dimanche 16 juillet 2023

Jacques Chirac (1932-2019)


Enarque, Jacques Chirac (1932-2019) a été un député, ministre, maire de Paris, Président du RPR (Rassemblement pour la République), candidat ayant contribué à l'élection de François Mitterrand à la Présidence de la République en 1981, chef de gouvernement et Président de la République - comptes de campagnes irréguliers en 1995, mais validés par le Conseil constitutionnel présidé alors par Roland Dumas - au maigre bilan, aux positions versatiles, aux décisions politiques parfois étonnantes – dissolution de l’Assemblée nationale suivie d’une cohabitation avec un Premier ministre socialiste - et à la politique caractérisée par son immobilisme, la poursuite d'une immigration non contrôlée. Racines musulmanes, et non judéo-chrétiennes, de l’Europe, politique pro-Arabe et anti-israélienne marquée par l’esclandre à Jérusalem (Israël) et dans l’affaire al-Dura, déni de la vague d’antisémitisme en 2000, déclaration sur la responsabilité de la France dans la déportation des Juifs en minimisant l'Occupation allemande nazie, politique muséale choquante, scandales politico-financiers… Quelques rappels. En juillet 2023, un buste de Jacques Chirac a été inauguré par les FFDJF dans le jardin des 4000 enfants déportés du Vel d'Hiv.


« Sur le plan humain, Jacques Chirac était un homme extrêmement attachant… Il dégageait une chaleur humaine inégalable. Mes propos sont les sentiments d’un militant de la première heure. J’étais engagé au RPR à la première heure, en raison du dynamisme de Jacques Chirac. Sur le plan politique en revanche, Jacques Chirac a été pour moi extraordinairement décevant. Entre le Chirac que j’ai soutenu dans les années 77 à 88 et celui que j’ai découvert sans ligne politique, la déception a été considérable. Sur le plan politique, Chirac a été un désastre. C’est un président qui n’a strictement rien fait. Je retiens tout de même la position de la France sur l’intervention américaine en Irak. Il a sauvé l’honneur et l’intelligence du pays. Il faut lui en savoir gré », observait Christian Vanneste, ancien député.

Esclandre mal jouée dans la vieille ville de Jérusalem lors d'un voyage officiel en Israël, discours du Vél d’Hiv reconnaissant la responsabilité de la France dans la déportation des Juifs et alerte sur la « maison qui brûle » pour convaincre de l'urgence de mesures pour "sauver la Planète" et de l'instauration d'un "gouvernement mondial" chargé d'adopter des mesures "salvatrices"… Le Président de la République Emmanuel Macron a révélé combien il s’inspirait de Jacques Chirac, un de ses prédécesseurs qui, lui, était populaire.

Election de François Mitterrand
En 1980, Jacques Chirac était notamment Président du Rassemblement pour la République (RPR) (1976-1994). "Un dîner resté secret pendant extrêmement longtemps s'est déroulé en octobre ou en novembre 1980 chez Édith Cresson, qui est une des dirigeantes du parti Socialiste", poursuit Patrice Duhamel, co-auteur avec Jacques Santamaria de L'Élysée : histoire, secrets, mystères." 
 
"Mais après [le dîner, ndlr], Chirac et Mitterrand se sont isolés tous les deux. (...). Chirac pendant des mois et même plusieurs années a dit que ce dîner n'avait pas eu lieu. Il a fini par le dire après avoir quitté l'Élysée", analyse-t-il. Donc, lors de ce dîner, François Mitterrand et Jacques Chirac conviennent d’une chose : il faut se débarrasser de Giscard. "En gros l'idée de ce dîner c'était 'on va en faire en sorte, sans que ce soit trop visible, que Valéry Giscard d'Estaing soit battu'. On ne peut pas dire qu'il y a un pacte entre Chirac et Mitterrand, mais un intérêt bien partagé", souligne Patrice Duhamel. La consigne est donnée dans le camp chiraquien : il faut voter pour le candidat socialiste. "

Dans l'entre-deux tours de la campagne présidentielle 1981, "officiellement, Chirac l’ancien Premier ministre de Giscard d’Estaing a indiqué qu’à titre personnel, il voterait pour le président sortant. Mais, officieusement il n’en est rien." Une trahison politique qui permettait à Jacques Chirac de contrôler la droite française.

"Et le 10 mai 1981, François Mitterrand devient le premier Président socialiste de la Ve République."

Dans son livre "Le Pouvoir et la Vie" (Cie 12 éd., 550 pages, 21,90 €), Valéry Giscard d'Estaing "donne sa dimension politique au venin qui a pesé longtemps sur la droite française. "VGE" y publie les notes qu'il prit après une conversation - la dernière - qu'il eut avec Mitterrand, le 15 décembre 1995, trois semaines avant la mort de ce dernier. Giscard voulait l'entretenir "du dîner que vous avez eu, en octobre 1980, avec Jacques Chirac". Ce dîner a fait pendant des années l'objet de multiples rumeurs et de récits, toujours vigoureusement démentis par M. Chirac. Mais enfin, "VGE", face à cet ancien rival qui va mourir, veut en avoir le coeur net. "Le dîner a été très ennuyeux, lui raconte Mitterrand. Quand il a été terminé, Jacques Chirac a dit qu'il souhaitait me parler seul à seul. (...) Je ne me souviens pas des paroles exactes, mais le sens de son message était très clair : "Il faut nous débarrasser de Giscard !"" "Est-ce que vous lui avez demandé pourquoi ?", questionne Giscard. "Oui, il m'a répondu que vous étiez un danger pour la France", répond Mitterrand. "C'est un peu vague. Lui avez-vous demandé de préciser la nature de ce danger ?". "Il en est resté là. (...) Et j'ai compris qu'il était absolument décidé à vous faire battre." Les deux hommes vont se quitter. L'un mourant, l'autre définitivement éclairé sur un soupçon qu'au fond, il savait déjà vrai".

