lundi 25 mai 2020

De la découverte des camps au retour des déportés


À l’occasion du 75e anniversaire de la découverte des camps nazis d’extermination des Juifs, le Mémorial de la Shoah de Drancy présenta l’exposition « De la découverte des camps au retour des déportés ». Des témoignages de rescapés juifs de la Shoah sur leur vécu de leur libération par les Soviétiques, les Américains, les Britanniques ou les Français, et des variétés de leur rapatriement. Toute l'histoire diffusera le 25 mai 2020 de 06 h 15 à 07 h 10 "1945, Le temps du retour", de Cédric Gruat. 

« Enfants de l'Holocauste - Le refuge de Blankenese » de Raymond Ley 
De la découverte des camps au retour des déportés
Après la Shoah. Rescapés, réfugiés, survivants 1944-1947 
« Le port d’Espérance » de Magnus Gertten 
Roman Vishniac Rediscovered


« Le 27 janvier 2020, la Journée de la mémoire des génocides et de la prévention des crimes contre l’humanité coïncida avec le 75e anniversaire de l’entrée des soviétiques dans les camps. À cette occasion, le Mémorial de la Shoah dédie l’année 2020 aux témoins et présente à Drancy une exposition dédiée à la découverte des camps de la mort à la fin de la guerre. »

« Comment les déportés ont-ils vécu leur libération ? Comment ont-ils été rapatriés en France ? Quel accueil y ont-ils reçu ? A-t-on cherché à entendre ceux qui avaient survécu ? Comment s’organise après-guerre la reconstruction des communautés juives en Europe et la mise en place de la mémoire de la Shoah ? »

« Cette exposition revient sur la diversité des expériences de « libération » des camps par les armées américaines, britanniques, françaises et soviétiques mais aussi sur la diversité des rapatriements, à travers de nombreux témoignages de déportés, ainsi qu’une riche iconographie. »

La coordination générale est assurée par Caroline François et Lucile Lignon, service des activités culturelles du Mémorial de la Shoah, et la rédaction des textes par Jacques Fredj, directeur du Mémorial de la Shoah.

« 75 ans après la Shoah, le Mémorial a voulu donner la parole aux rescapés plus que jamais engagés dans la transmission et le combat contre toute forme de haine et d’intolérance. Notre exposition et le cycle de conversations inédites entre des rescapés, des journalistes, et des artistes ponctueront cette année 2020. Ces paroles, ces engagements constituent un témoignage à préserver et à diffuser très largement. Ils nourrissent notre mission pédagogique et citoyenne contre l’antisémitisme et le racisme pour le présent et pour l’avenir », a écrit Jacques Fredj, directeur du Mémorial de la Shoah.


Guerre et Shoah, 1939-1944
« Le déroulement des événements militaires, entre 1939 et 1944, entraîne la radicalisation de la politique antisémite nazie et conduit à la Shoah. »

« Entre septembre 1939 et l’été 1942, les troupes d’Hitler ne cessent de conquérir de nouveaux territoires. Après la Pologne qui est démembrée, les Pays-Bas, la Belgique, la France, la Grèce et la Yougoslavie sont vaincus et occupés. »

« En juin 1941, la Wehrmacht se lance contre l’URSS et avance très profondément à l’intérieur du territoire soviétique jusqu’à fin 1942. Parallèlement à ces victoires, l’Allemagne nazie met en oeuvre sa politique antisémite qui se radicalise au fur et à mesure des événements militaires. »

« Les Juifs polonais subissent ainsi de terribles violences et sont systématiquement enfermés dans des ghettos, où les conditions de vie sont atroces. En Europe occidentale, les mesures d’exclusion se multiplient. »

« Le basculement dans la politique génocidaire intervient entre l’été et l’hiver 1941. Dans un premier temps, les Juifs d’URSS sont systématiquement assassinés lors de fusillades massives. Dans un second temps, l’entrée en guerre des États-Unis attaqués par le Japon pousse les nazis, convaincus que les « Juifs » seraient responsables de la guerre, à étendre la politique génocidaire à tous les Juifs. Des centres de mise à mort sont alors mis en place en Europe de l’Est, où les nazis assassinent par centaines de milliers, hommes, femmes et enfants, acheminés par train de toute l’Europe. »

