vendredi 3 février 2023

Saison afghane au Musée Guimet

Le Musée national des arts asiatiques – Guimet présente, dans le cadre de la « Saison Afghane au MNAAG » (26 octobre 2022 au 6 février 2023), les expositions « Afghanistan, ombres et légendes. Un siècle de recherches archéologiques en Afghanistan » et « Sur le fil, création textile des femmes afghanes ». "5 000 sites grecs, bouddhiques ou islamiques" - mais pas juifs !?... Le "patrimoine archéologique, les collections muséales et le patrimoine bâti de l'Afghanistan" ont été révélés, recensés notamment par la Délégation archéologique française en Afghanistan (DAFA), des services patrimoniaux afghans, des missions étrangères. Un patrimoine bouddhique en partie détruit par les conquérants islamiques, puis en 2001 par les Talibans.


Du 26 octobre 2022 au 6 février 2023, le Musée national des arts asiatiques – Guimet (MNAAG) révèle la "richesse et la complexité, entre archéologie et création contemporaine", de l’Afghanistan.

Dans le cadre de la Saison afghane, le MNAAG présente deux expositions : « Afghanistan, ombres et légendes. Un siècle de recherches archéologiques en Afghanistan » notamment par la Délégation archéologique française en Afghanistan (DAFA), et Sur le fil, création textile des femmes afghanes « sur le travail de la maison de couture Zarif Design, créée par Zolaykha Sherzad à Kaboul en 2005, qui contribue à faire revivre des savoir-faire et des compétences menacés de disparition alors qu’ils constituent une véritable culture technique et artistique puisant dans une histoire millénaire. » 

Sophie Makariou et Nicolas Engel, commissaires d'exposition, ont ainsi présenté 
la Saison afghane au MNAAG
« Il y a un peu plus d’un an tombait Kaboul entre les mains des Talibans. Leur progression dans le pays aura été fulgurante ne laissant pas le temps aux équipes du musée national des arts asiatiques – Guimet et du musée national d’Afghanistan de mener à terme le projet commun de célébration de 100 ans de coopération archéologique entre la France et l’Afghanistan ; il nous tenait à cœur. En premier lieu nous avons une pensée constante pour nos collègues du musée de Kaboul et une grande gratitude pour tous ceux qui, au ministère de l’Europe et des Affaires étrangères, au ministère des Armées, à la présidence de la République, à l’Institut national du patrimoine, à la fondation ALIPH, à l’Aga Khan Trust for Culture, à la Smithsonian Institution à Washington tout comme à l’ambassade de France à Kaboul, nous ont appuyé, encouragé et soutenu dans ce projet un peu fou. Avoir essayé ne nous dispense pas de regret, mais nous enlève tout remord. Alors cette exposition et cette histoire sont-elles orphelines ? Nous ne le croyons pas. La raconter est plus que jamais une nécessité pour que la main tendue ne s’engourdisse pas, pour que nous puissions – quand les conditions seront réunies – à nouveau en saisir une autre et reprendre. Dicebamus hesterna die (comme nous le disions hier) aurait dit le frère Luis de Léon revenant en chaire à l’université de Salamanque en 1576, après trois ans d’incarcération aux mains de l’Inquisition. Le grand philosophe Miguel de Unamuno, revenant d’exil après avoir été chassé par le phalangiste Primo de Rivera, aurait prononcé la même phrase. On en doute aujourd’hui. Peu importe, elle résonne, en Espagne, en Afghanistan, du 16e siècle au 20e et au 21e siècle. Un jour quelqu’un prononcera à Kaboul : « comme nous le disions hier ». En attendant c’est à Paris qu’il faut continuer. Entre nos deux collections l’histoire s’est écrite en miroir, par le partage de fouilles qui ne cesse que dans les années 1950, par l’arrivée continue de la « documentation de la Délégation archéologique française en Afghanistan », par les liens entretenus avec nos collègues, par l’étude enfin des collections, source constante de recherches. Cette exposition est notamment l’occasion de se pencher à nouveau sur l’impressionnant ensemble des ivoires de Begram.
Au fil des décennies l’étude du patrimoine afghan a changé de regards, de méthodes, parfois d’acteurs. Ils furent ces derniers temps issus de pays plus nombreux. C’est aussi sur cet élargissement de la recherche que l’exposition Afghanistan, ombres et légendes entend se pencher, mettant en lumière la part essentielle de l’action et de l’engagement d’individus et de talents qui ont amené notre savoir au point où il en est aujourd’hui. Nul doute qu’il reste encore beaucoup à faire, et des actions sont menées. Nul défaitisme donc dans cette exposition mais la conviction que nous continuerons à faire connaître le riche patrimoine afghan, à le protéger autant que nous le pourrons, même à distance. »

L'exposition « Afghanistan, ombres et légendes. Un siècle de recherches archéologiques en Afghanistan » rappelle les origines des relations entre ce pays et la France en matière archéologique, et . Elle bénéficie du soutien de la Fondation ALIPH et de la DAFA.

« En 1919, à la tête d’un État désormais indépendant, le roi d’Afghanistan Amanullah souhaite moderniser son pays et, par l’éducation et le patrimoine, en renforcer l’identité nationale. C’est dans ce contexte qu’est créée, à sa demande, la Délégation archéologique française en Afghanistan (DAFA), dont nous commémorons en 2022 le centenaire et celui d’une solide amitié franco-afghane. »

« À l’occasion du centenaire de la Délégation archéologique française en Afghanistan (DAFA), le MNAAG présente une vaste exposition consacrée à ce siècle de découvertes et de relations avec l’Afghanistan. Grâce aux partages des objets issus des fouilles, se sont ainsi constituées à Paris les collections afghanes les plus belles d’Occident. L’exposition offre au public un panorama des nombreuses recherches menées tout en soulignant l’importance du patrimoine archéologique et des collections muséales, mais aussi du patrimoine bâti de ce pays sur lequel pèse toujours une menace latente depuis le retour au pouvoir des Taliban le 15 août 2021. »

« La création de la DAFA en 1922 a initié les premières recherches archéologiques dans un jeune État indépendant, alors en quête de modernité. »

« Pendant les années 1945-1982, la volonté afghane en matière de maîtrise de son patrimoine et de son identité nationale permet une installation en permanence de la DAFA à Kaboul. La période de conflits de 1979 à 2001 est marquée par l’arrêt des recherches archéologiques sur le terrain, le départ de la DAFA de Kaboul en 1982, les pillages et la destruction du musée de Kaboul. »

« À partir de 2003, les recherches reprennent, avec la réouverture de la DAFA à Kaboul et le retour ponctuel d’autres missions archéologiques étrangères. »

« Malgré les soubresauts de l’histoire, l’aventure archéologique de la DAFA a ainsi accompagné pendant un siècle l’émergence des services patrimoniaux afghans, valorisant aux yeux du monde, à Paris comme à Kaboul, la richesse de sites et de monuments inestimables – Hadda, Bamiyan, Begram, et tant d’autres –, oeuvrant, grâce aux coopérations internationales, à la compréhension de l’histoire de l’Afghanistan. »

