacances en Bretagne lui font découvrir la mer, la navigation.

Pendant la Première Guerre mondiale, il sert dans l’artillerie.

Ce Centralien épouse Aline Perrin, fille de Jean Perrin, Prix Nobel de physique (1926). Il travaille en Normandie dans la distribution électrique, et commence à peindre en 1920. Au Salon des Indépendants où il expose, il est remarqué par le sculpteur Jacques Lipchitz qui lui fait rencontrer en 1925 la galeriste Jeanne Bucher.

Fort de son contrat avec deux galeristes, Jeanne Bucher et Pierre Loeb, il démissionne de son poste d’ingénieur pour se consacrer à la peinture. Jeanne Bucher « lui organise sa première exposition en 1929 ». Le krach de 1929 bouleverse sa vie : son contrat est rompu.

Charles Lapicque est engagé en 1931 au laboratoire de physique de la faculté des sciences de Paris. Il y expérimente « les contrastes de valeurs, la perception de l’échelonnement dans l’espace ».

Il rencontre les philosophes Gabriel Marcel et Jean Wahl en 1936. Il peint cinq panneaux du Palais de la Découverte pour l’Exposition universelle de 1937.

En 1938, il soutient avec succès sa thèse de doctorat d’Etat ès sciences sur L’optique de l’œil et la vision des contours. Il  estime « n'être entré en peinture qu'en 1939, année où ses recherches antérieures sur l'échelonnement des couleurs dans l'espace trouvent leur aboutissement personnel ».

Charles Lapicque « participe au renouveau de l’art abstrait ». Mobilisé en 1939-1940, il devient en 1941 un des théoriciens du groupe des jeunes peintres de Tradition française et influe ses pairs : Bazaine, Tal Coat… Il démissionne de la faculté pour s’engager à partir de 1943 dans la seule peinture en étant lié à la galerie Louis Carré.

Charles et Aline Lapicque, tous deux résistants, accueillent le 16 juillet 1942, Fanny Weisbuch, licenciée ès-science juive, son bébé Gérard et sa sœur cadette. Le couple Lapicque et ses fils fournissent des faux papiers et cachent aussi des aviateurs anglais et des émissaires venus de Londres. Après s’être engagé dans l’armée française et moultes pérégrinations, Abraham Weisbuch, mari de Fanny, reste en Auvergne. Dénoncée, arrêtée, la sœur de Fanny meurt à Bergen-Belsen. Le couple Lapicque est distingué en 2000, à titre posthume, comme Juste parmi les Nations. Le 5 juin 2001, sont remis au Sénat (Paris) à leurs ayants-droits le diplôme et la médaille de Justes parmi les Nations.

De 1948 à 1966, il est peintre officiel du Département de la Marine.

Une œuvre narrative, « figurative à la limite de l’abstrait » (Daniel Abadie)
Cet artiste « inventif, audacieux », curieux, voyageur, joueur de tennis et musicien amateur, peint des sujets de la vie quotidienne - automobiles, bouchère, paysages, locomotive, natures mortes -, des sujets historiques : Henri III (1950), La Bataille de Waterloo (1949). Dans ce tableau, il insère un espace, comme une bulle de bande dessinée, pour représenter la vision d’un personnage.

Ses recherches esthétiques et son observation des « vitraux, des émaux médiévaux et des faïences rouennaises du XVIIIe siècle » l’amènent à s’opposer à la « théorie classique en cours depuis la Renaissance, qui veut que le bleu éloigne alors que le rouge rapproche » (Josette Rasle).

Charles Lapicque écrit, ou conseille : « Mettez du rouge, de l’orangé, du jaune pour tout ce qui est impalpable et lointain, notamment le ciel, et du bleu pour tout ce qui est solide, compact, rapproché, la terre par exemple ». Bref, une utilisation originale des couleurs froides – bleu, vert, violet – et chaudes - rouges, jaune, orangé – pour jouer sur les perspectives, créer l’espace. Des couleurs portées en flambeaux.

Charles Lapicque est le premier à recevoir le Grand prix national de la peinture. Ses œuvres ont été acquises par le centre Pompidou, les musées d’art moderne de la Ville de Paris, de Dijon et de Besançon.


Visuels :
Timbre-poste reproduisant en 1989 le tableau « Régates vent arrière » de 1952

Henri III, 1950 (huile sur toile, 120 x 60 cm).
Collection particulière, courtesy Nathan Fine Art, Berlin-Zurich
© Jean-Louis Losi

L’Adieu, 1947 (huile sur toile, 80 x 65 cm). Collection particulière
© Nathan Fine Art, Berlin-Zurich / Droits réservés

Pour en savoir plus :
Charles Lapicque (1898-1988), une rétrospective. Musée de La Poste et Beaux-arts de Paris, les éditions, collection Un timbre - Un artiste, 2008. 112 pages. ISBN : 9 782840 562726. 20 euros.
Charles Lapicque, le dérangeur. Thalia Edition, 2009. 320 pages. ISBN : 978-2-35278-045-8. 39 euros.
Cet article a été publié en une version plus concise dans L’Arche. Il a été publié dans ce blog le 6 janvier 2010, puis le 30 juin 2015.

