mercredi 11 septembre 2019

« Propaganda - La fabrique du consentement » par Jimmy Leipold


Arte rediffusera le 10 septembre 2019 « Propaganda - La fabrique du consentement » (Edward Bernays und die Wissenschaft der Meinungsmachepar Jimmy Leipold. « Comment influencer les foules ? À travers la figure d’Edward Bernays (1891-1995), l'un des inventeurs du marketing et l'auteur de "Propaganda", un passionnant décryptage des méthodes de la "fabrique du consentement ».

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« Propaganda - La fabrique du consentement » par Jimmy Leipold 
« Propagande - L'art de vendre des mensonges » par Larry Weinstein

« Si les techniques de persuasion des masses apparaissent en Europe à la fin du XIXe siècle pour lutter contre les révoltes ouvrières, elles sont développées aux États-Unis pour convaincre les Américains de s’engager dans la Première Guerre mondiale ». Les Etats-Unis avaient d'abord considéré que la guerre était européenne. Quand ils ont déclaré la guerre, ils ont été amenés à s'interroger sur la manière de faire adhérer l'opinion publique à l'effort de guerre, de promouvoir cette guerre. Une campagne se déroule, inspirée par les spectacles, notamment le cinéma, et la publicité. Des personnalités se prononçaient publiquement en faveur de la guerre. 

« Peu connu du grand public, neveu de Sigmund Freud, l'auteur du livre de référence Propaganda et l'un des inventeurs du marketing, Edward Bernays (1891-1995) en fut l’un des principaux théoriciens ».

Edward Bernays est né à Vienne dans une famille juive. Son arrière-grand père était rabbin à Hambourg. Dans les années 1890, sa famille immigre aux Etats-Unis où son père gagne sa vie dans l'exportation de blé. Diplômé en agriculture de l'université Cornell, Edward Bernays débute comme journaliste. En 1922, il épouse la féministe Doris E. Fleischman (1891-1980), qui collaborera dans l'affaire de son époux.

Il assure les relations publiques/presse des ballets russes, d'artistes tel le ténor Enrico Caruso.

Au sein du Committee on Public Information (CPI), ou Commission Creel, fondé par le Président Wilson, ce publicitaire contribue aux actions lors de la Première Guerre mondiale afin d'obtenir le soutien de l'opinion publique et à celles lors de la Conférence de la Paix à Paris pour diffuser les idéaux et réalisations américains. Les approches psychologiques sont privilégiées, car les sciences humaines ont démontré que les foules étaient mues, non par la raison, mais par des émotions et des instincts. "En moins d'un an, la Commission Creel a retourné l'opinion publique".

Ces approches sont utilisées pour faire adhérer un prolétariat ulcéré par les mauvaises conditions de travail imposées à la société qu'ils ont contestée.

Bernays a travaillé en 1920 sur la première convention de la NAACP (National Association for the Advancement of Colored People) à Atlanta, en Géorgie et en 1928 pour la Jewish Mental Health Society.

Ce conseiller en relations publiques enseigne à l'université de New York et publie son premier livre Crystallizing Public Opinion (1923).

Parmi ses clients : Procter & Gamble, the American Tobacco Company, Cartier Inc., Best Foods, CBS, the United Fruit Company, General Electric. Et le président Hoover.

Pour imposer un petit-déjeuner plantureux, Bernays utilise les médecins, jouissant d'un prestige immense, pour diffuser le message, favorable aux industriels, d'un copieux repas matinal avec œufs et bacon bénéfique pour la santé.

"Ses missions sont variées et ses clients prestigieux. S’agit-il de remonter les ventes du bacon ? Il fait répandre à travers l’Amérique l’idée du petit-déjeuner solide, composé d’œufs et de bacon, sur la foi de conseils recueillis auprès de médecins. S’agit-il de vendre davantage du fameux savon Ivoire de Procter & Gamble ? E. Bernays organise un concours national de sculptures de savon impliquant aussi bien les écoles primaires que des artistes de renom", a écrit Sandrine Aumercier, psychologue clinicienne (« Edward L. Bernays et la propagande », Revue du MAUSS, vol. 30, no. 2, 2007, pp. 452-469).