« Au-delà de l’évocation des oeuvres de Kaboul qui n’ont pu venir, ou de l’exploration des collections du MNAAG et des riches archives déposées par la DAFA au musée, c’est aussi un prolongement de l’histoire afghane qui est envisagé, celui de la recherche archéologique sous la houlette de nouveaux partenaires et grâce aux nouvelles technologies appliquées à l’archéologie. »

« L’exposition permet également de revenir sur les conditions de l’émergence de l’Afghanistan sur la toile de fond du « Great Game » et dans un Moyen-Orient en pleine mutation au lendemain de la première guerre mondiale. La formation des services patrimoniaux afghans, la diversification des champs de recherches impulsée par le développement des missions étrangères, les questions liées à la conservation et la restauration des oeuvres, la préservation des sites archéologiques et l’évolution de la documentation archéologique sont autant de fils conducteurs de l’exposition, qui est enrichie de prêts de divers musées européens. Honorant un pays perçu comme mythique et insaisissable, elle est aussi traversée par les fantômes des grandes figures de l’archéologie. Cette histoire profondément humaine s’enrichit, au long du parcours, de vues 3D de sites archéologiques majeurs désormais presque interdits, transportant le visiteur au cœur de cette terre de légendes. »

L'exposition évoque « les questions de conservation et de restauration des œuvres, celle de la préservation des sites archéologiques et patrimoniaux, l'évolution de la documentation archéologique. La découverte progressive de l'histoire ancienne de l'Afghanistan, au travers d'hommes et de femmes, archéologues, conservateurs, historiens, mais aussi ouvriers employés sur les fouilles, afghans ou étrangers. » 

Parmi les chercheurs, citons trois archéologues attachants de la DAFA. 

« Conservateur au Musée Guimet Joseph Hackin (1886-1941) était avant tout un homme d’action et de convictions. Né d’une famille originaire du Luxembourg, il grandit en Normandie et est encouragé à faire des études supérieures. Il se lança alors dans une carrière d’orientaliste que vint interrompre la Première Guerre mondiale. Engagé volontaire, blessé et décoré plusieurs fois, c’est avec le grade de capitaine qu’il retrouva la vie civile et le Musée Guimet.

« En 1924, il rejoint Alfred Foucher, premier directeur de la DAFA, en Afghanistan et l’assiste pendant les dernières  semaines de sa mission. Il y reviendra alors régulièrement, assurant ainsi la direction de la Délégation archéologique française en Afghanistan, même si formellement Alfred Foucher en sera toujours directeur et ce jusqu’en 1942. Sans avoir de programme scientifique précis, Joseph Hackin a pourtant une vision très personnelle de sa mission où se mêlent une curiosité intellectuelle insatiable, un engagement physique et un esprit d’aventurier.  Selon ses propres mots, il pratique l’archéologie comme un sport. Ses séjours en Afghanistan étant en quelque sorte des parenthèses dans une vie professionnelle bien chargée avec, en particulier, ses obligations de conservateur au Musée Guimet. »

« À la suite d’André Godard, il décide de poursuivre l’étude de la vallée de Bamiyan et réalise ainsi les premières études scientifiques des Bouddhas géants et des grottes qui les entourent. À Kaboul pendant l’insurrection de l’Emir Habibullah, plus connu par son  sobriquet de Batcha Saqao (le fils du porteur d’eau), il participe à la défense de l’Ambassade qu’il réussit ainsi à protéger de tout pillage. Au fil de ses missions il est amené à intervenir dans le Sud de l’Afghanistan jusque-là pratiquement ignoré des archéologues. »

« À partir de 1936 Joseph Hackin entreprend d’étudier le site antique de Begram à une cinquantaine de kilomètres au nord de Kaboul. C’est lors de la deuxième campagne de fouille, en 1937, que l’équipe dirigée par son épouse Marie-Alice (Ria) Hackin (1905-1941) met au jour  le « trésor de Begram » : un  dépôt d’objets remarquables par leur qualité et provenant aussi bien de la côte levantine que de Chine, de Grèce continentale ou d’Inde. Jusqu’en 1939 l’exploration du site se poursuivra. »

« C’est donc à Kaboul que Joseph Hackin apprendra la déclaration de guerre, la défaite de la France et qu’il aura connaissance de l’appel du Général de Gaulle. Le 19 aout 1940, il quitte Kaboul pour rejoindre Londres et le Français Libres et, avec lui, son épouse et son architecte et disciple Jean Carl. En Angleterre il est chargé des relations internationales de ce qui ne s’appelle encore que le Comité des français libres. C’est à ce titre qu’il est  envoyé pour une grande mission diplomatique en Asie. Le 20 février 1941 Ria et Joseph Hackin trouvent la mort lors du torpillage de leur bateau au large des îles Féroé. De désespoir, Jean Carl se suicidera à Londres le 3 avril 1941. Joseph et Ria Hackin furent faits Compagnons de la Libération. »

« Né dans une famille juive à Kharkov, actuelle Kharkiv (alors dans l'empire russe, et maintenant en Ukraine), Roman Ghirshman (1895-1979) était un archéologue spécialisé dans l'Iran où il vécut environ trente ans, et historien français. Réfugier à Paris en 1923, il travaille pour gagner sa vie tout en étudiant le soir à la Sorbonne, à l’Ecole Pratique des Hautes Études et à l’Ecole du Louvre. rallié à la France Libre depuis août 1940. Il débute par les fouilles de Tello en Irak (1930), puis « en 1931 est nommé à la direction de la Délégation archéologique française en Iran. À l’automne 1936, Roman Ghirshman et son épouse Tania arrivent en Afghanistan. Partis de Paris avec Joseph et Ria Hackin, ils convoient des véhicules tout-terrains avec lesquels Joseph Hackin se proposait d’explorer le Seistan afghan. De novembre et jusqu’au début décembre 1936, Roman Ghirsman entame la fouille de Nad-i Ali qui sera le premier site préhistorique étudié par la DAFA. Malgré des résultats très prometteurs et surtout du fait du développement des fouilles à Begram au Nord de Kaboul, les travaux dans le Séistan ne furent pas poursuivis et Roman Ghirsman concentra ses efforts sur ses projets iraniens. »

« La guerre, la défaite, le départ de Joseph Hackin de Kaboul le 3 Juillet 1940, créant une situation très préjudiciable à la DAFA, le CNRS décide, le 28 mars 1941, d’accorder à Roman Ghirshman la direction des fouilles françaises en Afghanistan. Celui-ci arrive à Kaboul le 14 aout dans un contexte particulièrement tendu, l’ambassade de France étant ralliée au régime de Vichy voyait d’un assez mauvais œil l’arrivée de ce chercheur d’origine russe, juif de surcroit et rallié à la France Libre depuis aout 1940. À l’Automne 1941, il peut cependant entreprendre une nouvelle campagne de fouilles à  Bégram, puis d’avril à aout 1942. En janvier 1943 R. Ghirshman est révoqué par le régime de Vichy mais reste en Afghanistan jusqu’au 23 novembre 1943 à la demande du Comité français de libération nationale ».