Qu’est-ce qui fait rire les Européens ?


Arte diffusera les 19, 22 et 23 septembre 2015 le numéro de Yourope intitulé « Qu’est-ce qui fait rire les Européens ? » (LOL: Worüber lacht Europa?) Un panorama succinct - humour Juif absent - des sources du rire en Europe.

« Que signifie le rire ? Qu’y a-t-il au fond du risible ? Que trouverait-on de commun entre une grimace de pitre, un jeu de mots, un quiproquo de vaudeville, une scène de fine comédie ? Quelle distillation nous donnera l’essence, toujours la même, à laquelle tant de produits divers empruntent ou leur indiscrète odeur ou leur parfum délicat ? Les plus grands penseurs, depuis Aristote, se sont attaqués à ce petit problème, qui toujours se dérobe sous l’effort, glisse, s’échappe, se redresse, impertinent défi jeté à la spéculation philosophique » (Henri Bergson, Le rire. Essai sur la signification du comique, 1900)

Andreas Korn enquête  sur les rires, les modalités actuelles du rire, la "gélotologie", ou science du rire. Ou les bienfaits du rire sur la santé...

Il rencontre Eva Ullmann, directrice de l'Institut allemand du rire (Deutsches Institut für Humor®). Une personne convaincue que chacun a un sens de l'humour, mais tout le monde n'a pas le même. Au programme : des exercices d'humour social ou convivial, agressif - se moquer d'autrui.

« Le propre de l’homme » (Rabelais)
« À quoi reconnaît-on qu’un compte bancaire est vide ? Quand un distributeur de billets n’affiche que la langue grecque. » 

C’est « une des nombreuses blagues qui circulent actuellement au sujet de la crise financière grecque. Font-elles aussi rire les Grecs ? Non, ils ont plutôt une préférence pour les blagues sur l’Allemagne », notamment sur la chancelière Angela Merkel.

« Continuer à rire malgré la crise n’est peut-être pas une mauvaise idée en soi. Au contraire : le rire est un bon exutoire. C’est pourquoi les Grecs raffolent des caricatures d’Arkas, publiées régulièrement dans un quotidien national. Sous un pseudonyme : personne ne connaît la véritable identité du dessinateur. Ce dernier souhaite sans doute garder l’anonymat car il sait pertinemment que tout le monde n’a pas le sens de l’humour ». Animée par quatre comiques indépendants - Christos Kiousis, Stathis Panagiotopoulos, Giannis Servetas et Antonis Kanakis -, diffusée le lundi sur une chaîne de télévision de Thessalonique, Radio Arvilla épingle Aléxis Tsípras, alors Premier ministre du parti Syriza, et le système grec de santé. Elle est vue par 50% des téléspectateurs de 15- 45 ans. Un humour satirique audible aussi dans l'émission radiophonique Imagine 89.7.

Si Dieudonné a été condamné pour incitation à la haine, railler ou caricaturer l'islam s’avère impossible. Les « musulmans semblent prendre leur religion très au sérieux. Pourtant, il existe des humoristes musulmans qui tournent justement cet aspect en dérision ». Cependant, « en Grande-Bretagne, des humoristes musulmans refusent de s'autocensurer, des comédiens et comédiennes se produisent sur scène avec le voile. L’humour est à leurs yeux le meilleur moyen de communication et d’intégration ». Né au Kenya dans une famille d'origine indienne, le comédien britannique musulman Imran Yusuf pratique le stand up. Il a réuni neuf autres comiques, souvent musulmans, pour le spectacle HaLol comedy night au Comedy Store. "L'idée est de montrer aux gens que je suis humain malgré mes origines", explique Imran Yusuf. D'origine pakistanaise, Shazia Mirza persifle sur des femmes ayant rejoint les rangs de l'Etat islamique.

Arte s'interroge sur "la ligne rouge à ne pas dépasser" par un humoriste en islam. "Dieu, ses messagers, les prophètes, le Coran, tout cela a énormément de valeur à mes yeux, alors les moqueries cela nous blesse", répond le shaykh Ibrahim Moghra, du Conseil musulman de Grande-Bretagne. Selon les représentants de l'islam interrogés, "le terrorisme et l'extrémisme n'ont rien à voir avec le Coran. On peut donc s'en moquer". (sic) La police anti-terroriste londonienne utilise une "arme des plus innovantes" : Humza Arshad. Ce comique trentenaire doit aider les forces de l'ordre à empêcher le regroupement des terroristes". Des millions d'adolescents regardent Badmans worlds sur Youtube. Cet artiste montre sa  vidéo dans une cinquantaine d'établissements scolaires britanniques et dialogue avec les élèves afin de contrer les efforts des "extrémistes", vocable d'Arte pour éviter le terme "islamistes", pour embrigader des jeunes.



