lundi 1 février 2021

« Vieillir enfermés » d’Eric Gueret

Les personnes âgées ont été les principales victimes de la pandémie de coronavirus. Résidents – c’est le terme officiel - dans des EHPAD (Etablissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes), ils ont été longtemps oubliés du gouvernement français, jusque dans les statistiques morbides égrenées lors de conférences de presse quotidiennes. Arte diffusera le 3 février 2021 « Vieillir enfermés » d’Eric Gueret (Corona - Die eingesperrten Alten) d’Éric Guéret, « Les Ehpad au temps du Covid-19 » (Covid-19: Herausforderung für Pflegeheime) de Barbara Lohr, « Ehpad confiné : la vie dans l'angoisse », « Pascal Ramirez – Ehpad : la vie en autarcie » et « Coronavirus : musique de chambre pour seniors » (Corona: Kammerkonzerte für Senioren) de Mathilde Schnee.

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Durant la pandémie de coronavirus du premier semestre 2020, la France n'a pas protégé ses seniors, a fortiori pas au détriment des jeunes. 

« Je suis enfermée toute la journée... C'est pas une vie à 97 ans... Mes enfants me disent "Maman tiens le coup jusqu'au bout », avait confié Jeanne Pault, isolée dans un Ehpad (Etablissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes). Diffusé durant le confinement du printemps 2020, son témoignage nous avait bouleversés.

Avec des mots simples, Jeanne Pault pleurait en exprimant sa douleur de ne pas pouvoir parler ou voir sa voisine. Toutes deux n'étaient pas atteintes par le coronavirus. 

Ce reportage révélait les effets du confinement induit par l'insuffisance de masques, de tests, de blouses, de lits de réanimation en hôpitaux, de réanimateurs, une gestion politique catastrophique de la pandémie, une technocratie aussi nombreuse qu'inefficace, etc. Une impréparation d'Etat. D'autres images montraient des cadavres de personnes âgées présentées comme ayant été délaissées en plein Paris dans un Ehpad de la municipalité.

Ce confinement a aussi déprimé, ou plongé dans la dépression nombre de personnes âgées. L'état de santé de certaines d'entre elles a pâti de cet isolement : augmentation de la dépendance, pertes d'acquis essentiels (parole, déambulation). 

En juillet 2020, « plusieurs représentants des personnels paramédicaux auditionnés par la commission d’enquête de l’Assemblée nationale, ont évoqué un accès à l’hôpital moindre pour les personnes âgées. « Cruciale », « terrible », « tragique »… Lancinante au plus fort de l’épidémie, la question d’un présumé « tri » des patients à l’entrée des hôpitaux et des services de réanimation a alimenté les interrogations des députés, mardi 7 juillet, alors que la commission d’enquête chargée d’examiner la gestion de la crise sanitaire auditionnait cinq organisations représentatives des personnels hospitaliers ou paramédicaux (CGT, SUD, UNSA, FO, CFDT). »

« Tous les malades ont-ils pu être pris en charge ? Des choix ont-ils été faits en amont, parce que les structures hospitalières étaient saturées ? D’emblée, plusieurs représentants syndicaux ont remis en cause la version officielle, selon laquelle les digues de l’hôpital ont tenu pendant la crise, avec un nombre de lits suffisants pour accueillir les malades. « L’hôpital n’a malheureusement pas pu faire face à la crise sanitaire, il n’en avait plus les moyens », a jugé Astrid Petit, de la CGT Santé. Et ce, pas seulement en raison du manque de masques, de médicaments ou de tests… »

« Nous avons découvert que des recommandations ministérielles conseillaient de maintenir les personnes âgées malades à leur domicile ou dans les Ehpad [établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes], plutôt que de les accueillir à l’hôpital », a affirmé la syndicaliste, évoquant une note du 31 mars. « On se pose la question de pourquoi on les a maintenues [chez elles ou dans leur établissement] plutôt que de leur donner la possibilité d’accéder à l’hôpital, comme n’importe quel patient », a ajouté Mme Petit, en rappelant que « la moitié des décès Covid proviennent des Ehpad ». Mardi, la direction générale de la santé (DGS) a fait état de 10 476 morts dans ces établissements depuis le début de l’épidémie. »