Roman Ghirshmann « ne retravaillera plus en Afghanistan mais publiera un fort volume présentant en partie ses travaux à Bégram et publié dans la collection des Mémoires de la DAFA. Roman Ghirshman dès lors consacrera sa carrière à l’archéologie iranienne. Élu en 1965 à l’Académie des Inscriptions et Belles-lettres ».

« Deux films sont projetés dans le cadre de l’exposition, réalisés pour l’occasion par ICONEM grâce au soutien de la Fondation ALIPH, portant sur le minaret de Jam - tour du 12e siècle inscrite au patrimoine mondial de l’Unesco - et sur le site de Mes Aynak - cité minière aux nombreux monastères bouddhiques du 3e au 8e siècle. »

« Cette exposition bénéficie du soutien de l'Institut français d’Afghanistan. »

Les Commissaires sont Nicolas Engel, conservateur en chef en charge des collections Afghanistan - Pakistan, MNAAG, et Sophie Makariou, commissaire générale, conservatrice générale du patrimoine, présidente du MNAAG.

« L’exposition en quelques chiffres :
- 370 œuvres présentées
- du 3e millénaire avant J.-C. au 21e siècle
- 195 pièces archéologiques
- 175 photographies
- 2 films Iconem

Quelques informations :
- Sites présentés : Bactres, Aï Khanoum, Hadda, Begram, Bamiyan, Mes Aynak, Ghazni, Lashkari Bazar, Hérat, etc.
- Photographies d’André Godard, Ria Hackin, Marc Le Berre et autres membres des missions archéologiques, Fosco Maraini, Marc Riboud, Josephine Powell, Simon Norfolk, Steve Mc Curry, etc.
- Avec les prêts d’œuvres en provenance de : musée du Louvre (département des Antiquités orientales et département des Arts d’Islam), Musée du Quai Branly –Jacques Chirac, Bibliothèque nationale de France, musée des Arts décoratifs, British Museum, museo delle Civiltà à Rome, Agha Khan Trust for Culture
- Avec les prêts de photographies en provenance de : association Les amis de Marc Riboud, Collège de France, Médiathèque de l’architecture et du patrimoine, Délégation archéologique française en Afghanistan, Fondation Alinari pour la photographie, Harvard Fine Arts Library, Istituto Italiano per il Medio ed Estremo Oriente, Agha Khan Trust for Culture, Afghan Center at Kabul University, Steve Mc Curry et collections particulières ».

Sur les grilles du Musée national des arts asiatiques – Guimet, la Fondation ALIPH, créée à Genève (Suisse) en 2017, présente une exposition de 16 photographies intitulée « Protéger le patrimoine pour construire la paix ». L’exposition « raconte comment le patrimoine a été, et continue d’être, une victime collatérale des conflits, voire une cible ou une arme de guerre. Ces photographies de sites en Ukraine, Syrie, Irak, Afghanistan, Arménie, ainsi qu’au Mali, Yémen, Liban et Niger, témoignent de la manière dont la protection du patrimoine dans les pays en conflit ou en sortie de crise peut contribuer à faire vivre l’espoir et le dialogue interculturel et inter-religieux, à renforcer le développement économique et social durable et la construction de la paix. Elle dit enfin combien la beauté de ce patrimoine à préserver nous rappelle à tous notre commune humanité ».

Sur un de ces panneaux de « l'Alliance internationale pour la protection du patrimoine dans les zones en conflit (ALIPH) : sa carte du monde montrant les lieux de ses projets et plaçant un gros point sur une partie de la superficie de l'Etat d'Israël et des territoires disputés dénommés "Palestine" !?
Le 23 octobre 2022, Me Aude Weill-Raynal a twitté : "Bonjour @MuseeGuimet, petite leçon de géographie: l'Etat qui se trouve entre le Liban, la Syrie, la Jordanie et l'Egypte s'appelle Israël,le sachiez vous? pouvez vous corriger la carte affichée sur votre façade? (Paris 16)Merci! @AmisdeGuimet".
Dominique Vidal lui a répondu : "Il faudrait aussi indiquer les territoires palestiniens occupés."
Le 24 octobre 2022, le MNAAG a twitté trois messages à l'avocate indignée : 
"Bonjour @AudeWeill, le MNAAG ouvre une exposition consacrée à l’Afghanistan à l’occasion du 100e anniversaire de la Délégation archéologique française en Afghanistan, dont @ALIPHFoundation est partenaire. 1/3"
"@ALIPHFoundation est l'Alliance internationale pour la protection du patrimoine dans les zones en conflit. Les panneaux présentés sur les grilles extérieures du musée dressent un panorama de ses actions, 2/3"
"et la carte en question présente uniquement les zones dans lesquelles @ALIPHFoundation intervient pour la protection du patrimoine. Pour plus d’information sur ALIPH : http://aliph-foundation.org"
Le 15 novembre 2022, le mot "Palestine" avait été rayé de la carte et remplacé par "Israël".

ALIPH « est le principal fonds mondial exclusivement dédié à la protection du patrimoine dans les zones de guerre ou en sortie de crise. Elle a été créée en 2017 à Genève en réponse à la destruction massive du patrimoine ces dernières années, du fait notamment des conflits et du terrorisme en Afghanistan (Bamiyan, 2001), puis au Moyen-Orient et au Sahel (Tombouctou, Palmyre, Alep, Raqqa, Mossoul…). »
« ALIPH sélectionne, finance et accompagne des projets de protection ou de réhabilitation de monuments, sites, musées, collections d’oeuvres d’art ou de manuscrits, édifices religieux, patrimoines immatériels, mis en oeuvre par ses partenaires (ONG, institutions culturelles, etc.). La philosophie d’ALIPH se résume en trois mots : action, agilité, terrain. La fondation a ainsi d’ores et déjà engagé 50 MUSD au soutien de 160 projets dans 30 pays sur 4 continents. Son fonctionnement en mode start-up en fait de surcroît un instrument d’une très grande agilité, notamment face aux crises, comme l’illustre aujourd’hui son action en Ukraine : depuis début mars, elle a financé plus de 150 projets visant à protéger les musées, les bibliothèques et les archives. ALIPH a enfin pour priorité de soutenir des projets concrets et de travailler le plus étroitement possible avec les autorités, populations et acteurs locaux. »
« Partenariat public-privé, ALIPH est soutenue depuis l’origine par sept Etats membres – le Royaume d’Arabie saoudite, la Chine, les Emirats arabes unis, la France, le Koweït, le Luxembourg et le Maroc – trois donateurs privés – Thomas S. Kaplan et les fondations Gandur pour l’Art et Andrew W. Mellon – et la Suisse, pays hôte. Depuis, d’autres fondations privées ou pays se sont engagés aux côtés d’ALIPH, comme Monaco, Oman et la Roumanie. Récemment, l’Union européenne a soutenu ALIPH pour son action en Ukraine. »