Les « Européens seront-ils jamais unis dans le rire ? » Selon Arte, les Français aiment la satire politique et le cynisme, les Allemands le burlesque et le comique de situation, les Britanniques l'humour noir. Mais on rit de moins en moins... 

« Defying the Norm » (Défier les normes). Telle est la devise de l'Edinburgh Festival Fringe, célèbre festival de théâtre de rue. Lee Ridley "est probablement le seul humoriste qui ne parle pas", et s'exprime par un ordinateur. « L’humour m’aide à accepter mon handicap, évidemment, mais j’espère aussi faire évoluer les mentalités ; les gens pensent que nous n’avons pas d’humour, enfin je crois » dit-il. Enfant, une grave maladie cérébrale l’a privé de la parole. Avec sa tablette tactile à synthèse vocale, Lee Ridley, alias Lost Voice Guy, se produit seul. Il est aussi membre des Abnormally Funny People, un collectif de comédiens frappés de handicaps divers qui a participé à l’édition 2015 du festival d’Edimbourg". Ses buts : supporter le quotidien, changer l'image des personnes handicapées.

Contrairement aux affirmations d’Arte, l’attentat contre la rédaction de l'hebdomadaire satirique français Charlie Hebdo le 7 janvier 2015 n’en fournit malheureusement pas la preuve. Certains sujets, en particulier ceux concernant l'islam, sont prudemment évités par un nombre croissant de dessinateurs de presse, de crainte de susciter l'ire, ou des menaces de mort, de musulmans.

Ce qu’ont confirmé les 5es Rencontres internationales des dessinateurs de presse (11-13 septembre 2015) organisées au Mémorial de Caen avec le soutien de l'association danoise Cartoon movement, qui réunit plus de 300 dessinateurs dans 80 pays. Les Rencontres du Mémorial ont été lancées en 2011 en partenariat avec l'association Cartooning for Peace, créée par le dessinateur célèbre, mais controversé, Plantu et Kofi Annan, ex-secrétaire général de l'ONU (Organisation des Nations unies). L’année suivante, l'association et le Mémorial ont mis un terme à leur partenariat.

Autre preuve : Emmanuel Chaunu a dessiné, en s’inspirant de la photo du petit enfant kurde syrien Aylan Kurdi mort sur une plage turque, un garçon inerte dans la même situation, et portant au dos un cartable. Titre : « C’est la rentrée ». Un « dessin hommage », selon le dessinateur, publié sur son compte Facebook, puis dans L’Union et qui a suscité la polémique sur les réseaux sociaux et qui a valu à son auteur des menaces de mort. « Après le 7 janvier, les gens ont redécouvert le dessin de presse, mais ils n’ont plus les codes culturels. Donc, pas de caricature sans culture », a expliqué  Emmanuel Chaunu.

On peut regretter que Yourope ne s'intéresse pas aux efforts de religions pour contrôler, censurer la liberté d'expression, notamment de dessinateurs ou journalistes. Tant le rire, par sa dynamique, par son pouvoir libérateur, par la distance qu'il émet à l'égard de la réalité, suscite un instant de bonheur, interpelle la réalité, le pouvoir, et peut constituer le moteur vers une alternative honnie par les régimes totalitaires.


2015, 26 min 
Sur Arte les 19 septembre à 14 h, 22 septembre à 7 h 10 et 23 septembre 2015 à 1 h 20

Visuel : © SWR

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Les citations viennent d'Arte.

dimanche 13 septembre 2015

Paul Durand-Ruel. Le pari de l’impressionnisme : Manet, Monet, Renoir


Le Philadelphia Museum of Art présenta l’exposition Discovering the Impressionists: Paul Durand-Ruel and the New Painting. Marchand d’art français, Paul Durand-Ruel (1831-1922) a défendu et soutenu, financièrement et artistiquement, avec une intuition sûre, avec talent et persévérance, les impressionnistes, dont Camille Pissarro, alors méprisés et ostracisés. Le pari audacieux d’un précurseur innovateur, organisant des expositions dans le monde entier, en particulier dans ses galeries à Paris, Londres, Bruxelles et New York, sur les artistes de l’Ecole de Barbizon et des Impressionnistes.
« J’arrive à mon grand crime, celui qui domine tous les autres. J’achète depuis longtemps et j’estime au plus haut degré les œuvres de peintres très originaux et très savants dont plusieurs sont des hommes de génie et je prétends les imposer aux amateurs. J’estime que les œuvres de Degas […], de Monet, […] de Pissarro et de Sisley sont dignes de figurer dans les plus belles collections .» (Paul Durand-Ruel en 1885)