« En 1943, ces centres sont détruits et leurs traces effacées une fois l’objectif criminel atteint. »

« Seul le complexe d’Auschwitz, qui a pris le relais, continue alors de fonctionner. L’armée allemande subit ses premiers grands revers en 1943 mais c’est l’année 1944 qui est décisive. »

1944, la défaite de l’Allemagne nazie devient inéluctable
« 1944 est pour l’Europe l’année du début des opérations militaires décisives qui aboutiront à la fin de la guerre. »

« Sur le front Est, les troupes soviétiques lancent de grandes offensives qui repoussent l’armée allemande au-delà de la frontière soviéto-polonaise de 1939. Elles entrent dans les pays Baltes, libèrent l’Ukraine, l’est de la Pologne, la Biélorussie, progressent en Roumanie, Hongrie et Bulgarie. »

« Sur le front Ouest, le 6 juin 1944, après des mois de préparation, d’incertitudes, de diffusion de fausses informations, les Alliés débarquent en Normandie au cours d’une des actions les plus ambitieuses de la Seconde Guerre mondiale. Cette opération inédite rassemble 5 000 embarcations et, dès le premier jour, près de 150 000 hommes débarquent sur les plages de Normandie : des soldats américains, britanniques, australiens et canadiens venus se battre et mourir pour aider l’Europe à se libérer de la dictature nazie. »

« Après quatre années d’occupation, Paris est libérée en août 1944. S’y déroulent alors, comme dans d’autres capitales, des scènes de liesse. »

1944, les persécutions contre les Juifs d’Europe se poursuivent
« Jusqu’au dernier moment, les nazis mènent un combat obsessionnel dont l’objectif final est d’assassiner les Juifs, alors même que se profile la défaite militaire. »

« La Hongrie, qui jusque-là avait refusé d’accéder aux demandes nazies de livrer sa population juive, est envahie par les Allemands en mars 1944. L’amiral Horthy, alors régent du Royaume, cède aux pressions des nazis. Sur les 800 000 Juifs environ qui vivent alors sur le territoire hongrois, 435 000 sont déportés entre le 15 mai et le 19 juillet 1944, avec l’aide de l’administration hongroise. En moins de deux mois, 147 convois quittent la Hongrie pour le camp d’Auschwitz-Birkenau. »

« En Pologne, à partir de juin 1944, à Lodz, le dernier grand ghetto est progressivement vidé, d’abord par des déportations vers le centre de mise à mort de Chelmno, puis vers Auschwitz. »
« En août 1944, il est totalement liquidé. »

En France aussi les exactions continuent
« En France, tout au long de l’année 1944, les Allemands commettent des exactions de toutes sortes, avec l’aide d’un régime de Vichy qui se radicalise, cédant aux plus extrémistes qui ne voient leur salut que dans un rapprochement avec l’Allemagne nazie. »

« Si la Résistance s’unit et intensifie ses actions afin de participer activement à la libération du pays, les représailles allemandes sont terribles : exécution des 23 résistants de l’Affiche rouge le 21 février 1944, assassinat de l’ancien président de la Ligue des droits de l’homme, Victor Basch, des anciens ministres Jean Zay et Georges Mandel, de l’historien Marc Bloch. En juin 1944, des massacres sont perpétrés à Tulle et à Oradour-sur-Glane par des unités de la Waffen SS. »

« De janvier à août 1944, 14 convois de déportation quittent la France, principalement vers Auschwitz. Le dernier grand convoi de déportation quitte Drancy le 31 juillet 1944 avec 1 300 déportés. Le 17 août 1944, Aloïs Brunner, commandant du camp de Drancy depuis juillet 1943, mécontent de n’avoir pu déporter les quelques centaines d’internés juifs restant à Drancy, organise un dernier transport avec 51 internés qu’il convoie lui-même jusqu’au camp de Buchenwald. »

