mercredi 11 octobre 2017

Will Eisner (1917-2005)

Fils d’immigrants juifs, pionnier des bandes dessinées ou comics, Will Eisner (1917-2005) a créé la série The Spirit (1940-1952). En 1978, il a rendu populaire le vocable « roman graphique » en publiant son livre A Contract with God


"Le dialogue soutient l'image - tous deux sont au service de l'histoire", a résumé Will Eisner dans Le récit graphique : Narration et bande dessinée.


« Né le 16 mars 1917, fils d’immigrants juifs autrichiens et roumains, William Erwin - Will Eisner - mène une enfance pauvre dans le quartier de Brooklyn à New York ». 

"Lors d’un mémorable débat à l’école Georges Leven à Paris, le 22 janvier 2002, un débat animé par Benjamin Herzberg pour l’Alliance Israélite universelle, Eisner déclara : « Nous les Juifs, nous sommes le peuple de l’Histoire. Raconter des histoires, c’est le moyen que s’est choisi le peuple juif pour résoudre ses problèmes, pour faire face aux situations les plus extrêmes. » Joann Sfar, présent avec lui face au public, lui rappela les préventions habituelles de la tradition juive face à l’image. Il objecta que l’écriture, après tout, venait du pictogramme, une image, et que la lettre de la Bible était également un dessin. Dès lors, conclut-il, ces préventions sont sans fondement. C’est pourquoi il n’hésita pas à publier en 1984 une version yiddish du Contrat avec Dieu, en lettres hébraïques comme en lettres romanes." 

Will Eisner « admire les planches de Milton Caniff, d’Alex Raymond et George Herriman qu’il découvre dans les journaux qu’il vend dans les rues de Wall Street. Il aime aussi la littérature de Maupassant et d’Ambrose Bierce, les dessins et peintures de Daumier et Vélasquez ».

« Encouragé par son père, peintre contrarié qui se consacre à des travaux peu créatifs, Will se lance dans l’illustration et la bande dessinée, publiant son premier dessin à l’âge de 16 ans ». 

« Avec un associé, Jerry Iger, il ouvre un studio proposant aux éditeurs de comic books des séries « clés en main » et employant des auteurs promus eux aussi à un brillant avenir dans les comics, comme Bob Kane, Bob Powell ou Jack Kirby ».

« A l’âge de 23 ans, il crée une série policière originale : The Spirit, qui paraît de manière hebdomadaire dans les journaux. Elle rencontre un grand succès et sa parution, de 1941 à 1944, devient quotidienne, ce qui oblige Will Eisner à engager des assistants, lesquels assureront la continuité de la série en son absence ». 

« En effet, Will Eisner est mobilisé en mai 1942 par l’US armée. Il met son talent graphique au service de publications militaires ».

En 1945, Will Eisner « revient à la vie civile et se consacre à nouveau au Spirit ». 

« En 1948, il créée une maison d’édition dont les deux premiers titres - autour d’un détective nommé John Law - font un flop, ce qui met un terme rapide à l’aventure éditoriale ». 

Il « abandonne le Spirit en 1952, et fonde l’American Visuals Corporation, société de communication visuelle travaillant pour l’armée et d’autres clients, comme la maison de disque RCA ou encore une équipe de football américain ».

Dans les années 1960, Will Eisner « a conscience que la bande dessinée a changé, avec notamment l’apparition de l’underground. Il s’oriente alors vers ce qu’il n’était encore pas courant d’appeler le « roman graphique » - terme dont il popularisera l’emploi -, et inaugure en 1978 avec A Contract with God la publication d’une vingtaine de récits en noir et blanc au format roman. Il y met en scène des gens ordinaires confrontés à des drames urbains, histoires souvent tissées d’éléments autobiographiques ». 

En février 2002, Will Eisner déclarait au Nouvel Observateur : « Je suis un écrivain qui dessine et un observateur de la condition humaine ». Dans les romans graphiques de Will Eisner, l’ambition littéraire est manifeste. La réception publique et critique sera enthousiaste ».

Dans l’émission 1 livre, 1 jour du 12 juin 2002, Olivier Barrot présentait depuis l’Arizona, La valse des alliances, roman graphique à tendance autobiographique. (Delcourt).

Will Eisner est lauréat de nombreuses récompenses, dont à plusieurs reprises celle des Eisner Awards (prix décernés aux Etats-Unis depuis 1988 aux meilleures bandes dessinées). En 1975, il est Grand Prix de la Ville d’Angoulême.

« Tout en créant ses romans graphiques, Will Eisner enseigne à la School of Visual Arts de New York, expérience qui donnera lieu à trois ouvrages pédagogiques sur l’art de réaliser des bandes dessinées. Ces ouvrages font encore aujourd’hui référence. Will Eisner a non seulement influencé toute une génération d’auteurs mais aussi formé, à une époque où la démarche était loin d’être courante, des étudiants à la narration séquentielle ».