Salman Rushdie
"
M. Jacques Chirac s'est déclaré " outré " par les images de la manifestation des intégristes musulmans, dimanche (26 février 1989) à Paris. Il n'en a pas moins réuni dans l'opprobre ceux qui appellent au meurtre et l'auteur du livre les Versets sataniques. Le maire de Paris, qui répondait mardi 28 février aux journalistes de l'Association de la presse municipale parisienne, a déclaré : " Je ne confonds pas les musulmans et les fanatiques, mais je n'imagine pas qu'on accepte à Paris des énergumènes qui appellent au meurtre. S'ils sont français, ils doivent être poursuivis, et s'ils sont étrangers, ils doivent être expulsés. Les étrangers, lorsqu'ils sont sur notre sol, doivent respecter nos lois, et l'on ne peut tolérer des appels au meurtre dans la capitale des droits de l'homme. " Le gouvernement, a-t-il ajouté, a " réagi fermement, mais j'attends qu'il persévère dans la fermeté et pas seulement en paroles ".

M. Jacques Chirac "a eu des mots très durs à l'égard de Salman Rushdie, affirmant qu'il n'a " aucune estime pour lui ni pour les gens qui utilisent le blasphème pour se faire de l'argent, comme ce fumiste _ je pèse mes mots _ qui s'appelle Scorsese, l'auteur d'un navet, la Dernière Tentation du Christ. Quand on déchaine l'irrationnel, il ne faut pas s'étonner de la suite des choses. Je ne réclame pas la censure, mais le viol des consciences est inadmissible ".

"A la question de savoir ce qu'il pense du fait que les manifestants condamnent un livre qu'ils n'ont pas lu, l'ancien premier ministre a répondu qu'il trouve cette question " ridicule ", car " l'on n'a aucun droit de juger les gens qui se sentent blessés dans ce qu'ils ont de sacré par ce qu'on leur a dit de ce livre ".

Racines de l’Europe
Le Président Jacques Chirac a refusé en 2004 que soient inscrites dans la constitution de l’Union européenne les racines chrétiennes de l’Europe.


Et le Chef de l'Etat d’alléguer : « Les racines de l'Europe sont autant musulmanes que chrétiennes ».

C'est sous la présidence de Jacques Chirac que fut fermé en 2005 le Musée des arts et traditions populaires dénommé le « Louvre du peuple français » et ouvert en 1937 près du Bois de Boulogne. Une création du Front populaire cédée à la Mairie de Paris dirigée par la socialiste Anne Hidalgo qui la vend à bas prix à Bernard Arnault, chef d'un groupe centré sur le luxe, pour qu'il y édifie la Maison LVMH.

Quels sont les musées nés de la volonté de Jacques Chirac, et parfois de celle de son Premier ministre socialiste Lionel Jospin ? Le Musée des Civilisations de l’Europe et de la Méditerranée (MuCEM) installé dans le port de Marseille, le musée de l’Immigration à la porte Dorée (Paris), le musée du quai Branly, un musée des arts et civilisations d'Afrique, d'Asie à l’emplacement idéal : sur les quais de la Seine. Des musées au narratif « politiquement correct », parfois fallacieux – une notice localise un objet remontant au XIXe siècle en « Palestine » !? Signe de rejet de cette idéologie ? Le public ne fréquente guère ces musées qui bénéficient du public scolaire captif.

"Election 1995
Le 7 mai 1995, le candidat Jacques Chirac est élu Président de la République.

Les comptes des candidats sont scrutés par la Conseil Constitutionnel.

"Le Conseil constitutionnel a validé les comptes de campagne de Jacques Chirac et Édouard Balladur en dépit des nombreuses irrégularités qu’ils comportaient. En droit, les deux comptes auraient dû être rejetés avec des conséquences financières et politiques incommensurables pour les deux hommes. C’est ce qui ressort des archives de l'institution, qui rendues publiques 25 ans après leur rédaction, et que la Cellule investigation de Radio France a pu consulter" en 2020.

"Tout au long des trois mois qu’a duré l’examen de leurs comptes, les "Sages" ont minoré, dissimulé, effacé les infractions commises par les deux candidats, malgré les constats clairs et circonstanciés des rapporteurs chargés de l’examen des comptes. Ces éléments étaient déjà partiellement connus. En 2010, une fraction de ces archives avaient été saisies par la justice dans le cadre de l’instruction sur le volet financier de l’affaire Karachi. Un an plus tard, un conseiller constitutionnel de l’époque, Jacques Robert, rompt en partie son serment de secret en donnant quelques détails sur ce qui s’était dit dans le huis-clos de la rue de Montpensier." 

"Pour la première fois de son histoire, le Conseil constitutionnel a eu la lourde tâche d’examiner les comptes des candidats à l’élection présidentielle... L’enjeu est important car de cette décision découlera le montant qui sera remboursé (ou non) par l’Etat aux candidats."

"Les candidats à la présidentielle de 1995 ont déposé leur compte de campagne début juillet au Conseil constitutionnel, comme le prévoyait la loi en vigueur à l’époque (aujourd’hui, c’est la commission des comptes de campagne qui remplit ce rôle). Une équipe de rapporteurs - de jeunes conseillers d’État ou de la Cour des comptes - a été constituée pour les examiner. Après trois semaines de travail, ils présentent aux "Sages" leurs premières conclusions, les 28 et 29 juillet."

"Le président élu a arrêté son compte à 116,6 millions de francs, tout près du plafond de 120 millions autorisés au second tour. Or, là aussi, il semble que de nombreuses factures manquent à l’appel. "Il sera demandé au représentant du candidat des explications sur certaines anomalies", précise le rapporteur François Loloum."

