jeudi 28 juillet 2016

Louis Stettner, photographe


Né en 1922, le photographe américain Juif Louis Stettner est « probablement le plus francophile des photographes américains » et l’un des plus attentifs à l’être humain. Un artiste qui est aussi dessinateur, peintre et sculpteur, et dont la démarche est marquée par le voyage. Il a photographié, en noir et blanc ainsi qu’en couleurs, New York et Paris sur plus de 60 ans : séries sur la Seine, sur Manhattan Wall. Le Centre Pompidou a présenté l'exposition Louis Stettner. Ici ailleurs.


« New York incite l’esprit à s’élever à travers l’adversité. Paris y parvient à travers l’amour », a déclaré le photographe américain Louis Stettner, né à Brooklyn et amoureux de Paris où il a séjourné longuement, avant de s'y établir, avec sa famille, en 1990.

Louis Stettner « s’est toujours intéressé aux plus humbles. Son œuvre témoigne des grands bouleversements politiques, sociaux et culturels de la seconde moitié du XXe siècle. Elle immortalise ceux qui sont les premiers touchés par la crise ou par la guerre ; l’immigré, l’ouvrier, les exclus qui souffrent dans les rues de Paris et de New York. Dans une époque où l’individualisme et la liberté sont menacés, Stettner met en valeur tout ce qu’il y a d’indivisible et d’individuel en chacun. Preuve de son engagement, Louis Stettner était membre de Photo-League, association très politisée et activiste qui subissait les foudres du Maccarthysme ». 

Une « attention aiguë à l’humain »
Louis Stettner naît en 1922 à Brooklyn, quartier de New-York, dans une famille Juive originaire de l’ex-empire Austro-hongrois.

C’est un enfant curieux qui s’intéresse aux autres cultures, et découvre la photographie à l’âge de 13 ans. Il fréquente assidument le Metropolitan Museum of Art, et notamment ses collections photographiques. Son premier appareil est ancien et en bois. Louis Stettner demeure attaché à ce jour, malgré l’ère du numérique, à la pellicule et à la photographie argentique.

En 1940, Louis Stettner s’engage dans l’Armée américaine comme étudiant ingénieur militaire. Il couvre comme photographe la guerre du Pacifique : Nouvelle-Guinée, Philippines, Japon…

Après 1945, il quitte l’Armée, et poursuit son activité photographique. Il enseigne et adhère à la Photo League, « collectif de photographes engagés, témoignant des réalités sociales et urbaines », dont un fondateur, Sid Grossman, devient un ami.

Influencé par Atget, Stieglitz – un éminent galeriste (An American Place) -, Lewis Hine et Weegee, « encouragé par Paul Strand, Louis Stettner révèle un talent pour la street photography » (photographie de rue), et pratique divers genres : portraits, reportages dans le monde - Chili, Mexique -, natures mortes, paysages, etc.

En 1947, Louis Stettner découvre la France lors de son premier séjour dont la durée était de deux mois. Il y demeure cinq ans. Amoureux de Paris, il photographie ce « port d’attache ».

Il étudie à l’IDHEC, école de formation aux métiers de l’image (photographie, cinéma) et ancêtre de la FEMIS, dont il obtient le diplôme.

Il devient l’ami d’Izis, Willy Ronis, de Boubat, de Cartier-Bresson, de Doisneau et surtout de « son maître » Brassaï « pour lesquels il organise la première grande exposition collective de photographes français aux Etats-Unis. Tous en ont commun une même exigence : capter la vérité intérieure de l’être, le pourquoi de l’existence ».

Louis Stettner visite l’Italie (1947), l’Espagne et la Normandie (1948).

En 1949, la Bibliothèque nationale de France (BNF), expose pour la première fois Louis Stettner au Salon des Indépendants. Louis Stettner travaille pour Time, Fortune…

En 1950, il est primé par Life lors d’une compétition de jeunes photographes.

De retour aux Etats-Unis en 1952, Louis Stettner réalise ses plus célèbres séries de photographies.

Celle sur Penn Station (1958), qui donne à voir l’atmosphère mystérieuse et onirique d’une gare désormais disparue, concentre l’efficacité formelle et la sensibilité du photographe pour ses contemporains ». Cette série fait « écho à la série sur le métro newyorkais (Subway, 1946), à « ses portraits isolés d’usagers des transports, employés fatigués, femmes pensives, couples défaits et absents ».

Louis Stettner enseigne la photographie aux Brooklyn College, Queens College et Cooper Union (1969-1973), puis l’art au W. Post Center de Long Island University (1973-1979).