« Relancés par plusieurs députés désireux d’avoir des précisions sur la manière dont se serait opéré ce « tri », les représentants syndicaux se sont retranchés derrière les témoignages venus du terrain. « Ce sont des collègues qui nous disaient : “On ne peut pas envoyer les personnes âgées en réanimation, en service de médecine dans l’hôpital, c’est refusé, on doit se débrouiller, ils sont en train de mourir, on ne sait pas quoi faire, on les regarde mourir” », raconte ainsi Clotilde Cornière, de la CFDT. La syndicaliste poursuit, émue : « Quand vous êtes dans un Ehpad et que vous appelez en disant : “J’ai dix, douze ou treize personnes en détresse respiratoire, comment je fais ?” et qu’on vous dit “débrouillez-vous, on ne peut pas venir les chercher, elles ne peuvent pas descendre à l’hôpital”, le professionnel comprend ce que ça veut dire… Il va faire ce qu’il faut pour soulager. »

« La direction de l'Ehpad, contactée par franceinfo, confirme les difficultés pour la prise en charge à l'hôpital de certains de leurs résidents. "Nous avons eu plusieurs refus du 15, notamment pour la grand-mère de madame Olivia Mokiejewski. Ils nous ont clairement dit qu'ils ne viendraient pas. » (FranceInfo, 28 juillet 2020)

Heureusement, des dirigeants d'Ehpad et le personnel composé de soignants, d'infirmiers et d'aides soignantes sont parvenus à préserver des personnes âgées de la pandémie. Et ce, sans à déplorer des morts. 

La gestion politique effrayante du coronavirus a accéléré des mutations de la société française, aux niveaux national et local. Pour le pire. Et cela suscite des questionnements sur l'avènement d'une société barbare - interdiction de visites de familles de patients juste avant le décès, rites funéraires réduits -, la disparition de « l'Ancien Monde », l'apparition prochaine d'une société sans classes moyennes... Donc des affrontements violents à venir.

« Les Ehpad au temps du Covid-19 »

« Les Ehpad au temps du Covid-19 » (Covid-19: Herausforderung für Pflegeheime) est réalisé par Barbara Lohr.

« Une tragédie humaine inimaginable ». C’est en ces mots que l’Organisation mondiale de la santé (OMS) décrit les ravages du Covid 19 dans les maisons de retraite. »

« Dans certains pays européens jusqu’à la moitié des décès dû au virus ont eu lieu dans ces établissements pour personnes âgées particulièrement vulnérables ». 

« C’est le cas en France avec plus de 8000 morts ». 

« Le virus y a frappé d’autant plus fort qu’il s’attaquait à des structures déjà très affaiblies par le manque chronique de personnels, de moyens et de protections ». 

« Dans ces conditions extrêmes des hommes et des femmes  continuent de prodiguer des soins aux résidents ». 

« Au péril de leur vie et pourtant pour des salaires dérisoires ». 

« Nous avons suivi leur travail dans un Ehpad strasbourgeois où la solidarité et l’engagement des équipes compensent les manquements des autorités. »

« Vieillir enfermés »

Arte diffusera le 3 février 2021 « Vieillir enfermés » (Corona - Die eingesperrten Alten), documentaire d’Eric Gueret. Un film sur les personnes âgées de l'Ehpad Furtado Heine durant la pandémie. 

Cécile Charlotte Furtado, dite Furtado-Heine, était une philanthrope officier de la Légion d'Honneur française juive (1821-1896). Sa famille de banquiers est liée au poète allemand Heinrich Heine et au banquier Michel Heine. Pendant la guerre de 1870, elle soutient la Croix-Rouge et lance un service d’ambulances pour rapatrier des blessés. En 1884, elle finance un hospice pour enfants situé dans la rue dénommée depuis 1897 Furtado-Heine dans le 14e arrondissement de Paris. Elle subventionne la construction de synagogues en France, notamment à Versailles, et en Belgique.

« Le quotidien poignant des équipes dévouées et des résidents esseulés d'un Ehpad frappé par la Covid-19. Un documentaire en immersion dans lequel la pandémie crée un effet de loupe sur les conditions de vie indignes de nos aînés ».