"À leur retour de vacances, en septembre, les conseillers constitutionnels retrouvent sur leur bureau les nouvelles conclusions des rapporteurs qui, eux, ont travaillé tout l’été. Cette fois-ci, le doute n’est plus permis. Édouard Balladur et Jacques Chirac ont bien "explosé" le plafond des dépenses de campagne et omis d’intégrer de nombreux éléments dans leur comptabilité. Pour quel montant ? D’après les rapports annexés dans les archives du Conseil constitutionnel, on découvre que, selon les rapporteurs, Édouard Balladur a dépassé le plafond de six millions de francs et Jacques Chirac de cinq millions. Ces estimations sont une fourchette basse, comme l’admettent d’ailleurs les Sages dans leurs débats. De nombreuses dépenses n’ont pas été retenues, faute de documents et de réponses des candidats."

"Les hauts fonctionnaires ont également découvert d’importants dépôts en espèces suspects sur les comptes des deux candidats. Chez Jacques Chirac, 31 personnes se sont présentées à la banque Rivaud le même jour, le 6 mai, veille du deuxième tour, pour  déposer un total de 3,5 millions de francs en liquide. Pour Édouard Balladur, 10,25 millions de francs ont été versés en une fois au Crédit du Nord, trois jours après le premier tour. Interrogée, la banque précise : "en quatre sacs de billets de 500 francs". 

"Interrogés sur ces importantes recettes en liquide, les deux candidats ont livré la même explication : elles sont le fruit de collectes dans les meetings et de vente de t-shirts et gadgets divers. L’explication n’a manifestement pas convaincu les Sages. "Chacun sait très bien d’où venait cet argent", lance ainsi le conseiller Maurice Faure, évoquant probablement les fonds secrets du gouvernement dans lesquels les partis politiques ont largement puisé à l’époque. Concernant Édouard Balladur, il est possible que ces fonds soient provenus de rétrocommissions sur des marchés de ventes d’armes. Certains conseillers s’en agacent. "Ce qui me gêne dans le compte de M. Balladur, c’est l’attitude du candidat face aux questions qu’on lui pose, déplore l’ancien professeur de droit Jacques Robert. Soit il nous répond qu’il n’y a pas de dépense, (...) soit que les dépenses figurent au compte et qu’on l’a mal lu, soit encore que les dépenses ont été réalisées en sa qualité de Premier ministre, soit enfin qu’elles ont été effectuées sans son accord". Et Roland Dumas de surenchérir : "Et si on demande des preuves, on nous dit que les documents ont été détruits !" 

"La lecture des près de 300 pages de compte-rendus et d’annexes des 13 séances qui se sont déroulées entre le 27 juillet et le 11 octobre 1995 ne laisse pas de doute. Aucun conseiller ne semble avoir envisagé le rejet du compte de Jacques Chirac. Le 7 septembre, après une longue discussion sur les dépenses n’apparaissant pas dans les comptes, Étienne Dailly lâche : "Je ne me sens pas en mesure de rejeter un compte de campagne." Deux semaines plus tard, il se fait encore plus précis. Le 3 octobre, c’est Noëlle Lenoir (qui sera par la suite ministre sous la deuxième présidence de Jacques Chirac) qui affirme : "On ne va pas rejeter un compte avec les conséquences politiques que l’on sait. Quelles conséquences d’ailleurs ? Le rejet du compte entraîne le refus du remboursement par l’État des dépenses de campagne. En revanche, la loi ne prévoit pas explicitement l’invalidation de la présidentielle, contrairement à toutes les autres élections. Même sanctionné, Jacques Chirac aurait pu - en théorie - rester à l’Élysée. Mais la crise politique majeure était plus que probable".

"Les conseillers constitutionnels n’en ont pas voulu. Tout au long de la journée du 4 octobre 1995, réunis en l’absence des rapporteurs, ils vont donc "raboter" les comptes du candidat Chirac jusqu’à les faire passer sous le plafond. Quand ils y parviennent, Maurice Faure lance un cri, retranscrit tel quel sur le compte-rendu de séance : "Il est sauvé !" Dans les faits, pour réussir leur "sauvetage", les Sages vont devoir ensuite faire plier les rapporteurs pour qu’ils rédigent des conclusions conformes à leurs aspirations. Pour cela, les fonctionnaires devront accepter de fermer les yeux sur de nombreuses dépenses."

"À contrecoeur, ils vont accepter une interprétation très laxiste de la loi qui leur a été imposée par les Sages : toutes les dépenses non expressément autorisées par le candidat ne doivent pas figurer au compte. Ils ont ainsi dû tirer un trait sur des millions de francs de frais d’autocars qui servaient à transporter les militants dans les meetings au prétexte qu’ils auraient été affrêtés par les sections locales du RPR, et non par l’association de campagne du candidat. De la même façon, les meetings de soutien d’Alain Juppé ou Philippe Séguin ont été considérés comme des initiatives personnelles qui n’auraient pas recueilli l’assentiment de Jacques Chirac... Les rapporteurs ont néanmoins tenté de résister aux membres du Conseil. L'un d’eux, Rémi Frentz, semble perdre patience le 3 octobre et lance aux neuf Sages : "Qu'est-ce qui empêche le Conseil de se borner à constater que certaines dépenses ont été engagées, certains avantages en nature accordés, pour constater le dépassement du plafond et rejeter le compte ?" Les rapporteurs ont dû revoir leur copie à plusieurs reprises avant de présenter des projets de décision conformes aux volontés des Sages".