1944, à Auschwitz, l’assassinat des Juifs redouble d’intensité
« Pendant l’année 1944, l’extermination des Juifs d’Europe se déroule essentiellement sur le site d’Auschwitz-Birkenau. »

« De mai à octobre 1944, plus de 600 000 Juifs sont acheminés pour être assassinés à Birkenau où, de mai à juillet, les installations de mise à mort II, III et V, appelées « crématoires », tournent à plein régime. Mais les fours crématoires intégrés à ces installations ne suffisent pas. Les SS font creuser des fosses à proximité du crématoire V afin d’incinérer à ciel ouvert les cadavres des Juifs qui viennent d’être gazés. »

La liquidation des centres de mise à mort
« Les centres de mise à mort ne sont pas libérés par les Alliés. Ils sont démantelés par les nazis eux-mêmes pendant la guerre. »

« Après avoir mené à bien l’extermination d’une partie du judaïsme européen, les centres de mise à mort sont fermés et détruits progressivement par les Allemands pour ne laisser aucune preuve de leurs crimes. Le premier centre à être liquidé est celui de Chelmno, fin mars 1943. »

« Il connaît une brève reprise en juin-juillet 1944, mais les 17 et 18 janvier 1945, ses installations sont incendiées. Treblinka et Sobibor sont évacués à l’automne 1943. Le Kommando qui les avait construits reçoit l’ordre de les détruire et de n’en laisser subsister aucune trace. Sur l’emplacement de Belzec, démantelé pour sa part en juillet 1943, une ferme est construite et un Ukrainien est chargé de l’exploiter. Des pins sont plantés sur les lieux des crimes. »

Les « marches de la mort »
« Face à l’avancée des armées soviétiques, les nazis organisent l’évacuation de dizaines de milliers de prisonniers détenus dans les camps de concentration sur l’ensemble des territoires sous contrôle allemand en Europe de l’Est. Cette évacuation vise surtout à préserver une force de travail importante dont les nazis ont besoin pour maintenir l’économie de guerre allemande, et même si, pour les Juifs, cela vient en contradiction avec la politique d’extermination alors engagée. »

« L’évacuation commence en avril 1944, avec le transfert des prisonniers du camp de Majdanek duquel l’Armée rouge se rapproche. Puis ces marches se généralisent jusqu’à la fin de la guerre, avec comme conséquences un chaos considérable dans l’ensemble des camps concernés. »

« 714 000 prisonniers étaient en vie en janvier 1945. Quatre mois plus tard, 250 000 sont morts, notamment durant ces « Marches de la mort ».

L’évacuation d’Auschwitz
« Fin novembre 1944, Heinrich Himmler donne l’ordre d’arrêter les opérations de gazage et de démanteler les installations de mise à mort. »

« Un Kommando est formé afin de démanteler les crématoires II et III. Néanmoins le crématoire V continue à fonctionner pour l’incinération des prisonniers décédés. IG Farben, immense entreprise industrielle allemande qui exploite la main- d’œuvre juive à Auschwitz III Monowitz, se prépare à évacuer les lieux après avoir vu ses installations bombardées quatre fois en août, en septembre et en décembre. »

« Les milliers de détenus jetés sur les routes sont contraints de marcher plusieurs jours dans le froid et la neige, sans nourriture, jusqu’à ce qu’ils atteignent Gleiwitz. »

« Ceux qui ne sont pas morts d’épuisement ou qui n’ont pas été abattus sommairement sont transférés dans les camps de concentration du Reich où beaucoup perdent la vie. »

Les troupes soviétiques entrent dans les camps 
« Sur le front oriental, les Soviétiques progressent sans réellement prendre la mesure du crime qui a été perpétré. »

« Le 23 juillet 1944, ils pénètrent dans le camp de Lublin-Majdanek, totalement vide. Les nazis avaient pris la peine d’évacuer les prisonniers et de détruire ce qu’ils pouvaient en prévision de l’avancée de l’Armée rouge. Si de nombreux documents et des bâtiments ont été détruits, il reste néanmoins des chambres à gaz, des fours crématoires et certains baraquements. »