Voici la composition du Conseil de la Fondation ALIPH :
Président, M. Thomas S. Kaplan (donateur privé)
Vice-président, S.E. Mohamed Al Mubarak (É.A.U)
Vice-présidente, Mme Bariza Khiari (France), "représentante personnelle du Président de la République française au Conseil de Fondation d’ALIPH, dont elle assure la Vice-Présidence. Elle est également présidente de l’Institut des Cultures d’Islam, établissement culturel de la Ville de Paris. Mme Khiari est une personnalité politique française depuis les années 1970. Elle a été sénatrice de 2004 à 2017 et première vice-présidente du Sénat français de 2011 à 2014. Elle a également été Juge à la Cour de Justice de la République. Tout au long de sa carrière politique, Mme Khiari a défendu l'égalité et les minorités religieuses au Moyen-Orient. Elle a contribué à la création d'un groupe d'étude du Sénat sur ces questions, préconisant la coopération interconfessionnelle. Mme Khiari est Chevalier de la Légion d'honneur et de l'Ordre national du Mérite de la République française. Originaire d’Algérie, Mme Khiari est bi-nationale. Elle est titulaire d'une maîtrise en gestion des entreprises de l'Institut d'administration des entreprises de l'Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne"
S.A. Prince Badr bin Abdullah bin Farhan Al Saud (Arabie saoudite)
S.E. Hussah Al-Sabah (Koweït)
S.E. Nadia Ernzer (Luxembourg)
M. Wen Dayan (Chine)
M. Mehdi Qotbi (Maroc)
M. Jean Claude Gandur (donateur privé)
Mme Mariët Westermann (personnalité qualifiée)
M. Richard Kurin (personnalité qualifiée)
Pr. Markus Hilgert (personnalité qualifiée)
NON-VOTING MEMBERS
M. Mounir Bouchenaki (Président du Comité scientifique, ad interim)
M. Marc-André Renold (Suisse)
M. Ernesto Ottone Ramirez (UNESCO)
M. Valéry Freland (directeur exécutif)


INTRODUCTION
« C’est dans le contexte d’une modernité orientale « en travail » qu’il faut comprendre le geste fort que représente, de la part du roi Amanullah, l’appel à la France pour créer la « Délégation archéologique française en Afghanistan » en 1922. De nouveaux États émergent alors des décombres de l’Empire ottoman, les sentiments nationalistes s’éveillent tant au Proche et Moyen-Orient que dans l’Inde voisine, en Afghanistan, sur un fond de « Great Game » entre Russes et Britanniques. »
« Ces 100 années auront vu des découvertes prestigieuses, l’inauguration au musée Guimet de salles afghanes, la recherche infatigable et longtemps déçue du « maillon grec » manquant en Bactriane, la découverte inouïe de Begram, la révélation de Bamiyan sous « le ciel d’Islam », dans ce « pays du bleu », une ethnographie inconnue, une palpable émotion à la rencontre des populations, et enfin l’impression forte produite par des paysages parmi les plus somptueux au monde. »
« L’aventure archéologique de la France en Afghanistan, malgré le retour des Talibans au pouvoir à l’été 2021 – qui empêche tout prêt du musée national de Kaboul – demeure une aventure tout à la fois intellectuelle, sentimentale et littéraire comme il en existe peu entre deux pays et au coeur même d’un musée. »
« La France, depuis 100 ans, n’a pas renoncé à croire que quelque chose est possible avec l’Afghanistan, que cette histoire, parfois si difficile, il nous incombe de la protéger et de la transmettre même dans notre extra-territorialité parisienne ; qu’un autre chapitre, un jour, à nouveau sera écrit. Ensemble. »
Regards sur l’Afghanistan
« Pays inaccessible, l’Afghanistan a constitué un horizon littéraire et historique fantasmé. Aussi, archéologues, ethnologues, photographes et écrivains tentent-ils d’en capter un instantané, d’en saisir la beauté, la complexité humaine, et une part de mystère. L’oeil photographique de Ria Hackin, qui est de toutes les missions de la DAFA de 1929 à 1940, documente ainsi les populations croisées au fil des routes et des fouilles, tout en travaillant au manuscrit des Légendes et coutumes afghanes, publié en 1953. Et comment, tel Rudyard Kipling écrivant L’homme qui voulut être roi, ne pas rêver face aux sculptures de bois si singulières du Nouristan, ancien Kafiristan ou « pays des païens », converti de force à l’islam en 1895 ? Ou tel Joseph Kessel travaillant aux Cavaliers, face aux joueurs de bouzkachi, sport national afghan? »
La création de la Délégation archéologique française en Afghanistan (DAFA)
« Le roi Amanullah mise sur le progrès et l’éducation pour moderniser l’Afghanistan, indépendant depuis la Troisième guerre anglo-afghane de 1919. Il se tourne vers la France, auréolée du prestige de ses lycées et de ses missions archéologiques à l’étranger – notamment dans la Perse voisine. Le 9 septembre 1922 est signée la Convention concernant la concession du privilège des fouilles archéologiques en Afghanistan, établissant la DAFA. Celle-ci détient le droit exclusif de prospecter et fouiller sur l’ensemble du territoire afghan. Les objets mis au jour sont partagés entre les deux États, enrichissant les collections du musée Guimet à Paris et celles du musée national d’Afghanistan alors en cours de création ; les objets en or, argent, ou uniques par leur forme restent toutefois propriété afghane. »

BACTRIANE, LE « MAILLON GREC » :
BACTRES (BALKH) ET AÏ KHANOUM
« Bercés par les auteurs grecs et latins mentionnant le royaume de Bactriane créé par les successeurs d’Alexandre le Grand au 3e siècle avant J.-C., les savants européens sont fascinés par ce « royaume aux mille villes » situé aux confins du monde hellénistique, aux portes de l’Asie. Durant le Moyen Âge islamique, le Roman d’Alexandre perpétue le souvenir du conquérant. Au 19e siècle, les voyageurs occidentaux de passage dans la région tentent de reconstituer son périple. Fouiller à Balkh est donc incontournable même si Alfred Foucher, premier directeur de la DAFA, aurait préféré rester à Kaboul et en Kapisa, où les sites qu’il nomme « grécobouddhiques » semblent si nombreux. Déçu après s’être attaqué en 1924 à la citadelle (Bala Hissar) de Bactres, il ironise sur le « mirage bactrien » : des souverains sachant battre monnaie d’argent mais incapables de construire en pierre. La DAFA y revient en 1947 avec une approche stratigraphique, mais sans découvrir les niveaux grecs espérés. Avec l’exploration d’Aï Khanoum (1965-1978), une ville hellénistique est enfin mise au jour. Elle associe monuments et décors emblématiques du monde grec à un héritage architectural local, fait de briques crues. À Balkh, ce n’est qu’à partir de 2002 qu’une occupation hellénistique est enfin découverte. »

