mardi 13 octobre 2020

« Ku Klux Klan, une histoire américaine » de David Korn-Brzoza

Arte diffusera le 13 octobre 2020 « Ku Klux Klan, une histoire américaine » (Der Ku-Klux-Klan - Eine Geschichte des Hasses), de David Korn-Brzoza. « En archives et témoignages éloquents, ce documentaire en deux volets retrace l’histoire méconnue, car en partie refoulée, du "plus ancien groupe terroriste des États-Unis", qui a mis en œuvre par une violence largement impunie ses visées racistes, de 1865 à nos jours ». Présenté par Émilie Aubry.

 « 1963. la marche sur Washington » par Serge Viallet et Pierre Catalan
Stephen Shames - Une rétrospective

« Ku Klux Klan, une histoire américaine » de David Korn-Brzoza

« Pour retracer en détail les quatre vies successives du Ku Klux Klan, David Korn-Brzoza a rassemblé un impressionnant fonds d’archives, alimenté en partie par celles du mouvement lui-même, et rencontré une dizaine d’interlocuteurs : un membre repenti de l’organisation, des vétérans de la lutte pour les droits civiques, le juge pugnace qui, quatorze ans après l’attentat de Birmingham, a poursuivi et condamné ses auteurs, ainsi que différents chercheurs et analystes ». 

« En montrant ainsi combien le mouvement et ses crimes incarnent une histoire et des valeurs collectives, il jette une lumière crue sur cette part d’ombre que l’Amérique blanche peine encore à reconnaître ».

1. « Naissance d'un empire invisible »

« En 1865, une poignée de vétérans sudistes de la guerre de Sécession fondent une société secrète dans le Tennessee et lui donnent le nom de Ku Klux Klan, peut-être en référence au grec kuklos, "le cercle". Par jeu, puis pour terroriser, ils se parent d’attributs pseudo médiévaux, robes et cagoules dissimulant leur identité ». 

« Sur 9 millions d’habitants, 4 millions de Noirs libérés de l’esclavage vivent alors dans les anciens États fédérés du Sud ». 

« En 1868, année électorale, le Klan, qui a grossi rapidement pour se transformer en organisation paramilitaire, multiplie attentats et lynchages pour les dissuader d’exercer leurs nouveaux droits ». 

« Quatre ans plus tard, quand Washington dissout le Klan et envoie l’armée rétablir l’ordre, ses membres et alliés se sont arrogé tous les pouvoirs ». 

« Sous l’égide des lois dites "Jim Crow", une ségrégation impitoyable succède à l’esclavage ». 

« Les images des lynchages, devenus monnaie courante, figurent sur des cartes postales ».

« Quelques décennies plus tard, dans une Amérique en pleine mutation où des millions d’immigrants affluent, le Ku Klux Klan, popularisé par le film de David W. Griffith Naissance d’une nation, qui fait vibrer 50 millions de spectateurs, renaît spectaculairement ». 

« Sous l’impulsion de ses leaders, il élargit son commerce de haine aux immigrants, aux communistes, aux juifs, aux catholiques… » 

« Organisation de masse forte de près de 4 millions de membres, il contribue à faire voter en 1924 une loi limitant l’immigration aux Européens du Nord, qui reste en vigueur pendant plus de quarante ans ». 

« Affaibli par les scandales et la Grande Dépression, puis discrédité après la Seconde Guerre mondiale pour ses sympathies fascistes et nazies, le Klan disparaît pour resurgir une décennie plus tard, avec l’émergence du mouvement pour les droits civiques ».

2. Résurrections 

« Ce second volet couvre la période allant des années 1950 à nos jours ».

« En 1954, la Cour suprême déclare anticonstitutionnelle la ségrégation raciale dans les écoles publiques ». 

« Le Ku Klux Klan se remet alors en ordre de marche et, avec la complicité des autorités locales dans certains États, se déchaîne pour contrer par la terreur un mouvement devenu irrépressible ». 

« En septembre 1963, deux semaines après la marche sur Washington, où des centaines de milliers de personnes ont acclamé le "rêve" de Martin Luther King, des membres du Klan font exploser une bombe dans une église noire de Birmingham en Alabama, tuant quatre jeunes filles ». 

« Ils sont rapidement identifiés, mais J. Edgar Hoover enterre le dossier ». 

« L’année suivante, l’assassinat de trois militants des droits civiques achève de choquer l’opinion et, sous la pression politique, le patron du FBI va enfin agir, tandis que le président Johnson met officiellement fin à la ségrégation ». 

« En quelques années, le Klan va perdre 70 % de ses effectifs et se fondre dans la nébuleuse disparate des suprémacistes blancs, aujourd’hui ragaillardie par la présidence de Donald Trump. »

"Danny Balint"

Danny Balint (The Believer) est un film américain écrit et réalisé par Henry Bean (2001), et interprété par Ryan Gosling et Billy Zane. 

Il s'inspire de la vie de Daniel Burros (1937-1965), skinhead Juif américain antisémite par haine de soi, membre du parti nazi, puis leader du Ku Klux Klan, dans les années 1960. Sa judéité est alors révélée par The New York Times.

Le film a été primé au Sundance Festival.