Après avoir été présentée par le Musée du Luxembourg (Paris) sous le titre Paul Durand-Ruel. Le pari de l’impressionnisme : Manet, Monet, Renoir (9 octobre 2014-8 février 2015) et été accueillieInventing Impressionism. How Paul Durand-Ruel created the Modern Art Market  - à la National Gallery de Londres  (4 mars-31 mai 2015), l’exposition Discovering the Impressionists: Paul Durand-Ruel and the New Painting est présentée au Philadelphia Museum of Art. Elle est organisée par la Réunion des musées nationaux - Grand Palais en collaboration avec le musée d’Orsay, la National Gallery, Londres et le Philadelphia Museum of Art. Au musée du Luxembourg (Paris), elle a attiré «  240 945 visiteurs, soit 1 974 visiteurs/jour en moyenne ».

Cette exposition est « la première consacrée au grand marchand des impressionnistes, Paul Durand-Ruel (1831-1922), également considéré comme le père du marché de l’art moderne. Elle se propose, dans le sillage des récentes manifestations dédiées à des marchands influents, tels Theo Van Gogh, Ambroise Vollard ou Henri Kahnweiler, de mettre en lumière le rôle d’une figure éminente de l’impressionnisme dont les choix et les goûts radicaux ont été déterminants pour la reconnaissance des artistes et la constitution de notre panthéon de la peinture moderne ». 

La « plupart des grandes collections impressionnistes publiques et privées se sont en effet constituées auprès de la galerie Durand-Ruel au tournant du XXe siècle. Les collections des musées d’Orsay, de Londres et de Philadelphie comptent près de 200 œuvres passées par sa galerie. Encore aujourd’hui, nulle vente impressionniste qui n’ait lieu sans que des tableaux autrefois passés par la galerie n’y figurent. De sa découverte de l’impressionnisme au début des années 1870 jusqu’au succès du début du XXe siècle, Paul Durand-Ruel  a acheté, vendu, exposé des milliers d’œuvres de Manet, Monet, Renoir, Degas, Pissarro, Sisley, Morisot et Cassatt. Cette histoire ne s’est pas déroulée sans heurt et, s’il est maintenant salué comme un marchand visionnaire, Durand-Ruel a bel et bien fait le pari de l’impressionnisme. C’est ce chapitre de l’histoire de la galerie et du parcours d’un homme que l’exposition » étudie à la lumière de recherches récentes. 

« Reflétant le rayonnement international de la galerie au XIXe siècle, cette exposition évoque avec Paul Durand-Ruel une figure centrale de l’impressionnisme ». Elle « réunit plus de 80 tableaux, notamment des paysages de Camille Pissarro (1830-1903), et des documents, provenant de musées et de collections particulières du monde entier. Elle retrace, entre la fin des années 1860 et 1905, les moments-clés d’une autre histoire de l’impressionnisme, où la réception des œuvres, leur diffusion, leur circulation sont considérées comme un élément de leur meilleure compréhension ». 

Ironie de l’Histoire. Cette exposition a été montrée au Musée du Luxembourg « qui abritait au temps de Paul Durand-Ruel le musée des artistes vivants, où les impressionnistes ont été difficilement et lentement acceptés. Afin d’offrir une vision alternative de l’art de son époque, le marchand ouvrait son appartement à la visite. L’évocation de cet « appartement-musée » constitue le point de départ de l’exposition qui aborde au fil de cinq autres sections, le goût du marchand pour la « belle école de 1830 » (Delacroix, Rousseau, Corot, etc.), ses premiers achats aux impressionnistes et à Manet, à Londres et à Paris, les années de crise à travers l’exemple de l’exposition impressionniste de 1876, la promotion des artistes avec l’essor des expositions particulières autour du cas de Monet en 1883 et en 1892, pour se clore sur la diffusion de l’impressionnisme aux Etats-Unis et en Europe, avec un accent sur l’exposition historique des Grafton Galleries à Londres en 1905, encore à ce jour le plus important rassemblement de tableaux impressionnistes ».

Paul Durand-Ruel « est un homme paradoxal. Contraste étonnant en effet entre le marchand novateur, que son indiscutable flair, ses goûts avancés et la conviction de mener un juste combat inclinent à prendre des risques, et la vie bourgeoise que mène ce père dévoué de cinq enfants, veuf à l’âge de 40 ans, fervent catholique et monarchiste convaincu. Ce « vieux chouan », comme le surnomme Renoir, soutient le communard Courbet, l’anarchiste Pissarro ou les républicains Manet et Monet. Durand-Ruel rassemble, au-delà des exigences de la vie de sa galerie, une collection personnelle de tableaux impressionnistes, qu’il présente dans son appartement du 35, de la rue de Rome à Paris. Ouvert aux visiteurs, il est salué comme « le plus merveilleux musée de peinture contemporaine qui soit en France » (Lecomte), par opposition au musée du Luxembourg, alors musée des artistes vivants, qui ne reconnaît que tardivement l’impressionnisme ».
  