« Les principaux centres de mise à mort ont été liquidés pendant la guerre (Treblinka, Sobibor et Belzec). Celui de Chelmno est incendié les 17 et 18 janvier 1945. L’Armée rouge entre fortuitement dans le camp d’Auschwitz dans l’après-midi du 27 janvier 1945. Elle y trouve environ 7 000 ombres vivantes et des milliers de cadavres. »

Libération des camps à l’ouest ?
« Lors de leur avancée, les Anglo-Américains découvrent par hasard les camps qui n’ont jamais constitué un objectif militaire. »

« La découverte de Majdanek par les Soviétiques en juillet 1944, puis du Struthof par les Américains et les Français en novembre de la même année n’ont pas empêché l’improvisation dans laquelle se déroule la libération par les Américains (Ohrdruf, Nordhausen, Buchenwald, Dachau, Mauthausen) et les Britanniques (Bergen-Belsen) des camps de concentration situés en Allemagne. »

« Cette découverte confronte pour la première fois les soldats américains à l’univers concentrationnaire et suscite une vague sans précèdent de reportages filmés et d’articles dans la presse internationale. »

« L’horreur des camps nazis parvient enfin à la connaissance des opinions publiques dans toute l’Europe et bien au-delà. »

Libération des camps ou découverte de l’horreur ?
« À l’exception de Buchenwald en avril 1945 et de Mauthausen en mai 1945, rares sont les camps qui ont été réellement libérés. »

« Les Soviétiques, les Britanniques et les Américains découvrent fortuitement les camps de concentration durant la progression de leurs troupes. La « libération des camps » n’a pas constitué un objectif de la fin de cette guerre car les Alliés, qui ont pour but d’abattre la puissance militaire de l’Allemagne, n’ont pas conscience de l’horreur des camps. »

Le retour des rescapés
« À la Libération, les armées alliées évaluent à 18 millions le nombre de personnes déplacées. Dès la fin des combats, les rescapés se mettent en mouvement à travers l’Europe afin de regagner leur foyer et tenter de reconstruire leur vie. »

« La lenteur des rapatriements organisés par les Alliés contraint certains rescapés à rentrer des camps par leurs propres moyens. À la fin de l’année 1945, la plupart d’entre eux ont néanmoins été rapatriés par les autorités militaires alliées. Toutefois, à la fin du mois d’octobre 1945, un million de personnes déplacées, dont 250 000 Juifs, principalement originaires d’Europe centrale et orientale, sont toujours internées, essentiellement en Allemagne (185 000), en Autriche (45 000) et en Italie (20 000). Parmi elles, les rescapés de la Shoah qui ne souhaitent pas rentrer dans leur pays d’origine. Certains chercheront à regagner la Pologne mais en seront chassés par une vague d’antisémitisme, dont le pogrom de Kielce en juillet 1946, durant lequel 42 Juifs ont été tués, n’est qu’un exemple parmi beaucoup d’autres. »

Les camps de personnes déplacées (Displaced persons)
« Des déportés survivants ne pouvant ou ne voulant pas rentrer dans leur pays d’origine sont regroupés dans des camps de personnes déplacées en attendant que les alliés de l’Europe de l’Ouest proposent une issue à leur situation. »

« Selon le rapport d’une commission d’enquête américaine, remis en août 1945 au président américain Truman, les conditions de vie dans les camps de personnes déplacées (DP) sont difficiles : surpeuplement, mauvais équipement sanitaire et maladresses des militaires qui gardent les DP comme des prisonniers. Ce rapport provoque dans l’opinion publique un débat sur le sort des DP et entraîne l’amélioration des conditions de vie dans certains camps. »

« Dans le même temps, le président Truman intervient personnellement en faveur des réfugiés et des orphelins de guerre par une « Directive du 22 décembre 1945 » permettant d’attribuer en trois ans 35 515 visas américains à des DP, dont 28 000 à des Juifs. Enfin, le président américain demande au Royaume-Uni d’accueillir 100 000 DP en Palestine, mais celui-ci refuse, soucieux de ne pas s’aliéner les populations arabes, s’appuyant sur les quotas définis dans le Livre Blanc de mai 1939. »