« Mars 2020, à l'Ehpad Furtado-Heine, dans le 14e arrondissement de Paris. "Madame Benichou, on a eu le résultat de votre test. Vous portez le virus du Covid. Il ne faut pas rester dans le couloir, sinon vous allez contaminer les autres résidents", explique Anita Rossi, la directrice, protégée de la tête aux pieds ». 

« Son interlocutrice, une vieille dame postée dans le couloir, le dos courbé mais la parole vive, panique à l'idée de rester cloîtrée dans sa chambre. Sur les 120 résidents, 35 sont malades du virus et 8 en sont déjà décédés. Une partie du personnel est en arrêt maladie et l’autre tente tant bien que mal de faire face. »

« Pendant trois mois, le réalisateur Éric Guéret et son équipe ont partagé le quotidien de cet Ehpad, de ses employés et de ses résidents ». 

« Ce documentaire en immersion raconte l’engagement sans faille de ces héros en blouse blanche, les états que chacun traverse et verbalise tout au long du film, du sentiment de tristesse à celui, plus vertigineux encore, "d'être coupé de ses émotions", sans oublier la peur, le courage, la solidarité et le dévouement ». 

« Au milieu de ce chaos infernal, alors que tous les résidents sont enfermés dans leur chambre et privés de visites, les équipes continuent, dans le peu de temps dont elles disposent, de s’occuper des anciens avec une infinie bienveillance ». Parfois, avec gestes un peu brusques pour donner à manger à une dame âgée.

 "Ici, c'est une infirmière pour 60, voire 120 personnes", déplorent une infirmière. Et une douche par semaine pour les résidents.

Curieusement, le documentariste donne tardivement et trop brièvement la parole aux résidents. Pourtant, les quelques confidences qu'ils font aux aides soignantes révèlent leurs peurs de la solitude, leur tristesse devant les directives d'isolement ou l'ingratitude de leurs enfants, leur souffrance de ne plus voir leurs enfants, leur attente. Quant au personnel de l'Ehpad, il fait preuve d'une lucidité sur les carences graves de l'Etat. 

Le plus effrayant est la description unanime d'une gestion budgétaire exigeant continument des économies au détriment des résidents, des infirmières, des kinésithérapeutes, des psychomotriciens et des aides-soignantes qui doivent effectuer des choix. Faute de soins réguliers par des spécialistes - kinésithérapeutes, psychomotriciens, etc. -, les patients sont moins sollicités, demeurent plus longtemps assis ou dans leur lit, ont des escarres, perdent leur autonomie, nécessitent plus de soins infirmiers, deviennent anormalement vite des grabataires... 

« Ce document poignant, où l'épidémie agit comme un révélateur, incite à regarder en face les conditions de vie dans les Ehpad, des lieux où, par manque de moyens, on meurt du virus mais aussi de ce qu'il amplifie : la solitude et l'ennui ».

« Ehpad confiné : la vie dans l'angoisse »

Arte diffuse sur son site Internet, dans le cadre de « 28 Minutes », « Ehpad confiné : la vie dans l'angoisse ».

« Pascal Champvert est président de l’association des Directeurs au service des Personnes Âgées (AD-PA). Face au coronavirus, il lance un appel à l'aide au gouvernement, pour alerter sur la situation dans les Ehpad. Il témoigne ».  


« Pascal Ramirez – Ehpad : la vie en autarcie »

Arte diffuse sur son site Internet, dans le cadre de « 28 Minutes », « Pascal Ramirez – Ehpad : la vie en autarcie ».

« Directeur d’un Ehpad en Charente, Pascal Ramirez a décidé de s’auto-confiner pendant trois semaines avec son personnel pour protéger ses 58 résidents du coronavirus. L’effort a payé : aucun cas de Covid-19 n’a été recensé dans cet Ehpad ».


« Coronavirus : musique de chambre pour seniors »

Arte diffuse sur son site Internet « Coronavirus : musique de chambre pour seniors » (Corona: Kammerkonzerte für Senioren) de Mathilde Schnee.

« En Allemagne, le confinement a été une véritable épreuve pour les pensionnaires des maisons de retraite : à Berlin, le Deutsche Opera a eu pour idée d'organiser de petits concerts dans les Ehpad ». 

