jeudi 1 novembre 2018

« Lucky Luke - La fabrique du western européen » par Guillaume Podrovnik


Arte rediffusera les 2 et 11 novembre 2018 « Lucky Luke - La fabrique du western européen » (Lucky Luke - Unser liebster einsamer Cowboy), documentaire de Guillaume Podrovnik. « Une incursion alerte dans l'univers inventé par le dessinateur Morris, qui transposa avec humour le mythe américain dans l'imaginaire européen ». 

Astérix 
 Pour fêter les 70 ans du célèbre cow-boy le plus rapide du Far West et son nouvel album La terre promise, Arte diffusa « Lucky Luke - La fabrique du western européen » (Lucky Luke - Unser liebster einsamer Cowboy), documentaire de Guillaume Podrovnik.

« Voilà soixante-dix ans que Lucky Luke tire plus vite que son ombre et arrive à point nommé pour régler les problèmes qui obscurcissent l'horizon de l'Ouest américain. Héros d'albums vendus à 300 millions d'exemplaires, ce personnage lisse – miroir du lecteur, il n'a ni passé ni états d'âme – incarne à jamais le Far West à l'européenne ».

Un succès commercial et critique en près de 80 albums - 350 millions de livres vendus -, traduits en trente langues, et déclinés en films d'animation, séries animées, jeux et jouets, et démultiplié en séries dérivées : Kid Lucky, Rantanplan qui « est très bête » ainsi que le définit son créateur Morris voulant démystifier le célèbre Rintintin.

Ouest américain
« L'Ouest américain a il est vrai fait rêver la génération d'avant la conquête spatiale, à laquelle appartient le jeune Maurice De Bevere, le futur Morris » (1923-2001).

« Grandi dans les mornes plaines agricoles de la Belgique, l'adolescent a besoin d'évasion et se jette sur les premiers dessins animés et les westerns. Plus tard, une parenthèse new-yorkaise aidera le dessinateur à confronter son fantasme de l'Amérique à la réalité ». Avec son Pathé Baby, il se familiarise avec l'animation : plongée, contre-plongée, arrêt sur image, personnage à quatre doigts.

Le western représente l'« appel à l'aventure », le mythe américain, un univers réaliste, avec Jijé, ou fantasmé sur un mode humoristique avec Maurice De Bevere dit Morris. Tom Mix, Joe Hamman, les pionniers du western camarguais posent les bases du western en Amérique et en Europe.

Dessinateur pétri de valeurs chrétiennes, Morris crée Lucky Luke en 1946 – Arizona 1880 parait dans L’Almanach Spirou 1947 (Editions Dupuis) -, avant son départ pour New York.

Lucky Luke est alors « frustre et brutal, fidèle à l’imaginaire américain du western véhiculé par le cinéma, qui a déjà conquis tout le public européen de l’époque ». Les petites villes sont « archétypales », avec peu de femmes, des gens lâches, des habitants « face à la Frontière » (Jul) le saloon...

En 1947, Spirou publie La mine d’or de Dick Digger, puis dès 1949, Lucky Luke est édité dans des revues - Spirou, Pilote, Tintin, Pif Gadget, Paris-Match, VSD - et en albums.

Aux États-Unis, Morris observe la création du magazine « à l'humour explosif  » Mad créé par Harvey Kurtzman et « rencontre René Goscinny avec qui une collaboration fructueuse s'enclenchera à leur retour en Europe ».

En 1955, « avec l’entrée en scène de Goscinny aux manettes du scénario » - Des rails dans la prairie -, Lucky Luke prend son envol. Il aide Morris à inventer un genre totalement novateur, qui mêle l’humour parodique de la BD adulte à la BD d’aventure pour enfants ». 

« Épurée, et elle aussi impeccable, l'esthétique du dessinateur se dévoile : trait sûr, pop art avant l'heure, sens de la mise en scène ».Morris n'aime pas les jeux de mots dont est friand Goscinny qui recourt au comique de situation. Il affectionne la mise en scène, les expressions et la dynamique des personnages. Après avoir dessiné le décor, Morris multiplie les gros plans ou les plans moyens. Il caricature des acteurs et réalisateurs renommés qu'il intègre dans ses albums : David Niven, Alfred Hitchcock. Les histoires sont nourries de l'Histoire de l'Ouest américain, tels Billy the Kid ou le juge Roy Bean. Rassurant pour les enfants, la violence est parodiée, la trajectoire de la balle du revolver est dessinée en pointillés.  