Les rapatriements vers la France
« Le rapatriement des déportés de France s’effectue, dans l’ensemble, dans des conditions difficiles. Au sein des 1 500 000 rapatriés que la France doit prendre en charge, l’état physique et mental des quelque 40 000 déportés, Juifs et non-juifs, n’est pas immédiatement pris en compte. »

« Jusqu’à la mi-avril 1945, le vocabulaire utilisé est d’une imprécision significative. Les termes de rapatriés ou de déportés sont employés indifféremment pour désigner les prisonniers de guerre, les travailleurs STO et les déportés politiques ou raciaux. »

« L’organisation des retours a été essentiellement prévue pour les prisonniers de guerre dont le rapatriement est rapide et efficace. Cependant, elle n’est nullement adaptée aux situations tragiques vécues par les déportés des camps nazis dont on avait sous-estimé le sort. »

L’organisation de l’accueil en France
« Des centres spéciaux sont ouverts dans toute la France. »

« Dans un premier temps, le ministère des Prisonniers, Déportés et Réfugiés, dirigé par Henry Frenay, fait de la gare d’Orsay le lieu d’arrivée des déportés rapatriés. Mais l’état des survivants est tel qu’il lui faut mettre en place un vaste centre d’accueil permettant de rassembler, au même endroit, les différents services : le choix se porte sur l’hôtel Lutetia, ancien siège de l’Abwehr (service de renseignements de l’état-major allemand pendant l’Occupation), dans le 6e arrondissement de Paris. »

« D’avril à septembre 1945, la plupart des 40 000 survivants sont directement conduits, lorsqu’ils arrivent d’Allemagne, de la gare de l’Est ou de l’aéroport du Bourget, à l’hôtel Lutetia. Là, ils doivent affronter, massée sur les trottoirs, la foule de ceux qui attendent depuis des jours l’hypothétique retour d’un être cher, brandissant des photos, suppliant ceux qui reviennent de leur fournir des indications. Le hall de l’hôtel est tapissé de photos et de messages. Les déportés y subissent un contrôle de police à l’issue duquel ils reçoivent une carte de rapatrié. »

La reconstruction des communautés juives en Europe
« Lorsque la capitulation allemande est signée le 8 mai 1945, si l’événement signifie la fin des persécutions, l’heure n’est pas aux effusions de joie. Une partie du judaïsme européen a été anéantie. »

« Les survivants parviennent tant bien que mal à regagner leur pays d’origine où ils bénéficient généralement d’une assistance médicale et psychologique sommaire. »

« Pour les institutions juives, la tâche est difficile car les structures des communautés juives ont été détruites, nombre de responsables de communautés et de rabbins ont été assassinés, des synagogues et des cimetières détruits. Après celle d’URSS, la France, dont 75% des Juifs sont parvenus à échapper à la Shoah, devient la plus importante communauté juive d’Europe. »

« La proposition de partage de la Palestine britannique parrainée par les États-Unis et l’URSS est adoptée le 29 novembre 1947 par l’assemblée générale de l’ONU. Elle donne naissance à un État arabe et à un État juif, Israël. Si la majorité des Juifs dispersés dans le monde n’entend pas quitter leur pays pour rejoindre le jeune État d’Israël, l’évènement est unanimement accueilli avec enthousiasme et soulagement chez les Juifs du monde entier, et plus particulièrement chez ceux qui ont réussi à survivre en Europe. »

La mémoire de la Shoah après la guerre
« Dans le contexte de la sortie de guerre et de la reconstruction, notamment politique, mais aussi dans celui de la guerre froide, la spécificité du sort des Juifs durant la Seconde Guerre mondiale est occultée. Cette situation domine jusque dans les années 1980, période durant laquelle la mémoire de la Shoah émerge et affirme sa singularité. »