"Une fois le "cas Chirac" réglé dans une belle unanimité, la discussion autour du compte d’Édouard Balladur est nettement moins sereine et fracture le Conseil en deux camps. D’un côté, ceux qui estiment que les 10 millions d’euros déposés en liquide sans justificatifs sur le compte du candidat sont une faute inexcusable. De l’autre, ceux qui pensent qu’ils doivent également fermer les yeux sur cette irrégularité. Ne serait-ce que parce que le compte de Jacques Chirac avait lui même été abondé avec des versements d’espèces suspects et qu’il était difficile de rejeter un compte sur ce motif sans faire de même pour l’autre... Au final, quatre conseillers (Michel Ameller, Noëlle Lenoir, Jacques Robert et Marcel Rudloff) votent pour le rejet du compte. Les cinq autres, dont le président Roland Dumas, sont contre. Le compte est validé".

"Outre ceux de Jacques Chirac et d’Édouard Balladur, deux autres comptes ont donné du fil à retordre aux rapporteurs : ceux de Jean-Marie Le Pen et de Jacques Cheminade. Aujourd’hui, un compte de campagne tel qu’était présenté celui de Jean-Marie Le Pen en 1995 serait probablement rejeté. Factures en vrac, comptabilité truffée d’erreurs, justificatifs manquants… Le compte du leader du Front national était un capharnaüm dans lequel les rapporteurs ont dû naviguer à vue pendant des semaines avant d’en avoir une vision à peu près claire. Ils soupçonnent que certaines dépenses ont été "gonflées" afin d’augmenter le montant du remboursement de l’État au candidat. Ils ont aussi découvert que les ristournes  accordées par certains fournisseurs du candidat FN étaient excessives et pouvaient être qualifiées d’avantages en nature consentis par des entreprises, ce qui est interdit. Malgré l’importance de ces remises (3,4 millions de francs au total), le Conseil constitutionnel a choisi de ne pas relever l’infraction. Les comptes de Jacques Chirac et Édouard Balladur présentaient eux aussi ce genre de problème."

"À l’arrivée, Jacques Cheminade a été le seul candidat dont le compte a effectivement été rejeté cette année-là. Son examen a révélé que des factures, établies par des sociétés dont il était proche, semblaient fictives... Alors qu’ils ont régulièrement plaidé que "le doute doit profiter au candidat" dans le cas des comptes Chirac et Balladur, les Sages ont donc décidé de sanctionner le "petit" candidat. Pour cela, ils ont dû trouver un biais juridique. Ils ont considéré que l’absence d’intérêts sur un prêt d’1,4 millions de francs pouvait être assimilé à un don illégal."

"La lecture des compte-rendus de séance ne semble pas montrer que Roland Dumas ait eu du mal à convaincre ses collègues de la nécessité d’éviter une crise politique en fermant les yeux sur les irrégularités commises durant cette campagne. Maurice Faure ou Étienne Dailly ont parfois ouvertement exprimé leur parti-pris devant les rapporteurs. À tel point que Roland Dumas a dû les rappeler à l’ordre le 3 octobre : "Ce matin (…) la séance a dérapé et nous avons commencé à délibérer en présence des rapporteurs, en commentant leurs conclusions. Ils ont été 'froissés' et me l’ont fait savoir." Ce à quoi Étienne Dailly répondit plus tard : "Savoir ce que les rapporteurs pensent de moi m’est égal. Je ne leur dois aucun compte. Nous, nous avons prêté serment, pas eux." Malgré ce serment qui prévoit que les Sages exercent leurs fonctions "en toute impartialité dans le respect de la Constitution", le Conseil a décidé à l’unanimité de "sauver" le président élu. Concernant le cas d’Édouard Balladur, les conseillers étaient divisés, 4 contre 4, et la voix de Roland Dumas a été déterminante."

"En revanche, les relations avec les rapporteurs ont été beaucoup plus tendues. Lors d’une séance, Roland Dumas interrompt l’un d’eux alors qu’il s’apprête à lire son projet de décision de rejet du compte de Jacques Chirac. "Nous avons compris", lui dit-il... On peut noter qu’à plusieurs reprises, Roland Dumas suspend les séances pour se réunir avec les rapporteurs dans son bureau. Que s’est-il dit lors de ces apartés ? Aucun d’entre eux n’a jamais trahi publiquement son serment de secret. Certains sont encore en fonction aujourd’hui en tant que préfet, conseiller d'État ou président de chambre à la Cour des comptes. À la fin de ces trois mois de procédure, Roland Dumas a souhaité les inviter à déjeuner pour les féliciter de leur travail. Tous ont décliné."

"Des neufs conseillers constitutionnels qui ont participé à ces délibérations, cinq sont aujourd’hui décédés : Georges Abadie, Jean Cabannes, Étienne Dailly, Maurice Faure et Marcel Rudloff. Michel Ameller est âgé de 94 ans, Roland Dumas de 98, Noëlle Lenoir de 72 et Jacques Robert de 92. "

Israël
Le 22 octobre 1996, en visite officielle à Jérusalem (Israël), le Président Jacques Chirac a fait fi de la sécurité. « On voulait serrer la main de Chirac, mais les agents de sécurité israéliens nous repoussaient, raconte Amjad, un vendeur ambulant. Alors votre président s'est énervé et il a dit : C'est de la provocation ! Vous voulez que je reprenne mon avion et que je retourne en France, c'est ça ? » Feignant la colère, le président français a refusé d'entrer dans l'église Sainte-Anne si des soldats israéliens qui assuraient sa protection y entraient. Un lieu devenu Jüdenrein.
« Pour nous, c'était un homme, un vrai. Il n'a pas eu peur des Israéliens. Et il a montré son attachement au peuple palestinien », estime Amjad. Quelques heures après cette visite mouvementée, Jacques Chirac se rendra à Ramallah en Cisjordanie, le siège de l'Autorité palestinienne, situé à une vingtaine de kilomètres au nord de Jérusalem. Dans des rues pavoisées aux couleurs de la France, il est accueilli par une foule en délire ».

« Les Palestiniens n'ont jamais oublié. A l'occasion du départ de Jacques Chirac de l'Elysée, en 2007, la municipalité de Ramallah a inauguré une rue Jack-Chirac ».