« Réflexes klaniques »

« Dans un documentaire fouillé, David Korn-Brzoza retrace cent cinquante ans de l’histoire du Ku Klux Klan pour mettre en lumière son héritage, enjeu clé de la présidentielle américaine selon Mark Potok, expert de l’extrême droite américaine au sein du Center for Analysis of the Radical Right, en Alabama et l'un des experts interrogés dans ce film. Propos recueillis par Irène Berelowitch ».

« Le Ku Klux Klan appartient-il aujourd’hui au passé ou au présent de l'Amérique ? 

Mark Potok : Créé juste après la guerre de Sécession, il a rassemblé dans les années 1920, à son apogée, jusqu'à 4 millions de membres – beaucoup plus que n'importe quel parti politique – avant de resurgir avec l'émergence du combat pour les droits civiques, entre 1954 et 1968. Désormais, il se réduit à une trentaine de groupuscules, comptant au plus 5 000 fidèles qui s'accusent mutuellement de trahir l'héritage, et appartient à la vaste nébuleuse d'une extrême droite qu'il ne domine plus. Mais sa violence et son racisme, qui s’enracinent dans l’histoire exceptionnellement longue et brutale de l’esclavage, puis de la ségrégation, continuent d’irriguer des portions importantes de la société. Aujourd’hui, ce passé que le pays n'a jamais véritablement su regarder en face nous revient en pleine figure, au point de se trouver au cœur de l'élection présidentielle de novembre. Ce qui change en partie la donne, c’est la technologie, avec la multiplication des témoignages filmés : il est par exemple très difficile de regarder le meurtre de George Floyd par un policier blanc sans comprendre qu’il s’agit d’un acte raciste. Pour la première fois, selon les sondages, une majorité d’Américains blancs reconnaît d’ailleurs l’existence d’un racisme systémique dans la police.

Donald Trump a-t-il donné un second souffle au racisme d’extrême droite ?

Sans adhérer à la rhétorique révolutionnaire des suprémacistes blancs, qui aujourd’hui aspirent à renverser le gouvernement pour créer un État blanc séparé, Donald Trump leur a donné dès sa première campagne, en 2016, des encouragements très clairs, ce qui a contribué à diffuser leurs idées au-delà de leur cercle activiste. Il a aussi maintes fois légitimé ouvertement la violence à l’encontre des Noirs, des immigrés et d’autres minorités lors de ses meetings, comme tout récemment à Kenosha, dans le Wisconsin, après le meurtre de deux manifestants par un très jeune militant d’extrême droite.

Parce que son opportunisme lui souffle, avec raison, que sa seule chance d’être réélu est d’en appeler aux pires instincts de ce pays, mais aussi, à mon avis, parce qu’il les partage au plus intime de lui-même, il cherche délibérément à attiser les peurs et les haines ancrées dans un imaginaire raciste. Plus largement, il a su catalyser l’angoisse d’un grand nombre d’Américains blancs face aux bouleversements économiques, sociaux et culturels massifs que nous traversons. Le ravage de pans entiers de l'industrie du fait de la mondialisation y contribue, de même, par exemple, que la légalisation des mariages entre personnes de même sexe par la totalité des États de l'Union, qui semblait encore impensable il y a quinze ans. Le fait que les Blancs, qui représentaient 90 % de la population en 1950, en constitueront moins de 50 % d'ici à vingt-cinq ans la renforce. Enfin, bien que nous ayons été nombreux à penser, avant 2008, que l’élection d'un président noir ferait reculer le racisme, il a au contraire augmenté de façon significative au sein de la population blanche durant les deux mandats de Barack Obama, comme si la vision quotidienne d’un homme noir, avec sa femme noire et ses enfants noirs à la Maison-Blanche avait réveillé une forme de rage. Donald Trump est l’incarnation de cet esprit de revanche.

Pensez-vous qu’il peut l’emporter une fois de plus ?

La seule chose que l’on puisse prédire, c’est que s’il est réélu, la situation ne pourra qu’empirer. Il me semble que nous nous trouvons à un point de basculement, comme au moment de la Grande Dépression, quand en 1932, dans un pays dévasté, le peuple américain, tenté par les démons du fascisme, a choisi Franklin Roosevelt et jeté les bases de l’État providence. Mais même si nous passons à côté de l’occasion, ce nationalisme blanc ne peut empêcher la société d’évoluer. Les mariages mixtes n’ont jamais été aussi nombreux, et chaque année, davantage d’Américains non blancs arrivent en âge de voter, ce qui, à terme, le reléguera inéluctablement dans le passé ».


« Ku Klux Klan, une histoire américaine » de David Korn-Brzoza

France, ARTE France, Roche Productions, avec la participation de France Télévisions, 2019

Sur Arte :

1ère partie (56 min) : les 13 octobre 2020 à 20 h 50, 9 novembre 2020 à 1 h 25

2e partie  (58 min) : les 13 octobre 2020 à 21 h 45, / 9 novembre 2020 à 2 h 20

Disponible du 06/10/2020 au 11/12/2020

Disponible en DVD courant octobre.

Visuels : © Library of Congress, Prints & Photographs Division.

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Les citations sont extraites du site d'Arte.

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