« En France, cette spécificité du crime commis contre les Juifs et la contribution du régime de Vichy à leur persécution en France sont masquées. Le gaullisme et le communisme incarnent la France de la Résistance et la figure du déporté qui s’impose est celle du déporté résistant de Buchenwald qui s’est vaillamment battu pour la France. »
« Les Juifs, rescapés à moins de 3 %, sont minoritaires face aux 40 % des déportés résistants revenus en France. Pourtant, au sein de la communauté juive, les anciens déportés parlent. »

« Entre 1945 et 1948, 114 témoignages sont publiés, dont le livre de Primo Levi, édité en 1947 qui, loin de se vendre, est pilonné faute de lecteurs. La parole des survivants n’est pas audible au moment où tous les efforts sont tournés vers la reconstruction du pays. »

Le bilan des crimes perpétrés par les nazis
« Par recoupement des données démographiques, on sait aujourd’hui que le bilan de la destruction des Juifs d’Europe oscille entre 5,9 millions et 6,2 millions de victimes : ces chiffres représentent plus de 60 % des Juifs d’Europe, plus du tiers des Juifs du monde. »

« La communauté juive de Pologne est quasi totalement détruite. Comme aussi la plus grande partie des judaïcités balte, grecque, néerlandaise et hongroise. L’attitude des populations et des autorités civiles, le degré d’antisémitisme, la durée de l’occupation comme les conditions géographiques ont joué un rôle déterminant dans le bilan de chacune des nations frappées. »

« À l’échelle de l’Europe, les Juifs ont constitué 54 % de l’effectif des déportés, mais 6 % seulement de celui des retours. »

« En France, en 1945, 59 % des déportés « politiques » sont revenus, mais 3 % seulement des déportés juifs. En 1945, ce qui reste du monde juif se structure autour des États Unis. »

« En 2015, l’État d’Israël rassemble près de la moitié des Juifs du monde, tandis que l’Europe, butte témoin d’une longue histoire, n’en rassemble plus que 12 %. »

"1945, Le temps du retour"
Toute l'histoire diffusera le 25 mai 2020 de 06 h 15 à 07 h 10 "1945, Le temps du retour", de Cédric Gruat. "31 décembre 1944 : alors que la guerre s'achève, de Gaulle inaugure une exposition dénommée "Le front des barbelés" sur les captifs d'Allemagne, une manière pour lui de sensibiliser au sort du million et demi de Français, prisonniers, travailleurs et déportés, disséminés sur le territoire du Reich à l'agonie. C'est à Henri Frenay, ex-prisonnier de guerre et fondateur de Combat, ministre des Prisonniers, Déportés et Réfugiés, qu'est confiée la mission de rapatrier ces « absents ». Une entreprise colossale : il faut les identifier, les localiser et organiser, sous les bombardements alliés, leur transport en seulement quatre mois. En 1945, 1,5 million de Français, prisonniers, déportés ou travailleurs, doivent être rapatriés d’Allemagne. En images d’archives, un passionnant documentaire sur le délicat retour des "absents".

DESTINS

Le Mémorial de la Shoah a rédigé ces portraits de Juifs déportés. Curieusement, les noms patronymiques indiquent qu'ils sont des Juifs ashkénazes. Pourquoi l'absence de Juifs sépharades déportés, notamment judéo-espagnols ou Tunisiens ? Rappelons que la Tunisie était un protectorat français dont des Juifs ont été déportés vers les camps nazis. Citons Victor Cohen Hadria, ancien Bâtonnier de l’Ordre des avocats de Tunis, tué à Auschwitz.

« Elie Wiesel (1928-2018)
Né en 1928 à Sighet en Roumanie, il vit en Transylvanie en zone hongroise. En mai 1944, comme tous les Juifs de cette zone, il est déporté avec sa famille par les nazis à Auschwitz-Birkenau puis, après les « Marches de la mort », à Buchenwald.

André Berkover (1928 - 2016)
André Berkover, né le 29 juillet 1929 à Paris, est le fils de Benjamin Berkover et Sophie Hor. Il habite au 2, rue Félix-Terrier à Paris. Le 29 juin 1944, il est arrêté, puis déporté de Drancy vers Auschwitz par le convoi n° 76 du 30 juin 1944, avec sa mère et son frère Guy.