31 octobre 1831 : « Naissance de Paul Durand-Ruel à Paris. Son père, Jean Durand, et sa mère, Marie Ruel, exposent dans leur papeterie parisienne les œuvres d’artistes tels que Géricault et Delacroix. Jean vend et loue des tableaux. La papeterie devient rapidement un point de rencontre pour les artistes et les collectionneurs, et se transforme en galerie.
1839 : La galerie déménage dans un quartier plus élégant de Paris, au n°103 rue des Petits Champs, à coté de la Place Vendôme.
1848 : La révolution de février interrompt l’ascension des affaires.
1851 : Reçu à l’Ecole Spéciale Militaire de Saint Cyr, Paul Durand-Ruel démissionne de l’armée pour travailler auprès de son père. Dans les années qui suivent, il voyage en province et en Europe.
1855 : Paul Durand-Ruel, qui connaît et apprécie les œuvres de Delacroix, a un choc émotionnel devant l’ensemble des tableaux de l’artiste exposés lors de l’Exposition Universelle à Paris.
1862 : Paul Durand-Ruel épouse Eva Lafon qui lui donnera cinq enfants.
1863 : Napoléon III crée le Salon des Refusés afin que les artistes dont les œuvres sont refusées au Salon puissent exposer leur travail et que le public juge par lui même. Paul Durand-Ruel a alors 32 ans et assume pour la première fois le rôle d’expert aux côtés d’un commissaire priseur lors d’une vente publique.
1865 : Disparition de Jean Durand-Ruel. Paul Durand-Ruel va alors progressivement établir sa politique de marchand basée sur quelques principes innovateurs :
- Protéger et défendre l’art avant tout,
- L’exclusivité du travail des artistes,
- Des expositions individuelles et internationales,
- Un réseau de galeries internationales,
- L’accès gratuit aux galeries ainsi qu’à son appartement,
- Promouvoir le travail des artistes par le biais de la presse,
- Associer le monde de l’art à celui des finances.
1865-1874 : Paul Durand-Ruel défend Delacroix, les artistes de l’École de 1830 : Corot, Daubigny, Diaz de la Pena, Jules Dupré, Millet, Théodore Rousseau… ; ainsi que Daumier et Courbet ; et joue un rôle essentiel dans leur reconnaissance par le public.
1870-71 : Paul Durand-Ruel ouvre une galerie à Londres, et une à Bruxelles.
1871 : Eva, épouse de Paul Durand-Ruel, s’éteint à l’âge de 30 ans, le laissant seul parent de 5 enfants.
1871-1873 : Paul Durand-Ruel découvre le travail de Boudin, Monet, Pissarro, Sisley, Degas, Renoir, Manet, Puvis de Chavannes, et plus tard Morisot et Cassatt.
1874 : Ces artistes exposent pour la première fois tous ensembles dans l’atelier du photographe Nadar, et c'est à cette occasion qu’ils reçoivent ironiquement le nom d’Impressionnistes. Renié par ses clients, Paul Durand-Ruel traverse une première crise financière.
1876 : Paul Durand-Ruel organise la seconde exposition des artistes impressionnistes dans sa galerie. L’exposition est excessivement mal accueillie par le public qui qualifie alors sa galerie de « maison de santé mentale ».
1878 : Paul Durand-Ruel organise une exposition des œuvres des artistes de l’École de 1830, en réaction au Salon qui refuse d’exposer leur travail cette même année.
1880-1886 : Paul Durand-Ruel soutient moralement et financièrement les artistes impressionnistes. Il est le seul à acheter leurs œuvres de manière régulière, ainsi qu’à les exposer, en dépit de la deuxième crise financière qu’il traverse.
1883 : Paul Durand-Ruel présente, sans grand succès, des expositions à Berlin, à Londres et Boston. A Paris, il organise pour la première fois des grandes expositions monographiques successives : Boudin, Monet, Renoir, Pissarro et Sisley.
1886 : Paul Durand-Ruel est complètement exsangue financièrement ; James F. Sutton et l’American Art Association l’invitent à organiser une exposition à New York. C’est un succès et la première reconnaissance officielle des artistes impressionnistes, c’est également le début de l’implantation de Paul Durand-Ruel à New York et aux Etats-Unis.
1890-1893 : C’est la reprise de l’activité de la galerie parisienne, la reconnaissance de Renoir et de Pissarro, et la confirmation du succès de Monet.
1890-1914 : Paul Durand-Ruel expose à travers le monde et dans plus de dix villes allemandes, marquant ainsi l’origine des collections d’œuvres impressionnistes en Allemagne.
1905 : Paul Durand-Ruel organise une très grande exposition comportant près de 300 tableaux à Londres, à la Grafton Galleries. C’est l’exposition impressionniste la plus exceptionnelle qui a jamais eu lieu.
1910 : Renoir immortalise son ami et marchand, Paul Durand-Ruel, en peignant son portrait après plus de trente ans d’amitié.
5 février 1922 : Paul Durand-Ruel s’éteint après avoir été décoré de la Légion d’Honneur deux années auparavant mais, ironiquement, non au titre des Beaux-Arts mais à celui du Commerce Extérieur.
Entre 1891 et 1922, Paul Durand-Ruel achète près de 12.000 tableaux. Parmi ces œuvres, on trouve plus de 1.000 Monet, environ 1.500 Renoir, plus de 400 Degas et autant de Sisley et de Boudin, environ 800 Pissarro, près de 200 Manet et près de 400 Mary Cassatt.
A 89 ans, Paul Durand-Ruel réalise qu’ « Enfin les maîtres impressionnistes triomphaient comme avaient triomphé ceux de 1830. Ma folie avait été sagesse. Dire que si j’étais mort à soixante ans, je mourais criblé de dettes et insolvable, parmi des trésors méconnus… »