UNE TERRE D’ÉCHANGES, 1922-1942
« Pendant vingt ans, la DAFA réalise de très nombreuses fouilles au gré de la présence en Afghanistan de l’un ou plusieurs de ses membres. Des prospections sont également menées, sur les pas des explorateurs du 19e siècle, pour un premier inventaire des sites archéologiques. Après Alfred Foucher, premier directeur de la Délégation, Joseph Hackin en assure la direction jusqu’en 1940. Il est suivi de Roman Ghirshman. Hadda, Bamiyan, Begram, Fondukistan : des sites prestigieux sont fouillés, dont les oeuvres – sculptures de schiste, d’argile et de stuc, peintures murales, ivoires ou verres – témoignent de la vivacité de la production artistique et des échanges tant humains qu’intellectuels au cours d’un 1er millénaire de notre ère marqué par l’essor du bouddhisme. Les résultats sont salués par la presse et les expositions organisées à Paris en 1925, 1929, 1938 – au fil de l’arrivée en France des oeuvres à la suite du partage des découvertes – sont une des fiertés du musée Guimet d’hier comme d’aujourd’hui. Quand éclate la Seconde Guerre mondiale, l’engagement des membres de la DAFA – Joseph et Ria Hackin, l’architecte Jean Carl – en faveur de la France Libre entraîne, en 1940, leur départ pour Londres. »
« Roman Ghirshman est pour la même raison révoqué en 1942. »
Hadda
« Alfred Foucher se rend à Hadda en 1923 avec l’architecte et archéologue André Godard, qui y exhume les vestiges du monastère bouddhique de Tapa Kalan. Jules Barthoux y reprend les travaux, enchaînant une série impressionnante de fouilles (1926-1928) : monastères de Tapa Kalan, Bagh Gaï, Tapa-i Kafariha, Chakhil-i Ghoundi, Deh Ghoundi, Gar Nao et Prates. Face à l’hostilité de la population refusant le dégagement d’« idoles », il reçoit l’appui des autorités de Kaboul qui n’hésitent pas à recourir à la force. Les fouilles de Hadda révèlent un art du stuc bien plus hellénisant que l’art du Gandhara, particulièrement inventif dans les physionomies des personnages secondaires. La diversité des matériaux et des styles suggère une occupation très longue du site, du 1er au 7e siècle. Cette complexité sera confirmée par les fouilles afghanes qu’y mèneront Shaibaï Mostamandi puis Zemaryalaï Tarzi dès 1966. »
Kapisa et Kaboul
« Dès 1922, Alfred Foucher et André Godard sillonnent les régions de Kaboul et de Kapisa. Ils y cherchent les monastères bouddhiques visités par le pèlerin chinois Xuanzang (602-664) en 628. Il y aurait eu là plus de cent monastères en activité, abritant quelque six mille moines. Diverses missions s’échelonnent, de 1924 à 1940, menées par Joseph Hackin et ses collaborateurs Gabriel Jouveau-Dubreuil, Jules Barthoux, Jean Carl et Jacques Meunié : il s’agit, en Kapisa, des monastères de Païtava, Karratcha, Shotorak, et Qol-e Nader, Tope et Tepe Kalan près de Begram ; proche de Kaboul, du sanctuaire de Khair Khane ; et à Kaboul même, du monastère de Tepe Marenjan. L’objectif assumé est d’alimenter en oeuvres le musée Guimet et celui de Kaboul. Les stupas encore visibles près de la capitale, à Goldara, Shewaki, Kamari et Seh Topan sont également prospectés. »
Bamiyan
« Occupé dès le 4e siècle, Bamiyan connaît dans la seconde moitié du 6e siècle une phase de croissance lui conférant le rôle d’établissement bouddhique majeur. Cet essor, prolongé jusqu’au 9e voire au 10e siècle – quand l’Islam s’impose définitivement –, s’explique par un changement des routes commerciales au bénéfice de celle traversant l’Hindou Kouch par Bamiyan. La DAFA y arrive peu après sa création en 1922. André et Yedda Godard puis Joseph Hackin réalisent un relevé des grottes et des peintures murales. En 1930, Hackin, son épouse Ria et Jean Carl poursuivent la documentation des deux bouddhas monumentaux et des fresques, ainsi que celle des grottes des vallées voisines de Foladi et de Kakrak. Après la Seconde Guerre mondiale, puis la destruction des bouddhas en mars 2001, diverses autres missions mèneront à Bamiyan des prospections, fouilles et sondages. »
Fondukistan
« Averti de la découverte fortuite de sculptures aux visages étrangement allongés, Jean Carl arrive à Fondukistan en 1937. Il y met au jour un monastère bouddhique. »
« Les niches aménagées dans les murs de la cour du stupa présentent un exceptionnel décor peint et sculpté. Si les oeuvres déposées pour le musée Guimet en témoignent toujours, celles du musée national d’Afghanistan ont été victimes des années de guerre ayant durement éprouvé le musée dans les années 1990. La découverte d’une monnaie du souverain sassanide Khosrow II, datée de 689, dans une urne funéraire enfouie sous la sculpture d’un couple princier, permet d’attribuer la construction du monastère et son décor à la fin du 7e siècle. Cette datation est par extension donnée aux oeuvres stylistiquement comparables d’autres sites de l’est de l’Afghanistan, de Ghazni ou de Mes Aynak notamment. »
Begram
« Exploré par Charles Masson en 1833-1837, Begram est dès 1923 identifié par Alfred Foucher comme la capitale de la Kapisa visitée par Xuanzang en 628. Joseph Hackin y fouille en 1936, souhaitant mettre au jour la « nouvelle ville royale ». La découverte du « trésor de Begram » par Ria Hackin (1937 puis 1939) rend toutefois le dégagement des oeuvres prioritaire. Le trésor, conservé dans deux pièces aux accès murés, rassemble des objets en matériaux exotiques – ivoire, os, verre, plâtre, bois laqué, albâtre, porphyre, cristal de roche et oeuf d’autruche –, aux iconographies hellénistique, indienne et romaine. Ces oeuvres, provenant d’ateliers du Proche-Orient méditerranéen et d’Égypte, d’Inde et de Chine, témoignent d’importations à longues distances et sont datées des 1er et 2e siècles de notre ère. D’autres missions de la DAFA (1941 et 1946) tenteront d’appréhender davantage le site et sa chronologie. »