Roza Robota (1921-1945)
Roza Robota est déportée à Auschwitz en 1942. Regina Safirsztain, Ala Gertner, Ester Wajcblum et Roza Robota travaillent à la fabrique d’armement de l’Union. Elles vont fournir les explosifs aux Sonderkommandos du crématoire IV. Le 7 octobre 1944, ces derniers se soulèvent. Ils attaquent les SS. Très vite maîtrisés, ils seront abattus et les quatre femmes pendues en public durant un appel au mois de janvier 1945.

Hélène Persitz (1912-2006)
Née le 4 août 1912 en Lettonie, elle épouse en France Alexandre Persitz. Bien que détenant de faux papiers, le couple est arrêté sur dénonciation le 22 mars 1944 à Nice puis est transféré à Drancy. Ils sont déportés par le convoi n° 71 parti de Drancy vers Auschwitz le 13 avril 1944.

Aron Bulwa (1928)
Aron Bulwa, né en 1928 à Piotrkow (Pologne), est déporté du ghetto de Lodz à Auschwitz-Birkenau. Après les « Marches de la mort », il arrive au camp de Buchenwald le 20 janvier 1945.

Armand Kohn (1894-1962)
Armand Kohn est né le 15 mars 1894 à Paris.Le 28 juillet 1944, Armand Kohn, sa femme, ses enfants et leur grand-mère sont arrêtés et conduits au camp de Drancy. Ils sont déportés par le convoi n° 79, dernier convoi parti de France. Il quitte Drancy le 17 août 1944 à destination de Buchenwald.

Charles Baron (1926-2016)
Charles Baron est né le 18 juin 1926. Ses parents sont arrêtés lors de la rafle du Vel’ d’Hiv’ et déportés. Quelques mois plus tard, le 12 septembre 1942, il est à son tour arrêté, conduit à Drancy puis déporté au camp d’Auschwitz-Birkenau par le convoi n° 34.

Berel Dov Freiberg (1927-2008)
Berel Dov Freiberg a 14 ans quand il est déporté à Sobibor. Sa famille et lui avaient quitté leur ville de Lvov pour le ghetto de Varsovie. À son arrivée à Sobibor, le jeune homme est sélectionné pour faire partie des Sonderkommandos. Il participe au soulèvement de Sobibor du 14 octobre 1943, et fait partie des 70 survivants du camp à la fin de la guerre.

Simone Veil (1927-2017)
Née Simone Jacob le 13 juillet 1927 à Nice, elle est la fille d’André Jacob et d’Yvonne Steinmetz. Arrêtée le 30 mars 1944, elle est déportée avec sa mère et sa sœur Madeleine vers Auschwitz-Birkenau par le convoi n° 71. Elles sont transférées à Bergen-Belsen où leur mère décède. Les deux sœurs sont libérées le 20 avril 1945. À leur retour en France, elles ne retrouvent que leur sœur Denise, déportée résistante, revenue du camp de Ravensbrück. Leur père et leur frère, déportés par le convoi n° 73, n’ont pas survécu. Ayant obtenu son baccalauréat en 1943 avant sa déportation, elle s’inscrit en 1945 à la faculté de droit et à l’Institut d’études politiques de l’université de Paris. Elle devient une femme politique, plusieurs fois ministre puis présidente du Parlement européen de 1979 à 1982.

Léo Glaeser (1887-1944)
Léo Glaeser, né en 1887 à Riga, est un avocat français, résistant et juif. Secrétaire général du Comité de défense des Juifs en zone libre, il participe à Grenoble en 1943 à la fondation dans la clandestinité du CDJC, Centre de documentation juive contemporaine. Arrêté le 28 juin 1944, il est fusillé par la milice à Rilleux-la-Pape le 29 juin 1944.