Du 24 juin au 13 septembre 2015
Au Philadelphia Museum of Art
Dorrance Galleries, first floor
2600 Benjamin Franklin Parkway, Philadelphia, PA 19130
Tel. : 215-763-8100
Du mardi au dimanche de 10 h à 17 h, mercredi et vendredi jusqu’à 20 h 45.

Visuels
Affiche de l’exposition
© Affiche Rmn-Grand Palais, Paris 2014

Camille Pissarro
Le Carrefour, Pontoise, ou Place du vieux cimetière, Pontoise
1872
Huile sur toile, 55 x 94 cm
Pittsburgh, Carnegie Museum of Art
© Image courtesy Carnegie Museum of Art, Pittsburgh

A lire sur ce blog :
Shoah (Holocaust)
Les citations proviennent du dossier de presse.

vendredi 11 septembre 2015

Léon Barsacq (1906-1969), chef décorateur de cinéma



La Capitale Galerie a présenté, dans l'exposition collective Œuvres sur papier, dessins, peintures, des créations du célèbre chef décorateur de cinéma et de théâtre Léon Barsacq (1906-1969). Né en Russie d’une mère Juive russe et d’un père Français, Léon Barsacq a mis son art du décor au service de l’histoire, associant élégance, fantaisie, réalisme et poésie, dans des chefs-d’œuvre – comédies, drames, reconstitutions historiques - de René Clair, Marcel Carné, Jean Grémillon, Julien Duvivier ou Henri-Georges Clouzot. Arte diffusera le 13 septembre 2015 Les Diaboliques d'Henri-Georges Clouzot, avec Paul Meurisse, Simone Signoret et Véra Clouzot, et des décors signés Léon Barsacq.


« Le décor, conception du réel « imité », avec le minimum de paradoxe que, pour le film, le décor le plus réussi est celui qu’on remarque le moins. C’est à une telle réussite que Léon Barsacq atteignait et pourtant, pour un œil exercé, ce qu’il construisait portait la marque de sa manière. Ainsi, pour le film Porte des Lilas il avait bâti tout un ensemble de rues et de ruelles dont peu de spectateurs, je pense, ont pu mettre en doute la réalité. De ces grands maquilleurs du réel que sont les décorateurs (ou plutôt les architectes) du cinéma, vous trouverez ici l’histoire racontée par un maître de leur art. Grâce au livre que Léon Barsacq rédigea dans les dernières années de sa vie, est gardée la mémoire de ces œuvres dont il ne reste que des ombres fixées sur une pellicule fragile », a écrit René Clair, réalisateur, romancier et essayiste membre de l’Académie française, dans la préface du Décor de film, 1895-1969 de Léon Barsacq (Seghers, 1970 ; rééd. Henri Veyrier, 1985).

Avec Max Douy (1913-2007), Alexandre Trauner (1906-1993), Willy Holt (1921-2007) et quelques autres, Léon Barsacq a été une des grands chefs décorateurs du cinéma, en France et à l’étranger.

De Paris à Hollywood

Léon Barsacq est né en Crimée (alors en Russie, aujourd’hui en Ukraine) d’une mère Juive. Son père était un ingénieur agronome français envoyé par le gouvernement français dans l’empire russe pour y familiariser les paysans avec des méthodes modernes de viticulture ; il décède prématurément. Sa veuve et leurs enfants s’installent en France. André Barsacq (1909-1973), cadet de deux ans de Léon, sera décorateur, costumier, scénographe et metteur en scène ; époux de la nièce du peintre, décorateur et costumier Léon Bakst, il dirigera le théâtre de l’Atelier à Paris.


Formé aux Arts décoratifs de Paris, Léon Barsacq est aussi diplômé d’architecture.