ÉLARGIR LES CHAMPS DE RECHERCHE, 1945-1982
« Sous la direction de Daniel Schlumberger, de Paul Bernard puis de Jean-Claude Gardin, la DAFA se remodèle, s’installant de façon permanente à Kaboul. Elle s’adapte à l’évolution des structures administratives malgré les vicissitudes politiques de l’Afghanistan. La convention est reconduite en 1952 mais les attentes afghanes sont désormais plus précises : se doter de structures patrimoniales nationales – dont un service archéologique – ; former des archéologues ; élargir les champs de la recherche en englobant l’histoire islamique ; préserver le patrimoine architectural et archéologique. La DAFA entame ainsi des travaux à Lashkari Bazar (1949-1951), à Mundigak (1951-1958), répond par les fouilles de Surkh Kotal (1952-1963) et d’Aï Khanoum (1965-1978) à des découvertes fortuites et lance des prospections d’envergure. Elle s’ouvre également à des thèmes de recherche nouveaux : linguistique, ethnographie. En 1979, les Soviétiques interviennent en Afghanistan. En 1980, une loi sur les antiquités met officiellement fin au partage des découvertes archéologiques, pratique abandonnée de facto dès les années 1950-1960. En 1982, l’Afghanistan demande que la DAFA cesse ses activités jusqu’à ce que les circonstances politiques soient favorables à une reprise des travaux. »
L’âge du bronze (4e-2e millénaire avant J.-C.)
« À Mundigak, Jean-Marie et Geneviève Casal exhument, de 1951 à 1958, une ville de l’âge du bronze s’inscrivant dans un réseau d’échanges du sud-est de l’Iran à la vallée de l’Indus, où éclot vers 2500 avant J.-C. la civilisation de l’Indus. La création, dès lors, de comptoirs indusiens au nord de l’Afghanistan (Shortugaï) témoigne de l’essor d’une autre civilisation sur les rives de l’Amou-Daria, celle de l’Oxus (2300-1500 avant J.-C.). Cette dernière, d’abord découverte par les objets pillés de nécropoles, tire sa richesse du commerce de matières premières, d’objets finis ou semi-finis entre le Levant, la Mésopotamie, l’Asie centrale méridionale et la vallée de l’Indus. La disparition des villes de l’Indus vers 1900 avant J.-C., le remodelage des échanges et l’arrivée de nouvelles populations vers 1500 avant J.-C. entraînent une rupture, qui marque le passage à l’âge du fer. »
Surkh Kotal
« Au nord de l’Hindou Kouch, la trouvaille fortuite de blocs de pierres inscrits en caractères grecs entraîne la DAFA à fouiller Surkh Kotal de 1952 à 1963. La présence de sculptures en calcaire représentant des souverains, près d’un temple construit au sommet de l’acropole et ouvrant vers l’est sur un escalier monumental, en fait un haut-lieu de la dynastie kouchane qui règne sur l’Afghanistan et une partie du Pakistan actuels aux premiers siècles de notre ère. Ces oeuvres témoignent, pour Daniel Schlumberger, d’un art kouchan « descendant non méditerranéen de l’art grec ». La découverte in situ de plusieurs textes utilisant l’alphabet grec pour transcrire une langue irano-bactrienne, jusqu’alors essentiellement connue par des légendes monétaires, est un autre apport majeur des fouilles de Surkh Kotal. »
Lashkari Bazar
« Daniel Schlumberger redécouvre en 1948 le site de Lashkari Bazar, dont les fouilles (1949-1951) répondent à l’intérêt des autorités afghanes pour la période islamique. »
« Lashkari Bazar fut en effet la prospère capitale d’hiver des souverains ghaznévides (977-1186) et ghurides (vers 1011-1215), avant d’être détruite lors d’une incursion de Gengis Khan ou d’un raid des souverains du Khwarezm, puis abandonnée. Le long de la rivière Helmand s’échelonnent plusieurs palais aux décors de stucs, de briques et de terre cuite sculptés, et de peintures, séparés par des aménagements publics – mosquée, bazar – ou de vastes espaces aménagés en jardins ou en caravansérails. »
« La citadelle de Bust, occupée dès le 7e siècle, marque l’extrémité méridionale du site. »
« L’essor de la ville voisine de Lashkargah menace aujourd’hui la préservation du site. »

L’ARRIVÉE D’AUTRES MISSIONS ARCHÉOLOGIQUES, 1950-1979
« À l’occasion de la renégociation de la convention de 1952, l’arrivée d’autres participants étrangers sur le terrain se dessine. La mission archéologique italienne en Afghanistan, créée en 1957 par l’Institut italien pour le Moyen et l’Extrême-Orient (IsMEO), se voit confier Ghazni. L’intérêt pour l’histoire du bouddhisme sous-tend les travaux des missions japonaises à partir de 1959 (régions de Bamiyan, Jalalabad, Kunduz et Kaboul). Les recherches américaines portent, à partir de 1950, sur les périodes anciennes du Paléolithique à l’âge du bronze, et sur les monuments islamiques du Séistan, à partir de 1968. Une mission allemande prospecte cette même région de 1968 à 1973, et une mission britannique s’établit à Kandahar en 1974. De 1969 à 1979, la mission afghano-soviétique s’intéresse aux sites de Bactriane des âges du bronze et du fer, ou de la période kouchane ; Viktor Sarianidi découvre ainsi, en 1978, l’incroyable trésor de Tillia Tepe (1er siècle de notre ère). Cette ouverture internationale est d’autant plus désirée que la préservation des sites et monuments – appuyée par l’Unesco dès les années 1960 mais pour laquelle l’Afghanistan manque de fonds – est indispensable au développement touristique. »
« La restauration d’un monument est dès lors insérée dans les divers accords archéologiques. »
Ghazni
« Sur la route reliant l’Iran à l’Inde, Ghazni fut la capitale des souverains ghaznévides (977-1186) puis ghurides (vers 1011-1215). C’est à la demande de Mahmoud de Ghazni (r. 997-1030) que Ferdowsi (vers 935-1020) composa le chef-d’œuvre fondateur de la littérature persane, le Livre des Rois (Shahnameh). À partir de 1957, l’IsMEO fouille le palais royal et dresse l’inventaire des pierres tombales dispersées alentours. La découverte d’une occupation bouddhique de la colline de Tepe Sardar entraîne la fouille d’un vaste sanctuaire (1967-1978). La complexité de son architecture, des programmes iconographiques sur certains stupas et autels, et l’évolution stylistique des sculptures de terre crue, du 2e au 8e siècle, en font un site majeur de l’art bouddhique en Afghanistan. La mission italienne, dirigée par Anna Filigenzi et Roberta Giunta, en poursuit toujours l’étude et la publication. »

Un territoire à prospecter
« La prospection d’un territoire ardu, entamée par les explorateurs au 19e siècle, s’est poursuivie dès les premières missions archéologiques de la DAFA. Daniel Schlumberger et l’architecte Marc le Berre en soulignent toutefois les limites dans un Afghanistan où tout déplacement est difficile hors des routes existantes. Les prospections – par la suite aussi soviétiques, allemandes, britanniques, japonaises –, deviennent plus systématiques dans les années 1960 et 1970 et nourrissent progressivement le projet d’une carte archéologique de l’Afghanistan. Elles donnent lieu au premier Catalogue des sites d’Afghanistan (1982), conjuguant les efforts des nations présentes. Des monuments sont redécouverts, étudiés, restaurés : minaret de Jam, « châteaux forts » de l’Hindou Kouch, ruines islamiques du Séistan, mausolées des régions de Balkh et de Ghazni, citadelle Ikhtyaruddin d’Hérat. »

Hérat
« Hérat est une des capitales politiques et culturelles de la dynastie timouride (1370-1506) fondée par Tamerlan. Son successeur Shah Rokh (r. 1405-1447) y met en œuvre un vaste programme architectural, édifiant notamment le complexe construit autour du mausolée de son épouse Gawharshad. Sous le règne du sultan Husayn Bayqara (r. 1470-1506), se développent les arts de cour et la poésie. Un atelier de copie et de peinture produit parmi les plus précieux manuscrits de langue persane sous la houlette du grand peintre Behzad (vers 1450-1537). La région d’Hérat, explorée aux 19e et 20e siècles, reste pourtant longtemps archéologiquement méconnue. Une mission allemande dirigée par Ute Franke se consacre, de 2004 à 2012, à documenter monuments et sites, fouillant ponctuellement et ouvrant le musée d’Hérat en 2011. »
« La DAFA mènera aussi une mission sur le complexe du sultan Husayn Bayqara (2015-2016). »