« Cela permet aux musiciens et aux chanteurs de retrouver, un peu, le plaisir de la scène, et aux pensionnaires d'entendre une musique inaccessible pour eux en temps normal ».

« Chambres d'attente » 

« Des personnes âgées isolées au-delà du supportable, du personnel soignant en détresse : le documentaire Vieillir enfermés nous immerge dans un Ehpad parisien frappé par le Covid-19. Entretien avec son réalisateur, Éric Guéret. Propos recueillis par Raphaël Badache ».

« Quand avez-vous commencé à tourner ce film ? 

Éric Guéret : À la mi-mars 2020, lorsque l'on ne connaissait pas encore très bien le virus, et que l'on a compris que les Ehpad allaient subir les plus grandes difficultés. Celui dans lequel j'ai tourné * comptait 120 résidents : un tiers d'entre eux ont été contaminés par le Covid, 12 en sont morts… Une grande partie de l'équipe soignante, formidable de courage et de résilience, demeure traumatisée par ce qu'elle a vécu. 

Pourquoi avez-vous choisi de vous rendre dans un Ehpad ?  

Je voyais en ce lieu un point d'observation de la crise sanitaire. Mais très rapidement, j'ai eu envie de me dégager de ce parti pris pour filmer, durant trois mois, ce que signifie vieillir dans un tel établissement. Vivre le carnage sanitaire fut très éprouvant, mais découvrir le quotidien de ces résidents se révéla encore plus violent, car si la crise est passagère, les conditions de vie de nos anciens, elles, sont durables. 

On a l'impression que vous filmez une prison... 

Effectivement, cette crise isole les résidents, mais les personnes âgées témoignent aussi du fait qu'elles sont enfermées toute l'année, et beaucoup d’entre elles ne sont pas suffisamment autonomes pour sortir seules de l’établissement.

Votre film pose la question du sens de cette fin de vie, alors que les résidents souffrent de solitude... 

C'est l'un des aspects fondamentaux du film. Sans même prendre en compte le Covid, je voulais poser cette question : quel sens y a-t-il à vieillir avec un écran de télévision comme seule fenêtre ouverte sur le monde ? Je n'ai pas la réponse. Je termine ce documentaire par une séquence où l'on voit une dame jouer au solitaire dans sa chambre, et qui prononce ces mots : "Mon seul projet, c'est d'attendre." En réalité, il s'agit d'un film sur la solitude du grand âge.

Vous mettez également en avant le manque flagrant de moyens...  

Il n'y a pas assez de budget pour les kinés, les masseurs, les socio-esthéticiennes, pour tout ce qui relève de la qualité de la vie. Il manque des bras pour promener les résidents, les faire sortir. On les soigne correctement, on prend leur tension, mais même si le personnel fait tout ce qu’il peut pour les accompagner au mieux, les moyens manquent.

* L'Ehpad Furtado-Heine, dans le 14e arrondissement de Paris. »



« Vieillir enfermés » d’Eric Guéret

France, ARTE France, Camera Lucida Productions, 2020, 60 min

Sur Arte les 3 février 2021 à 22 h 40 et 3 mars 2021 à 2 h 45

Disponible du 08/01/2021 au 01/08/2021

Visuels :

L' Ehpad Furtado Heine, dans le 14ème arrondissement de Paris, a subi, avec une extrême violence, le début de l' épidémie de Covid 19. Tout s' est enchaîné très vite depuis le premier cas déclaré le 11 mars dans l' établissement. Il a fallu mettre en place de nouvelles procédures sanitaires, gérer les malades et les morts, rassurer les familles et les résidents

© Camera Lucida


« Les Ehpad au temps du Covid-19 » de Barbara Lohr France

Allemagne, 2020, 6 min

Disponible du 24/04/2020 au 24/04/2023


« Pascal Ramirez – Ehpad : la vie en autarcie »

France, 2020, 5 min

Disponible du 17/04/2020 au 17/04/2021


« Ehpad confiné : la vie dans l'angoisse  »

France, 2020, 8 min

Disponible du 01/04/2020 au 01/04/2021


« Coronavirus : musique de chambre pour seniors » de Mathilde Schnee

France, Allemagne, 2020, 3 min

Disponible du 15/06/2020 au 15/06/2021

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Les citations sont d'Arte. 

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