Le 4 octobre 2000, le Président Jacques Chirac, accueillant à Paris le Premier ministre israélien Ehud Barak lui a lancé : « Ce n’est pas une politique de tuer des enfants ».

Jacques Chirac est favorable à la « solution à deux Etats », à l’OLP (Organisation de libération de la Palestine) dirigée par Yasser Arafat, au multilatéralisme et à une solution intégrant l’ONU. « Pourtant quand éclate une crise comme celle de Haïti, durant l’hiver 2004, Bush et Chirac trouvent un terrain d’entente et expédient des troupes à Port-au-Prince pour rétablir directement l’ordre et la sécurité  », a relevé Freddy Eytan (Freddy Eytan, « Jacques Chirac, Israël, les Juifs et les Arabes », Le CAPE de Jérusalem, publié le 26 septembre 2019: https://jcpa-lecape.org/jacques-chirac-israel-les-juifs-et-les-arabes).

« A partir de 1995, Arafat sera souvent l’invité d’honneur de Jacques Chirac. Le président français sera le premier chef d’Etat au monde à accepter l’hospitalisation d’Arafat à Paris. Aucun leader arabe n’a eu le courage ou le désir de le faire. Ce n’est qu’après la mort du chef palestinien qu’Hosni Moubarak acceptera des obsèques nationales au Caire. Chirac a choisi de rester fidèle à Arafat, qui le surnommait « Docteur Chirac » jusqu’au bout : il sera l’un des derniers à le voir agoniser dans son lit d’hôpital ». « Selon les journalistes Christophe Boltanski et Eric Aeschimann, auteurs de Chirac d’Arabie (Grasset, 2006), il se serait recueilli en secret devant le corps du défunt et serait sorti « de la salle en larmes ».

En 2004, la France a rendu un hommage officiel à l’aérodrome militaire de Villacoublay en présence du Premier ministre français Jean-Pierre Raffarin.

Nissim Zvili, alors ambassadeur d'Israël en France, a trouvé "que la France n'a pas été sérieuse en faisant figurer sur l'acte de décès de Yasser Arafat, en date du 11 novembre, un lieu de naissance significatif : celui de Jérusalem. "Je ne comprends pas comment cela se fait que le gouvernement français ait accepté de fournir un acte de décès qui est basé sur des faux documents", a-t-il déclaré, jeudi 25 novembre, à Montpellier, au cours d'une conférence de presse. L'administration française fait effectivement état d'une naissance à Jérusalem en se fondant sur le livret de famille de M. Arafat, établi en 1996. Estimant que tout cela est "très mal perçu en Israël", M. Zvili s'est indigné : "Je ne comprends pas comment Arafat est arrivé en France en étant né au Caire et comment il est sorti de France en étant né à Jérusalem." Il a assuré qu'il "fallait poursuivre en justice ceux qui ont fourni un faux document" car, a-t-il ajouté, "il faut lutter contre cette déformation de la vérité".

"L'affaire n'est pas sans importance puisque le président de l'Autorité palestinienne a toujours affirmé qu'il était né dans la ville trois fois sainte et qu'il voulait y être enterré. Ses biographes mentionnent sa venue au monde au Caire le 4 août 1929. Sur le registre des inscriptions de la faculté du génie civil à l'université du Caire, il est précisé qu'Abdel Raouf Arafat, demeurant au 24 bis, rue du Baron-Empain à Héliopolis, est né dans la capitale égyptienne, selon le bureau central de l'état-civil."

« Ses tentatives de rapprochement ont échoué en raison d’une forte défiance israélienne et du poids américain, mais aussi à cause de l’obstination de Chirac à obtenir des résultats immédiats et à cause de certaines maladresses. On ne peut pas mener une politique cohérente et équilibrée au Proche-Orient en proclamant ouvertement ses choix ! C’est insensé : d’avance elle est vouée à l’échec. »

« Chirac a eu quelques succès dans ses interventions discrètes au Liban, en Syrie et en Iran pour la libération de juifs « accusés d’espionnage ». Son feu vert pour libérer des terroristes détenus en France dans le cadre d’un échange global avec des prisonniers israéliens disparus, est aussi un signe de bonne volonté et un geste empreint d’humanité. »

« Chirac aurait pu obtenir la confiance des Israéliens et s’imposer face aux Américains dans le règlement du conflit avec Damas et Beyrouth s’il avait prouvé plus d’habilité et modéré son machiavélisme. »

« Son échec sera cuisant lors de sa démarche pour faire admettre Israël au sein de la Francophonie. Les raisons juridiques ne sont que prétexte et les contraintes auraient pu être surmontées : il s’agit de volonté politique dans un domaine purement culturel et la France possède des moyens pour exercer son influence et des pressions ».

« A partir du deuxième mandat de Chirac, il y a plus de fluidité dans les rapports et les relations sont  devenues moins tendues entre Paris et Jérusalem. La France a compris qu’elle doit séparer les relations bilatérales du conflit avec les Palestiniens et être plus sensible aux soucis sécuritaires des Israéliens. Ainsi la France est devenue le troisième partenaire scientifique d’Israël, son sixième fournisseur et la deuxième destination touristique des Israéliens. Un grand centre culturel français est enfin en construction. Les visites officielles en Israël deviennent plus fréquentes ».

« Chirak »
Dans le monde arabe, Jacques Chirac a manifesté un tropisme pour l’Irak à qui il a vendu la centrale nucléaire Osirak… détruite en 1981 par l’armée israélienne.

Concernant l’intervention d’une alliance en Irak en 2003, Jacques Chirac s’y est opposé en lisant des sondages montrant l’hostilité de la « rue islamique » en France à cette guerre. Selon certains experts, la guerre n’a pas été évitée à cause de lui : Saddam Hussein aurait été prêt à négocier son retrait.