VINGT ANS DE CONFLITS, 1979-2001
« Quand commence en 1979 le « djihad afghan » contre les Soviétiques, les missions archéologiques quittent le pays. Le retrait soviétique en 1989 laisse place à une guerre civile entre factions rivales, avant que les Talibans n’imposent leur loi de 1996 à la fin 2001. L’Institut afghan d’archéologie parvient un temps à fouiller à Kaboul (Tepe Marenjan) mais le patrimoine subit de plein fouet vingt années de guerre : site de Hadda détruit en 1982, pillages de sites archéologiques à travers tout le pays, pillages et incendie du musée national d’Afghanistan en 1993-1994. Sous les Talibans ensuite, plus de 2500 statues sont systématiquement détruites. Le directeur du musée, Omar Khan Massoudy, et son équipe réussissent toutefois à préserver certains objets précieux, les ayant cachés dès 1988, puis en 1996, en différents lieux de Kaboul ; avec l’aide de l’ONG SPACH, des sculptures détruites sont recueillies et inventoriées. La menace des Talibans de détruire les bouddhas de Bamiyan, tenant en haleine la communauté internationale, est mise à exécution le 11 mars 2001, et les images filmées, diffusées pour leur propagande. Six mois plus tard a lieu l’attentat du World Trade Center à New York, entraînant l’intervention des troupes de l’OTAN et le renversement des Talibans dès la fin de l’année. »

LA RELATIVE ÉCLAIRCIE DES ANNÉES 2001-2021
« À la suite de la défaite talibane fin 2001, la coopération internationale renaît et le patrimoine est un des axes forts de la diplomatie occidentale. Le musée national d’Afghanistan rouvre ses portes en 2004 après rénovation, les restaurations d’œuvres se suivent et les inventaires sont repris. La DAFA, dès 2003, fouille et prospecte divers sites, dont Bactres, sous la direction de Roland Besenval, puis Philippe Marquis, Julio Bendezu-Sarmiento et de nouveau Philippe Marquis. D’autres missions – italienne à Ghazni, allemande à Hérat – reprennent des travaux de terrain, en coopération avec l’Institut afghan d’archéologie, investi lui-même depuis 2009 à Mes Aynak. Dans un pays en phase de « réconciliation nationale », l’archéologie doit néanmoins faire face à des enjeux nouveaux : assurer un rôle de conseil auprès des autorités ; préserver un site tout en exploitant le sous-sol ; reconstruire les bouddhas de Bamiyan ou garder mémoire, par le vide, de leur destruction. Dans la lignée des années 1960-1970, de nombreux monuments sont restaurés à Kaboul, Hérat ou Balkh, et des sites fouillés sont aménagés pour de futures visites, tel le sanctuaire bouddhique de Tepe Narenj à Kaboul. Cette politique en faveur du patrimoine bâti, dont l’Aga Khan Trust for Culture (AKTC) est un acteur majeur, bénéficie depuis 2017 du soutien de la fondation ALIPH, oeuvrant à la préservation du patrimoine matériel comme immatériel. »
Le 15 août 2021
« La prise de Kaboul par les Talibans, le 15 août 2021, couronne leur rapide reconquête du pays depuis le début du retrait des troupes de l’OTAN. Elle signe la chute du gouvernement, le départ des institutions patrimoniales, dont la DAFA relocalisée à Paris, et le retour d’une chape de plomb pesant sur l’ensemble de la société afghane – et avant tout sur les femmes et les filles. Sans ressources et mis au ban de la communauté internationale, l’Afghanistan est en proie à une grave crise économique et humanitaire. Les tentatives des Talibans d’adoucir leur image aux yeux des puissances étrangères, leurs promesses d’une éducation pour toutes se révèlent aujourd’hui trompeuses. Leurs déclarations sur une nécessaire protection du patrimoine peuvent inspirer la même méfiance et bon nombre d’acteurs patrimoniaux et d’ambassades occidentales restent dans l’expectative. »

« SUR LE FIL. CREATION TEXTILE DES FEMMES AFGHANES »
L’exposition en quelques chiffres :
« - 10 chapans dont 4 monumentaux
- 3 textiles muraux brodés
- Broderies anciennes et esquisses
- 1 installation suspendue
- 2 photographies de Ria Hackin
- 6 photographies de Marc Riboud
- 16 photographies contemporaines de Farzana Wahidy, Morteza Herati et Oriane Zerah »

« Alors que l’ombre des Talibans s’étend de nouveau sur l’Afghanistan depuis le 15 août 2021, des messages artistiques et culturels de résistance sont portés par la société civile. Le MNAAG, à travers les créations de la maison de couture Zarif Design et de sa fondatrice Zolaykha Sherzad, s’intéresse à la transmission des savoir-faire textiles, mais aussi à l’éthique que porte cette maison artisanale. Deux courts-métrages, de Barmak Akram et d’Atiq Rahimi, et des photographies de Farzana Wahidy, d’Oriane Zerah et de Morteza Herati témoignent de ce processus de recréation, mis en perspective avec les archives et les collections photographiques du MNAAG. »

« La maison de couture Zarif Design, créée en 2005 à Kaboul par Zolaykha Sherzad, contribue à faire revivre des savoir-faire et des compétences menacés de disparition alors qu’ils constituent une véritable culture technique et artistique puisant dans une histoire millénaire. « Zarif » signifie en dari et en persan « délicat », « minutieux », « précis », « fin ». La maison de couture y produit des vêtements contemporains, tant pour femmes que pour hommes, revisitant avec élégance les coupes, les coloris et les broderies inspirés d’une histoire textile pluriséculaire, et ouvrant le chapan, emblématique manteau masculin, au vestiaire féminin. »
« Zolaykha Sherzad a choisi de travailler de façon artisanale, en relation étroite avec tous les artisans impliqués dans la production textile. Elle a également décidé de soutenir activement le travail des femmes, leur permettant ainsi une autonomie financière, et formant aux différents métiers du fil celles que les conflits ou situations de crise poussaient à tout quitter pour migrer vers la capitale. En dépit de la situation actuelle, l’atelier continue de produire à Kaboul. »
« La créatrice réalise également des installations textiles, dont certaines ont été exposées à la Biennale de Venise (2009), à l’Institut français de Kaboul (2011), à la Documenta 13 à Kassel (2012), ainsi qu’au Mucem (2019). »