Will Eisner « adapte aussi des classiques littéraires, comme Moby Dick de Melville ainsi qu’un récit inspiré de Dickens, Fagin le juif. Particulièrement sensible à la question de l’antisémitisme, Will Eisner publie sa dernière œuvre en 2005 avec The Plot : The Secret Story of the Protocols of the Elders of Zion, où il raconte l’histoire des Protocoles des Sages de Sion, célèbre faux manuscrit qui se présente comme un plan de conquête des sociétés occidentales par les juifs et les francs-maçons ».

Il décède en 2005 à l’âge de 88 ans.

« Foisonnante tant du point de vue scénaristique que visuelle, l’œuvre d’Eisner rayonne encore et toujours. Signe qu’il était et reste un précurseur, un inventeur. Son graphisme réaliste, certains diront classique, cache une originalité tous azimuts au service d’un vrai regard sur le monde... »

« On ne saurait parler de Will Eisner sans évoquer l’utilisation si particulière qu’il fait de l’ombre et de la lumière. Chez lui, elles sont immédiatement actrices, créant un climat caractéristique. La mélancolie, une certaine inquiétude soufflent dans ses images. Son univers, sombre et ironique à la fois, trouve sa forme graphique et quasi symbolique dans l’ombre portée... »

Les « ambiances sombres d’Eisner plongent notre imaginaire dans l’encre du polar la plus pure, mais elles sont aussi habitées par l’humour et le décalage. Des ombres ou des rais de lumière réels côtoient et chevauchent d’autres, dessinés ou peints, car Eisner aimait se jouer des codes et de leurs illusions ».

"L’Esprit de Will Eisner"
Lors de la 10e édition de la Biennale du 9e art, le musée Thomas Henry à Cherbourg présente l'exposition "L’Esprit de Will Eisner".

« Initié avec Winsor McCay, poursuivi avec Jack Kirby, le cycle américain de la Biennale du 9e art se termine à Cherbourg-en-Cotentin avec un hommage à Will Eisner (1917-2005), père du Spirit et figure de proue du roman graphique. Du 28 mai au 29 août 2021, le musée Thomas Henry explore L’Esprit de Will Eisner à travers une centaine d’oeuvres originales qui retracent les 70 ans de carrière de l’auteur, son attachement à sa ville natale, New York, et son influence sur les auteurs contemporains (Miller, Crumb, Kurtzmann…) »

« Pour ce 3e volet du cycle américain que nous avons initié en 2017, nous parcourons l’univers de Will Eisner, dévoile Louise Hallet, conservatrice du musée Thomas Henry, un des premiers musées de Beaux-Arts à avoir fait entrer la bande dessinée dans ses salles. Après les comic strips de Winsor McCay, les super-héros de comic books de Jack Kirby, il était évident de poursuivre avec The Spirit et le roman graphique de Will Eisner. Son oeuvre prolifique qui s’étend sur 70 ans conserve une grande influence sur les auteurs contemporains. »

"Le musée poursuit également sa collaboration avec Bernard Mahé, proche de Will Eisner, et sa Galerie du 9e art Références qui permet de présenter au public une centaine d’originaux inédits."

L’Esprit de Will Eisner "s’articule autour des temps forts de son œuvre, en faisant la part belle à New York. « Durant un quart de siècle, Will Eisner va produire une multitude de récits centrés sur la vie quotidienne des quartiers populaires new-yorkais. De ses romans graphiques émane une poésie urbaine sombre et décalée, déjà palpable dans ses récits d’aventure policière du début des années 1940. Le Central City du Spirit est totalement inspiré de l’urbanisme de New York, de même que les décors de ses romans graphiques. L’ensemble de son œuvre peut d’ailleurs être considéré comme un hymne à sa ville natale. »

« Un New York qui fait écho au passé transatlantique de Cherbourg ! »

« Will Eisner, né William Erwin Eisner en 1917, a grandi dans le quartier populaire de Brooklyn. Comme beaucoup de jeunes garçons de son milieu, il vend des journaux, après l’école, pour participer aux revenus de la famille. Il y découvre les comic strips de Milton Caniff (Terry & les Pirates), Alex Raymond (Flash Gordon), George Herriman (Krazy Kat) et Elzie C. Segar (Popeye), qui viennent compléter son éducation littéraire et artistique. Encouragé par son père, Eisner commence sa carrière d’auteur par différents contrats allant de la publicité à l’illustration, avant de fonder en 1936, avec Jerry Iger, Eisner & Iger, une société produisant des séries de bande dessinée pour différents journaux et magazines. Il n’a alors que 19 ans. »