Mais Jacques Chirac a aussi manifesté son intérêt pour le Maroc, l'Arabie saoudite, la Syrie et le Liban.

Juifs, Shoah et antisémitisme
Le 16 juillet 1995, lors de la commémoration du 53e anniversaire de la Rafle du Vél d’Hiv, Jacques Chirac, nouveau Président de la République, a rompu avec le discours officiel de ses prédécesseurs, du général de Gaulle à François Mitterrand. Il a reconnu la responsabilité de la France dans la déportation des Juifs durant l’Occupation : « La France, patrie des Lumières et des Droits de l’Homme, terre d’accueil et d’asile, la France, ce jour-là, accomplissait l’irréparable… Oui, la folie criminelle de l’Occupant a été secondée par des Français, par l’Etat français ».

A l'automne 2000, face à la brutale recrudescence d'agressions antisémites, le Président Jacques Chirac, ainsi que le Premier ministre socialiste Lionel Jospin ont longtemps occulté, minoré, voire parfois excusé cet antisémitisme essentiellement musulman.

"Cette double dimension, nationale et internationale, fut à l’œuvre dès les débuts de la vague antisémite en France, sous la présidence chiraquienne, lorsque, engagé aux côtés du monde arabe contre l’intervention américaine en Irak lors de la guerre du Golfe, Chirac craignait que la révélation de l’existence d’un antisémitisme français fournisse au département d’Etat une occasion de fustiger la France déjà en position difficile vis à vis de son « allié ». Il était en effet persuadé que le Lobby juif américain avait sur la politique américaine une influence décisive. Alerter sur l’antisémitisme fut alors tenu pour un acte anti-français. C’est ainsi que naquit le déni de l’existence de l’antisémitisme en France, dont les métastases sont toujours à l’œuvre... Il emmena ainsi avec lui dans un de ses voyages aux Etats Unis une délégation des notables du judaïsme français chargée de confirmer auprès du judaïsme américain qu’il n’y avait pas en France d’antisémitisme. Ce qu’elle fit et ce dont l’histoire gardera la mémoire", a analysé le professeur Shmuel Trigano dans "Y a t-il un antisionisme d’Etat en France ?"

En 2003, à l’Elysée, lors du 60e anniversaire du CRIF, le Président Jacques Chirac louait l’action de l’organisation juive et fustigeait « l'antisémitisme, contraire à toutes les valeurs de la France. Il est insupportable. Les actes antisémites doivent être combattus sans relâche et poursuivis avec la plus grande sévérité. Personne, en France, ne doit pouvoir être agressé à cause de son origine ou de sa religion ». Il annonçait la future création d’une autorité administrative indépendante chargée de lutter contre les discriminations. Les organisations juives françaises se sont réjouies de cette création qui, espéraient-ils contribuerait efficacement à lutter contre l’antisémitisme. Il a fallu vite déchanter : l’institution en 2004 de la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité (HALDE) correspondait à l’intégration d’une norme européenne par la France. De 2004 à 2011, la HALDE n’a pas manifesté de zèle, et c’est un euphémisme, pour lutter contre l’antisémitisme. Et son premier Président Louis Schweitzer a laissé un « champ de mines », notamment concernant le respect de la laïcité. Le Défenseur des droits a succédé à la HALDE, avec la même inaction concernant l'antisémitisme.

« Nous n’oublions pas qu’il s’est spontanément rendu au chevet du Grand Rabbin de France Joseph Sitruk alors très gravement malade », s’est souvenu le Bureau national de vigilance contre l’antisémitisme (BNVCA).

En juillet 2023, l'association Fils et Filles des Déportés Juifs de France (FFDJF) a installé dans le "Jardin des 4000 enfants déportés du Vel d'Hiv", rue Nélaton, une stèle avec le buste de Jacques Chirac et les formules les plus fortes de son discours du 16 juillet 1995, avec la possibilité de voir sur le smartphone l'intégralité du discours. 
Le 16 juillet 2023, Patricia MirallesSecrétaire d’Etat auprès du ministre des Armées, chargée des Anciens combattants et de la Mémoire, et Anne Hidalgo, maire de Paris, devait se rendre dans ce Jardin.

"Gouvernement des juges" 
A la fin du XXe siècle, la FACO (Faculté libre de droit, d’économie et de gestion), dont le doyen était Henri Mercillon et le directeur Bruno Daru, affirmait se rattacher à « l’esprit et à l’humanisme chrétiens et à tous ses maîtres, attachés aux valeurs morales, intellectuelles et civiques ». Ses Conseils d’administration et supérieur réunissaient des dirigeants d’entreprises ou banques importantes, des édiles locaux, un membre de la Cour de cassation…

Le 26 juin 1996, la FACO a écrit dans une lettre à R. Z., Française juive chargée de TD (Travaux dirigés) de droit administratif en 2e année, qu’elle avait décidé de ne pas « renouveler leur collaboration » en alléguant une « réorganisation des études ». Lors de son entretien d'embauche, Henri Mercillon lui avait demandé si elle était juive, et avait imputé à un membre du cabinet de Raymond Barre, alors Premier ministre, la phrase choquante - « Cet attentat odieux voulait frapper les israélites qui se rendaient à la synagogue et qui a frappé des Français innocents qui traversaient la rue Copernic » - prononcée par le Chef de gouvernement lors de l'attentat terroriste contre la synagogue de la rue Copernic (Paris) en 1980 : "C'était un fils de rabbin. Il aurait du prévenir Raymond Barre" afin qu'il évite une controverse.

Le 28 juin 1996, R. Z. répondait à la FACO : « J’espère qu’aucun soupçon d’antijudaïsme ne plane sur cette décision, à l’instar du triste et choquant épisode qui a précédé mon recrutement à l’hiver 1993-1994 (dénigrement sans fondement et « lié à Israël » d’une enseignante) ».