Zolaykha Sherzad, fondatrice de Zarif Design, a déclaré :
« En 2005, je suis revenue en Afghanistan dans l’idée de travailler avec les artisans ; et c’est ainsi qu’est née la maison de couture Zarif Design. À l’origine du projet, il y avait le désir de ressusciter le savoir-faire artisanal, l’art du tissage de la soie et de la broderie, l’emploi des matières naturelles et de la teinture végétale – toute cette culture qui, pour moi, représente l’Afghanistan que j’ai connu enfant et qui était, au début des années 2000, en train de disparaître. En persan, « zarif » signifie ce qui est raffiné, minutieux, précis, cette délicatesse et élégance du geste et de l’esprit qui définissent pour moi la culture et l’artisanat afghans. C’est cette image de beauté que je voulais transmettre à travers les créations des ateliers. Dès le départ, il y avait également un projet social et humain. La création d’un vêtement permet de tisser des liens entre Kaboul et les provinces, mais aussi entre les cultures, entre Kaboul, Paris, la Suisse qui m’a longtemps accueillie et New York où je vis aujourd’hui.
Chaque pièce est unique, faite localement, entièrement à la main et avec un soin méticuleux, comme un poème. Chaque pièce qui sort des ateliers raconte une histoire, une histoire d’hommes et de femmes pleins de talents, qui redécouvrent leur force, leur identité, en s’investissant avec passion dans la création. En puisant dans leur passé, ils dessinent l’avenir, une vision nouvelle qui modifie les codes vestimentaires établis. Le chapan, manteau traditionnellement réservé aux hommes, change de statut en habillant les femmes ; le turban de coton se décline en chemises ; la calligraphie se libère du papier. La situation actuelle de l’Afghanistan, retombé sous le joug des Talibans, est un drame pour toute la société afghane. 
Brodeuses et couturières, tisserands et tailleurs continuent cependant, discrètement et avec persévérance, de produire vestes et manteaux, y cousant poèmes et voeux. Plus que jamais, le vêtement Zarif est porteur de liberté ; il célèbre la beauté, l’amitié et la paix tant désirée. »
« Les photographies contemporaines de la photojournaliste Farzana Wahidy, des photographes Morteza Herati et Oriane Zerah, prises dans l’atelier de Zolaykha Sherzad à Kaboul ou l’accompagnant chez les tisserands de Herat et de Mazar-e-Sharif, viennent illustrer toute la chaîne des métiers du fil, complétées par un court métrage du réalisateur Barmak Akram sur Zarif Design et le court-métrage Hamdam du réalisateur et écrivain Atiq Rahimi, avec Shantala Shivalingappa et Jesus Dupaux. »
« Enfin, les émouvantes photographies réalisées par Ria Hackin dans les années 1930, puis par Marc Riboud en 1955, toutes conservées dans les collections et les archives du MNAAG, viennent souligner la profondeur historique de cette tradition textile, tant dans le port des chapan que dans l’art du tissage. »

Les 18 et 19 novembre 2022, s’est déroulé au MNAAG le colloque « ARTS ET PATRIMOINE DE L’AFGHANISTAN ». « Cent ans de recherches archéologiques, 1922-2022 » organisé par Sandra Aube (chercheuse au CNRS, CeRMI/Fondation Inalco), Nicolas Engel (conservateur des collections Afghanistan-Pakistan, MNAAG) et Philippe Marquis (directeur de la DAFA)
« VENDREDI 18 NOVEMBRE DE 9H45 À 18H
9h45 Introduction générale : Sophie Makariou (Présidente du MNAAG), et Philippe Advani (Président de la Fondation INALCO)
10h-12h30 AFGHANISTAN, HISTOIRES DE MISSIONS ARCHÉOLOGIQUES
Modération : Philippe Advani
• Les missions archéologiques de la DAFA
Philippe Marquis
• La création de services patrimoniaux afghans
Khair Mohammad Khairzada et Nader Rasuli
• Fouilles, documentation, études : Les travaux de la Mission Archéologique Italienne
Anna Filigenzi et Roberta Giunta
• The ctivities of Japanese Archaeological Missions to Afghanistan from the 1960s 
to the 1970s
Minoru Inaba
• American archaeological research in Afghanistan from 1950 to the Present
Gil Stein
14h-16h45 DU SITE ARCHÉOLOGIQUE AU MUSÉE
Modération : Maja Kominko (directrice scientifique et des programmes, ALIPH)
• Histoires croisées entre France et Afghanistan, la DAFA et le MNAAG
Nicolas Engel
• The National Museum of Afghanistan
Susanne Annen et Omar Khan Massoudi
• Les archives nationales d’Afghanistan
Francis Richard
• The Herat Museum - Showcasing 5000 years of cultural heritage
Claus-Peter Haase et Ute Franke
• Étude et valorisation des données archéologiques de Ghazni. Du musée de Rawza
au projet d’un musée virtuel
Martina Massullo
16h30-18h LA PRÉSERVATION DU PATRIMOINE DE L’AFGHANISTAN
Table-ronde animée par Charles Personnaz (directeur de l’Institut National du
Patrimoine)
Participants de la table-ronde :
Luis Monreal (Aga Khan Trust for Culture)
Valery Fréland (ALIPH)
Sophie Makariou (MNAAG)
Matthieu Peyraud (Ministère de l’Europe et des Affaires étrangères)

SAMEDI 19 NOVEMBRE DE 10H À 17H30
10h-12h20 AFGHANISTAN, HISTOIRES DE SITES ARCHÉOLOGIQUES [I]
Modération : Étienne de la Vaissière (directeur d’études à l’EHESS)
• Archéologie, de l’âge du Bronze à la période hellénistique
Henri-Paul Francfort
• Découvrir et comprendre Aï Khanoum. Retour sur près de 60 ans de recherches
Laurianne Martinez-Sève
• Mes Aynak, une fouille de sauvetage
Nicolas Engel et Khair Mohammad Khairdaza
• La mosquée Noh Gunbad : découvertes archéologiques et conservationrestauration
des décorations en plâtre
Zabiullah Mohammadi, Daniel Ibled, Nathalie Bruhière et Fanny Kurzenne
• École de peinture contemporaine d’Hérat
Présentation des vitrines par Nazir Rahguzar et visite libre
14h-17h30 AFGHANISTAN, HISTOIRES DE SITES ARCHÉOLOGIQUES [II]
Modération : Michele Bernardini (professeur, Université « l'Orientale » de Naples)
• La restauration du mausolée de Baba Hatim
Régis de Valence
• Revisiting Sistan, somehow
Alka Patel
• Le rôle des inscriptions dans la compréhension du site archéologique de Ghazni
Viola Allegranzi
• Les ensembles architecturaux du « mosallah » à Hérat : nouvelles perspectives sur le décor timouride
Sandra Aube et Thomas Lorain
• The Bala Hissar, Kabul
Arash Boostani et Philippe Marquis
• The Aga Khan Trust for Culture: Heritage preservation in Afghanistan
Ajmal Maiwandi
• Baba Yaghsus
Projection du film d’animation en avant-première
En présence de Pascale Bastide, productrice, et de Nasir Hashimi, réalisateur »



Du 26 octobre 2022 au 6 février 2023
6, place d’Iéna 75116 Paris
Hôtel d'Heidelbach 19 avenue d’Iéna 75116 Paris
Tél : +33 1 56 52 54 33 
Tous les jours sauf le mardi, de 10h à 18h

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