« Deux niveaux de lecture – pour enfants et adultes – apparaissent et un traitement subtil des sombres réalités de la vie (prostitution, alcoolisme…) permet de contourner les règles strictes qui encadrent les publications pour la jeunesse ». En France, la censure supprime certaines images pouvant choquer les enfants, comme celle d'un bébé tétant le revolver de son père.

A la mort de René Goscinny en 1977, Morris poursuit les aventures de Lucky Luke avec divers scénaristes.

En 1983, à la demande du studio Hanna-Barbera, Morris remplace la cigarette par un brin d'herbe.

En 1990, il crée Lucky Productions, dénommés ensuite Lucky Comics, avec Dargaud.

« Dégainant avec autant de vivacité que Lucky Luke », ce documentaire de Guillaume Podrovnik, auteur de « Pif, l’envers du gadget », « navigue avec humour dans son univers et ses influences, à l'aide d'archives dans lesquelles Morris, tiré à quatre épingles, se raconte, et d'extraits de films et de planches. Historiens et auteurs de BD décryptent ce délectable pan de la BD, notamment Jul et Achdé, qui reprennent le flambeau et ont audacieusement propulsé le cow-boy dans la communauté juive new-yorkaise ».

En 2016, "enfin le grand retour de Lucky Luke ! Dans La Terre Promise, Jul et Achdé ont assigné une mission rocambolesque à l'éternel justicier. Lucky Luke doit escorter toute une famille de juifs d'Europe de l'Est à peine débarqués du bateau à Saint Louis jusqu'aux confins de l'Ouest sauvage ! Jusqu'alors, l'homme qui tire plus vite que son ombre avait déjà côtoyé de sacrés originaux. Un prince russe dans Le Grand Duc, un aristocrate anglais dans Le Pied-Tendre, un psychanalyste viennois dans La Guérison des Dalton... Mais lorsque son copain Jack-la-Poisse le supplie de s'occuper de ses parents (à qui il n'a pas osé avouer qu'il était cow-boy et qui le croient avocat à New-York), Lucky Luke n'écoute que son coeur. Avec un grand-père religieux obsédé du shabbat, une mamma décidée à gaver Lucky Luke de carpe farcie, une jeune fille prude qui cherche le mari idéal (avocat ou médecin, mais bon, cow-boy ça va aussi), et un gamin turbulent plus intéressé par le Far-West que par sa Bar Mitsvah, le voyage promet d'être long. Desperados, joueurs de poker, attaques d'indiens féroces (la tribu des "Pieds Noirs" a mauvaise réputation), tout l'univers de Lucky Luke va être confronté à ce choc des cultures. Mais à la fin du voyage, c'est autant notre cow-boy solitaire que sa nouvelle famille d'adoption qui auront appris à surmonter les épreuves et les préjugés." Ce nouvel opus a été tiré à 500 000 exemplaires. Devant son succès immédiat, ce nouvel opus a fait l'objet d'une réimpression.

Le réalisateur Guillaume Podrovnik « multiplie les portes d’entrée pour décrire ce mythe dessiné : les westerns muets de Tom Mix découverts avec émerveillement par le petit Maurice De Bevere au début des années 1930, les classiques cinématographiques qui l’ont marqué adolescent comme La Chevauchée Fantastique, sa vision fantasmée de l’Amérique, son voyage initiatique aux États-Unis, sa lutte contre la censure… »

A l'automne 2018, est sorti Un cow-boy à Paris. "Le sculpteur français Auguste Bartholdi fait une tournée spectaculaire aux États-Unis pour lever des fonds qui lui permettront d'achever la future Statue de la liberté. Mais plusieurs incidents visent la statue et même directement Bartholdi. Lucky Luke est missionné pour escorter le Français, et ce, jusqu'à Paris. C'est un choc culturel pour le cowboy qui, non content de traverser l'Atlantique pour la première fois, découvre la splendeur de la ville lumière, et le mode de vie de ses autochtones, les parisiens".


Lucky Luke - La fabrique du western européen, par Guillaume Podrovnik
Arte France, Label Image, 2016, 53 min
Sur Arte les 18 décembre 2016 à 17 h 35 et 4 janvier 2017 à 3 h 35, 2 novembre 2018 à 22 h 25, 11 novembre 2018 à 6 h 20

Visuels
Lucky Luke, ombre chinoise
Dessinateurs belges Jijé, Morris et Franquin aux Etats-Unis
Morris, à 36 ans
Premier Lucky Luke, 1946
Goscinny et Morris, dessin animé dans les années 1970
Caricature de Goscinny par Morris
Jul et Achdé
Jolly Jumper, dessin animé

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Les citations sont d'Arte. Cet article a été publié le 16 décembre 2016.

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