Afin de défendre ses droits, dans l’impossibilité de trouver un accord amiable avec la FACO - doyenne Isabelle Delforge, Jean-Marie Schmitz, président du Conseil d’administration, Jean-Luc Paret, directeur, comptable Florent Dehaibe -, R. Z. a saisi en 1998 le Conseil des Prud’hommes.

La FACO alléguait que R. Z. aurait été « vacataire » régie par des contrats à durée déterminée (CDD).

Le Conseil prud’homal, composé de Claude Amselle, de Paul Thalamas, de Geneviève Floriot et d’Eliane Quesson en 1998, puis la 18e chambre, section D, de la Cour d’appel de Paris composée d’Alexandre Linden, de Claude Rosello et Brigitte Burdeau en 2000 ont accueilli les demandes de R. Z. : requalification de trois CDD en un contrat à durée indéterminée (CDI), reconnaissance d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse et du non paiement de congés payés, octroi d’indemnités, condamnation sous astreinte à remettre les documents sociaux, etc. 

Mais « Niet » ou montants ridiculeusement faibles pour l’indemnisation des préjudices induits par l’absence de déclaration préalable à l’embauche et de visites médicales, le refus de communication par la FACO - représentée par Me Jean-François Gallerne (Moisand, Boutin & Associés), Me Véronique Beal-Child (Deloitte & Touche), Me Françoise Thouin-Palat, Me Danielle Geugnot -, de documents ou d’informations – notamment de la liste nominative des autres enseignants visés par la « réorganisation des études » afin de déterminer une éventuelle discrimination -, etc. Un refus de communication qui a perduré jusqu’à la fin des procédures judiciaires.

Le statut de cadre revendiqué par R. Z. ? Refusé : R. Z. « ne dirigeait en effet ni un service, ni une équipe, et l’autonomie dont elle disposait était exclusivement de nature pédagogique » (sic). Comme si  le rapport d'autorité inhérent à l'enseignement se distinguait profondément de la direction d'une équipe.

Deux points particulièrement intéressants dans ces procédures où s'est manifesté le "gouvernement des juges".

Primo, la Cour d’appel de Paris a rejeté les demandes de R. Z. pour discriminations dans son licenciement et dans sa rémunération. Se prévalant du Code du travail, d’une convention collective et des brochures de la FACO, R. Z. estimait que son salaire devait être identique à celui du professeur chargé du cours en raison d’un travail « à valeur égale ». Pour la Cour, « les prestations fournies respectivement n’étaient pas comparables… Il importe peu que certaines tâches, telles que la correction de copies d’examen ou de rapports de stage, aient été rémunérées de manière équivalente » (sic). 

Deuxio, la Cour d’appel a éludé la demande de R. Z. soulevant une question préjudicielle relative au calcul de l’indemnité de licenciement. Quésaco ? Quand, dans un litige, le juge saisi doit, pour rendre sa décision, se prononcer sur une question juridique déterminante, mais ne relevant pas de sa compétence, il est tenu de surseoir à statuer et renvoie à l’ordre de juridiction compétent cette question essentielle pour solliciter son avis, et ensuite pouvoir statuer.

A l’appui de sa demande concernant le salaire moyen – calculé sur les trois derniers mois ou sur les six derniers mois d’activité ? – fondant le calcul d'indemnités, R. Z. demandait l’application de l’article R. 122-2 du Code de travail prévoyant la "formule la plus avantageuse pour le salarié". Cet article figure dans la partie « Décrets en Conseil d’Etat », pris après avis obligatoire du Conseil d’Etat coauteur du décret.

Or, s'éloignant de la lettre de cet article, la Cour de cassation avait aligné, sans explication, le régime de l’indemnité de licenciement des vacataires payés à l’heure sur celui des employés rémunérés au mois. Elle semblait s’être inspirée de la circulaire du 1er septembre 1967 prise en application de l’ordonnance et du décret du 13 juillet 1967.

En l’espèce, R. Z. considérait qu’était en partie illégale cette circulaire signée par Jean-Marcel Jeanneney, alors ministre des Affaires sociales, et… Jacques Chirac, alors Secrétaire d’Etat aux Affaires sociales et Président de la République durant tous ces procès.

Pour R. Z., cette circulaire était mixte : en partie interprétative, elle rappelait la teneur de textes cités ; mais en partie réglementaire, elle ajoutait à un décret des prescriptions réglementaires nouvelles, contraires au décret et sans disposer du pouvoir réglementaire pour les édicter, sans habilitation textuelle du ministre et de son Secrétaire d'Etat. Or, seul un autre décret, adopté dans les mêmes règles de forme et de procédure, aurait pu l’abroger, et non un arrêt de la Cour de cassation ou une circulaire ministérielle.

R. Z. considérait que le juge judiciaire devait renvoyer la question préjudicielle au juge administratif, en l’espèce le Conseil d’Etat, seul compétent pour apprécier la validité de cette circulaire. Et R. Z. sollicitait un revirement de jurisprudence par simple application de cet article R. 122-2. Un article plus avantageux financièrement pour R. Z. que cette circulaire.

Si le juge judiciaire peut interpréter un acte réglementaire, il ne peut en apprécier la légalité. Le Conseil d’Etat constaterait, avançait R. Z., que la partie réglementaire de la circulaire était illégale pour incompétence de son auteur – le ministre et son Secrétaire d'Etat n’avaient pas le pouvoir réglementaire pour l’édicter et le Conseil d’Etat n’a pas été consulté – et pour violation du droit. L’absence de consultation du Conseil d’Etat n’est pas considérée par le juge administratif comme un vice de forme, mais comme une illégalité assimilée à une incompétence car le Conseil d’Etat est co-auteur du décret.

Or, aucun juge judiciaire, des Cours d’appel, de Paris et de Versailles, à la Cour de cassation, n’a renvoyé pour avis cette circulaire ministérielle au Conseil d’Etat. Pourquoi ?