Ida Grinspan (1929-2018)
Née Fensterszab, Ida a 14 ans lorsqu’elle est arrêtée sur dénonciation dans un petit village des Deux-Sèvres où elle était cachée. De la prison de Niort, elle est transférée à Drancy puis déportée par le convoi du 10 février 1944 vers Auschwitz-Birkenau. À la libération du camp, Ida est soignée par les Russes pendant trois semaines. Puis, elle est évacuée vers Lüneburg, d’où elle est rapatriée le 30 mai 1945 vers la France.

Robert Waitz (1900-1978)
Robert Waitz est né le 20 mai 1900. À 35 ans, il est professeur agrégé à Strasbourg. Dès janvier 1941, Robert Waitz s’engage dans la Résistance et devient le chef du mouvement Franc-Tireur d’Auvergne. Il est arrêté le 3 juillet 1943 à Clermont-Ferrand et déporté à Auschwitz par le convoi n° 60 du 7 octobre 1943. Il est affecté au camp de Monowitz et sera finalement libéré à Buchenwald.

Henry Bulawko (1918-2011)
Durant l’Occupation, Henry Bulawko rejoint l’équipe du centre Amelot et l’Organisation Juive de Combat. Arrêté au métro Ménilmontant le 19 novembre 1942, les poches pleines de tracts, il est interné à Drancy et déporté quelques mois plus tard. À Auschwitz, puis à Jaworzno, Henry Bulawko forme parmi les Français un groupe de solidarité. Il s’évade pendant les « Marches de la mort » lors d’une halte à Blechhammer. De retour à Paris le 10 mai 1945, il reprend rapidement son action militante et participe en juin à la création de l’Amicale des anciens déportés juifs de France, dont il est d’abord le secrétaire général puis le président. 

Laurent Goldberg (1927)
Né en 1927 à Minsk Mazoviecki (Pologne), Laurent Goldberg arrive en France avec sa famille en 1931. Résistant dans les jeunesses communistes dès le début de l’occupation allemande, il passe clandestinement la frontière espagnole. Il rejoint les Forces françaises libres en 1943. Tirailleur dans la 2e division blindée sous les ordres du général Leclerc, il débarque avec sa division en Normandie en août 1944. Au moment de la libération de Paris, il découvre que ses parents et grands-parents ont été déportés.

Sabine Zlatin (1907-1996)
Sabine Chwast est née le 13 janvier 1907, à Varsovie (Pologne). En 1940, Sabine et son mari, Miron Zlatin, se réfugient à Montpellier. Après l’occupation de la zone sud, ils créent une colonie d’enfants à Izieu (Ain) où ils accueillent et protègent une centaine d’enfants juifs. Le 6 avril 1944, alors que Sabine est à Montpellier, la Maison d’Izieu est raflée et tous les enfants et le personnel sont déportés à Auschwitz.

David Olère (1902-1985)
Né en 1902, il est déporté de Drancy le 2 mars 1943 par le convoi n° 49 vers Auschwitz-Birkenau. Pendant ces deux années de déportation, David Olère est affecté à diverses tâches et commandos, dont le Sonderkommando. En janvier 1945, il est évacué lors des « Marches de la mort ». Il sera libéré au camp de Mauthausen. »


Du 26 janvier au 29 mars 2020
Niveau - 1
110-112 avenue Jean Jaurès. 93700 Drancy
Tél. : 01 42 77 44 72
Entrée libre et gratuite tous les jours, sauf le samedi, de 10 h à 18 h
Visuels :
Affiche
Survivant du camp de Nordhausen aidé par un soldat américain.
Allemagne, mai 1945 / Collection Mémorial de la Shoah
© Mémorial de la Shoah

Rapatriement vers la Pologne des survivants juifs polonais du camp de Breslau. Pologne, mars 1945. ©USHMM, Beit Lohamei Haghetaot


Affiche

Arrivée en gare de Thionville de 426 jeunes rescapés du camp de Buchenwald provenant pour la plupart du camp d’Auschwitz-Birkenau. France, 6 juin 1945 / © Mémorial de la Shoah / OSE

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Les citations sont extraites du dossier de presse. Cet article a été publié le 27 mars 2020, puis le 24 mai 2020.

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