De 1971 à 1979, il tient la chronique mensuelle de critique photographique Speaking Out, plus tard titrée A Humanist View, pour Camera 35.

Il reçoit le Premier prix du concours mondial de la Pravda en 1975, puis en 1976, donne des conférences au Centre international de photographie (ICP) de New York.

A Paris, Louis Stettner se fixe définitivement. En 1990, il « a pris ses quartiers à Saint-Ouen. Il en arpente le marché aux puces en quête de nouvelles inspirations : natures mortes, photographies trouvées et retravaillées…

Dans les années 2000, il développe en parallèle une grande fresque photographique en couleurs sur New York, Manhattan Pastorale qui évoque en couleurs le chaos énergique » de la ville.

« Comme le disait Brassaï, Louis Stettner est indéniablement un photographe « citadin », qui trouve dans le tissu urbain une inspiration à la fois graphique et humaine, et renouvelée. New York et Paris sont deux pôles de son œuvre, révélant différents aspects de sa personnalité artistique ».

Sur les plus humbles, cet artiste a réalisé des « séries de portraits d’ouvriers ou de femmes dans les années 1970 et de sans-abris en 1986 ».

Dessinateur, peintre abstrait et sculpteur, Louis Stettner a réalisé des œuvres « iconiques » publiées dans de nombreux magazines : Life, Time, Paris-Match, Réalités...

Ses tirages ont été acquis par de grands musées du monde entier.

Sur cet « artiste incontournable de la seconde moitié du 20e siècle », la galerie David Guiraud présente « essentiellement les images prises en France » des années 1940 jusqu’à nos jours. « De Photo-League à la Street Photography et de la Photographie Humaniste aux œuvres récentes tendant vers une abstraction plus marquée, cette exposition est un voyage à travers l’histoire de la photographie, de la France et des Etats-Unis ».

Ce photographe lui a fait don à la BNF de 70 épreuves et 2 portfolios en 1975-1976. L’exposition en la Galerie des donateurs de la BNF en 2012-2013 enrichit ce fonds. Environ 80 images retracent « plus de soixante-dix ans d’un parcours photographique qui a mené ce grand artiste du métro de New York aux trottoirs parisiens via l’Espagne ou le Mexique, avec toujours cette attention si particulière portée à l’humain ».

En 2013, dans le cadre du mois de la photo, deux expositions ont rendu hommage au photographe américain Juif Louis Stettner, « probablement le plus francophile des photographes américains » et l’un des plus attentifs à l’être humain : Louis Stettner, Les chefs d’œuvres à la galerie David GuiraudLouis Stettner, une rétrospective à la BNF. Un artiste qui est aussi dessinateur, peintre et sculpteur, et dont la démarche est marquée par le voyage.

Le Centre Pompidou présente l'exposition Louis Stettner. Ici ailleurs.

"Une rue de Paris à l’aube, un rayon de lumière entre deux gratte-ciels à New York, des reflets sur l’asphalte mouillé. Il y a dans les images de Louis Stettner une qualité atmosphérique que l’on ne voit nulle part ailleurs dans l’histoire de la photographie de la seconde moitié du 20e siècle. Par-delà son attention aux épiphanies lumineuses, le photographe sait aussi capter, avec une incomparable acuité, ce qui fait l’allure d’un être : le rythme de la marche sur les trottoirs des villes, l’abandon d’un corps sur un banc public, le geste précis du travailleur, etc. Il y a dans les images de Louis Stettner une qualité atmosphérique que l'on ne voit nulle part ailleurs", a écrit Clément Chéroux, commissaire de l'exposition, in Code Couleur, n°25, mai-août 2016, pp. 38-39.

Et d'ajouter ; "Né à Brooklyn en 1922, Louis Stettner est l’un des derniers grands photographes américains de cette génération qui soit encore actif aujourd’hui. Il commence la photographie à la fin des années 1930. Photographe pour l’armée américaine dans le Pacifique pendant la Seconde Guerre mondiale, il arrive à Paris en 1946, pour quelques semaines. Il y restera une bonne partie de sa vie. Il capte l’atmosphère de la capitale, mélange de pittoresque et de suranné qui n’a pas encore été ravagé par la modernisation des Trente Glorieuses. De retour à New York en 1952, il enregistre avec virtuosité les ambiances de la ville, les jeux de géométrie ou de lumière".


 Stettner "fait d’incessants allers-retours entre la France et les États-Unis jusqu’en 1990 et son installation définitive à Paris, où il vit toujours. Son œuvre est marquée par cette ambivalence géographique. Très proche de Strand ou de Weegee comme de Boubat et de Brassaï, Stettner est à lui seul un pont entre ces deux continents de la photographie".