En dix ans, les habitudes de consommation américaine change. Les agences de publicité prospèrent.


Bernays est aussi l'auteur de Propaganda (1928), Public Relations (1945), The Engineering of Consent (1955). Des livres qui s'inspirent des analyses de Gustave Le Bon, Wilfred Trotter, le journaliste Walter Lippmann et son oncle Sigmund Freud pour théoriser les comportements des foules, leurs motivations irrationnelles. Il utilise la psychologie des masses et la psychanalyse pour mieux les manipuler, amener leur consentement dans la voie souhaitée. Il a aussi indiqué que les nazis, dont Goebbels, avaient lu ses livres et appliqué ses méthodes "en les adaptant, et avec succès malheureusement"


Pour permettre aux industriels du tabac de doubler leur chiffre d'affaires, pour contourner le tabou interdisant aux femmes de fumer, Bernays "enrôle des femmes de la bonne société convaincues que fumer était essentiel pour la liberté des femmes". La parade annuelle à New York pour la fête de Pâques voit défiler des femmes fumant ostensiblement. Bernays recourt au symbole phallique associant la cigarette au pénis.


C'est Bernays qui peaufine l'image de Rockfeller en philanthrope, conçoit des films plaçant le Président Roosevelt au sein de sa famille. Le New Deal est lui aussi promu par des artistes, notamment par des photographes, chargés de montrer la pauvreté induite par la crise de 1929, et donc justifier cette politique d'interventionnisme étatique. Parallèlement un groupement de firmes privées vante la libre entreprise, les bienfaits de la consommation et de l'industrie. En 1939, à New York, l'exposition universelle (New York World's Fair) présente l'avenir américain.

Ce visionnaire, homme mondain, met ses compétences au profit de son pays lors de la Deuxième Guerre mondiale.

Dans les années 1940 et 1950, pour la United Fruit Company, il vante les bienfaits de la banane pour la santé. Lors d'une campagne de trois ans, il souligne aussi la menace communiste au Guatemala, fournit la presse en allégations sur le communisme du gouvernement guatémaltèque.

« Inspirées des codes de la publicité et du divertissement, ces méthodes de « fabrique du consentement » des foules s’adressent aux désirs inconscients de celles-ci ». 

« Les industriels s’en emparent pour lutter contre les grèves avec l’objectif de faire adhérer la classe ouvrière au capitalisme et transformer ainsi le citoyen en consommateur ». Un enjeu crucial lors des grandes grèves dans l'après-guerre et lors de la Guerre froide, période de tensions entre les Etats-Unis et l'Union soviétique.

« En 2001, le magazine Life classait Edward Bernays parmi les cent personnalités américaines les plus influentes du XXe siècle ». 

« Ce documentaire riche en archives retrace, à la lumière d’une analyse critique – dont celle du célèbre linguiste Noam Chomsky –, le parcours de celui qui, entre autres, fit fumer les femmes, inspira le régime nazi, accompagna le New Deal et fut l'artisan du renversement du gouvernement du Guatemala en 1954 ».


« Propaganda - La fabrique du consentement » par Jimmy Leipold
France, 2017, 54 min
Sur Arte les 14 juin 2018 à 10 h 55, 10 septembre 2019 à 23 h 20
Visuels :
Edward Bernays, le publicitaire austro-américain (1891-1995)
Campagne publicitaire pour les cigarettes "Philip Morris" (1951)
Campagne publicitaire pour les cigarettes "Philip Morris" (1953)
Credit : © DR

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Les citations sur le documentaire sont d'Arte. Cet article a été publié le 13 juin 2018.

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