« En dépit du succès de l’entreprise, Eisner quitte son partenaire en 1939 pour le Register and Tribune Syndicate, une des nombreuses agences visant à créer du contenu, souvent graphique, pour les maisons de presse quotidienne. Ses nouveaux associés le chargent d’imaginer une série mettant en scène un super-héros, destinée à être publiée dans les suppléments dominicaux de grands journaux, afin de concurrencer le marché des comics alors en plein boom. Eisner propose alors une série centrée sur un détective privé, qui, laissé pour mort, réapparaît sous le pseudonyme du Spirit. »

LE SPIRIT, DE SA CRÉATION…
« Will Eisner a laissé une empreinte indélébile dans la pop culture en créant The Spirit, les aventures en 7 pages de Denny Colt publiées toutes les semaines de 1940 à 1952, toutes ponctuées par une chute surprenante ou humoristique. »
« Loin du standard propulsé par Superman, le Spirit est davantage un héritier du polar : il n’a aucun pouvoir et n’a pas pour vocation de sauver la planète. Eisner s’intéresse davantage au thriller, genre très en vogue dans les années 1930 dans la culture populaire, véhiculée par les pulps et le cinéma, puis dans les journaux, à l’instar de Dick Tracy par Chester Gould, ou encore d’Agent Secret X-9 et de Rip Kirby par Alex Raymond. »
« La série culte du Spirit marquera plusieurs générations d’auteurs, de l’underground des années 1970 (Robert Crumb, Harvey Kurtzman, Wallace Wood) jusqu’à l’âge sombre des comics dans les années 1980 (Frank Miller, Alan Moore, Dave Gibbons, Neil Gaiman). La maturité artistique d’une série comme le Spirit réside dans l’art du découpage, le sens du cadrage et le travail de la lumière, mais également dans l’éclectisme des genres et des sujets abordés. »
« Afin de donner un véritable un aperçu des aventures du détective masqué, la première partie de l’exposition présente 3 récits complets du Spirit parus entre 1946 et 1952. « Eisner s’est inspiré de New York pour créer son double fictif. Les péripéties citadines du Spirit ont pour toile de fond les quartiers populaires et les bas-fonds du Bronx », souligne Louise Hallet, conservatrice du musée Thomas Henry. Si les planches sont évidemment en version originale, un résumé en français donne au visiteur une parfaite compréhension de l’intrigue, un principe fondamental du travail d’Eisner pour lequel « story is everything ».

… À SA REDÉCOUVERTE
« Oublié durant quelques années, le Spirit doit son retour en grâce à l’édition indépendante des années 1970. »
« La 2e salle du parcours rend hommage aux acteurs de l’underground, et principalement à Denis Kitchen des éditions Kitchen Sink, compagnon de route de Will Eisner durant 35 fertiles années de collaboration. »
« Dans cet espace nous montrons comment, au fil des rééditions, The Spirit a pu accéder au statut d’icône de la pop culture mondiale. » »

EISNER/ MILLER : LES VIRTUOSES DU NOIR ET BLANC 
« La 3e partie de l’exposition fait dialoguer l’œuvre de Will Eisner avec celle de Frank Miller, autre icône de la bande dessinée mondiale, autour de l’esthétique du noir et blanc. Des planches remarquables du Spirit font face à celles de Batman : The Dark Knight Returns et de Sin City, réactualisations emblématiques du polar hard-boiled (roman noir). »

L’INVENTION DU ROMAN GRAPHIQUE 
« Après plusieurs années consacrées exclusivement à son agence d’illustration, Will Eisner revient à la bande dessinée en 1978 en inventant une nouvelle forme de narration : le graphic novel ou roman graphique. À travers des œuvres majeures telles que A Contract With God, A Life Force ou Dropsie Avenue, la dernière partie de l’exposition met en lumière le goût prononcé de Will Eisner pour les décors de la banlieue new-yorkaise, l’architecture des brownstones buildings, les ponts et le métro aérien, les habitants. Dans cette seconde carrière d’auteur de bande dessinée, Will Eisner produit des récits plus personnels, évoquant la survie des immigrants européens dans les premières décennies du XXe siècle. »



Du 28 mai au 29 août 2021
Au musée Thomas Henry
Le Quasar
Esplanade de la Laïcité
50100 Cherbourg-en-Cotentin
Tél. : 02 33 23 39 30
Du mardi au vendredi de 10h à 12h30 et de 14h à 18h
Les samedis et dimanches de 13h à 18h
Fermé les lundis et jours fériés

Du 26 janvier au 15 octobre 2017
Au musée de la Bande dessinée et de l’image 
Cité internationale de la bande dessinée
121, rue de Bordeaux. BP 72308. F-16023 Angoulême Cedex
Téléphone : +33 5 45 38 65 65
Du mardi au vendredi de 10 h à 18 h, samedi, dimanche et jours fériés de 14 h à 18 h


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Les citations sont extraites du dossier de presse. Cet article a été publié le 11 octobre 2017

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