En 2002, la Chambre sociale de la Cour de cassation, présidée par Philippe Waquet, conseiller doyen – étaient présents à l’audience Mme Andrich, conseiller référendaire rapporteur, MM. Ransac, Yves Chagny, Jean-Philippe Bouret, Pierre Lanquetin, Mme Lemoine Jeanjean, M. Pierre Bailly, conseillers, Jean-Yves Frouin, Nicole Trassoudaine-Verger, Mme Lebée, MM. Richard de la Tour, Funck-Brentano, Leblanc, conseillers référendaires, M. Kehrig, avocat général - a partiellement cassé l’arrêt de la Cour d’appel de Paris. 

Elle a considéré qu’il incombait à la Cour d’appel de rechercher si la convention collective des organismes de formation mentionnée sur les bulletins de paie édités par la FACO s’appliquait, notamment dans ses dispositions concernant le statut de cadre revendiqué par R. Z. Ce qui avait des conséquences financières dans le calcul des rémunérations et indemnités.

Et la Cour de cassation a renvoyé l’affaire à la Cour d’appel de Versailles.

En 2004, composée par Anne-Marie Foncelle, Magali Bouvier, Pierre Vallée et Jeanne Minini, la Cour d’appel de Versailles a refusé le statut de cadre en se contredisant : « La fonction de cadre niveau F suppose l’exercice par le titulaire du poste de responsabilités pédagogiques… [R. Z.] établissait et choisissait elle-même ses interventions dans le cadre du programme général de droit administratif et son assiduité était contrôlée, avait auparavant enseigné et il n’apparaît pas que [R. Z.] exerçait d’autres activités ni animait une équipe ou assumait d’autres responsabilités… et ne peut pas prétendre au statut de cadre » (sic) !? « En surplus, la FACO précise qu’aucun enseignant n’a le statut de cadre ». Quelle preuve ? Si l’employeur le dit, c’est que c’est vrai !? Quid des droits de la défense ?

La liquidation d’une astreinte pour non remise de documents sociaux et bulletins de paie  par la FACO ? En mai 2000, Muriel Durand, juge de l’exécution (jex) au Tribunal de Grande instance de Paris, a liquidé une astreinte de 161 200 francs (24 610 euros) à… 20 000 francs (3 053 euros). Neuf mois plus tard, en 2001, devant le refus de la FACO de remettre des documents dûment remplis, elle a refusé toute liquidation d’astreinte en alléguant notamment que R. Z. ne justifiait pas du rejet par les ASSEDIC, organisme public alors chargé du traitement des dossiers de demandes d'allocations chômage, souvent après un licenciement, et de leur versement. La lettre de cet organisme a été reçue après l’audience devant la jex qui semblait ignorer le fonctionnement de l'administration : un document incomplet, sans des informations nécessaires car demandées, est rejeté.

Le 4 novembre 1999, le parquet de la Cour d'appel de Paris a répondu à R. Z. que "la procédure prud'homale dont est saisie la 18e chambre de la Cour n'apparaît pas en l'état, -et au regard des principes applicables du droit du travail - présenter de caractère particulier par rapport au contentieux habituel touchant aux requalifications en contrat à durée indéterminée de relations contractuelles initialement conclues à durée déterminée". Or, dès l'origine, rien ne permettait d'affirmer une relation contractuelle conclue à durée déterminée", car le poste était permanent. Autant de violations par une Faculté de droit, banal !?

Le 19 novembre 1999, Informé par R. Z. des violations du droit du travail par la FACO, Marc Domingo avocat général auprès du Procureur de la République, a répondu  à R. Z. : "J'ai communiqué à M. le directeur départemental du travail et de l'emploi les éléments d'information que vous avez bien voulu me transmettre au sujet des infractions à la législation du travail éventuellement imputables à la direction de la" FACO.

Le 7 février 2000 - belle rapidité compte tenu des vacances judiciaires -, Marc Domingo  lui a écrit : « Les investigations effectuées » par ses services « n’ont pas permis d’établir le bien-fondé d’aucun des griefs » mentionnés !? Certaines avaient pourtant été reconnues, parfois sanctionnées, par des magistrats ayant condamné, au civil, la FACO pour ces griefs !? Citons certaines de ces violations du droit pénalement sanctionnées par des amendes de 994 € à 4 971 € :
- Recours à des CDD pour pourvoir à un poste permanent : amende de 25 000 F ;
- Omission de procéder à la déclaration préalable à l'embauche : amende de 10 000 F ;
- Absences de visites médicales : amende de 10 000 F ;
- Non paiement des congés payés : amende de 10 000 F ;
- Absence de toute participation de l'employeur aux frais de transports : amende de 5 000 F ;
- Non délivrance de l'attestation de l'employeur lors du licenciement : amende de 10 000 F;
- Refus de délivrer un certificat de travail : amende de 5 000 F, etc.
Il y avait pour 100 000 F d'amendes, soit près de 20 000 € (Convertisseur : INSEE). N'y avait-il pas là un trouble manifestement illicite à l'ordre public social ? Et des employés de la Direction départementale du travail et de l'emploi n'auraient constaté aucune de ces violations !? 

Laxisme ou impunité judiciaires envers des violations graves du Code du travail, exécution tardive et incomplète de décisions judiciaires par une Faculté de droit, et remise impunie de documents sociaux incomplets – ce qui interdisait la perception d’allocations chômage par R. Z. -, indifférence judiciaire envers des discriminations prouvées, imprécision ou oubli essentiel – mention « condamne » - dans un jugement -, inaction du ministère de l’Emploi et de la Solidarité… Autant d’exemples du « gouvernement des juges » ?

Quelques années plus tard, d’après un juriste, la partie contestée de cette circulaire était validée par une loi…

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Cet article a été publié le 10 février 2020.

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