Dans une industrie cinématographique française caractérisée par ses célèbres studios – Pathé-Natan rue Francoeur, Paramount à Saint-Maurice (Val-de-Marne), Studio Albatros à Montreuil, Studios Eclair à Epinay-sur-Seine - situés en Ile-de-France – Joinville-le-Pont, Boulogne-Billancourt – ou à Nice – Studios de la Victorine ou Riviera -, les décorateurs donnent l’illusion de la réalité aux acteurs et aux spectateurs. L’un des plus renommés est Lazare Meerson (1897-1938), dont les plus célèbres assistants ont été Georges Wakhevitch, Eugène Lourié et Alexandre Trauner », écrit Jacques Kermabon.


Léon Barsacq débute comme assistant décorateur d’André Andreïev, de Jean-Barthélémy Perrier (1884-1942) et Robert Gys. Premiers films auxquels il collabore comme décorateur : Chansons de Paris (1934) de Jacques de Baroncelli, Touche-à-tout (1935) de Jean Dréville, Le Coupable (1936) de Raymond Bernard.

Vite remarqué par son talent, Léon Barsacq conçoit et surveille a construction des décors de Yoshiwara de Max Ophuls (1937) – décors cosignés avec son frère André -, La Marseillaise (1938) de Jean Renoir, Lumière d'été (Jean Grémillon, 1943), Les Mystères de Paris (Jean de Baroncelli, 1943), Les Enfants du Paradis (Marcel Carné, 1944).
Pour cette oeuvre magnifique Les enfants du Paradis, ce chef décorateur « collabore avec Alexandre Trauner et Raymond Gabutti », écrit Gregory Volotato. « Trauner a dessiné des maquettes de décor du film », précise Françoise Barsacq, belle-fille du chef décorateur. Et d’ajouter que sous l’Occupation, le patronyme Barsacq d’origine landaise « n’a pas éveillé les soupçons ».

Léon Barsacq déploie une attention aux détails contribuant à la crédibilité immédiate du décor, de la situation, de l’atmosphère, comique ou dramatique, légère ou tendue. Dans des genres divers, adaptations de romans - L'Idiot (G. Lampin, 1946), Michel Strogoff (C. Gallone) 1957 - ou nouvelle - Boule de Suif (Christian-Jaque, 1945) – ou scénarios originaux, en noir et blanc ou dans les nouveaux procédés en couleurs (Violettes impériales (R. Pottier, 1952).

Après-guerre, le nom de Léon Barsacq figure au générique de films, témoignant souvent de la « qualité française », et de pièces de théâtre : Les Dernières Vacances (R. Leenhardt, 1947), Pattes blanches (J. Grémillon, 1948), Le Château de verre (R. Clément, 1950), Maya (Raymond Bernard), Deux sous de violettes (J. Anouilh, 1951), Rome onze heures (Guiseppe de Santis), Le Grand Jeu (Robert Siodmak, 1953), Bel ami (Louis Daquin), Les Diaboliques (H-G. Clouzot, 1954), The Ambassador’s daughter (La fille de l’ambassadeur, Norman Krasna), Pot-bouille (Julien Duvivier), Recours en grâce (László Benedek, 1959), Les joies de la famille (Philippe Hériat, 1961), Trois chambres à Manhattan (Marcel Carné, 1963), La Rancune (The Visit, Bernhard Wicki, 1964), J'ai tué Raspoutine (Robert Hossein, 1966), Phèdre (Pierre Jourdan, 1968)…

Pour René Clair, Léon Barsacq imagine les décors de films aussi variés que Le Silence est d’or (1947) – sur les débuts du cinéma à Paris et l’apprentissage sentimental - jusqu’à Porte des Lilas (1957), via La Beauté du diable (1949) – mythe de Faust -, Les belles de nuit (1952) mêlant onirisme et réalisme dans un montage fluide passant du Paris de la Belle Epoque ou des années 1950 à un Orient rêvé esquissé, et remontant à la Préhistoire -, et Les Grandes manœuvres (1955).
« A défaut de disposer des témoignages qui décriraient par le menu le cheminement de leur collaboration, on peut imaginer que, partant du découpage de René Clair, Léon Barsacq émettait des propositions, auxquelles le réalisateur devait réagir. La confrontation de deux dessins pour le premier plan du film le laisse supposer. Dans l’aquarelle qui apparaît comme une esquisse, quelques éléments sont suggérés : une rue qui débouche sur un manège, des promeneurs, tête baissée sous leur parapluie… Par contraste, le dessin, disons « définitif », une gouache, emprunte un trait si précis, il est si proche tout à la fois du cadrage que de l’action du film que l’on serait presque tenté d’y voir le croquis d’un observateur du tournage. Tout y est, la largeur de l’avenue bien plus conséquente, le bâtiment haussmannien à l’arrière-plan, la forme du manège, jusqu’à la flaque d’eau dans le creux de pavés inégaux. La puissance évocatrice du dessin de Léon Barsacq transparaît tout autant, qu’il dessine la salle du café-concert ou le studio de prise de vue », observe Jacques Kermabon.