"Après l’acquisition en 2013 d’une trentaine d’épreuves, Louis Stettner a souhaité faire don au Centre Pompidou d’un ensemble important d’une centaine de tirages d’époque. Grâce au généreux mécénat de Hervé et Etty Jauffret, ce don s’accompagne d’une nouvelle acquisition de sept tirages d’époque et de l’extraordinaire maquette de Pepe & Tony (1956), un projet de livre jamais réalisé. Cet ensemble d’acquisition/donation permet de faire de la collection du Musée national d’art moderne, le lieu de référence pour l’œuvre photographique de Louis Stettner".

L’exposition vise à "déployer stylistiquement et chronologiquement tout l’œuvre de Louis Stettner. Couvrant près de huit décennies de création, elle dévoile la toute première série du photographe, réalisée dans le Paris de l’après-guerre à l’aide d’une chambre grand-format, à la manière d’Atget, mais aussi le New York en transit des décennies suivantes, sa longue enquête sur les gestes du travail, ou sa toute dernière série réalisée récemment dans le sud de la France, au cœur du massif des Alpilles".

Du 15 juin au 12 septembre 2016
Au Centre Pompidou
Galerie de photographies
75191 Paris cedex 04
Tél. : 00 33 (0)1 44 78 12 33
Du mercredi au lundi de 11 h à 21 h 

Jusqu’au 19 janvier 2013
5, rue du Perche. 75003 Paris
Tél. : +33 (0)1 42 71 78 62
Jusqu’au 27 janvier 2013
A la BNF
Site François-Mitterrand
Quai François-Mauriac. 75706 Paris Cedex 13
Du mardi au samedi de 10 h à 19 h. Dimanche de 13 h à 19 h. Ouverture exceptionnelle jusque 20 h les samedis et dimanches 19, 20, 26 et 27 janvier 2013.

Visuels :
Portrait de Louis Stettner
© Janet Iffland-Stettner 

Louis Stettner
Sailor, Times Square, NYC, 1951 
© Courtesy : Louis Stettner / Galerie David Guiraud
Louis Stettner
Paris, avenue de Châtillon, 1952
© Louis Stettner BnF, Estampes et photographie

Louis Stettner
Girl playing in circles, Penn Station, NYC, 1958
© Courtesy : Louis Stettner / Galerie David Guiraud
Louis Stettner
Manhattan from the Brooklyn Promenade, 1954
© Courtesy : Louis Stettner / Galerie David Guiraud
Louis Stettner
Man sleeping, Manhatan Pastorale, 2011, New York
© Louis Stettner BnF, Estampes et photographie

Louis Stettner
Twin Towers, 1977
© Courtesy : Louis Stettner / Galerie David Guiraud
Louis Stettner 
Ile Saint Louis, Paris, vers 1951
© Louis Stettner BnF, Estampes et photographie

Affiche
Louis Stettner: Tony, série Pepe et Tony, Pêcheurs espagnols, Ibiza, 1956

LOUIS STETTNER
N°15, de la série « Les Alpilles », France, 2014
Collection Centre Pompidou,musée national d’art moderne,
Paris
Don de l’artiste en 2015
© Centre Pompidou/Dist. RMN-GP

© Louis Stettner

LOUIS STETTNER
Brooklyn Promenade, New York, États-Unis
1954
Collection Centre Pompidou, musée national d’art moderne, Paris
Don de Hervé et Etty Jauffret en 2015
© Centre Pompidou/Dist. RMN-GP
© Louis Stettner

LOUIS STETTNER
Lac, État de New York, États-Unis
1952
Collection Centre Pompidou, musée national d’art moderne, Paris
Don de l’artiste en 2015
© Centre Pompidou/Dist. RMN-GP
© Louis Stettner
  
LOUIS STETTNER
Joueurs de cartes
De la série « Penn Station », New York, États-Unis, 1958
Collection Centre Pompidou, musée national d’art moderne, Paris
Don de l’artiste en 2015
© Centre Pompidou/Dist. RMN-GP
© Louis Stettner

LOUIS STETTNER
Manifestation politique, New York, États-Unis
1975-1977
Collection Centre Pompidou, musée national
d’art moderne, Paris. Don de l’artiste en 2015
© Centre Pompidou/Dist. RMN-GP

© Louis Stettner

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Les citations proviennent des dossiers de presse. Cet article a été publié le 10 janvier 2013, puis le 28 juillet 2016.

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