Et de louer dans La Beauté du diable « la précision du trait du décorateur, la définition des détails, les jeux d’ombres, le soin apporté aux reflets, qui confirment ce qu’il revendiquait lui-même : la mise en place d’une atmosphère ». Un éloge valable pour les autres maquettes de décor de films éternisant une certaine réalité et nourrissant une certaine nostalgie.

Pour Les aventures de Till l'Espiègle (Gérard Philipe, 1956), Léon Barsacq s’inspire de peintres flamands, dont Brueghel.

Il est nommé aux Oscar pour Le Jour le plus long (The Longest Day, 1962), de Ken Annakin, Andrew Marton et Bernhard Wicki.

Parallèlement à son intense activité de chef décorateur, Léon Barsacq enseigne à l’IDHEC, école de formation aux métiers du cinéma devenue la FEMIS.

« Un grand nombre de maquettes sont visibles à la Bibliothèque Nationale et à la Cinémathèque Française. Des maquettes de Léon Barsacq ont été exposées de son vivant, en France et à l'étranger. Depuis sa mort des maquettes ont été exposées à l'Ecole des Beaux-Arts de Paris et au Salon d'automne », me confiait Mme Barsacq le 2 novembre 2011.

En 2011, dans l'exposition « Maquettes de décors de films »la Capitale Galerie a présenté 30 aquarelles, lavis, fusain, encres de Chine et pastels du célèbre chef décorateur de cinéma et de théâtre Léon Barsacq.

La Cinémathèque française a présenté l'exposition Profession Chef décorateur (3 décembre 2014-28 juin 2015). L'exposition "est consacrée aux dix dernières années d'enrichissement des collections de la Cinémathèque française et présente environ 150 documents illustrant l'art du décor de cinéma en France. Elle propose un parcours chronologique en trois temps, retraçant l'évolution du métier de l'après-guerre à nos jours.

L'âge d'or des studios (1945-1960). À partir de 1945 et jusqu'aux années soixante, les studios situés autour de Paris tels que Boulogne-Billancourt, Joinville-le-Pont, Saint-Maurice entre autres, permettent à de grands chefs décorateurs comme Max Douy, Léon Barsacq, René Renoux ou encore Alexandre Trauner, d'inventer et de construire les décors de quelques-uns des plus grands films de l'histoire du cinéma français.

Le déclin des studios (1960-1990). Même si la Nouvelle Vague impose de nouvelles pratiques de tournage en extérieur, elle ne met pas fin à l'usage des studios car de nombreux réalisateurs attachés à cette ancienne pratique lui restent fidèles. Cet outil sera encore, durant de nombreuses années, l'allié de la complicité entre des décorateurs et des réalisateurs tels que Jacques Saulnier et Alain Resnais, Pierre Guffroy et Roman Polanski. A partir de la fin des années soixante-dix, de nombreux studios disparaissent, victimes de la spéculation immobilière. Malgré tout, les années quatre-vingt voient la naissance des studios d'Arpajon, anciens hangars à pomme, situés dans l'Essonne et de ceux de Bry-sur-Marne. Témoins du renouveau des studios, ils fonctionnent et s'agrandissent, abritant des tournages aussi variés que prestigieux. À ce jour, les Studios de Paris basés à Saint-Denis leur succèdent.

Aujourd'hui une nouvelle génération de décorateurs est confrontée à d'autres défis : délocalisations des tournages dans les studios des pays de l'Est moins coûteux pour les producteurs, évolution des techniques du numérique. Malgré tout, des décorateurs comme Jean Rabasse, William Abello, Anne Seibel, Jean-Marc Kerdelhué et Olivier Raoux perpétuent chacun à leur manière la tradition des chefs décorateurs. Et qu'ils aient étudié l'architecture, les Beaux-arts, la décoration ou qu'ils aient appris sur le « tas », ils restent pour plusieurs générations encore, les « architectes du rêve ».


Jusqu'au 14 mars 2015
Jusqu’au 19 novembre 2011
A la Capitale Galerie 

18, rue du Roule, 75001 Paris
Tél. : 01 42 21 19 31
Du lundi au samedi de 11 h à 13 h et de 14 h à 19 h 30

Visuels : ©  Léon Barsacq/DR
Bel Ami II
Maquette
Aquarelle
Le Silence est d’or II
Maquette
Encre

Dessins de Léon Barsacq pour Le Silence est d'or de René Clair, 1946
©  ADAGP, Paris 2014

Articles sur ce blog concernant :
- Chrétiens 

Cet article a été publié le 13 novembre 2011, puis le :
- 4 novembre 2012 à l'approche de la diffusion le 5 novembre 2012, à 20 h 50, des Enfants du Paradis de Marcel Carné par Arte ;
- 12 mars et 11 septembre 2015.